HDA Q2

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Baroque La sculpture est en ronde-bosse, en retrait dans un édicule qui montre l'apparition de la lumière céleste, matérialisée par des rayons. L'œuvre est construite comme un décor de théâtre, avec une recherche de sensationnalisme. Cette technique se base sur le principe du bel composto développé par le Bernin, qui vise à rassembler peinture, sculpture et architecture dans un discours commun pour décupler leur expressivité.

Le Bernin (1598-1680), L'extase de Sainte Thérèse, 1647-1652.

Rhétorique classique Ici, le naturalisme vise au réalisme pour induire un sentiment poétique qui va permettre in fine d'éprouver un sentiment plus abstrait, hors du sensible, dans la sphère du religieux. Carrache adapte le sujet religieux au paysage, avec une sensibilité tout en douceur et en vérisme, en poésie, pour que le commun des mortels puisse s'y projeter. On voit par ailleurs ici un thème traité selon les principes de l'art classique, qui repose sur un équilibre idéal entre nature et humanité.

Annibal Carrache (1560-1609), Paysage avec fuite en Egypte, 1603.

Du « goût moderne » à la modernité Il y a chez Watteau une légèreté basée sur le croquis. Il fixe des mouvements, des silhouettes, comme des instantanés. Il fait évoluer la peinture de la scène de genre vers les « sujets galants » tirés du roman sentimental et pastoral et du théâtre. Les atmosphères ne disent rien, elles suggèrent. Ce sont des rêves, des fééries impalpables. Le sujet est ambigu : rien ne précise la situation des personnages dans une action précise. Dans l'Antiquité, se trouvait à Cythère un temple à Aphrodite, déesse de l'Amour. L'œuvre serait plutôt une métaphore de l'amour qu'une « scène » précise.

Antoine Watteau (1684-1721), Pèlerinage à l'île de Cythère, 1717.

MODERNITE - IMPRESSIONISME Pour capter la réalité, les peintres impressionnistes vont développer, à partir de 1874, un style rapide qui permet de saisir des effets d'atmosphère. Les artistes utilisent de la couleur chimique en tube qui donne un grand pouvoir visuel à la couleur. Ici, l'œuvre est basée sur une harmonie de bleu et d'orange (loi des contrastes simultanés). L'ambiance est seulement évoquée, brossée (l'œuvre représente le port industriel du Havre au petit matin). L'artiste ne cherche pas le rendu léché et soigné promu par l'Académie.

Claude Monet (1840-1926), Impression soleil levant, 1873.

IMAGE CLASSIQUE La comparaison entre les deux œuvres de Vélasquez démontre la complexité du 17e siècle, autant articulé sur la relation Baroque-Classicisme que sur la tension entre l'idéalisation et le Réalisme/Naturalisme. Le triomphe de Bacchus, thème antique, se singularise par son refus de l'idéalisation. Bacchus ressemble davantage à un adolescent distrait et désincarné de son personnage qu'à un dieu. Le personnage souriant est une allusion aux picaros, personnages populaires des 16 et 17e siècles espagnols. L'œuvre a parfois été appelée « les ivrognes » en référence aux accents contemporains et populaires de la scène.

Diego Velazquez (1599-1660), Le triomphe de Bacchus, 1628-29.

Le classicisme de la Renaissance

(1500-1520) La perspective se perfectionne et prend, avec Léonard de Vinci, une dimension « atmosphérique ». Les espaces sont continus et homogènes. Les artistes cherchent à dynamiser les sujets par des études très poussées des compositions. Les corps prennent en monumentalité, grâce à l'influence des types statuaires antiques, mais gagnent aussi en psychologie. La représentation de la Renaissance parvient de ce fait à une forme d'harmonie visuelle qui jette les bases de l'image classique. Ces progrès sont engendrés par une forte émulation entre les artistes. À cette époque, l'artiste devient un homme respecté et apprécié pour ses qualités individuelles (cfr les Vite de Vasari). Il cherche donc à forcer la reconnaissance par le style auprès des mécènes et des commanditaires. Les compositions expriment un contenu religieux ou moral qui cherche à briller et, ce faisant, à mettre en avant l'érudition du peintre. La plénitude de la Renaissance va surtout trouver sa pleine expression à Rome où les Papes (surtout Jules II, 1503-1513), par des commandes prestigieuses (cfr la Chapelle Sixtine), cherchent à donner à la ville italienne la grandeur de la Rome antique, nouveau témoin de la puissance de la papauté.

3. Le Maniérisme

(1520-1600) Un « art de l'art » La littérature a parfois associé le Maniérisme à une « exagération » de la dernière Renaissance, ou à une transition « mineure » vers le Baroque. Aujourd'hui, on perçoit le Maniérisme comme un style autonome et, surtout, tout aussi digne d'intérêt que la Renaissance. D'un point de vue historique, à l'époque du maniérisme, on constate, surtout au nord des Alpes, un doute religieux. C'est l'époque de la Réforme. Le papisme est mis en doute. En 1572, la Saint Barthélémy consacre la rupture entre catholicisme et protestantisme en France avec le massacre des protestants. Le Maniérisme est un art de crise, qui témoigne d'un sentiment du tragique lié aux événements. D'un point de vue religieux, le Maniérisme est marqué par le doute.

Le Baroque

(1600-1700) L'étymologie du mot « Baroque » est complexe. À la fin du 17e siècle, dans le Dictionnaire de Trevoux (1704), il provient du Portugais « barroco », désignant une perle de forme irrégulière. À l'origine, « Baroque » est un terme plutôt péjoratif ; l'art baroque est un art « en marge », qui rejette les règles pour préférer la fantaisie ou le caprice de l'artiste. En 1795, dans L'Encyclopédie méthodique, Quatremère de Quincy le définit ainsi : « le Baroque en architecture est une nuance du bizarre ». Le terme de Baroque (on parlait à l'époque de « grand style ») est ambigu car il désigne une réalité floue, en tous cas non exclusive (le Baroque coexiste avec la fin du Maniérisme, le caravagisme, le Classicisme, ou des expressions nouvelles comme le Naturalisme...). Il convient dès lors d'emblée de rejeter l'idée simpliste que le Baroque est un style clos en opposition avec le Classicisme au 17e siècle. Le Baroque prolonge d'ailleurs une tension qui existait déjà à la Renaissance entre l'harmonie de Raphaël et l'expressivité de Michel-Ange. Par ailleurs, le Baroque fait émerger des caractéristiques formelles indépendantes qui répondent à l'évolution des arts à son époque. Connecté au Maniérisme, le Baroque développe une rhétorique franche et théâtrale, volontairement déclamatoire et grandiloquente. C'est un art de la surprise, du déséquilibre, de la rupture, qui base moins son expression sur l'harmonie de la composition que sur des jeux de contrastes et d'opposition. D'un point de vue philosophique, l'art de la Renaissance proposait un lien harmonieux entre l'homme et la transcendance. L'art baroque, au contraire, privilégie un lien fusionnel entre les deux plans. Soit les hommes sont « aspirés » vers Dieu, soit Dieu « surgit » dans la réalité. Ce dispositif explique les principes dynamiques adoptés par le Baroque. Stimulés par la Contre-Réforme, l'imagination et les sensations ne sont pas dévaluées dès lors qu'elles permettent d'accéder au plan divin. Tout, dans le Baroque, concourt à l'exacerbation des sentiments, des psychologies, du pathos, des mouvements de pensée complexes, etc. C'est la formule célèbre, « docere, movere et delectare » («instruire, émouvoir et plaire »).

Rhétorique classique et baroque

(1600-1700) L'art du 17e siècle correspond surtout à une formidable diversification des pratiques de la peinture. Plusieurs raisons expliquent une croissance du goût pour les arts dans la société : multiplication des collections privées, importance de la figure du collectionneur, qui peut aussi être un connaisseur et un commanditaire, émergence de la figure du critique, qui commente les œuvres, distingue les styles. L'idéal social du 17e siècle est celui de « l'honnête homme », un homme modéré, doté de raison, raffiné et cultivé, modèle qui contribue à accorder une place centrale aux arts au cœur de la société. En termes stylistiques, le 17e siècle verra s'épanouir deux grands mouvements : le classicisme et le baroque. Ces styles s'opposent dans leurs logiques formelles. Le baroque privilégie l'éloquence, la théâtralité, la rupture, l'asymétrie, alors que le classicisme promeut un art maîtrisé, équilibré, à échelle humaine. Pour autant, classicisme et baroque ne s'opposent pas de manière symétrique. On trouve nombre de programmes décoratifs, comme à Versailles, par exemple, où classicisme et baroque se répondent. La Contre-Réforme est le mouvement religieux et politique marquant de cette époque, au sein d'une Europe dévastée par les guerres de religion vers 1600. La France et les Flandres se remettent d'une guerre civile. En Allemagne, la guerre de 30 ans (1618-1648) fait disparaître deux tiers de la population du pays. La Contre-Réforme cherche à reconquérir les cœurs et préserver l'orthodoxie catholique. C'est dans ce sens qu'est créé l'ordre des Jésuites. La Contre-Réforme promeut un style grandiloquent, théâtral mais aussi émotionnel, qui cherche à toucher les cœurs. Le classicisme, lui, défend plutôt l'idée d'un « retour au vrai », un art maîtrisé et équilibré, clair et ordonné, en réponse aux « exagérations » du maniérisme, puis du baroque.

L'image classique

(1600-1700) L'image classique, en prolongement du Classicisme de la Renaissance, construit un modèle de maîtrise de la représentation mimétique au 17e siècle. Il s'agit d'un art qui exprime son caractère savant dans un style fait de retenue, de proportion et d'équilibre. Le Classicisme trouve son origine à la fin du 16e siècle, où il est avant tout une réaction face aux « exagérations » du Maniérisme. Dans le contexte de la Contre-Réforme, l'idée du « retour au Vrai » se manifeste aussi d'un point de vue esthétique : face à l'affirmation du style dans le champ maniériste, le Classicisme promeut au contraire un retour au « vrai » qui se manifeste par un équilibre soigné, une ordonnance entre l'homme et son environnement. En France, le Classicisme est intimement mêlé à la création de l'Académie des Beaux-Arts et à la puissance politique du pouvoir royal (Louis XIV, à partir de 1661) qui confère à cette esthétique ses lettres de noblesses. L'Académie est fondée en 1648 par les peintres pour s'extirper du système de la maîtrise, héritage des corporations du Moyen-Age. L'enseignement est basé sur la pratique savante du dessin, qui est une possibilité d'étudier la nature mais aussi de la travailler et de l'idéaliser. Le statut de la peinture comme « art libéral » n'est pas celui d'un art qui imite servilement la nature, mais bien d'une pratique basée sur une « idée de la perfection ». Dans ce cadre, André Félibien va déterminer la hiérarchie des genres et mettre en valeur la représentation humaine : « comme la figure de l'homme est le plus parfait ouvrage de Dieu sur la terre, il est certain aussi que celui qui se rend l'imitateur de Dieu en peignant des figures humaines, est beaucoup plus excellent que tous les autres ». En 1663-1667, l'Académie, réformée par Colbert et le peintre Charles Lebrun, prend un rôle central et autoritaire. Son poids ne cessera de se faire sentir dans la vie culturelle jusqu'au 19e siècle où elle sera mise en question.

Du « goût moderne » à la modernité

(1700-1905) Après la mort de Lebrun en 1690, et celle de Louis XIV en 1715, la peinture classique traverse ce qui a été parfois présenté comme une crise de la peinture. La « grande manière » s'affaiblit. La peinture rejette les « grands genres » et se tourne vers des sujets plus légers, parfois inspirés par la culture populaire. L'art du 18e siècle favorise les sujets badins ou de genre. Le terme de « crise » n'est donc pas adapté car il repose sur une vision négative qu'il convient davantage de caractériser par une dynamique positive d'engouement pour la peinture de genre flamande et hollandaise, avec l'apparition de sujets de genre en France.

Le 19e siècle, du Néo-Classicisme à la peinture académique

(1770-1863) En art, le 19e siècle trouve ses racines dans le contexte culturel de la ville de Rome vers 1750-1770. À cette époque, la cité italienne est devenue le creuset artistique européen sous la houlette des Académies nationales qui y envoient leurs meilleurs artistes. Au contact des œuvres de l'Antiquité, et sous l'influence de Johann Joachim Winckelmann, les artistes rejettent les « exagérations » du Baroque et reviennent à l'imitation de l'art antique. Sans surprise, l'Académie revient à un art du dessin comme « cosa mentale » et asservit la couleur (dire « locale ») à la primauté de celui-ci. Le Néo-Classicisme incarne le retour aux règles de l'Académie. En France en particulier, la première moitié du 19e siècle (excepté la période révolutionnaire) est marquée par l'autorité doctrinaire de l'Académie. La hiérarchie des genres est imposée ; les genres mineurs, comme le paysage, sont dépréciés. L'Académie contrôle le jury du Salon de peinture et toute peinture hors norme est rejetée. Ce dispositif va perpétuer la peinture Néo-Classique qui évolue vers un art dit « académique », tout asservi à la maîtrise technique et l'expression moralisante de sujets antiques.

La modernité

(1863-1905) La modernité est un processus diffus qui se met en place dès les années 1830 mais dont la pleine expression se marquera surtout à partir des années '60, pour aboutir à une remise en question de l'image classique au tournant du 20e siècle. Le phénomène se constitue d'abord autour d'un refus progressif des règles drastiques émises par l'Académie : primauté du dessin sur la couleur, peinture transparente et léchée, hiérarchie des genres, etc. Le Romantisme constitue la première mise en cause de ces principes, reprises par les réalistes et les paysagistes. Le Romantisme valorise, au contraire, la richesse de l'imaginaire, de la suggestion, voire du drame. À cette époque, apparaît également la notion de sublime comme critère de jugement esthétique. C'est le critique Edmund Burke qui définit cette notion, dans un essai intitulé L'Origine de nos idées du Sublime et du Beau paru à Londres en 1757 : « tout ce qui est propre à exciter les idées de la douleur et du danger... tout ce qui agit d'une manière analogue à la terreur est une source de sublime ». Les thèmes romantiques articuleront régulièrement leurs œuvres autour de tensions dramatiques, illustrant un nouveau rapport à la beauté, où la contemplation n'est pas que la perception d'un idéal, mais peut être associée à la part d'ombre de l'imaginaire artistique. En France, le Romantisme sera le fer de lance d'une critique du système académique et d'une modernisation des genres. En 1863, le scandale du Déjeuner sur l'Herbe de Manet mène à la création d'un Salon des Refusés. Permettant aux peintres d'exposer leurs œuvres refusées par le Jury, celui-ci ouvre la voie à la monstration publique d'une peinture littéralement « hors-norme » et renforce l'expression de la modernité dans les arts plastiques. Sous l'influence du Japonisme, les artistes impressionnistes et post-impressionnistes rejettent les structures profondes de la constitution de l'image classique, et notamment l'usage de la perspective. Les impressionnistes, en utilisant un système de peinture par touches juxtaposées reconstituent une image mentale (faite de l'association de l'image rétinienne et du travail cérébral) et non plus une fenêtre mimétique ouverte sur le monde. Gauguin ira plus loin en consacrant un rapport subjectif à la réalité. Dès lors, la fonction d'une peinture n'est plus seulement de « représenter » le monde, mais elle vaut avant tout comme réalité autonome brillant par ses qualités plastiques propres.

Les premières avant-gardes

(1905-1945) Au début du 20e siècle, les milieux artistiques s'internationalisent. Vers 1900, Paris peut être vue comme une capitale artistique internationale (le Montmartre de Picasso ou Modigliani) où les milieux modernes vont converger. Néanmoins, l'internationalisation de l'art implique, que, très vite, d'autres milieux, en Europe, vont constituer des groupes « affiliés » aux courants modernes dans leurs pays respectifs. L'art de l'avant-garde, même s'il recoupe des spécificités nationales, doit être vu comme un ensemble cohérent où les esthétiques circulent au-delà des frontières nationales. Le terme d'avant-garde implique également un processus sociologique. La modernité, au 19e siècle, se construit d'abord au revers de la peinture dite « académique », avec plus ou moins de confrontation aux normes et à l'horizon d'attente. À la fin du 19e siècle, une véritable rupture est consommée. « Avant-garde » est à l'origine un terme militaire. Il désigne une « faction » combattante, à l'avant d'une armée, à la manière de ces petits groupes d'artistes qui souhaitent faire table rase du passé pour promouvoir un art radicalement nouveau. On verra qu'au sein de l'avant-garde, la rupture avec l'ancien, la provocation, le coup de poing artistique sont valorisés. L'avant-garde instaure la culture artistique que nous connaissons encore aujourd'hui, faite de provocation, de nouveauté, de rupture, de singularité

Renaissance

1400-1520

La première Renaissance et la mise en place de l'image mimétique Le panneau central expose une Vierge à l'enfant, trônant, accompagnée de personnages saints, en l'occurrence certains apôtres et Zénon, patron de Vérone, une iconographie byzantine de la Madone victorieuse, entourée d'anges. La Vierge tient l'enfant, ce qui annonce son sacrifice (le panneau central de la prédelle est la crucifixion), comme en témoigne le vêtement qu'elle porte, de la couleur du sang. Huit saints sont placés de part et d'autre, suivant les vœux du commanditaire : à gauche, Pierre, Paul, Jean évangéliste et Zénon ; à droite, Benoît, Laurent, Grégoire et Jean le Baptiste. Le placement des saints, en arc de cercle, fait penser aux Quatre Saints couronnés, de Nanni di Banco, pour Orsanmichele. L'artiste y représente quatre saints martyrisés par un empereur romain car ils refusent de tailler une sculpture païenne. L'œuvre est commandée par la corporation des charpentiers et des tailleurs de pierre, métiers que la sculpture représente dans la partie du dessous. L'encadrement architectural de la niche détache l'œuvre de l'architecture, et crée un effet de spatialisation. L'idée de l'artiste est de montrer que l'œuvre n'est plus une simple sculpture d'architecture, comme à l'époque gothique. Par l'effet de cadre, la sculpture apparaît comme un tableau d'autel, et pose les figures en arc-de-cercle dans un espace cohérent comme il pourrait être en peinture : ainsi, la sculpture met en relief sa capacité à produire une représentation mimétique par une continuité entre espace représenté et espace réel. La disposition spatiale donne ainsi une vraisemblance à la cohérence du groupe, tout en précisant le contenu de l'iconographie : l'impression est celle d'une conversation grave, d'un message échangé entre les saints, comme s'ils faisaient front ensemble face à l'adversité et à leur destin commun. L'œuvre reprend l'idée des triptyques médiévaux, panneaux d'autel en trois parties qui s'ouvraient pour les offices. Structurée comme un triptyque, elle est en même temps une pala (tableau d'autel unique). L'architecture rassemble les trois parties qui ne sont pas des lieux distincts mais un espace continu, mis en scène par l'architecture sculptée et la perspective, qui donne l'unité à l'ensemble. L'architecture matérialise physiquement l'espace de l'oeuvre car les colonnes du cadre sculpté sont en cohérence avec l'espace perspectif de l'image. Le point de vue de l'image est vériste, puisque la ligne d'horizon se trouve très bas (en bas du trône), comme si la Vierge était vue du bas, du point de vue réel dans l'Église. La dimension de l'œuvre supprime la distinction de l'espace peint et le met en strict équivalent de l'espace réel de l'église. Le point d'horizon de l'image peinte rassemble les fuyantes « réelles » de l'église au niveau du cœur.

Andrea Mantegna (1431-1506), Retable de San Zeno, 1456-1459.

Baroque Pozzo utilise une architecture en trompe-l'œil, la quadratura, pour ouvrir sur une aspiration vertigineuse. L'église n'est qu'un théâtre qui ouvre sur une spiritualité bien supérieure, dans l'idée de frapper les esprits. Les raccourcis des perspectives verticales créent un effet d'aspiration. On veut susciter un état de fascination proche du ravissement mystique. Ce ne sont pas des iconographies « pessimistes » mais, au contraire, remplies d'espoir (assomptions, triomphes, gloires).

Andrea Pozzo (1642-1709), La gloire de Saint Ignace, 1691-1694.

IMAGE CLASSIQUE En 1661, Louis XIV demande à Le Nôtre d'aménager les jardins de Versailles. Les travaux vont s'étaler sur plus de 40 ans. Le jardin se développe sous Louis XIV dans une esthétique dite des « jardins à la française » où triomphe le classicisme. La nature symbolise, par excellence, le monde de la luxuriance, de l'exubérance sauvage. Par opposition, la structuration de la nature dans des compositions ordonnées est un symbole absolu de la capacité de l'artiste à faire de ses créations un lieu de maîtrise savante. Cette ordonnance se combine à une impressionnante maîtrise technique, notamment pour l'utilisation des essences, souvent prélevées à l'âge adulte aux quatre coins de la France, mais aussi à l'assèchement des terrains, à l'origine marécageux, qui a demandé un travail colossal, ainsi qu'à la mise en place du système hydraulique (plus de 30 km de tuyaux en plomb). - Le jardin à la française réutilise les principes savants d'organisation de la peinture : • Axe perspectif qui structure la composition. Les allées, parterres et bassins s'organisent sur cette perspective. • Utilisation de la géométrie dans les arrangements ou les compositions. • Point de vue surélevé offert au spectateur de manière à percevoir l'ensemble de l'axe perspectif. - Les jardins à la française sont en réalité des jardins d'architecte. Cet art est placé au sommet de la hiérarchie car il repose sur l'ordonnance des éléments. Le jardin ne laisse aucunement la place à la nature sauvage, mais l'utilise dans toutes ses potentialités (couleur, texture, formes géométriques, etc) ramenées à une syntaxe de d'ordonnance et de géométrie.

André Le Nôtre (1613-1700), Les jardins de l'orangerie de Versailles, 1684-1686.

NEO-CLASSICISME Dès son avènement, Napoléon Bonaparte va utiliser le Néo-Classicisme à des fins politiques. Il a perçu que les images produites par ce mouvement étaient structurées, efficaces, puissantes car elles jouent sur les ressorts psychologiques et dramatiques de l'action. Le 19e siècle est la période de gloire des Salons parisiens qui connaissaient une fréquentation très importante. À une époque où les médias sont nettement moins nombreux et diversifiés qu'aujourd'hui, la peinture sert aussi de support à l'information, à l'actualité, mais aussi à la propagande et l'idéologie. L'œuvre de Gros met en scène de manière idéalisée l'une des actions de Napoléon dans sa compagne égyptienne. L'œuvre reprend la structure du Serment des Horaces de David, avec une construction à trois arcades. L'idéal de vertu - caractéristique néo-classique - est ici mis en scène. Plutôt que de se protéger des malades, comme le fait un général, Bonaparte touche un soldat infecté par la peste. Le peintre l'identifie au Christ, bien sûr, mais aussi au pouvoir de soigner les écrouelles lorsque les rois de France touchaient les scrofuleux. L'œuvre se lit de gauche à droite sur un axe qui passe du désespoir à l'espoir. À gauche, des hommes sont dans la position typique de la mélancolie et du désespoir. À droite, Napoléon redonne de l'espoir aux malades, alors que, plus bas, un médecin tente de soigner un bubon en l'incisant et en vidant le pus de la plaie (parfaitement inutile au point de vue thérapeutique). Cette réalité idéalisée est à l'opposé de l'histoire puisque l'on sait que Napoléon avait conseillé au médecin Desgenettes d'administrer de l'opium aux malades pour les euthanasier.

Antoine-Jean Gros (1771-1835), Bonaparte visitant les pestiférés de Jaffa, 1804.

MODERNITE Auguste Rodin fera subir à la sculpture une évolution similaire à celle que les impressionnistes donneront à la peinture, augurant un rapport moderne à ce médium d'expression. En sculpture toutefois, l'évolution vers la modernité, au 19e siècle, est plus tardive qu'en peinture, car la sculpture est une pratique couteuse qui est déterminée par le goût des commanditaires, plutôt classique durant tout le siècle. La sculpture de Rodin est un art qui repense l'héritage classique pour en livrer une vision contemporaine, souvent étonnante. Rodin puise essentiellement à l'expressivité de Michel-Ange pour créer des œuvres puissantes qui dépassent les canons classiques. Dans L'Homme qui marche, Rodin réinterprète le fragment antique du torse du Belvédère. Mais plutôt que de réintégrer l'anatomie de l'œuvre dans un sujet contemporain, Rodin « cite » le torse en lui laissant son état de fragment, placé sur des jambes en mouvement, ce qui accentue l'étrangeté et la modernité du sujet. L'œuvre est d'ailleurs un « marcottage », une œuvre recomposée puisque les jambes et le torse sont des récupérations d'études pour un Saint-Jean Baptiste, « récupérées » et « associées ». Le mouvement des jambes est par ailleurs étonnant puisqu'il ne s'agit pas d'une foulée (l'écartement des jambes est trop important), mais plutôt le déroulement d'une foulée complète, comme si l'artiste souhaitait inclure physiquement le mouvement dans une image fixe.

Auguste Rodin (1840-1917), L'homme qui marche, 1900.

RENAISSANCE - HUMANISME Palais de prestige, mais qui veut également montrer la puissance des Médicis (bossages au premier niveau). Les Médicis sont des banquiers qui sont les témoins de ce nouveau pouvoir du commerce. Leur fortune leur permet d'utiliser l'art comme outil de distinction sociale.

Benozzo Gozzoli (1420 ou 1424-1497), L'adoration des mages, 1440-1441.

BAROQUE Le sujet est tiré des Métamorphoses d'Ovide. Daphné est victime des ardeurs d'Apollon. Elle implore son père de la sauver ; celui-ci la transforme en laurier. L'influence de l'Antiquité est nette, car l'Apollon rappelle l'Apollon du Belvédère. Mais Le Bernin articule le sujet autour du mouvement, métaphore de la transformation, avec une idée de déséquilibre, et un contraste brutal puisque la course est représentée en plein instantané, au moment où Daphné commence à se métamorphoser. La taille des mains qui se transforment en lauriers est d'une délicatesse particulière, soulignant la virtuosité du sculpteur. Bernin parvient à donner l'idée poétique d'un mouvement fugace, transitoire.

Bernin (1598-1680), Apollon et Daphné, 1625.

BAROQUE L'œuvre est inspirée par les ciboires de l'époque, coupe fermée où l'on enferme les hosties. L'idée est de créer un espace sacré à dimension architecturale autour du mystère de l'Eucharistie. Elle rappelle également le baldaquin des processions papales et insiste dès lors sur l'autorité du pontife. Sur les colonnes, on trouve des feuilles d'olivier et des abeilles, dorées à la feuille, symboles du Pape Urbain VIII. L'œuvre s'inscrit dans l'idée de la Contre-Réforme de revivifier le culte catholique dans une veine théâtrale. Les colonnes spiralées créent un sentiment d'ascension aspirante qui parvient à projeter le spectateur dans la verticalité et créer un lien entre l'univers terrestre et la coupole, qui représente le monde céleste.

Bernin (1598-1680), Le Baldaquin de Saint-Pierre de Rome, 1624-1633.

MANIERISME Paul de Tarse, qui persécutait les chrétiens, tombe de cheval sur le chemin de Damas, raconte les Actes des Apôtres. Il est aveuglé par la lumière divine et se convertit. Caravage est à l'origine d'un art expressif et fougueux, tout en contrastes et en ruptures. Pour ce faire, il table sur des moments d'instantanés qu'il éclaire d'une lumière violente qui contraste avec l'obscurité. C'est ce qu'on appelle le « clair-obscur ». Caravage inaugure aussi un grand sens du réalisme, prenant parfois des sujets réels comme modèle. Dans cette œuvre, le palefrenier a un visage buriné et rude, loin de tout idéalisme. Selon Arnaud Brejon de Lavergnée, Caravage « traite certains sujets comme des tranches de vie » (1999). La perspective en raccourci est légitimée par le fait que l'œuvre était placée au-dessus de l'autel et était donc vue du bas. Pour autant, le Caravage choisit souvent des points de vue qui engendrent des visions rapprochées, participatives, et qui permettent au spectateur de mesurer la dimension dramatique ou psychologique du sujet.

Caravage (1571-1610), La conversion de Saint Paul, 1600.

MANIERISME

Caravage, David avec la tête de Goliath, 1606-1607.

Le classicisme de la Renaissance Le château de Chambord est édifié à partir de 1519 à la demande François 1er. Les fouilles archéologiques ont démontré qu'il existait un château médiéval plus ancien sur le site. François 1er conçoit probablement l'édifice comme un château de chasse (il est passionné par la chasse à courre), ce qui explique sa situation étonnante, au milieu des marais, relativement isolée. L'œuvre s'inspire pleinement de la Renaissance italienne. En 1515, François Ier bat les troupes du Duché de Milan à la bataille de Marignan et prend le contrôle de la Lombardie. À partir de 1516, il accueille Léonard de Vinci, qui séjourne à Amboise, au Clos Lucé, jusqu'à sa mort en 1519. De nombreux motifs rappellent l'Italie, la bichromie des décors incrustés de la partie supérieure du château (cfr la Chartreuse de Pavie), ou les galeries ouvertes avec baies sous arcs en plein cintre. Le plan centré avec escalier central rappelle également l'organisation structurelle des villas toscanes. Le plan évoque le château médiéval, ce qui s'explique en partie par la fascination de la cour de François 1er pour la chevalerie et les romans médiévaux ou les chansons de geste. Mais la structure du bâtiment est probablement due à Léonard de Vinci. Elle s'organise sur un plan centré régi par une croix grecque, recherche d'organisation et de perfection typique de la Renaissance italienne. L'escalier central à double révolution est un chef-d'œuvre d'intelligence ; il permet aux visiteurs de se voir sans jamais se croiser et de drainer le passage en toute fluidité. François 1er séjournera très peu à Chambord (42 jours en 32 ans), et pourtant il continuera à accorder la plus grande importance à sa construction jusqu'à la fin de son règne. Après la défaite de Pavie (1525) contre Charles Quint, où François 1er est capturé, le chantier est arrêté. Mais il reprend à la libération du souverain. Charles Quint visite même le château en 1539. François 1er se sert de l'architecture pour impressionner son rival. En réalité, dans l'esprit de la Renaissance, le Roi imagine Chambord non pas comme une architecture fonctionnelle, mais comme une folie architecturale, pleine de raffinement et éclatante de beauté. On remarquera notamment le grand soin accordé à la décoration ; les salamandres évoquent le Roi (on pensait à l'époque que l'animal pouvait survivre au feu), une série de symboles complexes et chargés d'esprit évoquent les valeurs associées au pouvoir (les nœuds/la concorde).

Château de Chambord (Val de Loire, France), édifié à partir de 1519, sous François Ier, sur des plans supposés de Léonard de Vinci, sous la supervision supposée de Domenico Bernabei da Cortona

IMAGE CLASSIQUE Le peintre représente une partie de l'Alcazar à la cour de Philippe IV. On y voit l'infante Marguerite-Thérèse. Une radiographie a montré que sur la partie gauche, il y avait un rideau rouge et un garçon tendant un bâton de commandement à l'infante. Mais lorsque naît Prospero, l'héritier du trône, Vélasquez change le tableau et se « représente représentant » le roi et la reine. Au fond, un miroir montre le roi et la reine. Pour certains, ce miroir réfléchit le tableau que peint Vélasquez, pour d'autre, il réfléchit les personnages réels qui sont devant la scène. L'artiste sonde l'idée de réel et d'imaginaire puisqu'il se représente lui-même dans l'œuvre occupé à peindre la scène tout en regardant le spectateur. Le sens est complexe. Il y a à la fois un jeu sur l'idée de la relation entre l''art et l'illusion, qui est un thème connu à la période classique en Espagne. Vélasquez se représente par ailleurs au sommet de sa reconnaissance. Il se montre en chevalier de l'Ordre de Saint-Jacques, dont il pose les insignes sur son habit, ce qui montre qu'à cette époque, le peintre se considère comme un Maître. Vélasquez entend attester que la peinture est l'expression d'une pratique libérale et pas d'un simple artisanat. C'est l'idée de la peinture comme « cosa mentale », chose de l'esprit, pleinement incarnée ici par l'intellectualisation d'un sujet mineur.

Diego Velazquez (1599-1660), Les Ménines, 1656.

ROCOCO Le décor rocaille en or extraordinairement sculpté se trouve sur un fond entièrement blanc. L'idée est de donner une unité, comme si l'espace ne faisait qu'un, et qu'il était en dilatation. De ce fait, les sculptures apparaissent modernes, vivantes, dans un espace en mouvement.

Dominikus Zimmermann (1685-1766), Eglise de la Wies, 1745-1750.

Le classicisme de la Renaissance L'oeuvre représente David vainqueur de Goliath. L'artiste s'est appuyé sur le livre de Samuel pour justifier la nudité, mais il faut surtout voir l'influence de l'Antiquité, avec un contraposto (déhanché) caractéristique de la sculpture grecque. Le corps est encore marqué par la grâce du Gothique international, mais la recherche du vérisme anatomique prolonge surtout les canons de la statuaire antique. David passe pour être le premier nu monumental (1 mètre 50) de la Renaissance. L'œuvre a sans doute été commandée par les Médicis ; elle était en tous cas placée dans la cour du Palais en 1459, ce qui lui a permis d'être appréciée par de nombreux Florentins. On peut relier le thème avec l'Humanisme et la relecture de l'Antiquité, à savoir que, au-delà de la figure biblique, l'œuvre peut être associée à plusieurs thématiques compilées dans une forme de corpus savant. La forme particulière du chapeau (le pétase) indique la représentation probable d'un Mercure, Dieu du commerce, ce qui renvoie évidemment aux Médicis. Dans ce cas, le géant abattu serait Argos. La couronne de lauriers fait aussi penser à une allégorie de la victoire et pourrait se rapporter à la bataille d'Anghiari de 1440 où les troupes florentines battent les Milanais.

Donatello (1386-1466), David, vers 1440.

RENAISSANCE - HUMANISME Bramante relie le palais pontifical à la villa du Belvédère. Il recrée ainsi le cadre antique de l'architecture, en s'inspirant des formes typiques du cirque et du théâtre romains. Le bâtiment a une fonction évidente, mais comme « espace de représentation », servi par une ample scénographie, il devient aussi un lieu propice à mettre en avant la vie sociale tout en servant le prestige de la Papauté.

Donato Bramante (1444-1514), Cortile del Belvedere, vers 1506.

Le classicisme de la Renaissance Ce temple se situe sur le site présumé du martyre de Saint-Pierre. Comme tout martyrium, il est de plan centré, avec une cella circulaire creusée de niches, entouré d'une colonnade. Ce plan est inspiré des tholos antiques ; à travers l'inspiration antique, c'est la monumentalité qui est recherchée par l'architecte. L'œuvre est en particulier influencée par le Temple de Vesta, un temple romain très ancien, reconstruit en 241 av.J.-C. C'est l'une des premières fois qu'un architecte va aller jusqu'à réaliser une œuvre religieuse « comme » un temple antique, notamment en posant l'architecture sur un podium à gradins. Pour autant, Bramante joue avec le vocabulaire antique. Au lieu d'utiliser l'ordre corinthien, très décoratif, utilisé pour le temple de Vesta, il utilise l'ordre dorique qui induit une grande sobriété et ne surcharge pas l'ensemble par les décors. L'ordre dorique va avoir pour effet « d'unifier » l'architecture et de donner au bâtiment un effet d'ensemble particulièrement efficace. Par ailleurs, Bramante va volontairement surdimensionner l'architecture par rapport aux bâtiments et au cloître qui se trouve à côté. L'effet est d'accentuer la puissance expressive du temple, qui semble « surgir ». Les marches sont « trop » larges, ce qui va contribuer à renforcer cet effet dynamique expressif.

Donato Bramante (1444-1514), Tempietto de San Pietro in Montorio, vers 1510.

MODERNITE À l'origine, l'œuvre s'intitule le Bain (femme de l'arrière-plan), que Manet réinterprète dans une allégorie de la poésie en regard au Concert pastoral du Titien. Mais l'œuvre provoque un scandale retentissant car le peintre associe une femme nue et contemporaine à deux personnages aussi contemporains. Cette association produit un sentiment de luxure dont Manet lui-même se moquait, appelant son œuvre « la partie carrée ». Vidée de tout contenu allégorique, la peinture de Manet est également scandaleuse pour l'époque par sa texture. Plutôt que des passages souples et transparents entre les formes, Manet impose une peinture en aplats, opaque, nerveuse et moderne, constituée de contrastes violents entre les ombres et les lumières.

Edouard Manet (1832-1883), Le déjeuner sur l'herbe, 1863.

Rhétorique classique Depuis la Renaissance, la notion de style s'est fortement développée. On apprécie les talents individuels que l'on cherche à reconnaître dans la peinture du passé. Les écoles locales se spécifient et sont appréciées pour leur diversité, dans un esprit de collection. (Ex. École de Delft). La spécialisation entraîne aussi une spécialisation dans les genres. Au 16e, les artistes se spécialisent, et au 17e, la peinture se hiérarchise dans des sous-genres bien particuliers, paysages, portraits, natures mortes. On relit aussi les anciens, notamment Pline, qui donne des listes de sujets des œuvres antiques, démarche qui aboutit à une prise de conscience que les Grecs pratiquaient des genres différents.

Hieronymus II Francken (1578-1623), La collection de Sebastiaan Leerse.

MODERNITE L'œuvre de Delacroix respecte en apparence les cadres de la peinture académique. Le sujet représente le roi assyrien légendaire, Sardanapale, assiégé dans son palais, préférant sacrifier sa cour plutôt que de se rendre. Même si Delacroix refusait d'être associé à cette école, la toile incarne des valeurs romantiques, notamment la notion de sublime, dès lors que la contemplation s'articule autour d'un épisode morbide. Pour autant, Delacroix pose ici l'un des premiers jalons de la peinture moderne. La couleur n'est pas locale, comme dans le Néo-Classcisme. Au contraire, elle prend une existence propre et structurante, puisque la résonnance entre les formes, d'une apparente confusion, se fait par les liens coloristiques (notamment les ors et les rouges) comme le faisaient auparavant les artistes baroques. On remarque par ailleurs que les formes procèdent d'un papillonnement visuel qui se « superpose » à la stricte clarté du sujet représenté. Delacroix joue sur le pouvoir expressif de la couleur. En 1827, c'est une révolution. On passe d'une image « contenu » à une image « surface ». L'œuvre n'est plus seulement une représentation, mais aussi la matérialisation d'une sensation, non pas offerte à la seule intelligence, mais aussi au simple plaisir de l'œil. Dans son Salon de 1846, le poète Charles Baudelaire définira la modernité : « L'harmonie est la base de la théorie de la couleur. La mélodie est l'unité dans la couleur, ou la couleur générale. La mélodie veut une conclusion ; c'est un ensemble où tous les effets concourent à un effet général (...) La bonne manière de savoir si un tableau est mélodieux est de le regarder d'assez loin pour n'en rien comprendre, ni le sujet, ni les lignes ».

Eugène Delacroix (1798-1863), La Mort de Sardanapale, 1827.

La première Renaissance et la mise en place de l'image mimétique Brunelleschi revient au vocabulaire roman (arcs en plein cintre) et donc romain (chapiteaux corinthiens). Il souhaite ainsi distinguer l'église des espaces gothiques qui précèdent. Ici, l'église n'est plus un lieu de mystère, ou un lieu de verticalité divine, mais elle est à taille humaine, structurée par l'ordre logique. Le plan est une croix latine ordonnée, physiquement matérialisée : par l'ouverture des bas-côtés, le transept est perceptible depuis la nef, ce qui rend le plan visible et homogène. De même, les chapelles latérales sont de simples niches dans le prolongement des entre-colonnades, ce qui donne le sentiment d'un lieu uni, et non pas dispersé dans une somme d'architectures agglutinées. Chaque chapiteau est surmonté d'un entablement surélevé qui « surhausse » la voûte, laissant apparaître les bas-côtés et donc l'ensemble de l'espace. La notion de maîtrise de l'espace est accentuée par le contraste structurant entre le blanc et la pietra serena, tout comme par le jeu entre le carré et l'arc-de cercle des voûtes, lui-même compris dans un carré. Cette proportion est basée sur un modèle à taille humaine, le carré, qui relire quatre colonnes, où se trouve inscrit l'art de cercle que Brunelleschi utilise par ailleurs. Ce module rappelle le dessin que fera quelques années plus tard Léonard de Vinci, communément appelé L'Homme de Vitruve. L'homme est au centre de l'univers, selon le modèle humaniste. Mais surtout, ce dessin établit une proportion idéale du corps humain, selon les canons de l'architecte romain Vitruve, qu'il met en relation avec les formes essentielles de la géométrie, le cercle et le carré, qui sont aussi les formes de base de l'architecture. Le dessin possède aussi une force symbolique, puisque l'homme au repos est « terrien » (dans un carré) alors que l'homme en extension est un homme « spirituel » (dans un cercle). En utilisant un module similaire, Brunelleschi produit une architecture à la fois à taille humaine, unifiée et lisible, mais aussi puissante sur le plan symbolique.

Filippo Brunelleschi (1377-1446), Santo Spirito, Florence, 1444-1487.

BAROQUE La forme de la chapelle est hexagonale, avec une façade en demi-lune concave. De manière verticale, les arrêtes de la coupole se prolongent jusqu'au sol, ce qui donne un sentiment d'aspiration ininterrompue sur toute la hauteur. La forme de la coupole est théâtrale. Elle veut suggérer une abeille en vol, qui est l'emblème du Pape Urbain VIII et, par ailleurs, une allégorie de la Sagesse. En résonnance, Borromini accentue la théâtralité de l'ensemble en créant un plan en alvéoles, formé par un hexagone fait de mouvements concaves et convexes alternés.

Francesco Borromini (1599-1667), Sant'Ivo della Sapienza. 1643-1650.

Du « goût moderne » à la modernité L'œuvre représente celle que l'on appelait la belle Morphise, qui devient à 14 ans l'enfant-maîtresse de Louis XV par l'entremise de Madame de Pompadour. Elle donnera une fille au roi à 16 ans. Il s'agit d'une femme éduquée. Elle est voltairienne, musicienne, humaniste, elle perdra la grâce royale pour avoir tenté d'éloigner Madame de Pompadour du Roi. Boucher peint avec grâce, légèreté. Il s'agit ici d'un sujet badin, érotique, qui rappelle le thème antique de la Vénus endormie. L'érotisme s'articule sur le corps gracile et la blancheur de la peau, deux critères du goût à l'époque. L'intérêt pour le rendu des matières, le velours en particulier, cherche à convoquer le sens du toucher.

François Boucher (1703-1770), Marie-Louise O'Murphy, 1751.

IMAGE CLASSIQUE Une certaine théâtralité rapproche la sensibilité de cette œuvre de l'esthétique baroque. Pour autant, Girardon articule les relations entre les personnages autour d'une ordonnance toute classique, avec un sentiment de retenue psychologique qui accentue encore cette disposition. L'influence est antique, puisque le visage d'Apollon reprend celui de l'Apollon du Belvédère. La colonne, à gauche de la composition, est également un emprunt antique qui permet aux sculpteurs de donner un cadre spatial à la composition, située dans l'espace, dispositif accentué par la nymphe qui sort de la grotte, un plat à la main. Pour autant, on peut s'étonner de voir représenter Apollon, et donc l'image de Louis XIV, dans un style influencé par la statuaire hellénistique, un style sensuel, raffiné, plutôt éloigné de l'image du pouvoir. Ce dispositif correspond assez bien à Versailles, qui est aussi un outil diplomatique : le Roi est ici figuré comme un homme de goût, de raffinement et d'élégance plutôt que comme un homme de guerre ou même de pouvoir. Apollon, maître des Muses, sert donc l'objectif politique de Louis XIV qui veut se montrer sous sa capacité à harmoniser et pacifier le monde chrétien.

François Girardon (1628-1715) et Thomas Regnaudin (1627-1706), Apollon servi par les nymphes, 1666-1673.

Du « goût moderne » à la modernité L'œuvre est un portrait de fantaisie autour d'un sujet libertin : la jeune femme est assise sur une escarpolette (balançoire), qu'un abbé pousse. Un homme écarte un buisson et regarde sous sa jupe. Un petit chien jappe, marquant l'excitation des personnages. Le sujet est érotique, mais léger. La diagonale tisse un moment instantané où la jeune femme se donne à voir, mais ce moment va passer. Il y a un jeu de voilé/dévoilé qui caractérise le dispositif érotique. Le lien entre la femme et le personnage qui la regarde est souligné par un jeu de correspondance, puisqu'il arbore une fleur de la couleur de la robe de la femme, alors qu'elle porte une fleur de la couleur du vêtement de l'homme. Les codes du libertinage sont renforcés par la présence du prêtre qui cristallise l'idée d'une transgression. À l'origine de l'œuvre, le fantasme d'un libertin, M. de Saint-Julien, receveur général des biens du clergé, qui précise ainsi sa commande : « Je désirerais que vous peignissiez Madame sur une escarpolette qu'un évêque mettrait en branle. Vous me placerez de façon, moi, que je sois à portée de voir les jambes de cette belle enfant et mieux même, si vous voulez égayer votre tableau. »

Jean-Honoré Fragonard (1732-1806), Les hasards heureux de l'escarpolette ou la balançoire, 1776.

Du « goût moderne » à la modernité Le 18e siècle invente le « public » et les salons. La critique d'art devient un genre littéraire vers 1750. Celle-ci poursuit l'idée d'une vulgarisation, le public s'éduque par l'art. On lit aussi les œuvres en termes de philosophie, ce qui marque la naissance de l'esthétique. Dans le siècle de l'Encyclopédie, les auteurs tentent de « situer » l'art dans le champ de la connaissance. L'idée est que l'art est moins un instrument de savoir que d'émotion. Cette idée sensualiste, très présente à l'époque, s'incarne dans la philosophie de Condillac qui publie en 1754 un Traité des sensations où la peinture est pris dans le contexte plus général du rapport à la connaissance, Condillac démontrant que toute connaissance émane de la sensation. Les commandes émanent de plus en plus de privés, dans une optique esthétique, avec, par la même occasion, la montée en puissance d'une peinture de genre qui échappe aux grandes normes de la peinture pétrie de doctrines politiques ou religieuses. La décoration et l'architecture sont marquées par le « goût nouveau », une décoration assez surchargée, le rococo. Celui-ci est basé sur la rocaille, qui désigne une décoration florissante composée de formes figuratives, feuilles, tiges, coquilles, avec des éléments zoomorphes ou fantastiques (dragons, chimères, etc.). Plutôt que l'ordonnance classique, on y trouve un côté asymétrique, décentré, libre. C'est un style qui correspond à la légèreté des mœurs, à la liberté morale, au confort matériel et intellectuel de la bourgeoisie de l'époque.

Gabriel de Saint-Aubin (1724-1780), Vue du Salon de 1779.

MODERNITE - NEO-IMPRESSIONISME En 1886, lors de la dernière exposition impressionniste, un groupe de peintres, emmenés par Georges Seurat, fonde le Néo-Impressionnisme. Ce mouvement prolonge la technique impressionniste en la réformant pour la systématiser. Pour les néo-Impressionnistes, une technique visant à capter un maximum de lumière doit être rigoureuse, voire scientifique. Pour cela, ils s'appuient sur le pointillisme, technique qui consiste à préférer aux touches allongées des impressionnistes de petits points réguliers juxtaposés. Cette technique permet d'augmenter l'aptitude de la technique impressionniste à capter la lumière. Par ailleurs, les néo-Impressionnistes vont systématiser l'utilisation des fonds blancs, déjà utilisés dans l'Impressionnisme. Chaque interstice entre les points permet donc de réfléchir la surface blanche du fond, ce qui contribue à la qualité lumineuse des œuvres Néo-Impressionnistes, aptes à saisir la texture de la lumière naturelle. En regard de l'Impressionnisme, le Néo-Impressionnisme prend une couleur plus politique. Le mouvement sera défendu par Félix Fénéon, écrivain, critique d'art, mécène, homme de culture et... penseur anarchiste. Le portrait de Félix Fénéon est un hommage au défenseur du Néo-Impressionnisme qui, par son action, a permis aux artistes de subsister en marge du système académique, ce qui, à l'époque, était une gageure. Fénéon apparaît tel un magicien, tenant un lys (symbole de pureté) et un chapeau duquel sort une efflorescence colorée en arrière-plan. La comparaison entre le monde de l'art et de la magie ou du cirque est fréquemment utilisée dans l'art de la fin du 19e siècle et du début du 20e siècle ; il s'agit d'une description métaphorique de la condition de l'artiste moderne et d'avant-garde, véritable « saltimbanque » en marge du système officiel. Il a été souligné que ce vaste fond décoratif, traité en aplat, était une influence patente de l'art japonais. On notera par ailleurs qu'il illustre les bases de la technique néo-impressionniste : contrastes simultanés (deux couleurs complémentaires mises côte à côte produisent davantage de luminosité que si elles étaient disjointes), tonalités de couleurs pures, etc. L'exploitation des possibilités plastiques de formes et de couleurs simples annonce par ailleurs l'abstraction.

Georges Seurat (1859-1891), Portrait de Félix Fénéon, 1890.

MANIERISME L'œuvre est construite sur une verticale hélicoïdale (figura serpentinata) qui permet de multiplier les points de vue et d'inscrire la trame dramatique dans le processus de lecture.

Giambologna (1529-1608), L'enlèvement d'une Sabine, 1583, Florence, Piazza della Signoria.

RENAISSANCE - HUMANISME Représente deux ambassadeurs de François 1er montrés comme des intellectuels, des hommes éclairés : ils ont à leur portée des instruments scientifiques, ainsi qu'un texte de Luther qui montre une ouverture à la Réforme. Dieu et la mort sont là, mais cachés. La perspective est cohérente, l'espace est mimétique. La tête de mort se base sur un jeu perspectif, l'anamorphose (Vanitas), qui « démontre » le caractère savant de l'emploi de la perspective.

Hans Holbein le jeune (1497-1543), Les ambassadeurs, 1533.

Rhétorique classique Dans la lignée des siècles précédents, le 17e siècle valorise la conception de l'art comme pratique savante. Cette conception s'incarne pleinement dans la création, en France, de l'Académie, à la demande de Louis XIV (voir plus bas). Dans cet esprit, le 17e siècle promeut l'ut pictura poesis, précepte poétique du Tasse selon l'adage d'Horace (« comme la peinture, la poésie »), à savoir que le tableau n'est pas une illustration fidèle et mécanique de l'histoire, mais une représentation poétique, où la liberté de l'artiste est autorisée, même nécessaire. La peinture est « comme la poésie », aussi haute que la poésie dans l'échelle qualitative des pratiques artistiques. Elle n'est pas la simple illustration d'un texte ou d'une référence, mais elle est la libre parole de l'artiste ; elle ne parle pas que par le truchement de sa cohérence, mais aussi par les émotions qu'elle provoque. Dans le champ esthétique, Ignace de Loyola mise également sur la méditation, la mystique ; dans les Exercices spirituels, il approuve la peinture en ce sens qu'elle est capable de permettre l'intériorisation, par les sens, du contenu des images, et donc du message divin. L'émotion véhiculée par la peinture est donc valorisée également du point de vue théologique.

Harmen van Steenwyck (1612-1659), Vanité, 1652.

NEO-CLASSICISME L'œuvre témoigne des formats attribués aux différents genres.

Heim, Charles X distribuant les récompenses au salon de 1824, 1827.

NEO-CLASSICISME Ce tableau représente le jury académique votant l'acception ou le refus des œuvres au salon.

Henri Gervex (1852-1929), Une séance du jury de peinture, 1885.

RENAISSANCE - HUMANISME La vision est assez fidèle à l'époque : les sites antiques n'étaient pas ou peu fouillés, ils étaient à la fois cachés à la vue et visibles puisque des parties d'architectures émergeaient dans le paysage. Ce sont des ruines, des morceaux cassés, une syntaxe à utiliser pour créer une langue, qui n'est pas seulement copie (un petit personnage mesure une œuvre avec un compas), mais une vraie création à partir d'un vocabulaire connu.

Herman Posthumus (1512/13-1566/88), Paysage avec ruines antiques, 1536.

MANIERISME Dans le bas du panneau de gauche, le monstre oiseau qui apporte un billet au moine illustre le trafic des indulgences qui enrichissait les monastères. La critique recoupe probablement le discours moralisant de Bosch autour de la « devotio moderna » (mouvement initié par Gérard Groote au XIVe siècle, très vivace aux Pays-Bas), qui prône un retour au « vrai » sur base d'une pratique individuelle de dépouillement, de prière et de méditation.

Hieronymus Bosch (1453-1516), Triptyque de la tentation de Saint Antoine, 1506.

La première Renaissance et la mise en place de l'image mimétique L'œuvre est une commande d'un membre de la fabrique d'église de l'Église Saint-Jean, l'actuelle Saint-Bavon de Gand, pour la chapelle de sa femme. Elle représente l'adoration de l'Agneau de Dieu (panneau central de la partie inférieure). Dans les pays du Nord, les artistes flamands font valoir un désir de réalisme qui s'apparente à la recherche de la Renaissance italienne. Cette recherche est largement basée sur la peinture à l'huile. Vasari a affirmé que Van Eyck était l'inventeur de la peinture à l'huile. En réalité, Van Eyck ne fait que perfectionner une technique déjà connue en Occident au 13e siècle (écrits du moine Théophile), et dont on a retrouvé des traces au 7e siècle dans les grottes de Bamiyan (Afghanistan) ; il s'agit donc probablement d'une technique ancienne, dont l'usage se systématise au tournant du 15e siècle. Van Eyck pratique la peinture en glacis, c'est-à-dire qu'il superpose des couches légèrement chargées en pigments. La lumière pénètre dans les couches et se reflète sur le fond blanc de la préparation, donnant l'impression que les couleurs sont éclairées « de l'intérieur ». De ce fait, Van Eyck rompt avec le style plat et linéaire du gothique international pour donner consistance aux volumes. Pour autant, l'œuvre s'organise encore sur une répartition médiévale en panneaux ainsi qu'un symbolisme chrétien qui est extérieur au désir de représentation réaliste de la Renaissance. Les peintres cherchent à connecter la représentation à l'espace de la vraisemblance. On sait, par exemple, que dans son emplacement d'origine (1er chapelle méridionale du cœur), Van Eyck avait tablé sur l'éclairage naturel de deux fenêtres ouvertes au sud, c'est-à-dire que la source de lumière réelle est la source utilisée dans la représentation. L'œuvre est en transparence avec le cadre « réel » dans laquelle elle se trouve comme s'il y avait un continuum entre la réalité et la scène peinte. Les deux fenêtres sont peintes dans les reflets des becs en forme de dragons de la fontaine de vie (panneau central inférieur), et des ombres portées le sont en fonction de l'éclairage naturel. Dans le rendu des figures, le réalisme est poussé à son paroxysme. La pilosité d'Adam, par exemple, est étonnante de vérisme. Van Eyck utilise également un effet de seuil ; Adam pose un pied hors de la niche dans laquelle il se trouve ; le procédé souligne la contiguïté entre espace peint et espace réel.

Hubert (1366-1426) et Jan Van Eyck (1390-1441), Retable de l'Agneau mystique, vers 1432.

MANIERISME L'œuvre représente la Visitation, c'est-à-dire la visite de la Vierge, enceinte du Christ, à sa cousine Élisabeth, enceinte de Jean-Baptiste. La peinture de Pontormo est faite d'une artificialité qui témoigne d'une distance avec la représentation au profit de la mise en avant d'une grande expressivité. Les contours sont linéaires et théâtraux, les couleurs sont acidulées. Le volume n'est suggéré que par les clairs et les demi-teintes, ce qui donne un côté diaphane, « fantomatique » à la composition. Les visages sont ambigus, rêveurs, hagards, surchargés de tension psychique jusqu'à rendre les expressions floues et indéterminées. L'influence de Michel-Ange se fait sentir dans la manière de figurer des corps massifs, sculpturaux, jusqu'à l'outrance, avec le désir, ici, de créer un « personnage collectif ». Mais la notion d'organisation de l'espace est mise à mal par le Maniérisme. Celui-ci ne cherche pas des corps en harmonie avec l'espace. La Visitation est montrée dans un gros plan rapproché. La narrativité est perdue dans l'instantané, l'arrière-plan contextuel est peu disert. L'espace est même incohérent d'un point de vue perspectif, car il y a une disproportion entre les personnages de l'avant-plan et ceux assis à gauche, sur le perron, au plan médian. La psychologie, recherchée par le Maniérisme, est mise en abyme par un dispositif étonnant. Derrière la relation entre la Vierge et Élisabeth, se trouvent deux femmes, parfois interprétées comme des servantes, mais, ailleurs, comme étant des « répliques » des deux protagonistes. Ce dispositif permettrait à la fois de montrer la relation fusionnelle entre les deux femmes (le bébé à venir d'Élisabeth est celui qui annoncera la venue du Christ) par un jeu de couleurs puisque la réplique de la Vierge porte les couleurs d'Élisabeth. L'œuvre articule également le statut profane des personnages à celui de saintes au sein de la foi. Profanes, elles valent par leurs regards désorientés, qui font face au spectateur, et qui mettent en scène, surtout pour la Vierge, le mystère de l'Immaculée conception. Nimbées, les deux femmes qui s'étreignent sont assimilées aux héroïnes bibliques, incarnant pleinement leur destin sacré. L'œuvre privilégie donc la théâtralité musicale, l'eurythmie, à la construction narrative du sujet. Le point de vue développé est davantage ornemental que cognitif, tourné vers la mise en scène d'une « belle manière ». Pour autant, les dispositifs utilisés ne sont pas en incohérence avec le thème. L'exagération perspective permet de saisir la monumentalité des personnages, en résonnance avec l'aspect glorificateur de ce thème marial. En retour, la rythmique des personnages, présentés dans un instantané fragile (cfr position des pieds), insiste plutôt sur leur fragilité ontologique.

Jacopo Pontormo (1494-1557), La Visitation, vers 1528.

NEO-CLASSICISME Le tableau est une commande royale (la révolution française n'a pas encore eu lieu). Il s'inspire de l'histoire romaine. Rome est opposée à une ville rivale, Albe. Plutôt que de livrer bataille, les protagonistes choisissent leurs meilleurs combattants pour défendre leur cité. L'œuvre représente les guerriers romains, les trois fils de Publius Horatius (d'où le titre, les « Horaces »). Ils prêtent ici serment à leur père. Rome sortira vainqueur du combat, mais le seul Horace survivant finira par tuer sa propre sœur qui avait pleuré l'un des combattants ennemis à qui elle était fiancée. Il sera finalement gracié par la volonté du peuple. L'œuvre est un immense succès. Elle est exposée au salon de 1785 où elle suscite l'admiration publique. Les 6 caractéristiques de la peinture néo-classique peuvent être perçues dans cette œuvre : 1. L'inspiration antique d'un sujet tiré de l'histoire romaine. 2. L'allégorie. Le sujet, en effet, possède un « second degré » de lecture. Le sujet romain peut être transposé dans l'histoire contemporaine. Le serment serait celui que devraient faire les Français, prêt à combattre pour la République (et donc contre la monarchie). On peut lire ce tableau comme un appel au courage (allégorie = idée abstraite) ou, dans une lecture plus politique, comme un tableau pré-révolutionnaire. L'absence de censure s'explique par le fait que l'œuvre peut être lue dans l'autre sens (l'appel aux armes viserait à se mobiliser pour défendre le pouvoir royal) dans le contexte de sa commande. 3. Fonds bouché. L'arrière-plan est fermé par une architecture antique (cf. les colonnes). L'usage de cette technique est double. D'abord, elle permet de ramener l'œil à l'avant-plan et, ainsi, de concentrer toute l'attention du spectateur sur les personnages. Ensuite, la présence des trois arcades est déjà une manière de structurer l'action (voir point 5) en trois parties distinctes. 4. Moment avant l'action. David aurait pu représenter le moment de la bataille, le combat. Or il choisit de présenter le moment du serment (avant l'action) pour plusieurs raisons. D'abord parce que ce moment concentre un maximum de tension narrative, de « suspense » et permet donc de travailler dans une grande intensité psychologique. Ensuite parce que ce moment insiste sur la valeur morale des Horaces et souligne l'exemple de vertu à suivre. 5. Didactique du sujet. La structure de la composition est entièrement travaillée. Les groupes de personnages (les Horaces, le père, les femmes) sont compris dans des triangles, eux-mêmes « insérés » dans une arcade. David isole ainsi clairement les groupes et les « moments » de l'histoire. Pour autant, les groupes sont reliés par une diagonale (passant par la lance de l'un des Horaces, puis par sa jambe arrière, puis la jambe avant, puis remontant par la jambe avant du père, etc.). Ces diagonales construisent une progression dans l'image (nous lisons traditionnellement de gauche à droite) et « orientent » donc l'œil du spectateur. Le point central, dans l'arcade du milieu, se focalise sur le geste du père et les épées. La construction de cette pose est tragique : le père offre les armes à ses fils et, en même temps, redoute d'un geste imprécateur la mort de ses enfants. Pour résumer, on peut donc dire que David construit l'image de manière à orienter la lecture de son œuvre et amener le spectateur à s'identifier à la noblesse morale des personnages, mise en valeur par la composition. 6. Primauté du dessin sur la couleur. On voit bien que la couleur « remplit » les formes ; on parle de « couleur locale » pour montrer que la couleur n'a pas d'autonomie. La richesse de la structure (voir point 5) montre aussi que l'œuvre est « dessinée » avant d'être peinte et que, même dans le résultat final, la ligne prime sur la couleur.

Jacques-Louis David (1748-1825), Le Serment des Horaces, 1784.

NEO-CLASSICISME L'œuvre, inachevée, représente l'union des représentants du Tiers État lors des états généraux de 1789. Elle annonce la souveraineté nationale et la fin de la féodalité avec l'union des Tiers-États, du Clergé et de la Noblesse dans une assemblée constituante. La vision du dessin permet d'analyser la technique de la peinture académique au 19e siècle. Excepté quelques périodes de mise en cause, l'Académie est toute puissante. Elle contrôle la formation des artistes et préside à l'organisation des Salons de peinture. La technique qu'elle impose aux artistes s'inscrit dans la notion de tradition. La pratique du dessin, fondamentale car le dessin signifie la raison (par opposition à la couleur, associée à la subjectivité des sens), témoigne d'une riche connaissance de l'anatomie et de l'Antique, comme on peut le voir sur le premier dessin préparatoire. La composition est détaillée, et un jeu de grisaille permet de placer les ombres et les lumières.

Jacques-Louis David (1748-1825), Le Serment du Jeu de Paume, 1789.

RENAISSANCE - HUMANISME L'œuvre représente Giovanni Arnolfini et son épouse, marchand toscan établi à Bruges. L'usage de l'huile véhicule un désir de réalisme propre aux Flandres. L'image en reflet dans le miroir veut démontrer la cohérence de l'espace perspectif.

Jan Van Eyck (1390-1441), Les époux Arnolfini, 1434.

Du « goût moderne » à la modernité L'œuvre, parfois appelée « Le Gilles », représente le Pierrot, célèbre personnage de la comédie italienne. L'iconographie, flottante et ambiguë, ne permet pas de préciser le sens exact de la composition. Celle-ci a parfois été présentée comme une œuvre indépendante, parfois comme l'enseigne du café de l'ancien acteur Belloni. Le décor évoque le théâtre, mais le paysage suggère aussi le plein-air, alors qu'on attendrait un rideau ou le fond d'un décor. Le pierrot a une expression vide, il évoque le ridicule, ses vêtements sont mal ajustés et les personnages derrière lui se moquent de lui. Ce sont les compagnons habituels de Pierrot dans la comédie : le Docteur et son âne, Léandre et Isabelle, les amoureux, et le Capitaine. Ce pourrait être un autoportrait, d'artiste en saltimbanque, d'amuseur triste.

Jean Antoine Watteau (1684-1721), Pierrot, 1718-1719.

Du « goût moderne » à la modernité L'œuvre est à situer dans le prestige de Nancy au 18e siècle. La ville est alors capitale du Duché de Lorraine, indépendant jusqu'en 1766, époque à laquelle il est intégré à la France. La ville cherche à rivaliser de bon goût avec les réalisations françaises. Le décor de la grille, réalisé par le serrurier Jean Lamour et constitué de fer martelé et doré à la feuille, est caractéristique du style rococo, souvent appelé rocaille en France. Son fondement est une opposition aux structures austères de l'architecture classique de Louis XIV. En contraste, la grille montre un évidement de l'architecture au profit d'une flamboyance décorative qui « remplace » l'architecture. Ici, la ferronnerie est soulignée par la dorure dans sa dimension architecturale, mais avec une recherche de légèreté.

Jean Lamour (1698-1771), Grilles de la place Stanislas.

IMAGE CLASSIQUE Versailles va permettre d'intégrer un programme gigantesque de sculptures dans les jardins (près de 2000), en résonnance à l'ordonnance de ceux-ci. L'ambition est de mêler nature et sculpture et de montrer que le génie artistique, renvoyant lui-même à l'ambition du Roi Soleil, peut se mesurer à la pérennité de la nature. Ce programme est donc éminemment politique, puisqu'il renvoie à la splendeur de la cour de Louis XIV, mais aussi à la puissance éternelle de son pouvoir. Apollon est le dieu du Soleil, et par conséquent l'image idéalisée du Roi. L'œuvre est saisissante de cette théâtralité baroque, car la perspective dégage l'axe de toute décoration et crée un miroir symétrique entre le ciel et l'eau. Le char semble sortir puissamment de l'eau et accéder aussitôt au ciel.

Jean-Baptiste Tuby (1635-1700), Le char du Soleil, bassin d'Apollon, 1668-1670.

La première Renaissance et la mise en place de l'image mimétique

La première Renaissance cherche à articuler les représentations dans un cadre cohérent basé sur la vraisemblance de l'image au regard de la réalité (mimesis en Grec : imitation). La Renaissance est induite par un vaste mouvement historique et culturel qui engendre un monde neuf de commerce, d'échanges, de réseaux de savoirs. Le monde temporel prend une consistance que l'image cherche à percer. Les artistes vont construire des représentations qui articulent les volumes dans des espaces logiques. Pour ce faire, ils ont recours à la perspective dont l'usage structure la représentation mimétique, image fidèle de la réalité. La Renaissance va rechercher dans l'Antiquité l'image d'un monde de proportions harmonieuses entre l'homme et son environnement, plutôt que de perpétuer l'héritage des canons médiévaux, articulés sur une échelle de valeur théocentrique

MODERNITE L'oeuvre de Füssli étonne par sa nouveauté dans le panorama du Néo-Classicisme qui s'implante en Europe. L'image néo-classique est basée sur la composition ordonnée, la couleur locale et la division scénographique de l'action selon sa trame narrative. Au niveau du contenu, l'œuvre se réfère le plus souvent à des scènes issues de la mythologie de manière à évoquer des modèles de vertu, vecteurs de moralité pour le grand public. Avec Le Cauchemar, Füssli ouvre sur un autre type d'image qui annonce le Romantisme. La toile représente à la fois la réalité (une femme endormie) et un contenu imaginaire (le rêve). Le sujet est souligné par la présence de la jument (en Anglais, mare), qui évoque l'idée du cauchemar (en Anglais : nightmare). On a longuement discuté sur le sens à donner à cette œuvre, d'autant plus qu'au revers, Füssli a peint le portrait, relativement abouti, d'une femme identifiée comme Anna Landholt. Cette femme a été la fiancée de Füssli, avant que le père de celle-ci ne s'oppose à la relation avec le peintre. L'œuvre serait teintée de contenus psychologiques ; l'artiste « possède » de manière monstrueuse une femme qu'il ne peut étreindre dans la réalité.

Johann Heinrich Füssli (1741-1825), Le cauchemar, 1781.

IMAGE CLASSIQUE L'école de Delft, dans les Pays-Bas, est tout à l'opposé du style baroque de Rembrandt. Il s'agit d'une peinture lisse, peinte en glacis, basée sur une précision de la perspective et une grande douceur de lumière. L'œuvre est un autoportait dès lors qu'elle représente l'atelier de Vermeer lui-même. Mais Vermeer se présente de dos, comme s'il nous invitait à mesurer, à travers lui, l'intelligence de sa peinture et non à se focaliser sur son seul portrait. L'œuvre est donc également une allégorie de la peinture. L'artiste se représente peignant Clio, la muse qui personnifie l'Histoire. Le rideau qui dévoile la scène évoque le défi de Parrhasios à son ainé Zeuxis, lorsque l'apprenti mystifie son ainé en peignant un rideau en trompe-l'œil. Zeuxis lui demande de dévoiler son œuvre, avant de voir que le rideau est peint par Parrhasios. L'idée de Vermeer est de montrer, comme Vélasquez avant lui, que le peintre est apte à maîtriser toutes les composantes de l'espace au point de donner l'illusion parfaite de la réalité. Il y a aussi une réflexion, presque ontologique, sur l'illusion. Rien ne nous mène à une autre lecture sinon la prise en compte de la plénitude de la magie optique, ce qui est une manière de mesurer la capacité du peintre à maitriser cette subtile alchimie. La carte, au mur, est un thème récurrent chez Vermeer. Les historiens d'art se sont interrogés sur le sens de ces cartes. Il a été avancé qu'elles représentaient l'opulence des Pays-Bas, en plein « siècle d'or », ce qui paraît peu vraisemblable puisque l'étude de ces cartes montre qu'elles sont anciennes, dépassées. Il faut plutôt y voir un élément de l'autoportait/allégorie, Vermeer ayant d'ailleurs signé sur la carte. La toile est la capacité à embrasser intellectuellement la réalité du monde. Elle donne un équivalent précis du monde et fonctionne de ce point de vue comme allégorie de la peinture présentée comme capacité savante d'une représentation qui se donne « pour le monde ».

Johannes Vermeer (1632-1675), L'Atelier, vers 1665-1666.

MODERNITE Le cristal palace, réalisé pour l'exposition universelle de 1851, marque l'irruption de la modernité dans le domaine de l'architecture. Le bâtiment est réalisé sur le modèle d'une cathédrale, mais dans des matériaux entièrement manufacturés en industrie : les poutrelles métalliques et le verre. La résistance des poutrelles permet d'ajourer le bâtiment et de vitrer entièrement les surfaces, garantissant une lumière naturelle à l'intérieur. Ainsi, la structure « fait » l'œuvre. Contrairement à la pratique jusqu'au 19e siècle, les structures portantes ou techniques ne sont pas masquées ou recouvertes de matières nobles.

Joseph Paxton (1803-1865), Le Crystal Palace, 1851, Londres (disparu en 1937).

MODERNITE - GRAVURE L'art japonais va profondément stimuler la modernité européenne à partir de 1862, lorsque les premiers objets japonais seront présentés à l'exposition universelle. Le Japon, jusqu'à l'ère Meiji, était assez fermé au commerce extérieur. Dans une volonté de modernisation, dès 1868, le pays s'ouvre rapidement aux échanges avec l'occident. En peinture, le Japonisme désigne cette influence de l'art japonais sur l'art moderne. Dans la gravure en particulier, les artistes nippons n'utilisent pas la perspective à l'occidentale. La perception de l'espace passe plutôt par la qualité graphique de leurs compositions, ainsi que par les jeux de contrastes. L'art japonais est par ailleurs un art poétique basé sur le rapprochement/fusion entre les degrés de réalité, et donc la possibilité purement plastique d'évoquer des univers infiniment poétiques. Enfin, la technique de la gravure en couleur sur bois impose des couleurs franches et plates, très étrangères aux volumes en clair-obscur de la peinture occidentale.

Katsushika Hokusai (1760-1849), Les chutes Kirifuri dans la montagne Kurokami dans la province de Shimotsuke (gravure), vers 1827.

Baroque L'édifice montre une grande ordonnance et en même temps la façade dénote un sentiment théâtral, avec un arc brisé au niveau de l'entablement ; elle est par ailleurs lourdement décorée, notamment au niveau des frises et des torchères. La forme prime sur la fonction, avec une volonté de surprendre, d'étonner. Le vocabulaire se déploie en ruptures d'équilibres, en recherche de plasticité. Le plan de la façade ressemble à un autel du 16e siècle, comme si la liturgie venait chercher le spectateur à l'extérieur

L'Eglise Saint-Michel de Louvain, 1650-1666.

L'école de Delft

L'école de Delft, dans les Pays-Bas, est tout à l'opposé du style baroque de Rembrandt. Il s'agit d'une peinture lisse, peinte en glacis, basée sur une précision de la perspective et une grande douceur de lumière.

La révolution de l'avant-garde

L'évolution de l'art au tournant des 19e et 20e siècles implique une rupture fondamentale avec la représentation classique dès lors que la représentation mimétique n'est désormais plus la norme. Au sein de la modernité (voir chapitre 5), les artistes remettent en cause les narrations classiques et leur imposent un saut quantique vers une peinture qui n'est plus tenue par un devoir de réalité. Progressivement, l'œuvre ne s'assimile plus à l'énoncé d'un contenu, mais devient avant tout une surface offerte au plaisir de l'œil et de l'esprit. Comme le résume Maurice Denis en 1890 (Art et Critique) : « Se rappeler qu'un tableau, avant d'être un cheval de bataille, une femme nue ou une quelconque anecdote, est essentiellement une surface plane recouverte de couleurs en un certain ordre assemblées. » L'art du début du 20e siècle poussera cette logique jusqu'à diriger la peinture, aux alentours de 1910, vers un nouveau système de représentation, l'abstraction, une peinture qui rejette le mimétisme au profit de formes simples dont la vocation n'est plus la représentation vraisemblable du monde. À partir de là, commence l'aventure de l'art contemporain et actuel.

Le rococo

La décoration et l'architecture sont marquées par le « goût nouveau », une décoration assez surchargée, le rococo. Celui-ci est basé sur la rocaille, qui désigne une décoration florissante composée de formes figuratives, feuilles, tiges, coquilles, avec des éléments zoomorphes ou fantastiques (dragons, chimères, etc.). Plutôt que l'ordonnance classique, on y trouve un côté asymétrique, décentré, libre. C'est un style qui correspond à la légèreté des mœurs, à la liberté morale, au confort matériel et intellectuel de la bourgeoisie de l'époque.

MANIERISME Le Greco est originaire de Crète, mais il séjourne à Venise puis à Rome ; son œuvre doit être lue essentiellement à la lumière du contexte vénitien. Néanmoins, ses atmosphères assez sombres s'expliquent également par son origine crétoise et le fait qu'il a été formé dans un milieu qui produisait des icônes. Son œuvre aboutit à une modernité formelle étonnante que l'on peut mettre en résonnance avec les paradigmes plastiques de la peinture de Cézanne, trois siècles plus tard. Greco aboutit à un univers poétique, mais qui tend vers une abstraction des formes, pour aller vers un jeu libre de couleurs et de lumières. Il essaie aussi de dégager des sentiments par la trace matérialisée du geste, c'est-à-dire que la peinture prend une réelle dimension expressive. L'artiste représente ici la ville de Tolède en perspective. Au premier plan, on remarque à gauche la représentation des sources du Tage, à droite, un jeune homme, probablement le fils du peintre, tenant une carte de la ville. Au dessus de la ville, une allégorie bienveillante survole Tolède de son ombre protectrice. En positionnant la carte, Greco semble montrer la fameuse « liberté » maniériste que peut prendre le tableau par rapport à la carte, qu'il nous présente comme référence ultime. Au plan médian, Greco a isolé un bâtiment, dont il accentue le caractère irréel de sa disposition en le plaçant sur un nuage. Il s'agit de l'hôpital Tavera. Le tableau a sans doute été réalisé pour le Recteur de l'Hôpital, pour y être exposé. Greco montre donc le bâtiment, associé à la ville, mais en prenant la liberté de l'isoler, comme pour sublimer son importance. Le Greco s'explique lui-même sur cette modification : « Il a été nécessaire de mettre l'hôpital de Don Juan Tavera en forme de modèle parce que non seulement il venait cacher la porte de Visagra, mais sa coupole montait de telle sorte qu'elle surpassait la ville, et ainsi une fois l'ayant mis comme modèle et bougé de sa place, il me semble préférable de montrer la façade plutôt que ses autres côtés. Et pour le reste, en ce qui concerne sa position dans la ville, on le verra dans le plan ». Ce trait est typique du maniérisme, qui semble vouloir montrer comment et à quel point on peut s'écarter du « vrai » au profit de la liberté de la peinture.

Le Greco (1541-1614), Vue et plan de Tolède, 1610-14.

Rhétorique classique Pour se consoler de la mort de Numa, la nymphe Égérie se retire sur les bords du lac de Nemi où les nymphes servantes de Diane la consolent. L'effet est tout en discrétion, comme la colonne de droite qui représente l'emblème des Colonna, les commanditaires de l'œuvre. Plutôt que d'avoir une œuvre rhétorique et ronflante, Lorrain campe un paysage tout en subtilité, avec une forte charge poétique, qui dilue l'histoire dans un paysage renvoyant à la poésie agreste antique.

Le Lorrain (Claude Gellée, 1600-1682), Paysage avec la nymphe Egérie, 1669.

RENAISSANCE - HUMANISME L'inspiration de l'Antique n'est pas une copie servile. Primatice moule l'Ariane du Belvédère, mais en remontant les moules il change la position pour donner une ligne maniériste à cette œuvre déjà marquée par la sensualité de l'art hellénistique.

Le Primatice (1504-1570), Ariane couchée, 1543.

NEO-CLASSICISME L'oeuvre est une synthèse éclectique du patrimoine architectural européen. L'ouverture en escalier sur les jardins rappelle le château de Versailles. L'étage du rez entre les escaliers s'inspire de la colonnade du Louvre. La coupole évoque le Panthéon de Rome. L'ensemble est synthétisé dans un bâtiment extrêmement cohérent, marqué par l'esthétique néo-classique, mais avec un gigantisme qui caractérise le milieu de siècle, à une époque où les gouvernements veulent des bâtiments qui se signalent fortement dans l'espace urbain des grosses métropoles de l'époque. L'œuvre alterne une rythmique horizontale, basée au premier étage sur des décrochements soulignés en partie centrale par une colonnade, et un mouvement vertical vertigineux basé sur l'étagement de la coupole.

Le capitole, Washington (USA), 1792-1827.

La première Renaissance et la mise en place de l'image mimétique Dans la première porte (sud) réalisée par Pisano, commandée par la Calimala, corporation des marchands de laine, l'œuvre est marquée par le Gothique, notamment dans les drapés. L'architecture, traitée par fragments, ne suffit pas à placer le cadre perspectif. La similitude des reliefs architecture/personnages ne permet pas de scinder distinctement les plans. En 1401, la Calimala commande une seconde œuvre à Ghiberti. L'artiste travaille dans le même cadre quadrilobé que Pisano, qui était imposé par le commanditaire pour une question de cohérence visuelle. On constate que Ghiberti cherche à distinguer plus clairement les groupes, avec les personnages de gauche, derrière le rocher, les deux serviteurs avec l'âne, et de l'autre côté, Abraham et Isaac. Dieu demande à Abraham de sacrifier son fils, puis arrête son geste et lui demande de sacrifier un bélier en lieu et place. On remarque aussi que, si le corps d'Abraham fait penser au Gothique international, le corps d'Isaac est sculpté sur le modèle des statues antiques. En 1425, la Calimala commande une autre porte à Ghiberti. La légende dit que c'est Michel-Ange lui-même qui l'aurait appelée la « porte du paradis », nom qu'elle garde aujourd'hui. Le relief écrasé à l'arrière-plan utilise l'architecture, imitant le dispositif perspectif de la peinture, pour donner une profondeur spatiale à la scène qui se déroule au premier plan. Les figures, en haut-relief, se distinguent nettement de l'arrière-plan. Par ce que les spécialistes de la sculpture appellent un « relief pictural », la sculpture vient rivaliser avec la peinture dans la mise en place de l'espace perspectif

Lorenzo Ghiberti (1378-1455). Le sacrifice d'Isaac, 1401.

IMAGE CLASSIQUE Le rythme des fenêtres crée un ordre classique, qui évoque la durée et la stabilité, à l'image du règne de Louis XIV. À l'étage supérieur, des pots-à-feu alternent avec des trophées, qui assoient le pouvoir militaire du roi. Le Vau a choisi une toiture à l'italienne, plate, devancée par la balustrade, dispositif qui accentue l'ordonnance structurée du château. Le château dessiné par Le Vau entoure l'ancien château de Louis XIII. Le Vau abandonne la brique et travaille exclusivement la pierre blanche qui donne la noblesse à l'édifice.

Louis Le Vau (1612-1670), Façade (côté jardin) du Château de Versailles.

BAROQUE L'artiste est chargé d'embellir une église du 15e siècle. Pour cela, il utilise un système étonnant : d'une part, il crée une petite place pentagonale, ce qui induit un sentiment théâtral de mise en relief de la sortie plastique de la façade. Les ailerons latéraux se rattachent derrière la façade, ce qui accentue le caractère spectaculaire du dispositif par un jeu d'alternance rythmique entre les pleins et les vides, caractéristique du Baroque. En façade, de Cortone crée, en travertin, un système ingénieux de deux frontons emboîtés, l'un semi-circulaire, l'autre convexe mais interrompu. La partie basse semble donc apparaître comme une saillie, accentuée par l'agrandissement arbitraire du porche, à laquelle répond la rupture dans le second fronton, créant un sentiment d'aspiration.

Pierre de Cortone (1596-1669), Santa Maria della Pace, 1656.

Le classicisme de la Renaissance L'œuvre montre le mystère de l'Incarnation à travers les figures de Marie, Saint-Jean Baptiste, le Christ et l'Ange Uriel. L''iconographie n'évoque pas un paysage biblique particulier, mais est en relation avec une légende contemporaine qui voulait que le Christ ait rencontré Saint-Jean Baptiste, protégé par l'Ange Uriel, lors de la fuite en Égypte. L'oeuvre a été commandée par la Confraternité de l'Immaculée Conception pour une église de Milan. Dans un espace vériste, Vinci est l'un des premiers à trouver une ordonnance juste et vraisemblable entre les personnages. Pour autant, la relation cohérente entre les personnages ne passe pas uniquement par la perspective, par la place des corps dans l'espace ou simplement par un traitement vériste des compositions, mais par la gestuelle, par le mouvement qui lie les personnages, depuis les positions jusqu'aux psychologies, ce que l'on a appelé la « science des groupes solidaires ». La représentation du Christ en milieu naturel était absolument nouvelle et connut un succès immense. Cela donne à la scène une impression naturaliste ; elle ne se joue plus dans une abstraction religieuse, mais dans un environnement réel. C'est un univers naturel constitué de paysages, et non des décors d'architectures « hors du monde » des premières œuvres de la Renaissance. La présence des rochers, à l'arrière-plan, va permettre à Léonard de « boucher » la scène et de mettre en relief les personnages de l'avant-plan. Leurs visages contrastent avec les rochers sombres, ce qui annonce le principe du clair-obscur. Pour autant, le paysage vaut également sur le plan symbolique. L'idée d'un monde minéral renvoie aux traces du déluge. Sur le déluge, Vinci a écrit « Les montagnes dépouillées révéleront les profondes failles faites par les anciens tremblements de terre ». Il y a un autre intérêt, probablement, pour Vinci, à utiliser cet environnement : à l'époque, la nativité était parfois représentée comme ayant eu lieu dans une caverne, ce qui permettrait au peintre d'évoquer la naissance du Christ, et de montrer sa dimension à la fois « humaine » et « surnaturelle ». En même temps, la scène préfigure la passion. Saint-Jean préfigure le Christ mais, par ailleurs, il symbolise la conscience du sacrifice à venir, incarné par la position du Christ, appuyé devant un précipice. Le véritable sujet de l'œuvre est donc surtout l'Incarnation, le mystère qui, dans la théologie chrétienne, veut que Dieu se soit « incarné » dans un homme. Cette iconographie complexe est pour Vinci le prétexte à mettre en relief son talent à illustrer un thème aussi difficile.

Léonard de Vinci (1452-1519), La Vierge aux rochers, 1507-1508.

Le classicisme de la Renaissance L'œuvre représente la « Sainte Anne trinitaire », c'est-à-dire la Vierge sur les genoux de sa mère, Sainte-Anne, tenant l'enfant Jésus qui joue avec l'agneau (symbole du Christ « Agneau de Dieu » qui évoque le sacrifice). En annonçant le thème du sacrifice, l'agneau préfigure donc le drame de la Passion. Selon la Bible, Sainte-Anne est morte avant la naissance du Christ ; il s'agit donc ici d'un thème symbolique et non pas « historique », qui montre à la fois la généalogie du Christ, et qui illustre également le thème de l'Incarnation. Marie est assise sur la cuisse droite d'Anne. Les personnages sont en contiguïté, ils ne sont pas séparés et figés dans leurs espaces respectifs. L'agencement des personnages repose sur une science de la composition qui va profondément affecter les artistes qui, à la suite de Vinci, tentent de mettre des personnages en relation, dans des positions complexes. Vinci utile les règles de la perspective en distinguant les personnages (l'avant-plan) d'un arrière-plan qui campe l'espace. Pourtant, il ne structure pas cet espace par la perspective géométrique, mais plutôt par la manière de rendre l'effet d'atmosphère. On parle logiquement de perspective atmosphérique, ou de sfumato (enfumé en Italien). La touche est vaporeuse et donne l'impression réaliste de la manière dont l'œil humain distingue la netteté de l'avant-plan et le caractère plus flou du lointain. L'étude des esquisses de l'œuvre est révélatrice. Dans les premiers croquis, Vinci utilise la technique qu'il appelait les « esquisses informes », des dessins au trait progressif qui cherche la « meilleure position » pour les personnages. Dans le carton de Burlington House, par contre, il tente de mettre en relation Sainte Anne et la Marie sur le plan symbolique. Le doigt tendu, Sainte-Anne semble montrer à la fille que le Christ est plus qu'un simple enfant, en désignant son statut divin. On sait par ailleurs qu'il existait un autre carton de l'œuvre, dont s'inspire probablement Andrea de Brescianino pour ton tableau La Vierge à l'enfant avec sainte Anne. Ici, sainte Anne « agit », puisqu'elle retient Marie qui doit ainsi laisser le Christ aller vers l'Agneau, c'est-à-dire vers son destin. Dans la version finale, Vinci supprime à la fois la symbolique (doigt d'Anne), mais aussi l'action (croquis). Au contraire, la relation entre les personnages passe par le mouvement, comme si tout était en transition. Cette dynamique va parvenir de manière innovante à cristalliser la narration dans la relation, basée sur le mouvement, des personnages entre eux. Le mouvement va devenir la base de la construction narrative de la peinture moderne occidentale. Il n'y a plus ici de statisme médiéval, qui passe par les symboles pour exprimer le sens, il n'y a plus non plus ces procédés, comme chez Masaccio, qui en venaient à « décomposer » l'histoire pour en exprimer le déroulement narratif. Avec Vinci, l'action s'incarne non plus dans la symbolique ou la gestuelle, mais dans le mouvement et les liens que celui-ci tisse entre les personnages. Vinci joue également sur la psychologie. Le soin accordé aux expressions va au-delà du désir mimétique : il s'agit, au contraire, de révéler le sujet par le biais de l'expression des visages.

Léonard de Vinci (1452-1519), La Vierge, l'Enfant Jésus et Sainte Anne, 1508-1510.

MANIERISME L'œuvre illustre la distanciation par rapport à la représentation qui se manifeste dans la peinture maniériste. Le tableau, au-delà de son sujet, met en abyme la peinture. Le tableau « est » dans le tableau, comme si ce qui était mis en valeur n'était pas le sujet mais l'écriture du sujet, la manière de le mettre en forme. La peinture se pose comme discipline et cherche à affirmer la prise en compte de ses propres pratiques dans l'appréciation d'une représentation. Van Heemsckerck cherche d'ailleurs à scinder la dimension religieuse du sujet et l'acte de représentation. Saint-Luc est associé à un monde profane ; on peut même se demander si cette dernière association (Luc est sensé être un personnage « saint ») n'autorise pas à penser que le peintre se représente lui-même à travers la figure de Saint-Luc, et si donc le thème religieux n'est pas le prétexte à un autoportrait artistique. Les symboles antiques, associé à la peinture, seraient ici les attributs de l'érudition du peintre, ce qui tendrait à présenter la peinture non comme une simple illustration, mais, au contraire, comme une pratique savante.

Maarten van Heemskerck (1498-1574), Saint Luc peignant la Vierge, 1532.

La première Renaissance et la mise en place de l'image mimétique Cette œuvre pose une pierre importante dans la construction de l'image fixe comme représentation mimétique et scénographique. Outre la cohérence des scènes et des figures, elle se présente comme un témoignage vériste sur une « histoire » présentée en toute vraisemblance. Peinte en collaboration avec Masolino, l'œuvre raconte la vie de Saint-Pierre sur base des Évangiles, des Actes des Apôtres et de la Légende dorée. Les scènes sont inscrites entre des pilastres peints qui indiquent que l'artiste a voulu articuler la représentation et l'espace réel, pour nous montrer que l'œuvre n'est pas « vue à distance », mais qu'elle se donne pour équivalent du réel. L'influence de la statuaire antique permet de simplifier les corps et de les concevoir comme « statues », à savoir des présences à trois dimensions dans un espace à trois dimensions. - Les drapés, amples et lourds, donnent une consistance aux corps. - Les personnages sont vus dans un contraste entre le clair et l'obscur, ce qui souligne leur volume. - Les apôtres sont placés en arc de cercle, forme qui « renforce » leur présence dans l'espace, ainsi que la cohérence des liens qui les unissent. La scène du paiement du tribut est libellée comme une construction narrative scénographique, à savoir que « l'histoire » est « lue » visuellement par le peintre, dans le cadre cohérent d'une perspective dont le point de fuite est centré sur la personne du Christ. Dans la ville de Capharnaüm (St Mathieu), un collecteur d'impôts demande au Christ de payer un tribut. Celui-ci demande à Saint-Pierre de retirer une pièce de la bouche du premier poisson péché. À gauche, Saint-Pierre pêche le poisson. À droite, dans la seconde partie de l'œuvre, Saint-Pierre paie le percepteur romain. En quelque sorte, Masaccio « décompose » les moments clés de l'histoire qu'il structure dans un espace narratif cohérent. L'articulation visuelle correspond à l'articulation narrative. En position centrale, le Christ « flèche » avec son doigt tendu la lecture de l'épisode de gauche, alors que le percepteur, de dos, « flèche » la lecture dans l'autre sens, vers l'épisode du paiement. La composition de Masaccio illustre un thème biblique, mais elle renvoie également à une problématique contemporaine à sa composition. En 1427, à Florence, une réforme fiscale, très débattue, aboutit à la création du cadastre, qui établit une taxation plus équitable sur les citoyens.

Masaccio (1401-1428), Le Paiement du tribut, 1427.

Le classicisme de la Renaissance En 1508, Jules II charge Michel-Ange de décorer la chapelle construite par son oncle, le Pape Sixte IV, chapelle qui abrite les grandes cérémonies vaticanes, entre autres les conclaves. Le premier programme iconographique prévoit de représenter les douze apôtres. Mais Michel-Ange veut enrichir la composition, et travaille pour ce faire avec les théologiens du Vatican. Il imagine neuf scènes représentent la Genèse, dans des panneaux centraux séparés par les arcs doubleaux. Sur les côtés, il figure des personnages de l'Ancien Testament qui suggèrent une généalogie spirituelle depuis la création du monde jusqu'au Christ. Sur les pendentifs, les doubleaux se prolongent en trônes occupés par 12 devins (sibylles païennes et prophètes juifs). Sur le mur du fond, Michel-Ange représente le jugement dernier. Michel-Ange est avant tout sculpteur. Il occupe l'espace par le corps, et pas par l'environnement. De plus, Michel-Ange s'écarte de l'historia bien articulée, par panneau, au profit d'un ensemble continu. L'artiste évoque les scènes moins par narration que par expressivité (qui reflète son caractère, la terribilità, dont parle Vasari). La description est inexistante ; la représentation des lieux est sommaire. Michel-Ange préfère s'appuyer sur des images puissantes, avec des gestuelles très fortes qui passent par la sculpturalité des corps. L'artiste joue sur des contrastes simples mais puissants. La ligne de biais du sol où se trouve Adam contraste avec le cercle virevoltant de la cape d'où émerge Dieu ; il y a une inertie chez Adam et une vigueur chez Dieu. Adam a le poignet mou, celui de Dieu est décidé. Le contour du drapé qui enveloppe Dieu évoque un crâne humain, comme pour évoquer la pure idée (le Verbe fait Chair). L'artiste accentue la perception du drame, soulignée par le fait que les doigts ne se touchent pas mais semblent sur le point de le faire, symbole de la rupture irrémédiable entre l'Homme et Dieu. Plus tard, en 1536, Clément VII commande à Michel-Ange la réalisation des fresques pour les deux panneaux latéraux de la chapelle, la Chute des Anges rebelles (réalisée par un élève) et le Jugement dernier. Ce panneau étonne par sa « confusion » spatiale, les corps ne prenant leur cohérence dans l'espace que par leur puissance plastique (torse du Christ influencé par le torse du Belvédère). La fresque a choqué à l'époque, car les personnages étaient représentés nus (le Pape Paul IV fera voiler l'anatomie de certaines figures). Dans le personnage de Minos, Michel-Ange a représenté, selon Vasari, Biagio da Cesena, maître des cérémonies, qui avait «osé » critique l'œuvre devant le Pape.

Michel-Ange (1475-1564), La Chapelle sixtine, 1508-1512. + La création d'Adam

Le classicisme de la Renaissance L'œuvre est destinée à accueillir les livres de Laurent le Magnifique déposés à San Lorenzo, sa paroisse. Elle est construite au-dessus de pièces du cloître de San Lorenzo. Il y a une salle pour les livres rares, laquelle est précédée d'un vestibule. L'articulation des murs se fait par des colonnes en pietra serena doublées dans des niches. Ce dispositif est à relier à la conception d'Alberti qui pense que la colonne est l'ossature du mur, mais chez Michel-Ange, ceci constitue avant tout une solution expressive. Dans une seconde phase, Ammanati construit l'escalier sur un dessin de Michel-Ange, escalier réalisé comme une architecture expressive, avec des marches plates de part et d'autre des deux rampes, et convexes à l'intérieur. L'escalier est construit « comme une architecture », comme une façade, conférant une monumentalité perceptible à l'ensemble. À cet effet, les architectes utilisent aussi des éléments de décor habituellement réservés à la façade (colonnes, fenêtres) dans la décoration du vestibule, renforçant la monumentalité.

Michel-Ange (1524-1531) et Bartolomeo Ammanati (1511-1592), La Bibliothèque laurentienne, 1524-1531 et 1551-1571.

Du « goût moderne » à la modernité Hogarth réforme la peinture en s'opposant à l'Académie, préférant les sujets de société, rendus avec un sens rapide du dessin, à la limite de la caricature. Ses sources d'inspiration ne sont pas la mythologie ou les grands textes anciens mais au contraire les romans de mœurs (Defoe, Swift), les textes de Shakespeare ou du théâtre comique. L'œuvre représente le constat devant notaire. La flûte souligne le caractère trompeur de ce qui se passe. Les gens brillent par des expressions presque caricaturales. Elles évoquent l'ennui du mariage. La comtesse n'écoute pas le notaire et se laisse séduire. La statuette de cerf évoque la virilité et l'adultère.

William Hogarth (1697-1764), Le mariage à la mode, 1744.

Le classicisme de la Renaissance Le David de Michel-Ange, réalisé un demi-siècle après celui de Donatello, s'impose d'abord par son gigantisme, 4 mètres 30 de hauteur. L'œuvre est vue comme un tour de force, un combat contre la matière. La sculpture est réalisée d'un seul bloc. Au départ, elle est conçue comme un pendant du David de Donatello ; c'est dans cet esprit qu'un sculpteur, Agostino di Duccio, s'attaque à ce bloc pour réaliser un David. Mais il abandonne, comme un autre sculpteur après lui. Le bloc présente d'ailleurs un défaut, une brèche, que Michel-Ange évidera pour réaliser l'espace entre le bras droit et le torse. Les commanditaires veulent installer l'œuvre dans le Dôme, mais l'idée de placer un nu monumental dans une église pose problème ; il est donc décidé de placer la sculpture devant le Palazzo Vecchio. Symbole de la puissance de Florence, l'œuvre représente David au moment où il va jeter la pierre contre Goliath. Michel-Ange utilise le contraposto, le déhanché, typique de la sculpture antique, qu'il accentue. Le David repose sur un seul pied, ce qui induit l'idée d'un mouvement particulièrement expressif. Par ailleurs, Michel-Ange a surdimensionné les mains. Augmenter les proportions de la main, c'est montrer à la fois l'action (le jet de pierre), et la force de l'action. On peut dire la même chose de la jambe gauche, qui est « trop longue » par rapport à la droite, ce qui montre là encore, que l'expressivité prime sur « l'exactitude ».

Michel-Ange, David, 1501-1504.

RENAISSANCE - HUMANISME Palais de prestige, mais qui veut également montrer la puissance des Médicis (bossages au premier niveau). Les Médicis sont des banquiers qui sont les témoins de ce nouveau pouvoir du commerce. Leur fortune leur permet d'utiliser l'art comme outil de distinction sociale.

Michelozzo (1396-1472), Le Palais Medici-Riccardi, 1444-1460.

IMAGE CLASSIQUE Dans la Bible, Salomon est reconnu comme un roi de très grande justice. Deux femmes ont chacune un enfant, mais l'un des deux est mort dans son sommeil. Elles se disputent l'autre enfant, affirmant chacune être sa réelle mère. Salomon ordonne alors qu'on coupe l'enfant en deux et qu'on donne une moitié à chaque femme. À ce moment, l'une des femmes demande que l'on ne tue pas l'enfant et qu'on le donne à l'autre femme. Salomon reconnaît alors la véritable mère. À droite du trône, on trouve un personnage au regard de philosophe ; il a compris le subterfuge utilisé par Salomon et participe au stratagème mis en place par le souverain. De l'autre côté, un personnage en prière symbolise la foi et la confiance en l'autorité suprême de Salomon. De chaque côté des personnages, deux entités se font face de part et d'autre d'un axe médian : le soldat qui s'apprête à couper l'enfant manifeste la force brutale prête à obéir, à droite, les femmes symbolisent la douleur devant l'horreur de la scène. L'œuvre s'articule sur l'ordonnancement typique de l'écriture classique. L'histoire est structurée dans la composition même, avec un triangle à pointe vers le haut. Salomon représente la pointe, c'est-à-dire le dépassement des contraires. De part et d'autre d'un axe central, les états psychiques opposés se font face, soulignant la tension dramatique de l'œuvre.

Nicolas Poussin (1594-1665), Le Jugement de Salomon, 1649.

Baroque Des bergers sont rassemblés autour d'une tombe dans le paysage idéalisé de l'Arcadie. L'art classique se caractérise par l'influence antique, par sa construction très stricte et la mesure du sentiment exprimé par les personnages, tout en intériorité. L'œuvre est un memento mori (« souviens-toi que tu es mortel !), car figure sur la tombe l'expression « et in Arcadia ego » (Même en Arcadie, moi (la mort), j'existe). Mais elle fait également une subtile référence à la place de la peinture dans le monde. L'un des bergers perçoit l'ombre de son compagnon sur le mur de la tombe. Pline associe cet élément à la découverte de la peinture. Ce lien entre la mort et la peinture souligne le pouvoir de celle-ci, capable de « donner vie » à l'absent, de conserver la mémoire et le souvenir des faits.

Nicolas Poussin (1595-1665), Les bergers d'Arcadie, 1638-40.

Humanisme

Ouverture des hommes à la connaissance, au savoir et aux échanges, en pleine indépendance intellectuelle et en liberté de moyens. L'homme n'est plus qu'une créature de Dieu, il a une place dans le monde, place qu'il cherche à mesurer et à comprendre.

MODERNITE - PRIMITIVISME Comme les impressionnistes (il aura d'ailleurs une "période" impressionniste), Gauguin embrasse les nouvelles perspectives ouvertes par la Modernité. Pourtant, s'il retient la nécessité de peindre avec des couleurs pures, Gauguin va rapidement dépasser l'héritage impressionniste pour formuler une nouvelle manière de penser l'équilibre entre la forme, la couleur et la lumière. Gauguin est marqué par une double nécessité. La première est de rejeter toutes les conventions de la peinture académique du 19e siècle. Plutôt que de saisir les volumes, l'artiste préfère utiliser des aplats de couleurs pures sans déclinaison tonale. Pour accentuer cette platitude, l'artiste entoure parfois les aplats de cernes noirs : on parle de « cloisonnisme ». De ce fait, Gauguin a mis au point le « synthétisme », c'est-à-dire que la couleur «synthétise » l'information plastique dès lors qu'elle donne à la fois la lumière et la forme. En ce qui concerne la perspective, Gauguin reprend les techniques japonaises d'étagement des plans qui se superposent ici à la perspective européenne. L'artiste agence de manière décorative le tronc de l'arbre de manière à scinder la composition en deux plans distants tant du point de vue de l'espace que de celui du niveau de réalité : en effet, la composition mêle à la fois le réel (les Bretonnes qui sortent de l'église) et le niveau imaginaire (la vision du combat entre Jacob et l'Ange). L'attitude graphique de Gauguin dans le traitement des coiffes induit également une « déréalisation » de la forme mimétique au profit d'un traitement décoratif de celle-ci. Enfin, Gauguin va mettre en pratique un rapport subjectif à la couleur qui, à ses yeux, ne doit pas correspondre dans l'absolu à la couleur « réelle ». Dans l'œuvre, l'herbe est peinte en rouge, ce qui tend à faire de l'œuvre un espace autonome avant d'être celui de la transcription mimétique de la réalité. La deuxième nécessité, chez Gauguin, est une recherche de simplification de la peinture, ce qu'il désignera par le terme de « primitivisme ». En Bretagne, Gauguin cherche une culture simple et authentique, loin des oripeaux des mondanités parisiennes. Cette même recherche l'amènera ensuite à s'établir à Tahiti et aux îles Marquises, où il recherche de la même manière une civilisation pure. En réalité, cette quête de vie correspond à une problématique picturale de retour à des formes simples et puissantes, problématique qui sera au cœur de la recherche de l'avant-garde au début du 20e siècle.

Paul Gauguin (1848-1903), La vision après le sermon, 1888.

MANIERISME Breughel est témoin de la rébellion contre les Espagnols et de la répression du Duc d'Albe. Il représente un environnement où la mort est partout. Les morts viennent tourmenter les vivants. En bas à droite, les amoureux musiciens symbolisent la vie dérisoire dans une société où les affrontements religieux mènent à une angoisse ontologique.

Peter Bruegel l'Ancien (1525-1569), Le triomphe de la mort, vers 1566.

BAROQUE L'apothéose d'Henri IV est un tableau clé d'une série d'oeuvres commandés en 1622 par Marie de Médicis, veuve d'Henri IV, pour orner son Palais du Luxembourg à Paris. Le cycle raconte la vie de Marie de Médicis depuis l'enfance jusqu'à sa réconciliation en 1621 avec Louis XIII. Cette œuvre ne s'articule pas, comme à la Renaissance ou dans la période classique, sur une composition unifiée autour d'un thème central, mais sur deux « moments » qui coexistent, en tension visuelle. À gauche, « le Roi ravy au ciel » et à droite (la divinisation d'Henri IV), « la Régence de la Reyne ». Henri IV est emmené vers le ciel. Au sol, un serpent transpercé par une flèche évoque son assassinat par Ravaillac. Il est emmené par Jupiter et son aigle et Saturne et sa faux (symbole du temps). Dans l'Olympe, se trouvent Mercure et Hercule. Hercule, demi-dieu, avait gagné l'immortalité par ses exploits. Il annonce donc l'immortalité d'Henri IV, sa divinisation. Marie de Médicis est entourée de personnages mythologiques. La providence lui remet le timon, qui symbolise la conduite juste. À gauche de la Reine se trouvent Minerve, la déesse guerrière et à droite la Prudence qui lui présente la France casquée tenant un globe. Le gouvernement et les grands de France adhèrent à ce mouvement général vers la Reine. Au centre de la composition se trouve Bellone, déesse de la guerre, portant un trophée. Rubens agglutine des langages complexes, tant des allégories que des éléments mythologiques et des références à l'Antiquité. Il s'agit d'un art de cour, qui cherche à briller par son caractère savant. Les allégories et personnages mythiques tissent une symbolique complexe et touffue. Au niveau de la composition, l'ensemble repose sur une tension entre les deux parties. À droite, des diagonales dynamiques mènent à une dissolution dans des lumières évaporées. Il s'agit d'un espace en dilatation qui évoque la fin du règne d'Henri IV. De l'autre côté, les figures autour de la reine sont agencées sur un cercle qui manifeste l'union, alors que les diagonales qui convergent vers son visage symbolisent l'adhésion. L'ensemble prend une dimension épique, comme si l'histoire de la Reine relevait de la mythologie, avec un mélange entre profane et sacré. En ce qui concerne la couleur, elle constitue un langage propre qui, par les associations, crée une rythmique visuelle, liant les éléments de la composition (notamment les rouges). En cela, Rubens utilise l'héritage des peintres de la Renaissance vénitienne.

Pierre-Paul Rubens (1577-1640), L'apothéose d'Henri IV et la proclamation de la régence de Marie de Médicis.

MANIERISME L'œuvre brille par un irréalisme total, les expressions sont étonnantes, éthérées. Les personnages sont représentés sur la pointe des pieds, les corps sont en torsion, ce qui confère une dimension dynamique et théâtrale à la scène.

Pontormo (1494-1557), La déposition, 1527.

BAROQUE L'œuvre représente la compagnie de la milice des mousquetaires d'Amsterdam de Frans Banning Cocq (aussi Bourgmestre d'Amsterdam) et de Willem van Ruytenburch. Commandée par la compagnie, la toile devait décorer la grande salle de la maison des arquebusiers, siège de la milice. Le titre « la ronde de nuit » est donné au 19e siècle. L'œuvre ne représente pas la nuit, comme le montre la dernière restauration, mais Rembrandt peignait des scènes sombres (caravagisme) encore assombries par le vieillissement du vernis et des bitumes utilisés pour les noirs. L'œuvre est marquée par un effet baroque, mais il faut noter que la composition d'origine, qui faisait à peu près cinq mètres sur quatre, a été découpée en 1715 à format plus petit pour pouvoir être accrochée dans l'Hôtel de Ville. Ce qui paraît être aujourd'hui une scène confuse était donc à l'origine structuré par une composition bien plus organisée. Il faut encore ajouter que l'œuvre, qui a probablement été composée pour la venue de Marie de Médicis en 1638 à Amsterdam (quatre ans avant la date de création généralement retenue, 1642) faisait partie d'un ensemble de toiles qui représentaient toutes les compagnies de la garde de la ville. Là encore, l'absence de cet effet d'ensemble rend complexe l'appréciation de la toile aujourd'hui. Cocq et Van Ruytenburch sont au premier plan. La petite fille illustre la compagnie. Elle tient un poulet mort, synonyme de la défaite de l'adversaire, les griffes de poulet étant par ailleurs les symboles des kloveniers, les arquebusiers. Derrière, les différentes attitudes des soldats montrent le maniement de l'arquebuse, comme si le peintre illustrait des phases de son utilisation : un homme charge l'arme, un personnage tire, puis un vieil homme souffle, car dès que l'on a tiré, il faut que l'ouverture se refroidisse pour ne pas que la poudre du coup suivant s'enflamme sous l'effet de la chaleur. Contrairement au Classicisme français, Rembrandt utilise des procédés baroques. Il joue sur un clair-obscur assez violent. Il y a chez lui une volonté d'expressivité. Il ne recherche pas la manière fine de Vermeer. Rembrandt cherche la puissance allusive ; on remarque par ailleurs que les personnages ne sont pas ramenés à une harmonie d'ensemble mais que chaque individu, traité en « type », fonctionne séparément dans sa propre narration, ce qui engendre une mise en tension dynamique de la composition.

Rembrandt (1606-1669), La Ronde de nuit, 1642.

Glacis

Superpose des couches légèrement chargées en pigments. La lumière pénètre dans les couches et se reflète sur le fond blanc de la préparation, donnant l'impression que les couleurs sont éclairées « de l'intérieur ».

Rhétorique classique L'œuvre n'est pas vraiment un portrait social, mais plutôt un portrait intime, « miroir de l'âme » qui montre la richesse de la psychologie, la subtilité de la vie intérieure. On a longtemps perçu dans cette œuvre le portrait de Molière ; les historiens d'art s'accordent aujourd'hui pour penser qu'il n'en est rien.

Sébastien Bourdon (1616-1671), L'Homme aux rubans noirs, vers 1657.

MANIERISME Dans La dernière Cène, le Christ annonce qu'un disciple va le trahir, ce qui explique la perplexité des apôtres. Mais comme les autres peintres Vénitiens, Tintoret mélange sacré et profane, avec un grand souci de pittoresque : la scène de cuisine au fond de la salle, le chien à l'avant-plan, etc. Le spectateur contemple autant une scène biblique qu'une scène de cabaret du 16e siècle vénitien, ce qui annonce l'essor de la peinture de genre. Pour autant, les thèmes profanes peuvent avoir une présence symbolique. Au premier plan, la mise en tension de l'homme et de la femme avec un chien au milieu pose la question de la fidélité. Chez l'artiste, la couleur se réduit souvent au clair-obscur, avec une écriture très rapide qui annonce le caravagisme. Il construit des perspectives fuyantes, avec un point de vue fortement oblique, de manière à intensifier la mise en tension des psychologies.

Tintoret (1518-1594), La dernière Cène, 1579-1581.

MANIERISME - À Venise, c'est plutôt par la couleur, et non par le dessin, que le Maniérisme cherche à s'exprimer. Les peintres débouchent sur nouvelle manière de formuler la peinture, qui n'est plus tant une fenêtre mimétique ouverte sur le monde qu'un espace autonome où s'épanouissent les éléments plastiques. La lumière et la couleur ne sont pas neutres, elles jouent un rôle réel dans la construction du sujet. La lumière peut-être vue comme étant symbolique. Titien utilise un contre-jour derrière la Vierge, avec une couleur riche, jaune-orange, qui symbolise les fonds dorés caractérisant les sujets sacrés, mais dans une veine naturaliste. En bas, la lumière blanche correspond à celle du monde réel. La lumière permet donc à Titien de distinguer les plans humains et divins. Au niveau de la Vierge, cette lumière symbolise à la fois l'ascension physique et symbolique. Le panier d'anges forme un cercle ascendant dont les formes sont mangées par la lumière, créant un sentiment d'aspiration. Il y a aussi un effet recherché dans l'usage de la couleur rouge pour accentuer ce mouvement. Deux apôtres portent des vêtements rouges, comme la Vierge, comme si, par métonymie, ils « lançaient » l'aspiration de la Vierge vers le ciel. On remarque donc que l'organisation narrative de l'oeuvre ne passe plus seulement par l'agencement perspectif ou la « science des groupes solidaires », mais aussi par l'agencement coloristique et lumineux de la composition.

Titien (1490-1576), L'Assomption de la Vierge, 1515-1518.

MANIERISME Titien adopte la peinture « a macchia », en touches, dit Vasari. Il fait ressortir le sujet par la vibration de la touche et la richesse du coloris. La touche est vaporeuse, elle déborde du strict cadre du dessin. Il en ressort une énergie picturale qui connote le sujet et devient une énergie psychique. L'art devient aussi sensuel, tactile et n'est plus seulement une fenêtre objective sur le monde.

Titien (1490-1576), Portrait du Doge Andrea Gritti, 1546-1548.

MODERNITE - post-impressionisme Lorsqu'il séjourne en France, Vincent Van Gogh est marqué par le même héritage post-impressionniste que Gauguin. Sa technique picturale est d'ailleurs marquée par l'utilisation de la touche impressionniste de couleur pure. Pourtant, l'art de Van Gogh débouche sur un imaginaire personnel et original caractérisé avant tout par sa subjectivité et son déséquilibre mental ; de fait, van Gogh sera l'un des premiers peintres modernes à faire de son art une expression pleinement personnelle de son psychisme, fût-il troublé. Dans son autoportrait, l'artiste semble ouvrir une composition harmonieuse sur base d'un contraste simultané entre le bleu et l'orange ; pourtant, la touche qui détaille la décoration de l'arrière-plan induit plutôt une sinuosité qui, en continuité avec le vêtement porté par le peintre, peint dans la même couleur, caractérise davantage la psychologie de l'artiste qu'un motif strictement décoratif.

Vincent Van Gogh (1853-1890), Autoportrait, 1890.

MODERNITE - post-impressionisme Lorsqu'il séjourne en France, Vincent Van Gogh est marqué par le même héritage post-impressionniste que Gauguin. Sa technique picturale est d'ailleurs marquée par l'utilisation de la touche impressionniste de couleur pure. Pourtant, l'art de Van Gogh débouche sur un imaginaire personnel et original caractérisé avant tout par sa subjectivité et son déséquilibre mental ; de fait, van Gogh sera l'un des premiers peintres modernes à faire de son art une expression pleinement personnelle de son psychisme, fût-il troublé. Dans les Chaumes à Cordeville, les motifs des cyprès sont traités en sinuosité jusqu'à mettre le calme apaisant de ce paysage en tension. Les nuages du ciel reprennent les volutes des cyprès, dans une association plastique très « japonisante », ouvrant sur un ciel menaçant qui confirme l'atmosphère pesante du sujet. L'usage de la couleur chez Van Gogh est aussi subjectif que celui de Gauguin. Pour autant, Van Gogh dégage des solutions personnelles : plutôt que rechercher l'harmonie ou la chaleur coloristique, l'artiste fait le plus souvent usage de couleurs froides, stridentes, acidulées, ce qui matérialise sa tension psychique.

Vincent Van Gogh (1853-1890), Chaumes à Cordeville, 1890.

MANIERISME Cette « sécularisation » des thèmes bibliques est mal perçue par le clergé commanditaire. Dans Le Repas chez Levi, Véronèse avait en réalité représenté la dernière Cène. Véronèse y figure une fête vénitienne, avec des bouffons, des soldats, des animaux exotiques. L'œuvre est refusée. Véronèse répond « nous les peintres, nous prenons les libertés que prennent les poètes et les fous ». L'œuvre est finalement acceptée, au profit d'un changement de titre : elle devient un « repas chez Levi ».

Véronèse (1528-1588), Le repas chez Levi, 1579.

MANIERISME Cette œuvre est commandée pour le réfectoire du Monastère San Giorgio Maggiore à Venise. Elle est peinte sur toile parce que les fresques se conservaient mal à Venise en raison de la salinité de l'atmosphère. L'œuvre raconte le premier miracle biblique du Christ, lorsque celui-ci, à Cana, transforme de l'eau en vin (Évangile de Jean). Marie montre un verre vide, poussant le Christ à exécuter un miracle. Un homme verse du vin hors d'une cruche. Mais Véronèse représente plus une fête qu'une scène biblique. Il y a même un aspect profane dans l'œuvre. On voit notamment une luxueuse vaisselle en argent typique du 16e siècle. Des personnages contemporains se mêlent aux personnages bibliques. Une légende du 16e siècle dit que Véronèse se serait représenté avec Titien et Bassano comme les joueurs de musique (Véronèse porterait le vêtement blanc). L'œuvre s'inspire de bâtiments de Palladio créés à Venise l'année même que celle de la création de l'oeuvre. Comme si le « miracle » du Christ évoquait avant tout le « miracle » vénitien. Pour autant, il y a chez Véronèse des allusions morales et religieuses, notamment le sablier sur la table de musique, présenté comme une vanitas. Au-dessus du Christ, un agneau est découpé, alors que l'on sert le dessert, annonçant la Passion. Marie porte un voile noir, qui préfigure son deuil. La richesse coloristique est utilisée comme dispositif, comme le montre une restauration récente. Véronèse a souhaité utiliser les couleurs les plus somptueuses et les plus chères, comme le lapis-lazuli (bleu). Il bénéficiait des produits importés par les marchands vénitiens depuis l'Orient. L'œuvre est donc bien à la mesure du « miracle » vénitien. Mais ces couleurs ne sont pas seulement utilisées par souci de luxe. Les contrastes entre couleurs permettent d'individualiser chacun des personnages. Cet effet rejoint celui de l'architecture, qui fonctionne comme véritable scène de théâtre. À côté d'un effet d'ensemble, d'un désir de scénographie, chaque « acteur » a son identité et son rôle propre. Cette « sécularisation » des thèmes bibliques est mal perçue par le clergé commanditaire.

Véronèse (1528-1588), Les Noces de Cana, 1563.

NEO-CLASSICISME William Bouguereau est, par excellence, le modèle du peintre néo-classique français. Prix de Rome en 1850, il séjourne dans la capitale italienne et se forme au contact des chefs-d'œuvre de l'Antiquité. En 1876, il est nommé à l'Académie des Beaux-Arts puis, en 1888, il devient professeur à l'École des Beaux-Arts de Paris.

William Bouguereau (1825-1905), Nymphe et Satyre, 1873.

MODERNITE - rationalisme architectural La première grande manifestation du rationalisme architectural survient à Chicago. La ville est ravagée par un incendie en 1871. Pour éviter que les bâtiments ne brûlent à nouveau, les architectes utilisent la fonte et évitent le bois. Afin de réserver un maximum de place aux affaires, les premiers buildings sont édifiés dans le centre, sur une structure en fonte de fer de 9 étages. Les étages sont desservis par les premiers ascenseurs. En 1884, un nouveau modèle est proposé par William Le Baron Jenney (1832-1907) : des buildings à structure d'acier. Des poutrelles en double T sont assemblées horizontalement et verticalement pour former une cage hautement résistante qui permet l'élévation sur une grande hauteur. Cet immeuble de Chicago est un modèle d'épure et d'occupation verticale de l'espace. Les étages sont supportés par une structure en poutrelles métalliques. Les parois sont entièrement vitrées, ce qui confère un éclairage naturel aux étages tout en allégeant la structure. Par ailleurs, les architectes ont réduit la décoration au strict minimum. La paroi extérieure en brique n'est animée que par le rythme des fenêtres. Outre sa grande fonctionnalité, le bâtiment possède ainsi une dynamique architecturale sans céder à la tentation du décoratif.

William Le Baron Jenney (1832-1907), Home Insurance Building, 1884-1885 (œuvre détruite en 1931).


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