2. DÉFINITION, SOURCES ET CLASSIFICATION DES INFRACTIONS

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L'importance de la division tripartite

*Elle est caractéristique du droit français et de quelques autres* En effet, le droit comparé montre que beaucoup de pays préfèrent une division en deux et qu'une grande partie de ce que nous mettons dans les contraventions ne relève pas du droit pénal mais d'autres formes de sanctions. *Elle est fondée sur la gravité des faits* Dans sa version de 1983, l'avant-projet de code pénal (article 1) était ainsi rédigé : « les crimes et délits sont des atteintes aux valeurs essentielles de la société. Les contraventions sont des atteintes à l'organisation de la vie sociale ». Bien que cette formulation n'ait pas été conservée, la distinction tripartite révèle une hiérarchie de valeurs à un moment donné. Disons plus précisément qu'elle devrait révéler cette hiérarchie. Car les choix du législateur ne s'expliquent pas toujours par des considérations morales ou sociales. Il en est qui sont purement techniques. En matière de circulation routière, par exemple, il est assez fréquent que des délits soient « contraventionnalisés ». Cela ne signifie pas que la faute est devenue moins grave, mais que l'on cherche à la punir plus rapidement sans encombrer, jusqu'à les asphyxier, les tribunaux correctionnels. *Elle a de très nombreuses conséquences en droit pénal général et en procédure pénale* La plus connue est que les juridictions de jugement sont différentes. Les crimes sont jugés par la cour d'assises composée de magistrats et de jurés. Les délits sont jugés par le tribunal correctionnel ; on entend, avec ce qualificatif très XIXe siècle, que l'irrémédiable n'a peut-être pas été commis, que le mal, ou le délinquant sont susceptibles d'être « corrigés ». Les contraventions sont jugées par le tribunal de police ou, depuis 2005 et jusqu'au 1er janvier 2015, par le juge dit de proximité.

La hiérarchie des normes

1. La Constitution (bloc de constitutionnalité) et les principes généraux de valeur constitutionnelle 2. Les traités internationaux, parmi lesquels la Convention européenne des droits de l'homme. 3. Les lois organiques. 4a. Les lois ordinaires (article 34 de la Constitution) et des principes généraux de valeur législative. 4b. Sur le même niveau : les décrets autonomes (article 37 de la Constitution). 5. Les décrets d'application. 6. Les arrêtés, avec une hiérarchie entre les arrêtés ministériels, préfectoraux et municipaux.

Où l'on s'écarte du droit commun pour des raisons dans l'ensemble in favorem

*Infractions politiques* Au XIXe siècle, s'est construite une conception très romantique du délinquant politique, sous l'influence de Lamartine, Guizot et quelques autres. Il était distingué des « droits communs » pour un certain souci de l'intérêt collectif et, surtout, le caractère contingent de son statut : délinquants aujourd'hui, possiblement ministre ou plus demain. C'est pourquoi la peine de mort fut abolie, en matière politique, par la Constitution de 1848 et l'extradition interdite par de nombreuses conventions internationales et une loi de 1927. C'est pourquoi aussi, pour les crimes, s'appliquait la détention criminelle (V. leçon 10) et non pas la réclusion criminelle (V. leçon 10) ainsi que d'autres règles plus favorables du régime d'exécution de la peine privative de liberté... Il était alors extrêmement important de faire la différence. Mais la seconde moitié du XXe siècle a considérablement changé la donne. D'une part, le régime de détention s'est libéralisé pour tout le monde (suppression, même pour les détenus de droit commun, de l'obligation de porter le « costume pénal »...) et la peine de mort a été abolie pour tous (après avoir été réintroduite, en matière politique, au moment de la Deuxième Guerre Mondiale et de la guerre d'Algérie). D'autre part, alors que le principe de la non extradition est théoriquement maintenu en matière politique, il a été jugé puis écrit dans de nombreux textes que le terrorisme ne devait pas être considéré comme une infraction politique. Au résultat, alors que la distinction a de moins en moins d'intérêts pratiques, la question est écartée dans les cas les plus intéressants. *Infractions militaires* En ce domaine également, l'extradition est interdite et quelques règles in favorem subsistent, comme en matière de récidive (V. leçon 10) ou de sursis (V. leçon 10). Mais les juridictions militaires (tribunaux permanents des forces armées) ont été supprimées en temps de paix. La distinction a ainsi perdu une partie de ses intérêts et, avec elle, toutes les variantes qu'il faut conjuguer : infractions figurant dans le code de justice militaire ou infractions ordinaires commises par des militaires ; dans l'exécution du service ou dans la vie courante ; en France ou à l'étranger. *Infractions de presse* Les « délits de presse » - en démocratie, il ne saurait y avoir de crimes en la matière - ont un régime particulier dont témoigne encore une grande et vieille loi du 29 juillet 1881, souvent modifiée. Le but en est de protéger la liberté de la communication. On en trouve des manifestations dans le droit de la prescription (plus courte) ou dans l'impossibilité de recourir à certaines procédures rapides de jugement.

« Lorsque, de cet examen, dépend la solution du procès »

*L'acte administratif sert de fondement aux poursuites, et c'est alors la personne poursuivie qui invoque l'illégalité pour sa défense* C'est toujours le cas en matière contraventionnelle où « l'élément légal » est un décret dont on peut contester la légalité. Ce peut être également le cas en matière délictuelle lorsque l'élément matériel de l'infraction consiste dans le non-respect d'une réglementation économique (exemple de la fraude fiscale réprimée par le code général des impôts) ou technique (exemple de la falsification de produits servant à l'alimentation, réprimée par le code de la consommation). Ou encore, toujours en matière délictuelle, lorsque la loi définit l'élément matériel comme le non-respect d'une décision administrative. Je demande un permis de construire qui m'est refusé ou accordé sous conditions. Je construis néanmoins sans tenir compte des conditions. Poursuivi en application du code de l'urbanisme, je conteste la légalité de la décision préfectorale. *L'acte administratif est invoqué comme moyen de défense, et c'est alors le ministère public qui en invoque l'illégalité* C'est l'hypothèse inverse. Poursuivi pour conduite sans permis, en application du code de la route, je soutiens avoir obtenu mon permis et je fais état d'une décision administrative dont le ministère public conteste la légalité. Un autre exemple peut se présenter lorsque la personne poursuivie prétend avoir agi sur ordre ou bénéficier, au moment des faits, d'une permission ou d'une tolérance administrative, faits justificatifs prévus par l'article 122-4 (V. infra). Le parquet peut alors contester la légalité des décisions ou positions administratives dont on prétend qu'elles viennent contrarier l'accusation.

Variantes

*Le comportement incriminé est une abstention* Par opposition aux infractions de commission (violation d'une interdiction d'agir), on parle alors d'infraction D'OMISSION (violation d'une obligation d'agir). Il y en a beaucoup en matière contraventionnelle, moins en matière délictuelle. On peut citer les délits de non-assistance à personne en péril (article 223-6, alinéa 2 CP), d'abandon de famille qui est une infraction de non-paiement d'une pension alimentaire par exemple (article 227-3 CP), de non représentation d'enfants lorsqu'un mineur n'est pas conduit par les personnes qui en ont la garde à ceux qui ont le droit de le voir par exemple (article 227-5 CP). Ces infractions posent un problème de localisation dans l'espace. L'auteur n'a rien fait. Rien c'est où ? La solution est que l'infraction est commise au lieu où se trouve le créancier de l'obligation. Si le parent qui doit payer est en Allemagne et que le tiers de l'obligation alimentaire est en France, l'infraction sera poursuivie en France. *Le comportement incriminé est susceptible de se prolonger dans le temps* Par opposition aux infractions instantanées, on parle alors d'infraction CONTINUE (SUCCESSIVE). Ce sont le port illégal de décoration (article 433-14, 1° CP) et le recel (article 321-1 CP). « Porter » une décoration, « dissimuler », « détenir » une chose que l'on savait provenir d'une origine délictueuse sont des comportements qui peuvent durer. C'est une activité et non seulement un acte qui est incriminé. Le principal problème soulevé par ces infractions est celui de leur localisation dans le temps. Mais, les auteurs étant susceptibles de se déplacer, le problème se pose aussi dans l'espace. *Solution dans le temps* : l'infraction est consommée dès le départ (port illégal de décoration dont l'auteur ne serait apparu qu'une poignée de secondes à la télévision) ; mais, si le comportement se prolonge, le point de départ de la prescription est repoussé d'autant (idem pour une loi qui augmenterait les peines applicables au recel, qui s'appliquerait pour des infractions commencées avant son entrée en vigueur, mais pour la seule période postérieure à cette date). *Solution dans l'espace* : l'infraction se commet et peut être poursuivie partout où passe l'auteur. *Le comportement incriminé comprend plusieurs actes d'exécution* L'infraction qui se réalise par des actes différents est dite COMPLEXE. L'escroquerie (article 313-1 CP) en est un exemple. Si le voleur est celui qui prend, l'escroc, plus malin, est celui qui se fait remettre l'objet convoité par la victime qui ne se rend pas compte, à ce moment-là, qu'elle est victime d'une infraction. Car, préalablement, l'auteur a « préparé son coup » par différentes manœuvres ou mises en scène qui sont des premiers actes d'exécution. Se faire remettre la chose ou l'argent par ladite victime elle-même, c'est un nouvel acte qui achève l'infraction. Dans le temps, le régime des infractions complexes est le suivant : il n'y a pas de consommation, donc pas de poursuites possibles, tant que le dernier acte n'a pas été accompli. Ce dernier, qui consomme, instantanément, l'infraction, est le point de départ de la prescription de l'action publique. Dans l'espace : l'infraction est localisée, après coup, dans chaque endroit où un acte a été accompli. Les manœuvres de l'escroc (belge) ont commencé par des courriers envoyés de Belgique ; puis il est venu rencontrer sa (future) victime en France ; enfin, c'est en Suisse que la victime est-elle même venue déposer l'argent sur un compte (aussitôt vidé). Les poursuites seront possibles dans les trois Etats. L'infraction qui suppose la réitération d'un acte semblable est dite D'HABITUDE. Une fois ne suffit pas pour qu'il y ait infraction. Il faut habitude, répétition. L'exercice illégal de la médecine (code de la santé publique) en est un exemple. Il en est de même de la provocation d'un mineur à la consommation d'alcool (article 227-19 CP : « consommation habituelle et excessive ») alors que la provocation à l'usage de stupéfiants (article 227-18 CP) est une infraction simple. On applique alors les règles suivantes : l'infraction est consommée dès le deuxième acte (jurisprudence sévère) ; le point de départ de la prescription est repoussé tant que l'habitude n'a pas cessé (= infraction continue) ; localisation partout où un acte a eu lieu (= infraction complexe).

Certains auteurs présentent l'infraction en quatre éléments

- *Un élément légal* En effet, il ne peut y avoir d'infraction sans qu'une loi (au sens large) l'ait prévue. - *Un élément matériel* On ne fait pas de procès d'intention. Il faut que la transgression s'extériorise, se matérialise dans une activité criminelle. - *Un élément moral ou psychologique* Il ne suffit pas que la norme ait été matériellement violée. Encore faut-il prendre en considération l'état d'esprit de la personne au moment de son acte et vérifier que, jouissant de toutes ses facultés mentales, elle a commis une faute. - *Un élément injuste* Car il se pourrait que, dans certaines situations concrètes, les trois éléments qui précèdent ne conduisent pas à une violation du droit. Exemple : alors qu'il est interdit de tuer ou de causer des blessures à autrui (élément légal), un gendarme fait usage de son arme à feu et atteint le malfaiteur visé (élément matériel) en toute lucidité et avec l'intention de le toucher à la jambe (élément moral). Pourtant ce gendarme n'est pas punissable de violence ayant entraîné une infirmité permanente ou une incapacité totale de travail (ITT) d'une certaine durée (nouvelle qualification de coups et blessures volontaires variant en fonction de l'importance du dommage). Son comportement ne porte pas atteinte à des valeurs protégées par le droit. Il est « juste ».

Aspect constitutionnel : répartition entre le législatif et l'exécutif

Article 111-2 : La loi détermine les crimes et délits et fixe les peines applicables à leurs auteurs. Le règlement détermine les contraventions et fixe, dans les limites et selon les distinctions établies par la loi, les peines applicables aux contrevenants. Brièvement, cet article appelle quatre remarques. 1) C'est la transposition des articles 34 et 37 de la Constitution. Le premier n'attribue à la loi que la définition des « crimes et délits », ce qui était peut-être une formule pour désigner l'ensemble des infractions comme cela s'utilisait parfois à l'époque. Mais c'est une autre interprétation qui a été retenue et les contraventions sont « tombées » dans le domaine du règlement comme tout ce qui ne relève pas de la compétence législative. 2) Règlements désignent ici des décrets pris par le gouvernement après avis du Conseil d'État, décrets « en » Conseil d'État trouve-t-on dans l'intitulé de la deuxième partie du code (V. leçon 1, section 3, A, 1) et dans l'article R.610-1. 3) Les contravention ainsi que les classes dont elles relèvent sont déterminées par le seul règlement. Mais, pour les peines (V. leçon 10), le gouvernement doit tenir compte des « limites » - Article 131-12 où l'on voit qu'il ne peut plus y avoir d'emprisonnement en matière contraventionnelle. et des « distinctions » - Article 131-13 qui prévoit cinq classes de contraventions et les peines d'amende correspondant. 4) L'article 111-2 ne s'attache qu'au pouvoir d'incriminer. Il ne dit rien des obligations du rédacteur du texte telles qu'elles résultent aujourd'hui d'exigences constitutionnelles ou de la Convention européenne des droits de l'homme. Ainsi les textes doivent-ils avoir certaines qualités : clarté et précision de la rédaction, nécessité des incriminations et proportionnalité des sanctions, égalité... Certes, pe,da,t longtemps, le non-respect de ces exigences restait assez peu sanctionné. Mais, depuis quelques décennies, la jurisprudence relative à ces questions est de plus en plus importante. Elle provient de quatre juridictions, chacune intervenant dans son domaine propre : la Cour européenne des droits de l'homme; le Conseil constitutionnel dont le rôle s'est considérablement accru avec l'entrée en vigueur, en 2010, de la QPC (question prioritaire de constitutionnalité); le Conseil d'État ; les juridictions pénales elles-mêmes lorsqu'elles sont amenées à contrôler la conformité du droit français au droit international (contrôle de conventionnalité) ou la légalité (au sens large, incluant la constitutionnalité et la conventionnalité) des règlements administratifs. Sur ce dernier aspect, v. infra section 3.

Aspect droits de l'homme : garantie pour le justiciable

Article 111-3 : Nul ne peut être puni pour un crime ou pour un délit dont les éléments ne sont pas définis par la loi, ou pour une contravention dont les éléments ne sont pas définis par le règlement. Nul ne peut être puni d'une peine qui n'est pas prévue par la loi, si l'infraction est un crime ou un délit, ou par le règlement, si l'infraction est une contravention. On retrouve dans ce texte les mêmes ingrédients : - Classification des infractions ; - Compétences respectives de la loi du règlement ; - Application du principe aux infractions et aux peines. Deux brèves remarques complémentaires. 1) Dans ce texte, ainsi que dans le code de procédure pénale, on découvre que le droit pénal est aussi la protection de la liberté. Parce que tout ce qui n'est pas textuellement interdit est permis, en tout cas ne saurait être pénalement sanctionné. Où l'on découvre aussi que le « vide juridique » est une expression qui ne doit pas être systématiquement connotée comme négative ainsi que le font les médias vendeurs et les victimes souffrantes. Le « vide », en droit pénal, ce n'est ni plus ni moins que notre liberté ! 2) Ajoutons, en revenant au droit constitutionnel, que le respect de ce texte est confié aux juridictions de l'ordre judiciaire : juge de proximité, tribunal de police, tribunal correctionnel et cour d'assises ; différentes chambres de la cour d'appel et cour d'assises d'appel ; chambre criminelle de la Cour de Cassation. En effet, ce sont ces juridictions ainsi que les magistrats du même ordre que l'article 66 de la Constitution désigne par l'expression générique « d'autorité judiciaire » qu'il institue « gardienne des libertés individuelles ».

Compétence du juge pénal sur les actes administratifs

Article 111-5 : Les juridictions pénales sont compétentes pour interpréter les actes administratifs, réglementaires ou individuels, et pour en apprécier la légalité lorsque, de cet examen, dépend la solution du procès qui leur est soumis. Cet article, qui n'avait pas d'équivalent dans l'ancien code, aborde et simplifie des questions jusqu'ici réglées en jurisprudence de manière assez complexe et non sans contradictions entre le tribunal des conflits et la chambre criminelle de la Cour de Cassation. Il aborde deux questions distinctes : celle de l'interprétation - c'est le lien avec l'article 111-4 - et celle du contrôle de la hiérarchie des normes ; mais il ne s'applique qu'à une seule catégorie de textes : les actes administratifs. C'est le seul texte du code pénal sur le contrôle de la hiérarchie des normes en la matière. Il était nécessaire parce que, à l'égard des actes administratifs, le juge pénal dispose de pouvoirs que n'ont pas les autres juges de l'ordre judiciaire.

Le critère de la division tripartite

Bien malin qui pourrait le trouver seul et rapidement à la lecture du code pénal actuel. L'ancien code pénal était bien plus pédagogue, dont l'article 1 est ainsi rédigé : « L'infraction que les lois punissent de peines de police est une contravention. L'infraction que les lois punissent de peines correctionnelles est un délit. L'infraction que les lois punissent d'une peine afflictive et infamante est un crime. ». Certes, le texte est daté : 1810. On sait bien que ce n'est pas la loi qui « punit », mais le juge. Les peines ici visées ne sont pas les peines prononcées, mais les peines encourues, prévues par la loi. Nous avons vu (V. section 1, §2) par ailleurs que les adjectifs afflictif et infamant caractérisent bien toute peine et pas seulement les plus graves. Mais le texte indique bien le chemin : il faut partir de la peine pour qualifier l'infraction crime, délit ou contravention. C'est la peine qui est le « marqueur ». - Lorsque le texte prévoit de la réclusion ou de la détention criminelle (V. infra §2, A, 1°), l'infraction est un crime ; - Lorsque le texte prévoit de l'emprisonnement, l'infraction est un délit ; - Lorsque le texte ne prévoit que de l'amende, il faut distinguer selon le montant, délit à partir de 3750 €, contravention jusqu'à 1500 €. C'est finalement assez simple. Mais ce peut être perturbant pour un novice qui va découvrir notamment que « la peine de prison » n'existe pas en droit... La prison est un mot du vocabulaire courant, pas du vocabulaire juridique, ni comme peine ni comme lieu. Pour désigner la peine, le droit dit emprisonnement ou réclusion, détention ; et c'est tout l'enjeu de la classification. Pour désigner les lieux, le droit dit maison d'arrêt, centre de détention ou maison centrale.

Notion de consommation

C'est un moment, celui où l'infraction étant entièrement constituée, devient punissable.

Le contrôle juridictionnel - Contrôle par voie d'action

C'est un procès fait au texte, une action en justice intentée dont l'objet, le but, est précisément de faire juger qu'une norme supérieure n'a pas été respectée. Si le juge saisi estime que c'est le cas, le texte attaqué est annulé, invalidé, abrogé : il disparaît pour tous et pour toujours (erga omnes).

Où l'on s'écarte du droit commun dans un but généralement répressif

Ce sont des évolutions contemporaines qui donnent naissance non pas, comme précédemment, à des notions que les juges ont dû définir, mais à des listes d'infractions qui se détachent du droit commun. - Dès 1975, ce sont les infractions en matière économique et financière pour le jugement desquelles sont créées des juridictions spécialisées, composées de juges ayant suivi une formation particulière ou ayant acquis leur compétence « sur le tas », mais appliquant la procédure de droit commun. - Dans les années 1990, des règles de plus en plus dérogatoires s'appliquent aux conditions des perquisitions et des gardes à vue, aux délais de prescription... d'un nombre croissant d'infractions : trafic de stupéfiants et terrorisme (cour d'assises sans jurés dans les deux cas), proxénétisme ou autre trafics d'êtres humains... Ce mouvement a débouché, en 2004, sur une longue liste d'infractions qualifiées de délinquance ou de criminalité organisée.

Découpage de l'infraction en « éléments constitutifs »

Ce vocabulaire est classique et on a longtemps enseigné qu'une infraction nécessitait la réunion de trois éléments : légal, matériel et moral. Mais le découpage ne fait pas l'unanimité. Rares sont devenus les auteurs qui comptent trois éléments ; mais certains en voient quatre, d'autres deux ou encore un seul. Question de terminologie, sur laquelle on a oublié de se mettre d'accord.

Problème de vocabulaire : la structure de l'élément matériel - Exécution et résultat

Ces mots sont aujourd'hui utilisés par beaucoup d'auteurs pour distinguer, dans l'élément matériel, ce que l'on appelait autrefois « corps du délit » et « mal du délit ». - Du côté de l'auteur, c'est l'exécution : ce que fait l'agent, « l'agir », tel que décrit par le texte d'incrimination. Ainsi, voler c'est prendre, soustraire dit exactement l'article 311-1 CP, la chose d'autrui. - Du côté de la victime (lorsqu'il y en a une...), le résultat c'est ce que produit l'agent, ce qui résulte de l'exécution. Mais ce résultat n'est pas toujours dommageable (perte ou souffrance) pour une victime déterminée. Ainsi, dans l'exemple précédent, c'est la perte de la propriété. Dans le meurtre, que l'article 221-1 CP définit comme le fait de donner volontairement la mort à autrui, c'est la mort ; l'exécution peut prendre des formes très variées, le résultat est toujours le même. C'est d'ailleurs le même résultat dans l'homicide involontaire (article 221-6 CP). S'il n'y a pas de dommages dans la conduite en état d'ivresse, cela n'empêche pas que l'incrimination soit fondée sur un résultat que l'on veut éviter : un danger. Dans la fraude fiscale, le résultat est effectivement dommageable (manque à gagner, perte de la recette), mais seulement pour l'État. Personne ne s'en ressent individuellement victime.

Dans le domaine des crimes et délits contre les personnes, voici un autre exemple. L'hypothèse est celle d'un accident de la route ou d'une erreur médicale qui provoque la « mort » d'un enfant à naître, fœtus dans le ventre de sa mère

Cette infraction, prévue par l'article 221-6 CP, est définie comme le fait de causer, par maladresse, imprudence, négligence... la mort « d'autrui ». Elle figure dans une section du code - pour l'interprète le contexte, pas seulement le texte, doit également être pris en considération - intitulée Des atteintes involontaires à « la vie », section du chapitre premier et titre deuxième du livre II (article 221-1 s CP) consacré aux atteintes à la « personne humaine ». La question était ainsi de savoir si le fœtus est une personne au même titre qu'autrui. C'est finalement l'Assemblée plénière (29 juin 2001) qui a tranché, et par une réponse négative : « attendu que le principe de la légalité des délits et des peines, qui impose une interprétation stricte de la loi pénale, s'oppose à ce que l'incrimination prévue par l'article 221-6 réprimant l'homicide involontaire d'autrui, soit étendue au cas de l'enfant à naître dont le régime juridique relève de textes particuliers sur l'embryon ou le fœtus ».

D'autres auteurs, aujourd'hui les plus nombreux, ne voient que deux éléments

Citons Monsieur Claude Lombois (V. biblio) : « L'infraction est une méconnaissance, matérialisée et consciente, de l'interdit pénal. » *Matérialisée* : c'est la composante matérielle (actus reus dit la doctrine anglo-saxonne). *Consciente* : c'est la composante psychologique (mens rea). - L'élément dit matériel n'en est pas un à proprement parler.On ne peut pas vraiment dire que la loi est dans l'infraction, avec tout ce que cela supposerait de négatif. Elle précède l'infraction. Elle en est une condition. Il est donc préférable de parler de « préalable légal ». - L'élément injuste n'est pas un élément en plus, mais plutôt en creux. En général, l'infraction est constituée par les éléments précédents. Mais il peut arriver, exceptionnellement, que le comportement en cause soit ordonné, autorisé ou toléré par la loi (comme celui du gendarme) ou encore justifié par l'exercice d'un droit (la légitime défense par exemple). Et les exceptions sont extrêmement limitées. Le code n'en prévoit que trois :l'ordre de la loi et /ou le commandement de l'autorité légitime ; la légitime défense ; l'état de nécessité (V. leçon 8).

Distinctions qui ont des conséquences sur la procédure et/ou le régime des peines

En droit pénal et en procédure pénale, où les principes sont fondateurs de la démocratie et protecteurs des libertés individuelles, il n'est pas bon que les régimes particuliers, qui s'en écartent, se multiplient. C'est acceptable lorsque le but est d'être plus favorable aux délinquants (par exemple pour les mineurs) ou d'avoir des juges spécialisés donc plus performants. Mais c'est condamnable lorsque l'objectif est d'obtenir plus de rapidité ou de sévérité au prix de moindres garanties pour le justiciable.

Contrôle (a priori) de la constitutionnalité des lois par le Conseil constitutionnel

Existe depuis 1974. Le Conseil constitutionnel est saisi entre le vote de la loi et sa promulgation. Ce pouvoir de saisir le Conseil n'est pas donné au simple citoyen mais seulement au Président de la République, au premier ministre, aux présidents de l'Assemblée nationale et du Sénat, à soixante députés ou sénateurs. le texte ou le passage du texte déclaré contraire à la Constitution ne verra pas le jour (retiré avant promulgation). Le conseil constitutionnel, dès 1975, a refusé d'étendre ce contrôle à la conformité des lois avec le droit international (pas de contrôle de « conventionalité »).

Notion d'infraction - Les infractions pénales et les autres

Il existe en effet des infractions, moins connues il est vrai, dans d'autres branches du droit comme le droit administratif (dans les domaines économique et financier, de l'environnement...) et le droit disciplinaire (au sein de l'entreprise, des prisons, des écoles ou de l'université : les « conseils de discipline »). La différence entre ces infractions administratives ou disciplinaires et les infractions pénales est que les sanctions des premières ne sont pas une peine et qu'elles sont prononcées par des « commissions », « conseils », « autorités administratives indépendantes » ou non, qui ne sont pas des juridictions pénales. La ressemblance est aujourd'hui dans les garanties de la personne poursuivie et éventuellement sanctionnée. Dans un premier temps, les garanties de procédure (droit de la défense...) et de fond (légalité, proportionnalité...) étaient réservées aux auteurs d'infractions pénales. Mais une évolution considérable s'est produite sous l'influence de la convention et de la cour européennes des droits de l'homme. La convention contient un article 6 consacrant le droit à un procès équitable (délai raisonnable, tribunal indépendant, présomption d'innocence, droits de la défense...) pour toute personne faisant l'objet d'une « accusation en matière pénale ». Et la Cour a décidé, contre l'avis des Etats, que la matière pénale en question ne se limitait pas au droit pénal stricto sensu, mais s'étendait à toute procédure pouvant conduire à une sanction punitive, qu'elle soit pénale (sur la définition de la sanction pénale, V. leçon 10) ou non. En suivant cette jurisprudence, le traitement procédural des infractions administratives ainsi que - dans une moindre mesure - des infractions disciplinaires s'est considérablement rapproché de celui des infractions pénales.

Principe de textualité et interprétation

Immédiatement après avoir énoncé la classification des infractions en crimes, délits et contraventions, le code consacre trois articles (111-2, 111-3 et 111-4) au principe fondamental qui distingue le droit pénal des autres branches du droit, dit de la légalité criminelle. Ce principe est encore appelé « légalité des délits et des peines » et devrait l'être en toute rigueur « textualité des infractions et des sanctions pénales ». Il signifie qu'une infraction (y compris une contravention) ne peut être reprochée et une peine appliquée à une personne que si elles ont été prévues (décrites avant) par un texte (loi ou règlement). Cela est exprimé, dans un style assez lourd, par l'article 111-3, mais il faut comprendre que les trois articles forment un tout auquel on pourrait d'ailleurs ajouter l'article 112 -1 que nous étudierons à sa place (V. infra leçon 3). Trois aspects du principe sont ainsi abordés.

En droit pénal : contrôle de la légalité des actes administratifs

L'exception d'illégalité d'un acte administratif doit être soulevée, nous dit la jurisprudence, soit par une partie (in limine litis, c'est-à-dire avant tout débat au fond), soit d'office par le juge. Lorsqu'il en est ainsi, la question est dite préjudicielle, mais elle n'entraîne pas un sursis à statuer : le juge doit y répondre lui-même avant de statuer sur le dossier pénal dont il est saisi. S'il estime que l'acte administratif contesté est « illégal », il devra l'écarter du procès en cours, se prononcer sur l'accusation comme si ce texte n'existait pas.

Solutions - Selon le mode d'exécution - Situation ordinaire

L'infraction se consomme en une seule action, en un seul lieu et en un trait de temps. L'infraction est alors dite DE COMMISSION, SIMPLE ET INSTANTANEE. Elle ne soulève pas de problèmes particuliers de localisation : c'est ici et maintenant.

Selon le résultat - Situation ordinaire

L'infraction se consomme lorsque le comportement de l'agent produit un résultat actuellement et effectivement dommageable, c'est-à-dire une perte, une souffrance, un déshonneur, un manque à gagner... ressenti par une victime. Le vol, constitué au moment où la victime est dépossédée de sa propriété ; l'homicide, au moment où survient la mort ; la fraude fiscale, au moment où l'État n'encaisse pas son dû. Les auteurs parlent d'infraction MATERIELLE ou, mieux, d'infraction DE RESULTAT.

Casuistique

La chambre criminelle évite de se lier par une définition de l'interprétation stricte. On peut cependant citer comme exemples récents deux arrêts rendus début 2011. - Le premier, rendu le 16 janvier 2011, concerne le délit d'abandon de famille prévu par l'article 227-3 tel que modifié par une loi du 12 mai 2009 « de simplification et de clarification du droit ». Avant 2009, le texte qui sanctionne le non-respect d'une décision judiciaire prise en application du Code civil, renvoyait aux obligations en matière familiale résultant de plusieurs titres du livre I de ce code : versement de pensions, subsides ou autres prestations de toute nature. En fait de simplification, le renvoi au Code civil a été limité au titre 11 applicable à l'autorité parentale. Il en résulte inévitablement, au regard de l'article 111-4 CP, qu'il n'est plus possible de sanctionner pénalement le non-paiement d'une prestation compensatoire allouée par un jugement de divorce. Et la solution, plus favorable à la personne poursuivie, a été appliquée immédiatement dans l'instance en cours selon une règle que nous étudierons dans le chapitre suivant. - Le second arrêt est du 8 mars 2011. Il décide qu'un médecin, docteur en médecine et inscrit au conseil de l'ordre, ne commet pas le délit d'exercice illégal de la « médecine » (article L4161-1 du code de la santé publique) en sortant de sa spécialité. En l'espèce, il s'agissait d'un stomatologue qui pratiquait la chirurgie plastique sur toute partie du corps.

Localisation dans l'espace

La question doit être résolue pour déterminer la juridiction territorialement compétente, que ce soit dans l'ordre interne ou dans l'ordre international.

Contrôle par voie d'exception

La question du non-respect de la hiérarchie des normes est soulevée à l'occasion d'un autre contentieux. Exemple (pénal) : je suis poursuivi pour une infraction au stationnement, et je me défends en soutenant que l'arrêté du maire que l'on me reproche de ne pas avoir respecté est contraire à un décret... ou à la Convention européenne des droits de l'homme. On dit alors que je soulève une « exception ». Par rapport à la question dont le juge était initialement saisi, celle qui surgit ainsi est qualifiée, avec des nuances sur lesquelles on peut passer, de préalable, prioritaire ou préjudicielle. Parfois, le juge doit trancher avant d'aller plus loin (c'est le cas avec l'article 111-5 du code pénal). Parfois, il doit saisir un autre juge et surseoir à statuer en attendant la réponse.

Contrôle de conventionalité

Le Conseil constitutionnel ayant dit, dès 1975, et répété, lors de l'entrée en vigueur de la QPC, que le contrôle de la conformité des lois au droit international ne relevait pas de sa compétence, cela incombe - et il faut bien que le travail soit fait - à l'ensemble des juridictions du fond sous l'autorité de la Cour de Cassation et du Conseil d'État. La disposition législative déclarée contraire au droit international n'est pas annulée mais simplement écartée, laissée inappliquée dans le procès en cours. Pas d'effet erga omnes, seulement inter partes (entre les parties au procès). Si le droit international invoqué est celui de l'Union européenne, le juge national peut ou doit, selon les cas, surseoir à statuer, c'est-à-dire suspendre le déroulement du procès en cours, pour saisir la Cour de justice de l'Union européenne (Luxembourg) d'une question dite préjudicielle en interprétation. Au juge international de préciser, alors, le sens et la portée exacts des droits de l'Union applicable. Au juge français de dire ensuite, reprenant son dossier, si le droit interne est ou non conforme. Si le droit international invoqué est la Convention européenne des droits de l'homme, la partie qui l'invoque, si elle n'obtient pas satisfaction, pourra, après avoir exercé toutes les voies de recours de droit interne, saisir elle-même la Cour européenne des droits de l'homme (Strasbourg).

« Sont compétentes pour interpréter et apprécier la légalité »

Le juge pénal peut donc décider qu'il y a eu incompétence de l'autorité administrative à l'origine du texte, ou vice de forme, détournement de pouvoir, erreur manifeste d'appréciation. La différence avec la voie d'action est qu'il n'a pas le pouvoir d'annuler le texte que l'on pourra retrouver dans d'autres contentieux. Mais, dans la procédure en cours, la personne ne sera pas condamnée.

Le viol

Le viol fournit un exemple intéressant. Dans une première et longue période, l'ancien code pénal (article 332) utilisait le mot viol sans le définir et les juges avaient quasi unanimement considéré qu'il allait de soi que c'était la pénétration vaginale par un pénis, autrement dit d'une femme par un homme, étant entendu qu'il s'agissait de la femme d'un autre... Les années 1980 marquèrent une évolution. Évolution jurisprudentielle, d'abord, lorsque les juges ont considéré que le texte s'appliquait au viol entre époux, ce qui ne fut écrit, dans la loi, qu'en 2006 (article 222-2, alinéa 2 : « le viol et les autres agressions sexuelles sont constituées (...) quelle que soit la nature des relations existantes entre l'agresseur et la victime, y compris s'ils sont unis par les liens du mariage »). Évolution législative ensuite, lorsqu'une définition apparut dans le code pénal, aujourd'hui reprise dans l'article 222-23 : « tout acte de pénétration sexuelle, de quelque nature qu'il soit, commis sur la personne d'autrui, par violence, contrainte ou surprise, constitue un viol ». Interprétant ce texte, la jurisprudence a précisé que l'infraction est commise par pénétration buccale (fellation) ou anale (sodomisation), par l'introduction d'un doigt ou d'un corps étranger dans le sexe ou dans l'anus. La victime peut être une femme ou un homme ; l'auteur peut être une femme. Dans le cas de la fellation, la jurisprudence (Crim. 16/12/1997) avait même considéré que l'acte constitue un viol « dès lors qu'il est imposé par violence, contrainte, menace ou surprise, à celui qui le subit ou à celui qui le pratique », la personne pénétrée pouvant être auteur. Mais cette interprétation a ensuite (Crim. 21/10/1998 et 22/08/2001) été abandonnée : « l'élément matériel du crime de viol n'est caractérisé que si l'auteur réalise l'acte de pénétration sexuelle sur la personne de la victime » ; celui ou celle qui, usant de violences, contrainte... prend un sexe d'homme dans sa bouche n'est pas condamnable pour viol mais pour un délit qualifié d'agression sexuelle.

La classification cardinale

Les infractions pénales sont classées, selon leur gravité, en crimes, délits et contraventions. Vous remarquerez d'emblée, ici, un sens étroit du mot crime (V. leçon 1, A, au début), non plus synonyme d'infraction, mais désignant une catégorie d'infractions : les plus graves. Certes, les crimes que journalistes et criminologues appellent « crimes de sang » rentrent dans cette catégorie ; mais il y en a beaucoup d'autres : le viol, certains trafics, vols, incendies, le faux commis par une personne dépositaire de l'autorité publique.

Situation particulière réglée par l'article 111-5 CP

Les juridictions pénales En première instance, le tribunal de police et le juge de proximité sont les premiers concernés, pour deux raisons. - La première est que toutes les contraventions sont définies par les règlements administratifs (V. ce chapitre, section 3, A) dont on peut toujours contester la légalité bien que le décret ait été pris après avis du Conseil d'État. - La seconde raison est que la violation des interdictions ou le manquement aux obligations édictées dans n'importe quel décret ou arrêté est une contravention de première classe prévue par l'article R610-5 CP. Cette contravention, que l'on pourrait qualifier de « contravention - balai », figurait déjà dans l'ancien code à l'article R. 26-15° ainsi rédigé: ceux qui auront contrevenu aux décrets et arrêtés "légalement faits ". Cette dernière précision, non reprise par le nouveau texte mais toujours d'actualité, est une invitation à contester la légalité des "décrets et arrêtés de police" (R610-5 CP) devant le juge pénal saisi de la poursuite.

Théorie

Nous avons déjà évoqué l'interprétation littérale. C'est une première démarche possible (dictionnaire en main, le sens des mots et rien d'autre : un mot, c'est tout ; un point, c'est tout). Mais il n'est jamais imposé au juge de s'y limiter, même pas au juge pénal. L'interprétation stricte n'est pas une interprétation restrictive. Elle peut être « déclarative » de l'intention du législateur du moins lorsque l'on veut la connaître avec certitude. Mais la liberté d'interprétation du juge est bornée par deux autres techniques à lui interdites. C'est en premier lieu l'interprétation dite analogique, qui consiste à partir de la situation visée par le texte pour appliquer ce même texte à des situations différentes mais ressemblantes ; c'est interdit : le juge pénal doit au contraire se méfier des ressemblances. En second lieu, c'est la méthode téléologique, qui autorise le juge à minorer la norme pour construire un raisonnement à partir du résultat qu'il estime socialement utile ; c'est interdit : le juge pénal ne doit pas partager le désir ambiant de répression. Le texte doit produire le résultat recherché par son rédacteur (l'esprit du texte), pas celui recherché par son interprète (définition de l'interprétation téléologique à proprement parler).

Contrôle de la légalité des actes administratifs par les juridictions de l'ordre administratif

S'applique à tous les actes administratifs : réglementaires (pouvoir réglementaire autonome ou subordonné) ou individuels. On saisit le tribunal administratif ou, directement, le Conseil d'État selon l'autorité administrative, locale ou nationale, dont émane la décision. Saisi par un recours pour excès de pouvoir, le juge contrôle la légalité au sens large c'est-à-dire la conformité à toutes les normes supérieures : loi, droit international et Constitution.

Définition de l'infraction pénale

Une infraction pénale est un comportement interdit par la loi (au sens large) sous la menace d'une peine. La peine (V. leçon 10) étant, parmi toutes les sanctions du droit, la seule qui soit non seulement contraignante, mais violente si nécessaire ; la seule qui soit « afflictive » : elle fait mal, et « infamante » : elle fait honte. Ces mots, utilisés dans l'ancien code pénal pour les sanctions applicables aux crimes (V. section2, §1, B, au début), sont en vérité caractéristiques de toutes les peines.

Différents « points de vue » sur l'infraction

On dit infraction, mais encore incrimination ou qualification pénale. Ces infractions sont synonymes (V. infra commentaire de l'article 111-1), mais il est préférable de les utiliser distinctement selon le point de vue d'où on se place et en tenant compte de leur étymologie (V. infra commentaire de l'article 111-1). Incriminer, c'est déclarer qu'un comportement est un crime (au sens large) et c'est ce que fait le législateur. Par extension, le mot incrimination désigne aussi le résultat de cette démarche, c'est-à-dire le texte. Du verbe enfreindre, le mot infraction désigne à proprement parler, le comportement de celui ou celle qui a violé l'interdiction. Qualifier, en droit, c'est nommer (le nomen iuris), étiqueter. Les qualifications pénales sont ainsi les noms donnés aux infractions, soit pour les soumettre à un régime particulier (crime, délit ou contravention par exemple), soit pour les distinguer les unes des autres ; chacune leur peine - au sein d'une même catégorie (assassinat, meurtre, viol ou vol, escroquerie, abus de confiance par exemple). La qualification retenue s'applique tout à la fois à l'infraction et à l'incrimination, démarche législative : l'incrimination du vol et texte qui en résulte : l'incrimination de vol.

Selon le résultat - Variantes

On parle d'infraction FORMELLE lorsque l'incrimination est proche du résultat redouté. L'empoisonnement que l'article 221-5 CP définit comme l'administration de substances susceptibles de donner la mort ; le nouveau délit de risque causé à autrui que l'article 223-1 CP définit comme le fait d'exposer autrui à un risque immédiat de mort ou de blessures... ; la fabrication de fausse monnaie (article 442-1 CP), même si elle n'a pas été mise en circulation ; la subornation de témoins (article 434-15 CP), avant même qu'un faux témoignage vienne mettre la justice sur le chemin de l'erreur. On parle d'infraction OBSTACLE, lorsque, simple différence de degré avec les précédentes, le législateur intervient plus en amont. La divagation d'animaux dangereux (article R622-2 CP) et l'abandon d'une arme dans un lieu public (article R641-1 CP). Cette arme sera-t-elle trouvée ? Si oui, sera-t-elle utilisée ? Si oui, blessera-t-elle quelqu'un ? Plus connue : la conduite sous l'empire d'un état alcoolique, contravention à partir d'une concentration de 50 g par litre de sang ou 0,25 mg par litre d'air expiré (article R234-1 CR), délit à partir de 0,80 g ou 0,40 mg (article L. 234-1 CR). Il est possible, mais pas certain, que le conducteur cause un accident. Le régime de ces infractions est qu'elles sont entièrement consommées donc punissables, au moment et à l'endroit où l'acte d'exécution décrit dans le texte est accompli. Peu importe, juridiquement, ce qui peut arriver ensuite. Peu importe que la personne à laquelle on a « administré » le poison en meurt ou non ; peu importe même que l'auteur administre un contrepoison. L'empoisonnement est constitué par « l'administration » de la substance, « quelles qu'en aient été les suites » disait expressément l'ancien code pénal. Lors d'une conduite en état d'ivresse, s'il y a non-respect d'un stop, cela fera une seconde infraction ; et s'il en résulte un accident mortel, on ajoutera homicide involontaire.

« Des actes administratifs réglementaires ou individuels »

Peu importe le destinataire de l'acte dont la légalité est contestée : toute une catégorie de personnes voire tout le monde lorsque c'est une norme (par définition générale et impersonnelle) édictée par le pouvoir réglementaire autonome ou subordonné ; une seule personne lorsque que c'est une décision administrative imposant des obligations ou accordant des « permis » (de conduire, construire, chasser...) à une personne dénommée.

Localisation dans le temps

Premier exemple : le point de départ de la prescription de l'action publique. Si on ne peut plus poursuivre un crime au bout de 10 ans, un délit au bout de trois ans et une contravention au bout d'un an, il faut donc savoir exactement à partir de quel moment le décompte doit commencer. Deuxième exemple : l'application de la loi dans le temps. Une loi nouvelle entre en vigueur un jour précis à zéro heure. En principe, elle ne peut s'appliquer aux infractions commises antérieurement (V. leçon 3, section 1). Il faut déterminer, pour ces infractions, si elles ont été entièrement commises sous l'empire de la loi ancienne ou si elles continuent de se commettre sous l'emprise de la nouvelle loi. Troisième exemple : l'amnistie lorsque le Parlement décide d'oublier ou d'effacer certaines infractions commises avant une date qu'il fixe.

Modèle utilisé dans ce cours

S'il existe un préalable légal, l'infraction est alors constituée par le produit d'un élément matériel et d'un élément moral ; ce qui fait naitre une responsabilité pénale. On remarquera que I n'est pas une somme d'éléments constitutifs, mais un produit de facteurs. Si Ema ou Emo = 0, I = 0. Encore une précision terminologique : imputabilité et non imputabilité, possibilité ou non d'imputer l'infraction à une personne, de la mettre « à son compte » sont le plus souvent des expressions utilisées à propos de l'élément moral. Mais on parle aussi, et de plus en plus, de « l'imputation matérielle » de l'infraction, à savoir le rattachement d'un fait pénalement qualifié à une personne donnée.

Contrôle (a posteriori) de la constitutionnalité des lois par le Conseil constitutionnel : la toute nouvelle QPC

Si les conditions de fond et de forme prévues par la loi organique de décembre 2009 modifiant une ordonnance de 1958 sont remplies, la juridiction devant laquelle est soulevée une question prioritaire de constitutionnalité la transmet au Conseil d'État ou à la Cour de Cassation selon le cas. Le Conseil d'État ou la Cour de Cassation décide, ou non, le renvoi de la QPC au Conseil constitutionnel. Le texte contesté est annulé, abrogé si le Conseil le juge contraire à la Constitution ; mais le Conseil peut décider de reporter dans le temps les effets de sa décision.

Aspect technique juridique : obligations pour le juge

Techniquement, l'interdiction faite au juge par l'article 111-3 est déclinée dans deux autres articles lui imposant l'interprétation stricte (111-4) et la non rétroactivité (112-1) que nous verrons plus loin. Ces deux modalités d'application des textes d'incrimination sont des conséquences directes du principe de textualité. Ils dictent au juge la conduite à tenir lorsqu'il existe un texte, mais qui n'est pas clair, ou lorsque celui-ci est apparu ou a changé après la commission pour une infraction. Article 111-4 : La loi pénale est d'interprétation stricte. *L'interprétation « déchiffrement » : en droit pénal comme en toute matière* Lorsque, à première vue, un texte n'est pas clair, beaucoup sont si mal rédigés, il faut bien en dire le sens. Mais il n'est jamais tenu par le mot à mot (interprétation littérale). Si une contradiction apparaît entre la lettre du texte et l'esprit de son auteur (lorsque l'on peut savoir, avec certitude, ce qu'il a voulu dire), c'est l'esprit qui doit l'emporter. Il est ainsi en droit pénal comme en toute matière. *L'interprétation «rendement » : le droit pénal en opposition aux autres matières* Il faut bien passer des textes écrits à des effets produits dans une situation donnée. Les juristes ont deux mots pour la décrire, qu'il faut considérer comme les deux faces d'une même médaille : qualification des faits, lorsque l'on part d'eux pour vérifier s'ils correspondent à la prévision des textes (on dit couramment s'il « tombe sous le coup de... ») ; application du texte, lorsque l'on part de lui pour vérifier s'ils visent les faits dont on a connaissance. C'est alors que le pénaliste, à la différence des autres juristes, doit interpréter « strictement ». Dans les autres branches du droit, il est imposé par l'article 4 du code civil, qui est le droit commun, qu'une règle tirée du texte soit appliquée aux faits litigieux, le juge devrait-il inventer, voire suppléer l'absence de texte. En droit pénal, c'est exactement l'inverse. Si le texte - éventuellement complété par une interprétation déchiffrement - n'a pas prévu la situation présente, la seule chose que doive faire le juge c'est... Rien ! Ne rien faire si la personne n'est pas encore poursuivie, constater le plus vite possible qu'il n'y a pas d'infraction dans le cas contraire. On est en droit pénal.

Distinctions fondées sur l'élément moral, qui mettent en évidence l'échelle des fautes pénalement répréhensibles. Renvoi

Tout le monde comprend qu'il y ait des INFRACTIONS INTENTIONNELLES, l'auteur étant puni parce qu'il a voulu l'infraction, il l'a fait exprès. Mais il est plus difficile d'admettre qu'il y ait des infractions NON INTENTIONNELLES, l'auteur étant alors puni même s'il ne l'a pas fait exprès, parce qu'il a été imprudent, négligent.


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