Leçon 2 l'évolution

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Quelle est L'articulation des systèmes (II) ?

Concurrence et harmonisation-Au-delà des incidences de droit international privé (quel juge pour trancher le litige s'agissant d'une succession d'un Français ouverte aux États-Unis? Quelle loi appliquer?; v. infra, leçon 7 sur la loi), l'existence de systèmes juridiques nationaux différents pose la question de leur concurrence (A), qui est nuancée par l'harmonisation croissante des systèmes (B).

Comment se passe l'évolution du droit dans l'espace (Section 2) ?

Cette section sera bien plus courte que la précédente. Il s'agit de montrer brièvement que le droit français, ainsi décrit dans son évolution historique, n'est pas seul au monde, tant s'en faut. Une approche non plus nationale mais mondiale du droit donne à voir une diversité des systèmes juridiques (I), ce qui pose la question de leur articulation (II).

Que sont les autres apports napoléoniens (B) ?

Codes et institutions - L'époque napoléonienne est tout d'abord riche en codes. Quatre codes viennent ainsi compléter le Code civil: le Code de procédure civile (1806), le Code de commerce (1807), le Code d'instruction criminelle (1808) et le Code pénal (1810). Ces codes n'ont toutefois pas le souffle de leur prédécesseur. Contrairement au Code civil, ils ont d'ailleurs été totalement reconstruits au xx" siècle. Mais Napoléon voulait également doter la France d'institutions solides, aux fins d'assurer, dans le sillage des jacobins, la centralisation du pouvoir. C'est ainsi que sont institués les préfets, agents de l'Etat au plan local, ou encore le Conseil d'État, juridiction administrative distincte de l'administration. C'est également sous Napoléon que le Tribunal de cassation devient la Cour de cassation (v. intra, leçon 3). Vous le verrez, l'étudiant en droit passe son temps à commenter des arrêts du Conseil d'État et de la Cour de cassation: comme dirait Gavroche, c'est la faute à Napoléon!

Que sont les nouveaux codes (2) ?

Codification à droit constant - Cette inflation législative rend le droit plus complexe e moins accessible. Pour y remédier, les pouvoirs publics se lancent, à partir des années ou dans un vaste programme de codification de nos lois. Mais il s'agit, pour l'essentiel, de codification à droit constant, également appelée codification administrative (ou compilation;contra, l'adoption du Code de procédure civile, en 1975, v. infra, leçon 3). L'administration intègre dans un plan descriptif les règles en vigueur sur une matière donnée, sans création de nouvelles normes. La consultation du site Légifrance révèle qu'il existe, à l'heure actuelle, 67 codes en vigueur en France: Code forestier, Code des instruments monétaires et des médailles, mais aussi Code du travail, Code des assurances, Code général de la propriété des personnes publiques, Code du tourisme, Code de la consommation, Code de la construction et de l'habitation... La liste donne le tournis. Surtout, ce foisonnement de règles va de pair avec leur instabilité. Alors que Portalis enseignait qu'il fallait modifier avec une «main tremblante» la législation, de peur de menacer la sécurité juridique, le droit moderne change tout le temps, à un rythme effréné. Finalement, les codes sont aujourd'hui conçus pour donner l'illusion de la cohérence et de la stabilité du droit, parce que l'écrin ne change pas, alors que le contenu est sans cesse modifié.

Comment se produit l'harmonisation en Europe (1) ?

Conseil de l'Europe et Union européenne - La Seconde Guerre mondiale a totalement changé le visage du droit français. Afin d'instaurer la paix et le respect des droits de l'homme en Europe, piétinés par le régime nazi, tout en construisant un marché commun, deux ordres juridiques européens ont vu le jour: le Conseil de l'Europe, qui repose sur la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 octobre 1950 et la CEE, devenue l'Union européenne, née du Traité de Rome du 25 mars 1957. Le premier texte instaure une protection uniforme des droits de l'homme en Europe (47 États, dont la Russie et la Turquie), tandis que le second crée une union économique en Europe (28 États, avant le Brexit). Ces deux Europes seront étudiées en détail dans une leçon consacrée aux sources internationales du droit (v. infra, leçon 5). Mais il faut d'ores et déjà savoir que les textes européens ont une valeur supérieure à la loi française. Dès lors, une grande partie de notre droit à une source européenne, ce qui conduit, inexorablement, à une harmonisation des règles au sein de l'espace européen.

Qu'est-ce que le Bas-Empire (C) ?

Corpus juris civilis - Cette troisième et dernière période s'étend de l'avènement de Dioclétien en 284 ap. J.-C., qui sépara l'Empire romain en deux (Empire romain d'Occident et d'Orient) jusqu'à la mort en 565 de Justinien, empereur byzantin [i.e. d'Orient) qui fut le dernier empereur romain. Cette période est marquée par l'écriture de grandes compilations juridiques, destinées à contenir les règles de droit applicables dans l'Empire. Il en va ainsi du Code Théodosien, promulgué en 438, et qui contient les constitutions impériales. Mais c'est surtout le Corpus juris civilis, élaboré sous Justinien, qui passera à la postérité. L'objet de ce texte est de réunifier l'Empire romain, qui est en train de se démanteler en Europe. Il faut savoir que c'est au Moyen ge qu'il a été qualifié ainsi, comme le pendant du Corpus Juris Canonici, le recueil de la législation de l'Église. Le Corpus juris civilis contient quatre parties, distinctes sous Justinien et réunifiées au Moyen ge: - les Institutes: manuel de droit destiné aux étudiants, très inspiré des Institutes de Gaius; - le Digeste (ou Pandectes), recueil des travaux des jurisconsultes classiques; - le Code, recueil de constitutions impériales jusqu'en 534; -les novelles, recueil de constitutions impériales postérieures à 534. Ce Code, qui coïncide avec la chute de l'Empire Romain en Europe sous le coup des invasions barbares, constitue en même temps l'acte de renaissance du droit romain en Europe au XII siècle: ce sont en effet les textes du Corpus juris civilis qui vont être utilisés par les juristes médiévaux pour résoudre les problèmes de leur temps. La réintroduction du droit romain est d'ailleurs l'un des phénomènes marquants de l'Ancien droit.

Qu'est-ce que morcellement du droit jusqu'au XIIème siècle (A) ?

Coutumes et féodalité - Du vi" siècle au XII siècle après J.-C., l'heure est à l'émiettement du droit français: le retrait du droit romain provoque le développement des coutumes (1). qui sont une source essentielle en droit privé, et le déclin de l'Empire laisse un grand vide qui est peu à peu comblé par la féodalité (2).

Qu'est- que l'Ancien droit (III) ?

De la fin de Rome à Louis XVI - L'Empire romain d'Occident s'éteint en 476, pulvérisé par les invasions des barbares venus du nord. Un droit savant et unifié est alors remplacé par des coutumes frustes et locales. Mais en 476, l'Ancien droit ne fait que commencer. Il durera jusqu'à ce qu'un autre événement historique majeur ne vienne bouleverser l'ordre établi : la Révolution de 1789. On perçoit aussitôt qu'une période qui s'étale sur plus d'un millénaire ne peut être un long fleuve tranquille. Un mouvement général peut toutefois être perçu, qui révèle que l'histoire est faite de cycles : après l'émiettement initial des règles dans les coutumes barbares, le droit, sous l'influence conjuguée de la religion, du droit romain, de la raison et des rois de France, se réunifie progressivement, pour construire peu à peu le droit français, qui est une fusion de toutes ces sources. Il est donc possible d'envisager le morcellement du droit jusqu'au x' siècle (A) et la lente construction du droit français après le XI siècle (B).

Que sont les coutumes (1) ?

De la personnalité des lois à la territorialité du droit-Au moment de la chute de Rome en 476, des tribus germaniques peuplent la Gaule: les Francs, les Wisigoths, les Burgondes... Chacun de ces peuples avait sa propre coutume. Dės lors, le droit n'était pas rattaché à un territoire, mais à l'origine de la personne: un Franc était ainsi soumis à la coutume franque [loi Salique), tandis qu'un gallo-romain était régi par le droit romain dit vulgaire (i.e. mâtiné de coutumes germaniques, étant précisé que le corpus juris civilis n'a jamais été en vigueur en Gaule). Mais vers l'an mil, ce système devient impraticable, au regard du brassage des populations et de l'ignorance, par les juges locaux, des lois personnelles applicables aux parties. Dès lors, la personnalité des lois fit place au système de la territorialité : le litige entre deux parties était régi par le droit en vigueur dans le lieu où se trouvait le tribunal (la lex fori ou loi du for). Chaque région est alors soumise à son propre droit coutumier. Il en existait environ 600, rien que dans le nord de la France. Le droit romain sombre peu à peu dans l'oubli. On doit sa survivance à l'Église, qui continuait de l'étudier. L'Église, dont l'influence grandit peu à peu au Moyen ge depuis le baptême de Clovis en 496, contribua à adoucir les coutumes barbares, par la suppression progressive de la vengeance privée et des ordalies (jugement de Dieu qui consistait à soumettre le prévenu à une épreuve pour déterminer sa culpabilité: plongée dans l'eau glacée, épreuve du feu... si le prévenu survivait, c'est la preuve que Dieu le considérait comme innocent..).

Quelle est la concurrence des systèmes (A) ?

Doing business - Avec la mondialisation de l'économie, le droit n'incarne plus seulement les valeurs fondamentales d'un pays. Il devient le produit local d'un marché mondial. Un pays se préoccupe que les contrats, les entreprises et les litiges multinationaux soient rattachés à son propre droit, ce qui génère de l'activité économique et des rentrées fiscales. L'entreprise, de son côté, procède à du forum shopping, en recherchant le juge et le droit qui sont les plus attractifs. Ce marché mondialisé du droit se révèle notamment par les classements publiés par la Banque mondiale. Dans ses rapports annuels Doing Business, la Banque mondiale évalue les droits des pays, en fonction de la facilité d'y faire des affaires. En 2016, la France a été classée 29', la Nouvelle-Zélande, pays de common law, remportant la palme, Il faut d'ailleurs noter que les pays de tradition civiliste sont classés derrière ceux de common law, au regard de la rigidité que constitueraient leurs législations et leurs codes. Influences réciproques - Cette concurrence des systèmes provoque des influences réciproques. Il n'est pas rare qu'un pays importe la règle d'un autre, afin d'améliorer sa propre législation. Par exemple, le droit français s'est inspiré en 2014 du modèle américain pour consacrer les actions de groupe (class actions), afin de permettre à une multitude de victimes d'un même dommage d'être représentées dans le cadre d'une action en justice (v. infra, n° 746). Mais cette réception d'une règle étrangère est rarement une transposition totale: alors que la class action peut être exercée en droit américain par un cabinet d'avocats, la loi française l'a réservée à une association de consommateurs agréée. Ce mélange des cultures juridiques est d'ailleurs le signe d'une harmonisation des systèmes.

Qu'est-ce que la Révolution française (IV) ?

Droit intermédiaire - La Révolution française, si elle a été brutale dans les faits (prise de la Bastille le 14 juillet 1789), a été préparée dans les esprits par le siècle des Lumières (Rousseau, Voltaire, Montesquieu...). La souveraineté n'est plus entre les mains d'un roi, mais découle du peuple, qui l'exerce par ses représentants. La monarchie absolue, dans laquelle le roi concentre tous les pouvoirs, est remplacée par un régime républicain, dominé par la séparation des pouvoirs (Montesquieu). Sur le terrain du droit privé, c'est une rupture pleine et entière avec le système de l'Ancien Régime, à de nombreux égards: - liquidation du régime féodal dans la nuit du 4 août 1789 avec l'abolition des privilèges lex. droit de chasse du seigneur sur son domaine; droit des ecclésiastiques, des corpo- rations, des villes et des provinces); adoption de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen le 26 août 1789. Son article 1er donne la philosophie générale de la Révolution: «les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits. Les distinctions sociales ne peuvent être fondées que sur l'utilité commune». Cette Déclaration est fondamentale pour notre droit positif, puisqu'elle est dotée d'une valeur constitutionnelle (v. infra, leçon 61: rupture avec l'Eglise: par décret du 20 septembre 1792, les actes d'état civil sont retirés aux paroisses, pour être confiés aux municipalités. La Révolution française est l'acte constitutif du monde moderne: l'individu libre et doté de droits naturels devient le centre de gravité du système juridique. On peut dire que ce modèle libéral domine encore aujourd'hui nos sociétés occidentales, marquées par un véritable culte pour les droits de l'homme (v. supra, leçon 1). Plus prosaïquement, les révolutionnaires, voulant laïciser le pays, abrogent le calendrier grégorien au profit du calendrier révolutionnaire, qui commence au jour de la déclaration de la République en France (22 septembre 1792). Ce calendrier est abrogé en 1806 par Napoléon. Mais cela explique pourquoi, de 1792 à 1806, la nomenclature des lois est modifiée: les années sont comptabilisées à partir de la naissance de la République (an I, an II...) et les mois font écho à la nature (ex. fructidor: mois des fruits; brumaire: mois des brumes; germinal: mois des graines...). Par exemple, la loi du 6 fructidor an II sur les actes d'état civil (v. infra, n° 721) correspond au 23 août 1794. La période révolutionnaire (1789-1799) est suivie du Consulat (1799-1804). Ces deux périodes caractérisent le droit intermédiaire, c'est-à-dire le droit applicable entre l'Ancien Régime et la promulgation du Code civil en 1804. Le Code civil est, au demeurant, le monument de l'époque napoléonienne.

Qu'est-ce que le droit romain classique (B) ?

Droit prétorien - Cette deuxième période se situe du IIème siècle av. J.-C. jusqu'au milieu du IIème siècle après J.-C. Elle correspond au dernier siècle de la République et aux trois siècles du Haut-Empire (qualifié comme tel par les historiens, par opposition au Bas-Empire, qui est plus près de nous). Le centre de gravité des sources du droit se déplace alors de la loi (droit civil) vers le juge (droit prétorien). Ainsi, un magistrat, que l'on nomme le préteur (et non le prêteur), délivre au demandeur des actions en justice. Il faut en effet savoir que le droit romain est un droit de procédure: un droit n'existe que s'il est sanctionné par une action en justice spécifique délivrée par le préteur, qui permettra ensuite la saisine d'un autre juge. À côté des actions reconnues par le droit civil, c'est-à-dire par la loi, le magistrat va créer des actions prétoriennes. Il en va ainsi des actions fictives, qui vont par exemple permettre aux pérégrins, les citoyens non romains, de bénéficier des actions ouvertes aux romains: le juge fait comme si le demandeur était romain. Toutes les actions créées par le préteur sont consignées dans un document, que l'on nomme l'Edit. Le terme de «prétorien» a d'ailleurs été réutilisé par les juristes français, pour décrire une jurisprudence créatrice de droit. Confronté à un cas complexe, le préteur pouvait s'en remettre à l'avis d'un jurisconsulte, exprimé dans une consultation savante. C'est surtout ce droit savant, celui des jurisconsultes, qui est passé à la postérité et qui a beaucoup influencé le droit français, parce qu'il est intemporel et universel. Constitutions impériales -À l'époque impériale, la loi est supplantée par les constitutions impériales. Le terme de «constitution» n'a pas le sens que nous connaissons aujourd' hul. Il désigne, non pas le pacte fondateur d'un Etat ou d'une République, mais l'acte par lequel l'empereur exerce le pouvoir législatif. On distingue quatre types de constitutions: les édits (règles générales), les décrets (décisions de l'empereur), les mandats (instructions à l'admi- nistration] et les rescrits (réponse officielle donnée par l'empereur sur telle ou telle question!. Lois et constitutions forment le droit cIvil, qui est complété, comme nous l'avons vu, par le droit prétorien.

Qu'est-ce que l'influence du droit canon (2) ?

Décret de Gratien - Il ne faut pas oublier qu'avec la chute de Rome et les invasions barbares, l'écrit n'existait quasiment plus que chez les ecclésiastiques, hommes de lettres. Dans le Haut Moyen Äge, le droit canonique resta le seul droit écrit et savant. En 1140, un moine de Bologne (encore!), Gratien, publie un recueil de 3900 fragments de droit canonique. Les juristes médiévaux étudièrent, à côté du Corpus juris civilis, le décret de Gratien. Aux glossateurs correspondaient les décrétistes, qui commentèrent le texte de Gratien. En 1582, fut édité le Corpus juris canonici, dans lequel se trouve notamment ce décret. Le droit cano- nique eut une influence considérable sur le droit français. Donnons-en un exemple: alors que le droit romain des contrats était formaliste (pas de contrat obligatoire sans action en justice reconnue par le préteur), les juristes de droit canon voulurent consacrer la valeur morale d'une promesse. Tout accord de volonté, qu'elle qu'en soit la forme, est juridiquement obligatoire, parce qu'il faut respecter la parole donnée (pacta sunt servanda). Le principe du consensualisme, consacré par le Code civil de 1804, était né. En outre, dans les domaines relevant de sa compétence (ex. mariage), le droit canon, appliqué devant les juridictions ecclésiastiques, constituait une sorte de droit commun médiéval. 3. La rédaction des coutumes Le mot de Voltaire - Les coutumes étaient, par nature, variables d'une région à l'autre, On connaît le mot de Voltaire (1694-1778): «en voyageant en France, on changeait aussi souvent de lois que de chevaux». La formule, prononcée au XVII" siècle, est quelque peu exagérée. Certes, la coutume constitue une source spontanée de droit : elle naît de la pratique, de sorte qu'elle est variable dans le temps et dans l'espace. C'est son principal défaut: la coutume change au gré du vent. Mais au lendemain de la guerre de Cent Ans, le roi Charles VII eut la volonté de fixer le droit applicable au sein du royaume. Parl'ordonnance de Montil-lès-Tours de 1453, il imposa la rédaction des coutumes dans tout le royaume. Malgré des résistances locales, les coutumes furent rédigées sous le contrôle du Roi (ex.coutume d'Orléans en 1509, coutume de Paris en 1510, coutume de Normandie en 1583...) En outre, la jurisprudence du Parlement de Paris contribua à l'émergence d'un droit commun coutumier. Le terme de Parlement désigne alors le Conseil du roi pour les affaires de justice. La coutume de Paris devient la coutume subsidiaire, applicable dans le silence des autres. Parallèlement, les auteurs du xm" siècle, tels Charles Dumoulin (1500-1566), s'employèrent à rechercher des principes communs applicables dans le droit coutumier, afin de concurrencer le rationalisme du droit romain, ce droit venu d'ailleurs. Tout ceci contribua à fortement nuancer l'émiettement du droit sous l'effet des coutumes locales.

Qu'est-ce que l'évolution du droit dans le temps (Section 1) ?

Encore l'homo sapiens. Le droit est inhérent à la vie en société : ubi societas, ibi jus (là il y a une société, il y a du droit). On peut donc estimer que dès l'apparition de l'homme sur cette terre, environ 2,5 millions d'années avant notre ère en Afrique de l'Est, il devait existe des rudiments de règles: qui peut chasser? comment se répartir les aliments? Mais cette structure sociale rudimentaire, que nous partageons avec les anımaux, a été progressivement dépassée. Deux facteurs historiques ont provoqué l'apparition du droit, en tant que système évolué de normes. Le premier facteur est la révolution cognitive qui s'est produite environ 70000 ans avant notre ère. L'homo sapiens a vaincu les animaux et les autres espèces humaines (homme de Néandertal en Eurasie, homo erectus en Asie de l'Est, homo soloensis sur l'île de Java), par sa capacité à croire en des fictions (Y. Noah Harari, Sapiens, Une brève histoire de l'humanité.Albin Michel, 2015, p. 36). La croyance en des règles communes permit ainsi à l'homo sapiens de coopérer avec des congénères inconnus (ce que ne peut pas faire un animal, ce qui lui a donné la force de se développer et de créer de vastes sociétés élaborées autour d'un ciment commun: Dieu, la Nation, le Roi, la République, la monnaie. Le second facteur est l'apparition de l'écriture environ 3000 ans avant J.-C., par les Sumériens, qui vivaient au sud de la Mésopotamie (Irak actuel). Cette invention a été utilisée initialement pour comptabiliser les récoltes. Mais l'écriture fut ensuite destinée à promulguer des règles de droit, ce qui en assura le rayonnement au sein de la société, en même temps que la conservation dans le temps. Un droit purement verbal est ainsi tributaire du relais de la parole, qui s'efface tôt ou tard, alors que le croit écrit, plus élaboré, est inscrit dans le marbre. L'un des premiers codes juridiques de l'histoire est le Code d'Hammurabi, qui est la première étape de l'évolution historique du droit que noUs Voudrions à présent décrire (v. également le Code d'Ur-Nammu, rédigé en sumérien, autour de 2150 av. J.-C., pour régir la cité d'Ur). Les sept marches de l'évolution - La licence de droit contient des enseignements d'his- toire du droit, ce qui est fondamental pour comprendre les racines de la matière juridique. Dès lors, nous nous bornerons à décrire schématiquement l'évolution historique du droit français en sept grandes étapes: 1. le code d'Hammurabi, bien qu'étranger au droit français, mérite d'être signalé, en ce qu'il est l'ancêtre lointain de nos codes actuels (I): 2. le droit romain contient les notions et les distinctions fondamentales de notre droit (IlI); 3. l'Ancien droit est une époque décisive, dès lors que s'y sont notamment développées les coutumes, dont il reste des traces aujourd'hui et que c'est à cette époque que le droit français, fusion d'influences diverses, s'est peu à peu construit (I1); 4. la Révolution a placé l'individu au coeur du système juridique: ce modèle libéral domine encore le monde moderne, marqué par le culte des droits de L'homme (IV); 5. l'époque napoléonienne est fondamentale pour notre droit: les grands codes et les grandes institutions ont été créés à cette époque (V) ; 6. le xx siècle se caractérise par une couleur plus sociale donnée au droit, avec l'État provi- dence qui régule l'économie et qui consacre la liberté et l'égalité dans le domaine sociétal: conquête de l'égalité par les femmes, droit à l'avortement, développement du divorce, égalité des filiations, PACS, jusqu'au mariage homosexuel au début du xx1" siècle (VI); 7. le xx" siècle est à peine commencé, mais il augure une mutation du droit sous l'influence du numérique : intelligence artificielle, justice prédictive, robots connectés et autres blockchains vont bientôt arriver sur le devant de la scène juridique (VII).

Que sont les nouvelles valeurs (1) ?

Etat providence - Alors que la Révolution française et le Code civil ne s'intéressaient qu'à l'individu, envisagé comme un idéal abstrait, la fin du XIx et le xx' siècle se passionnent pour le phénomène collectif et les statuts particuliers, au lendemain de la révolution indus- trielle: consécration de la liberté syndicale en 1884, de la liberté d'association par la loi du 1" juillet 1901, protection des ouvriers (loi de 1898 sur les accidents du travail, congés payés en 1936, droit de grève..). La crise économique des années 30 provoque une inflation législative sans précédent (les décrets-lois): l'État providence est omniprésent dans l'économie, Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, le préambule de la Constitution de 1946 consacre des droits économiques et sociaux v. supra, leçon 1). La propriété individuelle, pilier du Code civil, est rognée: interviennent des lois particulières pour protéger les locataires (baux d'habitation en 1948 et baux commerciaux en 1953), Les années 60 lancent, sous influence américaine, la société de consommation: les français voyagent et achètent des biens d'équipement. Cela suscite un besoin de protection, avec l'apparition du droit de la consommation dans les années 70, qui déroge dans une large mesure aux principes classiques du droit des contrats (ex, droit de rétractation). Dans le même temps, les préoccupations urbanistiques, environnementales conduisent là encore à brider un peu plus les pouvoirs du propriétaire. Tout ceci fait naître une législation particulière, propre à un secteur particulier, qui se développe en dehors du Code civil.

Pourquoi allons nous vers l'harmonisation des systèmes (B) ?

Europe et monde - Les spécificités des droits nationaux, si elles subsistent, s'estompent sous l'effet de l'harmonisation du droit. C'est surtout le cas en Europe (1), mais également dans le monde (2).

Comment se passe l'harmonisation dans le monde (2) ?

Harmonisation plus diffuse -L'harmonisation du droit dans le monde est beaucoup plus difficile à mettre en oeuvre, faute d'une institution mondiale qui aurait le pouvoir de dicter sa loi aux nations du monde. Il y a certes les Nations unies, mais son rôle n'est pas d'harmoniser les législations, mais de réguler les relations internationales. On perçoit toutefois, sous l'influence conjuguée du marché et des droits de l homme, un mouvement naissant de mondialisation du droit. La Cour de cassation vient d'ailleurs de consacrer son dernier Rapport annuel à ce,phénomène (dir. N. Blanc, La documentation française, 2017).

Qu'est-ce que la réintroduction du droit romain (1) ?

Irnerius et Bartole - Vers 1090, deux manuscrits du Digeste furent retrouvés en Italie. Irnerius (1050-1130), fondateur de l'École de Bologne, fut le premier juriste à réintroduire l'enseignement du droit romain, tiré du Corpus juris civilis. Parce qu'il fallait bien commenter des textes écrits il y a plus de six cents ans, les juristes médiévaux avaient recours à la glose, c'est-à-dire à des notes inscrites en marge du texte. C'est pourquoi on les appelle les glossateurs (notamment Accurse, env. 1181-1259). Au XIV siècle, une nouvelle école, qui glose sur les gloses, réinterprète de manière plus libre le droit romain, pour les adapter aux réalités médiévales. On nomme ces juristes les post-glossateurs, dont la figure de proue est Bartole (1313-1357). Par exemple, Bartole tente de concilier les systèmes de personnalité et de territorialité des lois, en créant une distinction entre le statut personnel (mariage, filiation) et le statut réel (propriété), soumis à des règles différentes: le statut personnel relève de la loi d'origine de la personne, tandis que le statut réel relève de la loi du lieu de situation du bien. Cette distinction est passée à la postérité en droit international privé. Une France coupée en deux - La formation des juristes médiévaux au droit romain entraîne sa diffusion en France à partir du xII" siècle. Il est appliqué dans le sud de la France (pays de droit écrit), là où l'influence des coutumes d'origine germanique était bien plus faible (mais certaines coutumes locales restent vivaces), tandis que le Nord reste régi par les coutumes (pays de droit coutumier). Mais même dans la France septentrionale, le droit romain avait vocation à être utilisé, au regard de sa supériorité technique. A défaut d'être directement applicable, il constituait la raison écrite, sorte de droit commun savant invoqué pour combler les lacunes ou les obscurités de la coutume.

Qu'est-ce que l'évolution du droit ?

L'histoire du droit français est assez longue à raconter. Notre droit est le produit d'une alchimie entre des sources diverses: le droit romain, qui s'est appliqué en Gaule, avant de réapparaître sous l'Ancien droit au x' siècle; le droit coutumier, qui a jailli de nos villes et campagnes; le droit canon, qui a été diffusé par l'Eglise, puis la Révolution française qui a placé l'individu au coeur du système juridique. Cette alchimie se retrouve dans le Code civil, publié sous Napoléon et qui est le réceptacle de toutes ces influences. Le droit moderne s'est ensuite développé hors le Code civil par des lois particulières, sous l'action d'un État-providence qui s'est évertué «en même temps» à réglementer l'économie et à libérer la société française. Si on place maintenant le droit français non plus dans l'histoire mais sur la carte du monde, il appartient aux pays de tradition civiliste, par opposition à ceux de common law, même si un mouvement d'harmonisation des systèmes en Europe et dans le monde efface, peu à peu, les différences de culture juridique. Temps et espace - Nous venons de voir dans la précédente leçon que le droit était une création humaine pour organiser la vie en société. Le droit est donc nécessairement dépendant de la société dans laquelle il évolue: les besoins des hommes du vII siècle ne sont pas ceux du xi" siècle, de même que les règles ne peuvent être identiques en France, aux États-Unis ou en Mauritanie. Produit d'une culture et porteur de valeurs civilisationnelles, le droit évolue nécessairement dans le temps (Section 1) et dans l'espace (Section 2).

Qu'est-ce que la socialisation de l'économie (A) ?

L'intervention de l'État dans l'économie fait naître de nouvelles valeurs (1) et de nouveaux codes (2).

Qu'est-ce que l'époque napoléonienne (V) ?

L'époque napoléonienne est fondamentale pour notre droit: c'est sous le règne Napoléon qu'est promulgué le Code civil, encore en vigueur aujourd'hui (A), ainsi que nombreux codes et institutions (B).

Quelles sont les droits de tradition civiliste (A) ?

Le code - 0n parle également des droits de tradition romaniste, romano-germanique ou encore continentale. Ce sont les systèmes juridiques, tels la France, qui sont dérivés du droit romain, et son fameux Corpus juris civilis (Italie, Allemagne, Amérique du Sud...). Nous avons vu que le droit romain était un droit savant. Dès lors, les droits de tradition civiliste ne reposent pas sur l'analyse concrète des faits par le juge, sur son expérience, mais sur des règles fondamentales exprimées dans des codes. Cela explique pourquoi le juge peut changer sa jurisprudence, car le droit est dans la loi: ce n'est au fond que l'interprétation de la loi qui change (v. infra, leçon 9). Ceci explique encore qu'il y ait, en France, une Cour de cassation dont la mission est de veiller à ce que les juges appliquent correctement la loi. Mais ici comme ailleurs, le droit évolue. Nous verrons que la Cour de cassation se livre désormais à un contrôle de proportionnalité, ce qui la conduit à analyser les faits du litige pour écarter une loi, se comportant alors comme un juge de common law (v. infra, leçon 9 sur la jurisprudence).

Quelles sont les droits de common law (B) ?

Le juge - Le terme common law désignait au Moyen Äge le droit qui était commun à toute l'Angleterre, par opposition aux coutumes locales. Mais son sens a changé: il s'agit désormais du droit élaboré par les tribunaux, par opposition au droit légiféré (Angleterre, États-Unis, Australie..). Dans la common law, le droit ne vient pas de la loi, mais du fait tel qu'apprécié par le juge. Afin d'assurer la sécurité juridique, la stabilité de la jurisprudence est assurée par la règle du précédent. Sauf nouvelles circonstances factuelles qui le justifient, une juridiction ne peut pas s'écarter d'une décision précédente qui a été rendue dans le même cas. La jurisprudence étant une source directe de droit, elle doit être stable, afin de susciter une confiance légitime. Dès lors, la formation et la pratique des juristes sont très différentes. Le juriste français confronté à un problème part de la loi pour l'appliquer aux faits, tandis que le juriste de common law analyse des cas concrets analogues, pour rechercher si la même solution doit être appliquée au cas présent. Il suffit d'assister à un colloque ou à un cours de droit pour s'en rendre compte: le juriste français fera son plan en deux parties (un jardin à la française), en ciblant des règles générales et quelques jurisprudences, tandis que le juriste de common law passera son temps à évoquer des cas (c'est-à-dire des affaires précédemment jugées sur telle ou telle question). On retrouve, quelque part, le pragmatisme des Anglo-Saxons dans leur droit.

Que s'est-il passé au le xxI siècle (VII) ?

Le siècle du numérique - Pour paraphraser la célèbre formule de Malraux à propos de la religion, le xx* siècle sera numérique ou ne sera pas. On peut ainsi percevoir une profonde mutation du droit au xxI" siècle sous l'influence des nouvelles technologies. Depuis l'an 2000, l'écrit numérique a en principe la même valeur que l'écrit papier traditionnel. Notre rapport au droit s'est donc dématérialisé: on ne lit plus le Journal officiel, on consulte le site Légifrance; les échanges de pièces devant les juridictions sont dématérialisés; le notaire dresse des actes authentiques électroniques et le consommateur acquiert des biens et des services depuis son smartphone. Mais tout ceci n'est rien, car la technologie reste au service du législateur, du juge, du notaire ou du consommateur. Deux nouvelles technologies risquent d'être bien plus subversives: les blockchains et l'intelligence artificielle. Blockchains - La blockchain, ou chaîne de blocs, est une technologie de stockage et de transmission d'informations sans organe de contrôle. Grâce à des algorithmes, il est ainsi possible d'authentifier une transaction ou un fait sans recourir à l'intervention d'un tiers de confiance: le notaire, qui instrumente les transactions immobilières, la banque, qui contrále les transactions financières, l'état civil, qui comprend les données essentielles de la personne (naissance, mort..). Toute la question est de savoir si cette nouvelle technologie va être au service des professionnels du droit, ou si elle a vocation, tôt ou tard, à se substituer à eux. On retrouve le même questionnement à propos de l'intelligence artificielle. Intelligence artificielle - Selon le Larousse, l'intelligence artificielle est «l'ensemble de théories et de techniques mises en ceuvre en vue de réaliser des machines capables de simuler l'intelligence», On songe, par exemple, aux voitures autonomes, qui peuvent se déplacer sans conducteur: comment organiser la responsabilité en cas d'accident, dès lors que la machine se substitue à l'homme? C'est surtout sur le terrain de la justice prédictive que l'intelligence artificielle est de nature à affecter le droit. Gráce à des gigantesques bases de données et des calculs très complexes, une entreprise peut savoir si elle peut être condamnée pour licenciement abusif devant telle ou telle juridiction, et si oui, à combien de dommages - intérêts environ. Si le juge devait utiliser un tel outil, ne perdrait-on pas de vue que le droit est fondamentalement une création humaine? Il échapperait alors, tel un robot, à son propre créateur.

Qu'est-ce que la libéralisation de la société (B) ?

Liberté, égalité!- La liberté individuelle, bridée dans la sphère économique, s'épanouit dans le domaine sociétal. Cette libéralisation de la société va sans doute de pair avec sa sécularisation. Cette dernière a été actée par la grande loi de 1905 qui a séparé l'Église de L'État. En outre, la Première Guerre mondiale conduit les femmes à prendre la tête des exploitations, en l'absence de leur mari. La libération de la femme mariée est en marche. Une loi du 18 février 1938 abroge son incapacité, tandis que les lois ultérieures réalisent pleinement l'égalité entre époux. Les événements de mai 68 accélèrent le mouvement de libéralisation des moeurs: l'égalité entre les filiations légitime et naturelle [hors mariage) est reconnue en 1972. Le divorce par consentement mutuel est adopté en 1975, en même temps que le droit à l'avortement. La quête de liberté et d'égalité est ensuite revendiquée par les couples homosexuels. Le PACS est ouvert aux couples homosexuels en 1999, avant que le législateur ne fasse le grand saut en 2013 en ouvrant le mariage aux personnes de même sexe. Si des interdits demeurent, tels que la prohibition de la gestation pour autrui, l'heure est au retrait de l'ordre public familial traditionnel.

Qu'est-ce que l'Ancien droit romain ?

Loi des XII tables. Cette première période peut être située de la naissance de Rome, au VII" siècle avant J.-C., jusqu'au siècle avant J.-C. Après les coutumes initiales, la grande source du droit devient, à cette époque, la loi des XII tables, qui a été publiée en 450 av. J.-C sous la République. Contrairement au Code d'Hammurabi, nous n'avons retrouvé aucun fragment de ces lois. Mais son authenticité ne peut être remise en cause, celle-ci étant omniprésente dans les écrits romains (Cicéron, 106-43 av. J.-C.: «rassemblez tous les ouvrages de tous les philosophes. À lui seul, le petit recueil des XII Tables, source et fondement de nos lois, me paraît leur être infiniment supérieur»: cité par M. Humbert, Dictionnaire de la culture juridique, PUF, p. 964). La loi des XII tables constitue une véritable codification, c'est-à-dire un «ensemble cohérent de normes visant à l'exhaustivité dans un champ déterminé et regardant l'avenir» (M. Humbert, op. cit.). Elle contient 146 lois divisées en 12 tables, dont le plan exact nous est inconnu. Il y était question des actions en justice, du jugement, de l'émancipation des enfants, ou encore des funérailles. A cette époque, le droit se trouve alors essentiellement dans la loi.

Qu'est-ce que l'adoption du Code civil (1) ?

Napoléon - Voulant liquider le régime féodal et ses coutumes, les révolutionnaires avaient pressenti le besoin d'introduire un Code civil pour instaurer, au sein de la jeune République, une législation unifiée en droit privé. Pas moins de quatre projets furent élaborés entre 1793 et 1799 (dont trois par Cambacérès), mais aucun n'aboutit. C'est la volonté politique de Napoléon, devenu Consul après son coup d'État du 18 brumaire an VII (9 nov, 1799) qui permit au Code civil de voir le jour. Napoléon le considérera d'ailleurs comme son chef.d'oeuvre: «ma vraie gloire n'est pas d'avoir gagné quarante batailles; Waterloo effacera le souvenir de tant de victoires; ce que rien n'effacera, ce qui vivra éternellement, c'est mon Code civil». Il faut dire que le Code civil, par son style et sa méthode, eut un rayonnement considérable, au point que Stendhal le lisait tous les jours et que de nombreux pays étrangers l'ont importé. Rappelons que le Code civil, bien que réformé à de nombreuses reprises, est aujourd'hui encore en vigueur. C'est, pour le doyen Carbonnier, grand juriste du xx siècle, « la constitution civile de la France». Portalis et les trois mousquetaires - Le Code civil a été rédigé en quatre mois par une commission constituée en 1800 et composée de quatre juristes. Parce qu'il s'agissait de réunifier le pays, la commission comprend deux représentants des pays de droit coutumier, Tronchet et Bigot de Préameneu et deux représentants des pays de droit écrit, Maleville et Portalis. Leurs noms doivent être connus de tout étudiant en droit. De ces quatre juristes, c'est Portalis qui fut la figure de proue, dans la mesure où il prononça son célèbre discours préliminaire, véritable chef-d'oeuvre de la littérature juridique qui contient l'âme de cette législation (cf. infra, lectures). Après quatre années de discussion politique (Napoléon insista notamment pour maintenir le divorce pour pouvoir divorcer de Joséphine, qui ne pouvait pas lui donner d'héritier), le «Code civil des français» fut promulgué le 21 mars 1804.

Quelle est la diversité des systèmes juridiques (I) ?

Nous nous bornerons à décrire les systèmes juridiques du monde occidental. Mais il faut avoir à l'esprit que d'autres systèmes juridiques existent sur la planète: il en va ainsi, par exemple, dans les pays musulmans, marqués par la présence centrale de la religion dans le droit (charia), ou encore de certains pays africains, orientaux et océaniques, dans lesquelles les traditions ont un rôle considérable. Mais que ce soit par l'effet passé de la colonisation ou présent de la mondialisation de l'économie, ces systèmes sont eux-mêmes fortement imprégnés par les systèmes juridiques occidentaux. Le monde occidental est dominé par une distinction, sans doute trop schématique, entre les droits de tradition civiliste (A) et les droits de common law (B).

Qu'est-ce que l'esprit du Code civil (2) ?

Oeuvre de réconciliation de la France - Le Code civil est fondamentalement une ceuvre de compromis. Il faut dire qu'en 1800, la France sort d'une Révolution sanglante (la Terreur), et qu'il est nécessaire de pacifier le pays en restaurant l'ordre. Les rédacteurs du Code, qui n'étaient pas des juristes dogmatiques, mais des praticiens conservateurs, réalisent un équilibre subtil entre les acquis de la Révolution et les institutions de l'Ancien droit. Alnsi. par exemple, la propriété privée est consacrée à l'article 544 du Code civil comme un drok absolu, en écho à la Révolution qui en avait fait un droit naturel et imprescriptible de l'homme. D'ailleurs, la loi de promulgation du Code civil procède à une abrogation des règles de l'Ancien droit : «à compter du jour où ces lois sont exécutoires, les lois romaines, les ordonnances, les coutumes générales ou locales, les statuts, les règlements, cessent d'avoir force de loi générale ou particulière, dans les matières qui forment l'objet desdites lois composant le présent code ». Mais en réalité, les rédacteurs du Code civil n'ont pas fait table rase du passé, bien au contraire. Ils puisent à la fois dans les institutions de droit coutumier et de droit romain pour forger la législation civile de la France. C'est ainsi que le régime légal de la communauté entre époux, qui correspond à la coutume de Paris, est adopté. Dans le même temps, le droit des obligations est, dans une très large mesure, inspiré du droit romain. Philosophiquement, le Code civil ne reprend pas l'idéologie des Lumières, qui a foi en l'homme. Une place de choix est laissée au jansénisme, courant de pensée qui doute de l'homme, cet être qui agit dans son intérêt égoïste. Il faut donc assigner des limites à la liberté: respect de l'ordre public et des bonnes mæurs (art. 6), cause licite (art. 1133), nécessité d'une résolution judiciaire du contrat (art. 1184). Domat et Pothier - Sur le fond, les rédacteurs du Code ont trempé leur plume dans les travaux de deux grands auteurs de l'Ancien droit: Domat et Pothier. Jean Domat (1690-1697) a, par ses travaux, préparé le travail de codification, en rassemblant dans un plan clair les règles de droit civil (Les lois civiles dans leur ordre naturel). Janséniste, il est à l'origine du principe général de responsabilité pour faute (C. civ., art. 1382, devenu 1240) ou encore de la résolution judiciaire du contrat. Robert-Joseph Pothier (1699-1772) est davantage un technicien: il s'est évertué, dans ses célèbres Traités, à faire une synthèse entre le droit romain et la coutume, spécialement celle d'Orléans, dont il était originaire. Certains passages de Pothier, notamment sur la vente, ont été purement et simplement recopiés par les rédacteurs du Code civil. XIX' siècle - Le Code civil rayonne sur la scène juridique internationale tout au long du XIx siècle. Le culte du Code civil est tel que la doctrine le commente article par article, en analysant la lettre et la grammaire des textes, sans rechercher le droit dans d'autres sources que le Code. Ces auteurs font partie de ce que l'on appelle l'école de l'exégèse, qui a sans doute été caricaturée, tant les auteurs de ce courant ont contribué à la compréhension et à l'interprétation du Code civil (v. infra, leçon 11 sur la doctrine). Le Code civil commence son déclin en 1900, date de l'adoption du BCB, le Code civil allemand. En outre, la révolution industrielle à la fin du XIx" siècle fait naître de nouveaux besoins qui ne sont pas pris en compte par le Code civil de 1804, reflet d'une société agricole. De nouvelles techniques d'interprétation du droit, affranchies de la lettre du Code, vont apparaître, provoquant une jurisprudence créatrice (v. infra, leçon 11 sur la doctrine).

Qu'est-ce que le Code civil (A) ?

On étudiera successivement l'adoption (1) et l'esprit du Code civil (2).

Que sont les ordonnances royales (4) ?

Ordonnance de Villers-Cotterêts toujours en vigueur! Le déclin de la féodalité, quì commence au xII siècle, s'explique par la restauration de l'autorité du roi à partir de Philippe- Auguste (1180-1223). Cependant, les rapports de droit privé sont au Moyen ge essentiellement soumis à la coutume ou au droit romain, le roi se concentrant sur la chose publique. Toutefois, le roi commence, à partir du xv siècle, à vouloir uniformiser certains aspects du droit civil au sein du royaume, en construisant un droit français, distinct du droit romain. Il en va ainsi, par exemple, de l'ordonnance de Villers-Cotterêts de François 1er, publiée en 1539, qui est encore en vigueur aujourd'hui. Le texte impose, en son article 111, l'usage de la langue française dans les contrats, jugements et tous actes de procédure. Il est certain que la langue est un formidable facteur d'unité d'un pays (v. art. 2 de la Constitution de 1958: La langue de la République est le français»). On songe également aux fameuses ordonnances d'Aguesseau, chancelier de Louis xv, sur les donations (1731) et les testaments (1735). Conclusion sur l'Ancien droit - Malgré ce mouvement vers l'unité, l'Ancien droit reste, à la veille de la Révolution, un droit morcelé: 65 coutumes provinciales et 300 coutumes locales demeuraient. En outre, il n'était pas rare qu'un même territoire soit soumis à des influences à la fois romaines, coutumières, canoniques et d'ordonnances royales. Enfin, le droit était interprété, et même créé différemment selon les Parlements de l'Ancien Régime, qui se comportaient comme de véritables législateurs locaux (v. infra, leçon 31. Ce morcellement du droit allait de pair avec son caractère inégalitaire. Les individus n'étaient pas égaux en droit, mais dotés au contraire de privilèges et d'obligations hérités de l'appartenance à une communauté. Le noble n'avait pas le même statut qu'un gueux. La Révolution devait brutalement mettre fin à l'Ancien droit, en plaçant la liberté et l'égalité des individus au coeur du système juridique.

Que s'est-il passé au xx siècle (VI) ?

Renversement des valeurs-Le Code civil était économiquement libéral et conservateur d'un point de vue sociétal: la propriété privée est consacrée, mais le divorce, le mariage, la filiation font l'objet d'un contrôle très strict, le tout placé sous la domination du pater familias Le xx' siècle a renversé l'ordre des choses: le droit moderne se caractérise par une sociali, sation de l'économie (A) et par une libéralisation de la société (B).

Qu'est-ce la lente construction du droit français après le XI siècle (B) ?

Rome, Dieu et le roi - Plusieurs facteurs contribuent à la construction progressive du droit français, qui ne sera pleinement réalisée qu'à la Révolution et sous Napoléon: la réintroduction du droit romain (1], l'influence du droit canon [2), la rédaction des coutumes, sous la pression du roi 131, et les ordonnances royales, qui vont de pair avec le déclin de la féodalité (4).

Qu'est-ce que le Code d'Hammurabi (I) ?

Tous au Louvre! Le Code d'Hammourabi est un recueil de textes élaboré à l'époque babylonienne (env. 1750 ans av. J.-C., toujours en Mésopotamie) et qui figure sur une stèle de deux mètres de haut. Cette stèle a été trouvée en Iran par des scientifiques français en 1901, ce qui explique pourquoi elle se trouve aujourd'hui au Louvre. Hammurabi était un roi dont l'ambition était, à travers ce Code, de diffuser au sein de l'Empire babylonien le modèle du roi juste. Le texte contient un préambule, par lequel Hammurabi a reçu le pouvoir des dieux de « proclamer le droit dans le Pays, pour éliminer le mauvais et le pervers, pour que le fort n'opprime pas le faible». Il comprend ensuite près de trois cents jugements, dans lesquels on retrouve l'énoncé prescriptif de la règle de droit. Par exemple, il est indiqué que «si quelqu'un a crevé l'æil d'un homme libre, on lui crèvera l'oeil; s'il a crevé l'oeil d'un mushkenu (entre l'homme libre et l'esclave), il pèsera une mine d'argent; s'il a crevé l'oeil d'un esclave d'un particulier, il pèsera la moitié de son prix». Le Code fournit donc un modèle de comportement (ne pas crever l'oeil d'auteuil, assorti d'une sanction. On est en présence d'une règle de droit. Il est intéressant de noter que si les critères de la règle de droit: sont universels, leur contenu change avec le temps: il était ainsi parfaitement accepté à l'époque babylonienne que l'oeil d'un homme libre ait plus de valeur que celui d'un esclave. Le droit romain, s'il a considérablement enrichi l'oeuvre jurid que, reprend cette approche inégalitaire du droit.

Qu'est-ce que Ie droit romain (II) ?

Tous les chemins mènent à Rome. Si le Code d'Hammurabi, totalement oublié après la chute de Babylone, n'a eu aucune influence sur le droit français, il en va tout autrement du droit romain qui, après avoir pénétré la Gaule avant de disparaître, a été réintroduit au XII" siècle après J.-C. Beaucoup de notions et de distinctions que nous utilisons aujourd'hui ont été théorisées par les juristes romains (propriété, obligations, contrats, distinction droit privé-droit public...). Comme nous venons de le voir, les Romains n'ont pas inventé le droit. Mais ils ont élevé le phénomène juridique à un niveau de technicité jamais égalé. Distingué de la religion et de la politique, le droit devient, à Rome, une véritable science construite et enseignée par les jurisconsultes, qui délivrent leurs opinions sur tel ou tel problème juri- dique dans des consultations. Citons les plus célèbres d'entre eux: Gaïus (et ses fameuses institutes), Papinien, Ulpien ou encore Paul. Tout ceci explique pourquoi vous retrouverez, au cours de vos études de droit, de nombreux adages exprimés en latin (nemo plus juris, fraus omnia corrumpit, ubi lex non distinguit ...), adages qui sont encore invoqués aujourd'hui devant les tribunaux! Le droit romain peut être schématiquement distingué en trois grandes étapes: l'Ancien droit romain (A), l'époque classique (B) et le Bas-Empire (C).

Qu'est-ce que la féodalité (2) ?

Traité de Verdun - L'avènement de la territorialité du droit va de pair avec le dévelop- pement de la féodalité. Charlemagne (742-814), à la tête d'un grand Empire, ne peut, sans missile nucléaire et connexion internet, surveiller toutes ses terres. Dès lors, l'empereur réorganise les royaumes conquis en vastes ensembles territoriaux, administrés par des missi dominici («envoyés du maître») qui gèrent une circonscription territoriale. Mais à partir du traité de Verdun (843), qui partage l'empire de Charlemagne entre ses trois fils, le royaume se désagrège progressivement. Les seigneurs locaux prennent peu à peu leur autonomie. Dans le système féodal, la souveraineté est attachée à la possession de la terre. A l'intérieur de son domaine, le seigneur exerce un pouvoir judiciaire, militaire et fiscal. Le seigneur peut concéder à un vassal un fief, c'est-à-dire une terre en contrepartie de certains services (militaires, financiers..), et le vassal peut en faire de même au profit d'un sous-vassal. Tout ceci contribue à l'émiettement de la souveraineté jusqu'au XII" siècle et, partant, du droit.


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