👑 ArrĂȘts droit constitutionnel

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(22) Crise catalane

Une attention particuliĂšre mĂ©rite d'ĂȘtre portĂ©e Ă  la crise institutionnelle liĂ©e aux revendications indĂ©pendantistes de la Catalogne. Rappelons sommairement les faits. La Cour constitutionnelle espagnole, saisie par une minoritĂ© parlementaire appartenant au Parti polaire, dans un arrĂȘt n°31/2010 du 28 juin 2010, annule une partie de l'accord constitutionnel entre l'Etat espagnol et la Catalogne, accord qui avait Ă©tĂ© approuvĂ©, lors d'une consultation populaire, par 74% des Catalans. Ainsi, notamment sont jugĂ©s inconstitutionnelles les rĂ©fĂ©rences Ă  la Nation catalane et Ă  la rĂ©alitĂ© nationale de la Catalogne qui figuraient dans le PrĂ©ambule du Statut de la Catalogne. Cette dĂ©cision accentue les revendications indĂ©pendantistes en Catalogne. Lors des Ă©lections rĂ©gionales de septembre 2015, les partis indĂ©pendantistes sont majoritaires en siĂšge, mais non en voix. Ayant accĂ©dĂ© au pouvoir, ils promettent l'organisation d'un rĂ©fĂ©rendum sur l'indĂ©pendance. Celui-ci doit se tenir le 1er octobre 2017. Saisie par le gouvernement espagnol prĂ©sidĂ© par le leader du Parti populaire, Mariono Rajoy, revenu au pouvoir en 2011, la Cour constitutionnelle suspend la loi d'organisation du rĂ©fĂ©rendum. Dans un climat d'extrĂȘme tension et de violences policiĂšres, le rĂ©fĂ©rendum se tient nĂ©anmoins. Les autoritĂ©s catalanes annoncent une participation de 43,03% et une victoire du oui Ă  90,18%. AprĂšs plusieurs semaines de tensions et de tergiversations, le Parlement catalan dĂ©clare d'indĂ©pendance de la Catalogne le 27 octobre 2017. Le mĂȘme jour, Ă  la demande du Premier ministre, le SĂ©nat espagnol autorise le gouvernement Ă  faire application de l'article 155 de la Constitution selon lequel, "si une communautĂ© autonome ne remplit pas les obligations que la Constitution et la loi lui imposent ou si elle agit d'une façon qui nuit gravement Ă  l'intĂ©rĂȘt gĂ©nĂ©ral de l'Espagne, le gouvernement, aprĂšs une mise en demeure au prĂ©sident de la communautĂ© autonome et, dans le cas oĂč il n'en serait pas tenu compte, avec l'accord de la majoritĂ© absolue du SĂ©nat, peut pendre les mesures nĂ©cessaire pour obliger cette communautĂ© Ă  l'exĂ©cution forcĂ©e de ses obligations ou pour protĂ©ger l'intĂ©rĂȘt gĂ©nĂ©ral mentionnĂ©" et "pour l'exĂ©cution des mesures envisagĂ©es au paragraphe prĂ©cĂ©dent, le gouvernement peut donner des instructions Ă  toutes les autoritĂ©s des communautĂ©s autonomes". Il est aussitĂŽt dĂ©cidĂ© par le gouvernement espagnol de destituer le PrĂ©sident du Gouvernement de Catalogne, Carles Puigdemont, de dissoudre le Parlement et de convoquer des Ă©lections rĂ©gionales. On constate donc qu'en vertu de l'article 155 prĂ©citĂ©, la mise sous tutelle d'une communautĂ© autonome suppose l'intervention du SĂ©nat qui, en vertu de l'article 69 de la Constitution, est "chambre de la reprĂ©sentation du territoire", soit une assemblĂ©e qui est composĂ©e d'Ă©lus directs dans les provinces espagnoles (qui, comme en Belgique, sont Ă  la fois des collectivitĂ©s territoriales et des circonscriptions Ă©lectorales) et de sĂ©nateurs dĂ©signĂ©s par les assemblĂ©es lĂ©gislatives ou par l'organe collĂ©gial supĂ©rieur de chaque communautĂ© autonome, Ă  concurrence d'un sĂ©nateur par communautĂ© autonome, auquel s'ajoute "un autre sĂ©nateur pour chaque tranche d'un million d'habitants de leurs territoires respectifs". (p.720 - leçon 22)

(21) Cass., du 19 décembre 1991 - Anca I + Cass., du 08 décembre 1994 - Anca II

Par un arrĂȘt du 19 dĂ©cembre 1991, la Cour de cassation opĂšre un REVIREMENT DE JURISPRUDENCE Ă  ce sujet. En l'espĂšce, le Tribunal de commerce de Bruxelles a dĂ©crĂ©tĂ© d'office la faillite de la SPRL ANCA sans respecter les principes de la publicitĂ© et du caractĂšre contradictoire des dĂ©bats. En appel, la faillite est rapportĂ©e. Se fondant sur les articles 1382 et 1383 du Code civil, la SPRL ANCA introduit une action en responsabilitĂ© contre l'Etat afin d'obtenir la rĂ©paration du dommage occasionnĂ© par la dĂ©cision illĂ©gale du tribunal. La demande est rejetĂ©e par le Tribunal de premiĂšre instance de Bruxelles, puis par la Cour d'appel de Bruxelles, par application de la jurisprudence classique en la matiĂšre. AprĂšs avoir repris sa formule dĂ©jĂ  utilisĂ©e 70 ans plus tĂŽt lors de l'arrĂȘt La Flandria, selon laquelle IL N'IMPORTE PAS D'AVOIR EGARD A LA QUALITE DES PARTIES, NI A LA NATURE DES ACTES QUI ONT CAUSE UNE LESION DE DROIT, "MAIS UNIQUEMENT A LA NATURE DU DROIT FAISANT L'OBJET DE LA CONTESTATION", la Cour de cassation estime que l'Etat peut ĂȘtre rendu responsable du dommage rĂ©sultant d'une faute commise par un magistrat dans l'exercice de ses attributions judiciaires. Elle indique, Ă  cet Ă©gard, "que les principes de la sĂ©paration des pouvoirs, de l'indĂ©pendance du pouvoir judiciaire et des magistrats qui le composent, ainsi que de l'autoritĂ© de la chose jugĂ©e n'impliquent pas que l'Etat serait, d'une maniĂšre gĂ©nĂ©rale, soustraite Ă  l'obligation, rĂ©sultant des articles articles 1382 et 1383 du Code civil, de rĂ©parer le dommage causĂ© Ă  autrui par sa faute ou celle de ses organes dans l'administration du service public de la justice, notamment dans l'accomplissement des actes qui constituent l'objet directe de la fonction juridictionnelle". Elle relĂšve Ă©galement "que la responsabilitĂ© de l'Etat n'est pas nĂ©cessairement exclue par le fait que celle de son organe ne peut, quant Ă  elle, ĂȘtre engagĂ©e Ă  la suite de l'acte dommageable que celui-ci a commis" et que "en l'Ă©tat actuel de la lĂ©gislation, l'Etat peut, sur la base des articles 1382 et 1383 du Code civil, ĂȘtre, en rĂšgle, rendu responsable du dommage rĂ©sultant d'une faute commise par un juge ou un officier du ministĂšre public lorsque ce magistrat a agi dans les limites de ses attributions lĂ©gales ou lorsque celui-ci doit ĂȘtre considĂ©rĂ© comme ayant agi dans ces limites par tout homme raisonnable et prudent". L'arrĂȘt du 19 dĂ©cembre 1991 ne met pas fin au diffĂ©rent existant entre l'Etat belge et la SPRL ANCA. La Cour de cassation est, en effet, appelĂ©e Ă  connaĂźtre d'un second pourvoi introduit par cette sociĂ©tĂ© contre l'arrĂȘt rendu sur renvoi par la Cour d'appel de LiĂšge et qui avait refusĂ© l'octroi de dommages-intĂ©rĂȘts en l'absence de faute et de lien de causalitĂ©. La Cour, dans un arrĂȘt du 08 dĂ©cembre 1994, rejette les prĂ©tentions de la demanderesse en affirmant que la FAUTE DU MAGISTRAT DOIT S'APPRECIER SUIVANT LE CRITERE DU MAGISTRAT NORMALEMENT SOIGNEUX ET PRUDENT, PLACE DANS LES MÊMES CONDITIONS. Elle prĂ©cise que la Cour d'appel de LiĂšge a, Ă  bon droit, indiquĂ© qu'Ă  "l'Ă©poque oĂč la faillite a Ă©tĂ© dĂ©clarĂ©e, une controverse existant tant en jurisprudence qu'en doctrine au sujet des normes applicables Ă  la procĂ©dure de dĂ©claration de faillite d'office et, la procĂ©dure suivie par le tribunal de commerce ne s'Ă©cartant pas Ă  ce point des normes Ă©tablies qu'un magistrat normalement soigneux et diligent aurait dĂ» s'abstenir d'y avoir recours, l'arrĂȘt a pu lĂ©galement dĂ©duire qu'aucune faute ne pouvait engager la responsabilitĂ© de l'Etat". Dans un arrĂȘt du 26 juin 1998, la Cour de cassation constate d'ailleurs que toute erreur de droit d'un magistrat dans un acte juridictionnel, qui a ainsi commis une illĂ©galitĂ©, ne s'analyse pas automatiquement comme une faute. Le magistrat dispose donc D'UN DROIT A L'ERREUR et il apparaĂźt que le contrĂŽle opĂ©rĂ© sur la maniĂšre dont il a exercĂ© sa fonction revĂȘt un caractĂšre marginal. La Cour d'appel de Bruxelles s'est Ă©galement inscrite dans cette logique en affirmant que le juge ne peut ĂȘtre rĂ©putĂ© avoir commis une faute lorsqu'il opte pour une thĂšse pouvant se rĂ©clamer d'une doctrine et d'une jurisprudence autorisĂ©es, quoique non unanimes. Dans son deuxiĂšme arrĂȘt Anca, la Cour de cassation est Ă©galement animĂ©e par le souci de prĂ©server la cohĂ©rence du systĂšme judiciaire et pose d'autres restrictions Ă  la mise en oeuvre de la responsabilitĂ© de l'Etat dans l'exercice de la fonction juridictionnelle. En effet, affirme-t-elle, lorsque l'acte dommageable "constitue l'objet direct de la fonction juridictionnelle, la demande tendant Ă  la rĂ©paration du dommage ne peut, en rĂšgle, ĂȘtre reçue que si l'acte litigieux a Ă©tĂ© retirĂ©, rĂ©formĂ©, annulĂ© ou rĂ©tractĂ© par une dĂ©cision passĂ©e en force de chose jugĂ©e en raison de la violation d'une norme juridique Ă©tablie et n'est plus, dĂšs lors, revĂȘtue de l'autoritĂ© de la chose jugĂ©e". En l'occurence, la faillite ayant Ă©tĂ© rapportĂ©e par la Cour d'appel de Bruxelles, une action en responsabilitĂ© dirigĂ©e contre l'Etat pour la faute commise par le Tribunal de Bruxelles Ă©tait possible. Il est requis, en outre, que le recours ait Ă©tĂ© accueilli en raison de "la violation d'une norme juridique Ă©tablie", c'est-Ă -dire d'une rĂšgle de droit connue au moment oĂč l'acte juridictionnel incriminĂ© est intervenu. C'est, en effet, cette violation qui rĂ©vĂšle le caractĂšre illicite de la dĂ©cision et, par voie de consĂ©quence, la faute de son auteur. En application de cette jurisprudence, de nombreuses "fautes" commises par des juridictions ne peuvent faire l'objet d'une rĂ©paration dĂšs lors que ceux qui les subissent ne disposeraient pas de moyens d'engager tous les recours nĂ©cessaires au retrait, Ă  la rĂ©formation, Ă  l'annulation ou Ă  la rĂ©traction de la dĂ©cision qui leur font grief. Se pose aussi la question de la rĂ©paration d'un dommage causĂ© par la faute d'une juridiction qui statue en dernier recours, sauf Ă  considĂ©rer qu'elle a Ă©tĂ© censurĂ©e par une juridiction internationale. (p.695 - leçon 21)

(4) Avis SLCE - Traité de Maastricht + CJUE 323/97, du 09 juillet 1998 - Traité de Maastricht

Peut-on appliquer le mĂȘme raisonnement que dans l'arrĂȘt Fromagerie Franco-suisse Le Ski en cas de contradiction entre la Constitution et une norme de droit international ? Cette question s'est posĂ©e avec une acuitĂ© particuliĂšre en raison de la contradiction qui existait entre l'article 8 B §1 du TraitĂ© de Maastricht et l'article 8 ancien de la Constitution. En effet, la premiĂšre de ces dispositions consacre le principe selon lequel "tout citoyen de l'Union rĂ©sidant dans un Etat membre dont il n'est pas ressortissant a le droit de vote et d'Ă©ligibilitĂ© aux Ă©lections municipales dans l'Etat membre oĂč il rĂ©side, dans les mĂȘmes conditions que les ressortissants de cet Etat (...)". L'article 8, alinĂ©a 2 de la Constitution, quant Ă  lui, prĂ©voyait simplement que : "la qualitĂ© de Belge s'acquiert, se conserve et se perd d'aprĂšs les rĂšgles dĂ©terminĂ©es par la loi civile. La prĂ©sente Constitution et les autres lois relatives aux droits politiques dĂ©terminent quelles sont, outre cette qualitĂ©, les conditions nĂ©cessaires pour l'exercice de ces droits". La Constitution posait donc le principe selon lequel, pour bĂ©nĂ©ficier d'un droit politique (et donc notamment celui d'ĂȘtre Ă©lecteur et d'ĂȘtre Ă©ligible), il convenait d'ĂȘtre Belge. La section de lĂ©gislation du Conseil d'Etat, aprĂšs avoir relevĂ© l'existence d'une contradiction entre ces 2 textes, estime qu'il est indispensable de procĂ©der Ă  une rĂ©vision de l'article 8 de la Constitution avant que ne soit votĂ©e la loi d'assentiment au TraitĂ© de Maastricht. Le gouvernement, se prĂ©valant du fait que l'article 8 B §1 de ce traitĂ© n'Ă©tait pas encore directement applicable en droit interne, refuse de s'engager dans cette voie, et reporte Ă  une date ultĂ©rieure la rĂ©vision de l'article 8. La loi d'assentiment est votĂ©e sans que cette disposition ne soit modifiĂ©e. Il est exact que l'article 8 B §1 du TraitĂ© de Maastricht n'Ă©tait pas directement applicable en droit interne au moment du vote de la loi d'assentiment. Il l'est cependant devenu Ă  la suite de l'adoption de la directive 94/80/CE du Conseil du 19 dĂ©cembre 1994. Or, Ă  cette date, la Constitution n'avait toujours pas Ă©tĂ© modifiĂ©e. Il en Ă©tait d'ailleurs de mĂȘme au moment oĂč, en application de cette directive, les principes contenus dans l'article 8 B prĂ©citĂ© devaient ĂȘtre traduits dans le droit interne de chaque Etat membre, ce qui impliqua la condamnation de la Belgique par la Cour de justice de l'Union europĂ©enne. Celle-ci s'est rĂ©fĂ©rĂ©e Ă  sa jurisprudence constante selon laquelle UN ETAT MEMBRE NE PEUT EXCIPER DE DISPOSITIONS, PRATIQUES OU SITUATIONS DE SON ORDRE JURIDIQUE INTERNE POUR JUSTIFIER L'INOBSERVATION DES OBLIGATIONS ET DES DELAIS PRESCRITS PAR UNE DIRECTIVE. Autrement dit, le droit europĂ©en est sans Ă©quivoque : une directive prime une disposition en sens contraire de la Constitution d'un Etat membre. Le 11 dĂ©cembre 1998, avant les Ă©lections communales d'octobre 2000, l'article 8 de la Constitution est enfin modifiĂ©. (p.131 - leçon 4)

(1) CE 213.879, du 15 juin 2011 - De Coene et consorts

Se fondant sur l'article 15ter (parti politique hostile Ă  la Convention europĂ©enne des droits de l'homme), des parlementaires ont engagĂ© une procĂ©dure visant Ă  priver le Vlaams Belang de sa dotation. Ils invoquent, Ă  l'appui de leur requĂȘte, de trĂšs nombreux faits dont ils dĂ©duisent l'hostilitĂ© de ce parti envers les droits et libertĂ©s. Pour l'essentiel de ces griefs, le Conseil d'Etat, dans son arrĂȘt De Coene et consorts, considĂšre que le recours est tardif. Il se contente d'examiner un seul fait, Ă  savoir des propos xĂ©nophobes tenus par des leaders du Vlaams Belang lors d'un meeting pour la sĂ©curitĂ© tenu le 11 avril 2006. A titre d'exemple, Gerolf Annemans avait notamment dĂ©clarĂ© Ă  cette occasion : "On les connaĂźt bien, ces jeunes, ce sont tout simplement des Marocains de merde, qui reçoivent un assistant social, un emploi (...) et de prĂ©fĂ©rence une BMW en prime pour poser leur cul". Le Conseil d'Etat constate que "les propos critiquĂ©s ainsi Ă©pinglĂ©s sont acerbes et polĂ©miques et ne tĂ©moignent assurĂ©ment pas d'un sens aigu de la dĂ©licatesse et de la nuance. En ce sens, ils sont susceptibles de nourrir une animositĂ© entre certaines fractions de la sociĂ©tĂ© et, Ă  terme, de contribuer Ă  une polarisation et Ă  un climat d'intolĂ©rance". Ils sont, Ă  son estime, "franchement inquiĂ©tants et de nature Ă  offenser et Ă  blesser". Cependant, ce simple constat ne suffit pas Ă  sanctionner le Vlaams Belang. Le Conseil d'Etat dĂ©duit de la jurisprudence de la Cour constitutionnelle que l'hostilitĂ© aux droits et libertĂ©s doit impliquer une incitation Ă  violer une norme juridique en vigueur. Il estime que la notion d'incitation signifie "encourager, stimuler, pousser Ă ", ce qui implique de "donner une forte impulsion ou un stimulus psychologique qui contribue aux effets dommageables actuels, directs ou qui Ă  tout le moins les rend trĂšs probables". Il ajoute que "la question de savoir si les opinions incitent indĂ©niablement Ă  violer un principe comme il est Ă©noncĂ© ci-dessus, doit ĂȘtre apprĂ©ciĂ©e en fonction de leur contenu et de leur contexte. Elles doivent en outre faire apparaĂźtre qu'un Ă©lĂ©ment moral spĂ©cifique est en cause. Être hostile implique l'existence de sentiments forts et de pensĂ©es de rejet et de haine, de malveillance". Or au "regard de tous les Ă©lĂ©ments de l'affaire, il n'y a pas de majoritĂ© au Conseil d'Etat pour considĂ©rer que les propos 'incitent' (au sens strict dans lequel ce mot doit ĂȘtre entendu) en outre clairement et dĂ©libĂ©rĂ©ment Ă  violer (un) des principes essentiels de la dĂ©mocratie que les requĂ©rants invoquent". Que dĂ©duire de cet arrĂȘt ? Tout d'abord, le Conseil d'Etat reconnaĂźt lui-mĂȘme avoir Ă©tĂ© divisĂ©. Il y a tout lieu de penser que la ligne de fracture Ă©tait de nature linguistique, les magistrats francophones Ă©tant enclins Ă  sanctionner le Vlaams Belang, leurs homologues nĂ©erlandophones ayant tendance au contraire Ă  ne pas le diaboliser. Cette ligne de fracture explique aussi sans doute la jurisprudence modĂ©rĂ©e de la Cour constitutionnelle, laquelle semble Ă©galement constituer un compromis entre des thĂšses antagonistes. Ensuite, le Conseil d'Etat s'engouffre vigoureusement dans la brĂšche ouverte par la Cour constitutionnelle. Il ne suffit pas, pour qu'un parti soit sanctionnĂ©, que soient tenus des propos hostiles aux droits et aux libertĂ©s, il faut encore inciter expressĂ©ment Ă  les violer. Autrement dit, n'importe quel propos ignominieux pourrait ĂȘtre tenu pour autant que son auteur n'appelle pas explicitement les citoyens Ă  en tirer les consĂ©quences. Cette position est d'une grande hypocrisie car elle fait totalement l'impasse sur le processus de contamination des opinions. En effet, la tenue de propos xĂ©nophobes crĂ©e un climat qui conduit Ă  banaliser le racisme et Ă  favoriser sa prolifĂ©ration. Or, cette banalisation s'analyse comme une incitation sinon Ă  partager ces opinions, du moins Ă  ne pas les trouver Ă  ce point intolĂ©rables. En ne prononçant aucune sanction Ă  la suite de leur expression, le Conseil d'Etat, peut-ĂȘtre inconsciemment, contribue Ă  inciter Ă  faire prolifĂ©rer des opinions gravement attentatoires aux droits et libertĂ©s. Enfin, l'arrĂȘt De Coene et consorts est un message adressĂ© aux parlementaires. Ils sont invitĂ©s Ă  faire preuve d'une grande circonspection avant d'engager une procĂ©dure Ă  fondĂ©e sur l'article 15ter, voire Ă  y renoncer dĂ©finitivement. Cette disposition a Ă©tĂ© Ă  ce point vidĂ©e de sa substance par la Cour constitutionnelle et par le Conseil d'Etat qu'elle apparaĂźt aujourd'hui comme un vĂ©ritable tigre de papier et qu'elle perd tout effet utile. Il s'agit assurĂ©ment d'un recul majeur dans l'autodĂ©fense dĂ©mocratique. Ce qui devait constituer une digue contre la montĂ©e des partis liberticides ne semble rien d'autre qu'un mensonge normatif. La rĂšgle existe sur le papier mais, Ă©tant privĂ©e d'effet utile, produit le rĂ©sultat inverse de celui qui Ă©tait recherchĂ©. Elle incarne, en effet, le tĂ©moignage cruel d'une dĂ©mocratie dĂ©valorisĂ©e, impuissante Ă  se protĂ©ger. (p.34 - leçon 1)

(20) CE 227.776, du 20 juin 2014 - Thiéry + CE 227.775, du 20 juin 2015 - Caprasse, nomination des bourgmestres

A la suite des Ă©lections du 14 octobre 2012, la ministre flamande des Affaires intĂ©rieures, fidĂšle Ă  sa position antĂ©rieure, refuse de dĂ©signer les bourgmestres dĂ©signĂ©s des communes de Crainhem, Linkebeek et Wezembeek-Oppen. L'assemblĂ©e gĂ©nĂ©rale de la section du contentieux administratif du Conseil d'Etat dĂ©cide de ne pas se prononcer directement et demande Ă  la Cour constitutionnelle, qu'elle saisit Ă  titre prĂ©judiciel, de se prononcer sur la validitĂ© constitutionnelle de la procĂ©dure de dĂ©signation des bourgmestres mise en oeuvre par la loi spĂ©ciale du 19 juillet 2012. Dans son arrĂȘt n°57/2014 du 03 avril 2014, statuant sur le recours en annulation dirigĂ© contre les dispositions consacrant cette procĂ©dure, la Cour estime, pour l'essentiel, qu'il ne lui appartient pas de se prononcer sur une diffĂ©rence de traitement ou une limitation d'un droit fondamental dĂ©coulant d'un choix du constituant lui-mĂȘme. Bien que ce choix, indique-t-elle, "doive en principe ressortir du texte de la Constitution, les travaux prĂ©paratoires peuvent en l'espĂšce suffire pour faire la clartĂ© concernant ce choix, dĂšs lors qu'il ressort indĂ©niablement des dĂ©veloppements prĂ©citĂ©s, et sans que ces propos aient Ă©tĂ© contredits, que le Constituant non seulement connaissait les dispositions relatives Ă  l'assemblĂ©e gĂ©nĂ©rale de la section du contentieux administratif du Conseil d'Etat, entrĂ©es en vigueur le mĂȘme jour que la rĂ©vision de l'article 160 de la Constitution, mais qu'il s'est en outre appropriĂ© les choix qui en dĂ©coulent". Il appartient donc Ă  l'assemblĂ©e gĂ©nĂ©rale de la section du contentieux administratif du Conseil d'État de se prononcer au fond sur la dĂ©signation de Damien ThiĂ©ry, en qualitĂ© de bourgmestre de Linkebeek et de VĂ©ronique Caprasse en qualitĂ© de bourgmestre de Crainhem. AprĂšs avoir livrĂ© une interprĂ©tation nuancĂ©e des exigences de la lĂ©gislation linguistique, elle rend dans ces 2 affaires des arrĂȘts contrastĂ©s. L'assemblĂ©e gĂ©nĂ©rale rejette le recours de Damien ThiĂ©ry. Elle considĂšre que lorsqu'il convoque les Ă©lecteurs en vue des Ă©lections communales, le collĂšge des bourgmestres et des Ă©chevins accompli une mission d'intĂ©rĂȘt gĂ©nĂ©rale et agit au nom de la RĂ©gion. Elle observe aussi que lors des Ă©lections communales et provinciales du 14 octobre 2012, soit seulement quelques mois avant le refus de sa nomination, l'intĂ©ressĂ© s'est Ă©cartĂ© des instructions qui Ă©tait donnĂ©es par le gouvernement rĂ©gional, Ă  un moment oĂč aucune dĂ©cision du juridictionnelle n'imposait Ă  ce bourgmestre dĂ©signĂ© d'Ă©carter l'application de ces instructions. Compte tenu des circonstances, elle dĂ©cide que le gouvernement flamand a pu estimer qu'il ne pouvait pas lui accorder sa confiance en le nommant bourgmestre. Elle ne voit pas dans la dĂ©cision du gouvernement flamand une violation du principe d'Ă©galitĂ© ou une mĂ©connaissance du principe de proportionnalitĂ©, ni une sanction disciplinaire. L'intĂ©ressĂ© ne disposait pas du droit d'ĂȘtre entendu prĂ©alablement Ă  la dĂ©cision prise Ă  son encontre. Par contre, elle estime que, au moment du refus de la nomination de VĂ©ronique Caprasse, l'intĂ©ressĂ©e n'avait encore jamais organisĂ© d'Ă©lections et que les reproches qui lui Ă©tait adressĂ©s de se disposer Ă  envoyer les convocations Ă©lectorales en français ne pouvait ĂȘtre retenus par ce qu'ils ne reposaient sur aucun fait prouvĂ©. En consĂ©quence, elle infirme le refus de la nomination de la candidate, ce qui emporte sa nomination dĂ©finitive en qualitĂ© de bourgmestre. La majoritĂ© francophone de Linkebeek n'entend cependant pas renoncer Ă  la dĂ©signation de Damien ThiĂ©ry en qualitĂ© de bourgmestre. L'article 59, §1er bis, du dĂ©cret communal flamand du 15 juillet 2005 prĂ©voit : "un candidat bourgmestre prĂ©sentĂ© qui n'a pas Ă©tĂ© nommĂ© ne peut plus ĂȘtre prĂ©sentĂ© Ă  nouveau pendant la mĂȘme pĂ©riode d'administration, sauf sur la base de nouveaux faits ou de nouvelles donnĂ©es". La majoritĂ© constate que Damien ThiĂ©ry a dĂ©clarĂ©, le 30 juin 2014, "qu'il respectera cette nouvelle interprĂ©tation des lois coordonnĂ©es du 18 juillet 1966 imposĂ©e par le Conseil d'Etat, ainsi que, le cas Ă©chant, les instructions y relatives du Gouvernement flamand". Il s'agit lĂ , Ă  son estime, d'un fait nouveau qui justifie qu'il soit Ă  nouveau prĂ©sentĂ© en qualitĂ© de bourgmestre. Cependant, la ministre flamande des Affaires intĂ©rieures, si elle admet l'existence d'un fait nouveau justifiant un rĂ©examen de la question, dĂ©cide, nĂ©anmoins, le 01 septembre 2014, de refuser cette nomination. Ainsi que le relĂšve l'assemblĂ©e gĂ©nĂ©rale du Conseil d'Etat, "l'arrĂȘtĂ© attaquĂ© ne retient cependant pas un, mais 3 griefs, prĂ©sentĂ©s comme des 'faits suffisants par eux-mĂȘmes' Ă  justifier le dĂ©faut de confiance Ă  l'encontre du requĂ©rant comme candidat bourgmestre ; tout d'abord le fait 'qu'en qualitĂ© de membre du collĂšge des bourgmestre et Ă©chevins de la commune de Linkebeek, il a Ă©galement dĂ©cidĂ© d'envoyer des lettres de convocation pour les Ă©lections communales de 2012, en violation de la lĂ©gislation linguistique', ensuite sur le fait 'qu'il a utilitĂ© le bulletin d'information communal Ă  des fins politiques partisanes' et, enfin le fait 'qu'il s'est systĂ©matiquement abstenu de rĂ©agir Ă  l'utilisation du français lors des sĂ©ances du conseil communal de la commune de Linkebeek, de nouveau en violation de la lĂ©gislation linguistique' ". L'assemblĂ©e gĂ©nĂ©rale du Conseil d'Etat rappelle que "le Gouvernement flamand, qui dispose d'un large pouvoir d'apprĂ©ciation en cette matiĂšre, peut refuser de nommer le candidat prĂ©sentĂ© s'il existe des doutes sĂ©rieux, fondĂ©s sur des Ă©lĂ©ments convaincants et solides, concernant les qualitĂ©s et garanties offertes par l'intĂ©ressĂ©", que "les Ă©lĂ©ments pouvant ĂȘtre pris en compte peuvent concerner le passĂ©, pour autant qu'ils demeurent actuels et pertinents. La gravitĂ© de ces faits antĂ©rieurs et la mesure dans laquelle ils influencent encore aujourd'hui l'aptitude du candidat prĂ©sentĂ© Ă  exercer la fonction de bourgmestre sont dĂ©terminants Ă  cet Ă©gard" et qu'en l'espĂšce, "il ressort (...) de l'arrĂȘtĂ© attaquĂ© que la partie adverse a procĂ©dĂ© Ă  cette mise en balance et que, ce faisant, elle est arrivĂ©e Ă  la conclusion que 'la nouvelle intention du bourgmestre dĂ©signĂ© n'est pas de nature Ă  rĂ©tablir la fiance que l'intĂ©ressĂ© a gravement trompĂ©e par les actes qu'il a posĂ© par le passĂ©' ". Elle constate, enfin, que Damien ThiĂ©ry ne s'est guĂšre dĂ©fendu sur les 2 derniers griefs retenus Ă  son encontre. En consĂ©quence, elle confirme la dĂ©cision de la ministre flamande des Affaires intĂ©rieures. Il suffisait alors que le conseil communal de Linkebeek prĂ©sente un autre candidat de sa liste Ă  la fonction de bourgmestre pour que la crise connaisse son Ă©pilogue. Tel n'est pas le cas : le conseil communal dĂ©signe Damien ThiĂ©ry comme bourgmestre faisant fonction et refuse de proposer le nom d'un nouveau bourgmestre. La ministre des Affaires intĂ©rieures, aprĂšs avoir annulĂ© cette dĂ©cision, nomme en qualitĂ© de bourgmestre le conseiller communal et Ă©chevin, Ă©lu sur la mĂȘme liste que Damien ThiĂ©ry et bĂ©nĂ©ficiant du plus grand nombre de voix de prĂ©fĂ©rence aprĂšs ce dernier. L'intĂ©ressĂ© refuse cette nomination qui est alors retirĂ©e par la ministre. Celle-ci nomme alors comme bourgmestre un conseiller communal flamand de la minoritĂ©. Lors de la sĂ©ance du conseil communal du 26 octobre 2015, la majoritĂ© demande la dĂ©mission du nouveau bourgmestre. Face au refus de ce dernier, tous les membres du conseil communal appartenant Ă  la majoritĂ© donnent leur dĂ©mission et il est dĂ©cidĂ©, en l'absence de supplĂ©ants, d'organiser des Ă©lections extraordinaires afin de pourvoir Ă  nouveau aux 13 places devenues vacantes au sein du conseil communal. Ces Ă©lections extraordinaires se tiennent le 13 dĂ©cembre 2015. Se prĂ©valent de cet Ă©lĂ©ment nouveau, le conseil communal dĂ©cide Ă  nouveau de prĂ©senter Damien ThiĂ©ry comme bourgmestre. La ministre refuse de le nommer, ce qui implique une troisiĂšme intervention de l'assemblĂ©e gĂ©nĂ©rale du Conseil d'Etat. Celle-ci, irritĂ©e, confirme ses deux dĂ©cisions prĂ©cĂ©dentes : "cette persistance du conseil communal dans la volontĂ© de proposĂ© le requĂ©rant Ă  la fonction de bourgmestre aprĂšs le second arrĂȘt de l'AssemblĂ©e gĂ©nĂ©rale de la section du contentieux administratif du Conseil d'Etat du 18 dĂ©cembre 2014 et cette maniĂšre de crĂ©er une situation nouvelle ne sont pas conformes Ă  la volontĂ© du lĂ©gislateur de mettre fin aux carrousels. Elles ne peuvent, partant, conduire Ă  une nomination de l'intĂ©ressĂ© au cours de cette pĂ©riode d'administration communale". Le 08 mai 2017, prĂšs de 5 ans aprĂšs les Ă©lections, le conseil communal propose la dĂ©signation d'une nouvelle bourgmestre appartenant Ă  la majoritĂ© francophone qui est nommĂ©e, en juillet 2017, par la ministre flamande des Affaires intĂ©rieures. La question se pose cependant de savoir si la maniĂšre dont sont dĂ©signĂ©s les bourgmestres dans la pĂ©riphĂ©rie bruxelloise respecte la Charte de l'autonome locale du Conseil de l'Europe. Dans un rapport du 19 octobre 2017, le CongrĂšs des pouvoirs locaux et rĂ©gionaux du Conseil de l'Europe considĂšre que "les faits et la situation concernant la non-nomination du maire proposĂ© par le conseil communal de Linkebeek, dĂ©cidĂ©e par la ministre flamande des Affaires Ă©trangĂšres, relĂšvent effectivement du champ d'application objectif de la Charte (en particulier de son article 8.3)", que le "systĂšme de nomination des maires en vigueur en Flandre permet Ă  l'exĂ©cutif flamand de refuser de nommer un conseiller communal qui a Ă©tĂ© Ă©lu librement et dĂ©mocratiquement par la population et proposĂ© par le conseil communal", que "cette possibilitĂ© est rĂ©glementĂ©e de maniĂšre vague et imprĂ©cise, et de surcroĂźt elle ne garantit pas le plein respect du principe de proportionnalitĂ© tel qu'il est Ă©noncĂ© Ă  l'article 8.3 de la Charte" et que "ce systĂšme n'est pas conforme aux normes et pratiques le plus frĂ©quentes des pays dĂ©mocratiques avancĂ©s d'Europe ni Ă  la Recommandation 276 (2008) et Ă  la Recommandation 253 (2008) du CongrĂšs". Enfin, il indique que "la dĂ©cision adoptĂ©e par le ministre rĂ©gional des Affaires intĂ©rieures l'a Ă©tĂ© sans procĂ©dure contradictoire prĂ©alable respectant le droit d'ĂȘtre entendu et le droit de se dĂ©fendre". Cet avis, cependant, ne revĂȘt aucun caractĂšre contraignant. (p.673 - leçon 20)

(11) CC 31/96, du 15 mai 1996 - Meester de Betzenbroeck + CC 54/2002, du 13 mars 2002 - Brouillard I + CC 89/2004 - Brouillard II + CC 17/2004, du 29 janvier 2004 - Verheyden

Chaque assemblĂ©e dispose d'une ADMINISTRATION dotĂ©e d'un d'un statut propre, distinct de celui des agents de l'Etat. Elle fixe, sans intervention du pouvoir exĂ©cutif, le rĂ©gime statutaire de son personnel, et notamment ce qui concerne le recrutement des agents, les procĂ©dures d'avancement, de dĂ©mission, de rĂ©munĂ©ration ou le rĂ©gime disciplinaire. Les agents de ces assemblĂ©es Ă©taient jadis singuliĂšrement dĂ©munis lorsqu'ils entendaient faire valoir leurs droits en dehors de l'enceinte parlementaire. Le Conseil d'Etat refusait, en effet, de considĂ©rer les assemblĂ©es lĂ©gislatives comme des autoritĂ©s administratives et se dĂ©clarait incompĂ©tent pour connaĂźtre des recours introduits devant lui par des fonctionnaires parlementaires. Charles-Antoine de Meester de Betzenbroeck avait introduit un recours au Conseil d'État contre la dĂ©cision prise par un jury constituĂ© par l'un des organes du Parlement de la RĂ©gion de Bruxelles-capitale, par laquelle, faute d'avoir rĂ©ussi l'Ă©preuve linguistique organisĂ© par le Parlement pour un examen de comptable, il avait pas Ă©tĂ© versĂ© dans la rĂ©serve de recrutement constituĂ© Ă  la suite de cet examen. Le Conseil d'Etat saisit la Cour constitutionnelle Ă  titre prĂ©judiciel et l'interrogea sur la question de savoir s'il n'est pas discriminatoire de rendre impossible tout recours contre une dĂ©cision d'une assemblĂ©e parlementaire. La Cour affirme, tout d'abord, que le caractĂšre propre des assemblĂ©es lĂ©gislatives qui sont Ă©lues et dĂ©tentrices du rĂ©sidu de la souverainetĂ©, exige que leur indĂ©pendance soit totalement garantie. Elle indique nĂ©anmoins que LA NÉCESSITÉ DE SAUVEGARDER CETTE INDÉPENDANCE NE JUSTIFIE PAS QUE LES FONCTIONNAIRES DES ASSEMBLÉES LÉGISLATIVES SOIENT PRIVÉS D'UN RECOURS EN ANNULATION CONTRE LES ACTES ADMINISTRATIFS DES ASSEMBLÉES. L'absence de garantie juridictionnelle, laquelle est part ailleurs reconnue aux fonctionnaires relevant des autoritĂ©s administratives, est, Ă  son estime, contraire au principe d'Ă©galitĂ© et de non-discrimination. Selon elle, il ne peut ĂȘtre remĂ©diĂ© Ă  cette situation que par une intervention du lĂ©gislateur qui devra, en ayant Ă©gard Ă  l'indĂ©pendance qui doit ĂȘtre assurĂ©e aux assemblĂ©es lĂ©gislatives, prĂ©voir des garanties spĂ©cifiques auxquels il n'a pas pu veiller lors de l'Ă©laboration des lois coordonnĂ©es sur le Conseil d'État. POUR LA COUR, LA DISCRIMINATION DONT SONT VICTIMES LES FONCTIONNAIRES PARLEMENTAIRES TROUVE SON ORIGINE, non pas dans la lĂ©gislation sur le conseil d'État, mais bien DANS UNE LACUNE LÉGISLATIVE. Tout d'abord, implicitement, la Cour semble considĂ©rer que le Conseil d'État n'offre pas de garanties suffisantes pour protĂ©ger l'indĂ©pendance des assemblĂ©es parlementaires. Ensuite, elle sanctionne la CARENCE DU POUVOIR LÉGISLATIF. Ce faisant, elle sort des limites institutionnelles de sa mission qui l'autorise Ă  contrĂŽler la constitutionnalitĂ© des normes lĂ©gislatives existantes, et non de juger en constitutionnelle une abstention de lĂ©gifĂ©rer. Enfin, par sa rĂ©ponse, elle ne permet pas Ă  la juridiction qui l'a interrogĂ©e de donner gain de cause au requĂ©rant, lequel est pourtant reconnu victime d'une discrimination. Celui-ci se trouve singuliĂšrement dĂ©pourvu de tout recours. Le Conseil d'Etat peut, en effet, Ă  bon droit de se dĂ©clarer incompĂ©tent pur connaitre de son recours. Le LEGISLATEUR remĂ©die Ă  cette situation en MODIFIANT L'ARTICLE 14 DES LOIS COORDONNEES SUR LE CONSEIL D'ETAT. Sans avoir Ă©gard Ă  la position de la Cour constitutionnelle selon laquelle le Conseil d'Etat n'Ă©tait peut-ĂȘtre pas la juridiction idĂ©ale pour connaĂźtre des recours introduits par les fonctionnaires et assemblĂ©es parlementaires, il INVESTIT CETTE JURIDICTION DU POUVOIR DE CONNAÎTRE, au contentieux de l'annulation, des recours introduits contre LES DECISIONS DES ASSEMBLEES PARLEMENTAIRES (ET DE NOMBREUSES AUTRES AUTORITES qui ne sont pas des autoritĂ©s administratives) RELATIVES Ă  LEUR PERSONNEL ET AUX MARCHES PUBLICS. Paradoxalement, cette modification lĂ©gislative, qui est une consĂ©quence directe de l'arrĂȘt prĂ©citĂ© de la Cour constitutionnelle, ne paraissait pas de prime abord ĂȘtre de nature Ă  apporter une solution dans un litige de type de celui qui Ă©tait soumis Ă  la Cour. En effet, le recours avait Ă©tĂ© introduit par un candidat Ă©vincĂ© Ă  un emploi vacant dans une assemblĂ©e lĂ©gislative. Par dĂ©finition, celui-ci ne faisait pas encore partie de son personnel et la dĂ©cision prise, Ă  son Ă©gard, n'Ă©tait donc pas "relative Ă  un membre de son personnel". Cet argument est soulevĂ© par la Chambre des ReprĂ©sentants dans le cadre d'un recours en annulation formĂ© par Alain Brouillard contre la dĂ©cision de ne pas l'admettre Ă  un concours de recrutement au motif que celui-ci n'Ă©tait ouvert qu'Ă  des candidats qui auraient une qualification moindre que la sienne. La Chambre, considĂ©rant que l'intĂ©ressĂ© n'est pas membre de son personnel, invoque l'irrecevabilitĂ© de sa requĂȘte. Le Conseil d'Etat dĂ©cide cependant d'interroger la Cour constitutionnelle Ă  titre prĂ©judiciel. Celle-ci estime que l'article 14, §1er des lois sur le Conseil d'Etat, VIOLE LES ARTICLES 10 ET 11 DE LA CONSTITUTION S'IL EST INTERPRÉTÉ EN CE SENS QUE LE CONSEIL D'ETAT NE SERAIT PAS COMPÉTENT POUR CONNAÎTRE, en pareilles circonstances, D'UN RECOURS EN ANNULATION AU SEUL MOTIF QUE LE REQUÉRANT SERAIT CANDIDAT À UN EMPLOI AU SEIN D'UNE ASSEMBLÉE, ET NON ENCORE MEMBRE DU PERSONNEL DE CELLE-CI. L'affaire n'est pas terminĂ©e pour autant. La Chambre des reprĂ©sentants inscrit dans un RÈGLEMENT les principes dont elle fait application Ă  Alain Brouillard. Or, de prime abord, depuis l'adoption du nouvel article 14, le Conseil d'Etat est compĂ©tent pour connaĂźtre des dĂ©cisions individuelles relatives au personnel des assemblĂ©es, mais non des rĂšglements en la matiĂšre. L'intĂ©ressĂ© s'empresse de saisir le Conseil d'Etat d'un nouveau recours, lequel interroge une nouvelle fois, la Cour constitutionnel Ă  titre prĂ©judiciel. La Cour relĂšve que la "nĂ©cessitĂ© de sauvegarder cette indĂ©pendance ne justifie toutefois pas que les fonctionnaires des assemblĂ©es lĂ©gislatives soient privĂ©s de la possibilitĂ© de contester, dans le cadre d'un recours en annulation formĂ© contre des actes individuels, la lĂ©galitĂ© de l'acte rĂ©glementaire qui sert de fondements Ă  l'acte attaquĂ©, par voie d'exception ou via une procĂ©dure aboutissant au mĂȘme rĂ©sultat, ni qu'ils soient privĂ©s d'un recours en annulation contre ces actes rĂ©glementaires". Comme elle l'avait dĂ©jĂ  fait dans son premier arrĂȘt en la matiĂšre, elle constate que la discrimination ne trouve pas sa source dans l'article 14 des lois coordonnĂ©es sur le Conseil d'Etat, mais dans UNE LACUNE LÉGISLATIVE. Celui-ci remet son ouvrage sur le mĂ©tier et prĂ©voit que les ACTES ET RÈGLEMENTS des assemblĂ©es lĂ©gislatives et leurs organes, des mĂ©diateurs parlementaires, de la Cour de compte, de la Cour constitutionnelle, du Conseil d'Etat, des juridictions administratives, les organes du pouvoir judiciaire et du Conseil SupĂ©rieur de la Justice relatifs Ă  leur personnel et aux marchĂ©s publics peuvent faire l'objet de recours en annulation devant le Conseil d'Etat. Il prend aussi soin de relever que L'ARTICLE 159 DE LA CONSTITUTION TROUVE À S'APPLIQUER À CES ACTES et rĂšglements. Il s'agit lĂ  d'une formulation maladroite qui ne correspond pas aux intentions du lĂ©gislateur. Son objectif, en effet, Ă©tait de permettre l'application de l'article 159 de la Constitution Ă  des rĂšglements, et non Ă  des dĂ©cisions individuelles. Encore fallait-il que certains de ces recours revĂȘtent un caractĂšre effectif. Dans une affaire relative Ă  une promotion Ă  la Chambre des reprĂ©sentants, Carine Verheyden ne bĂ©nĂ©ficie pas de la promotion qu'elle convoitait. Elle saisit le Conseil d'État, comme le lui permet la nouvelle lĂ©gislation. Cependant, elle est SINGULIÈREMENT DÉMUNIE AU MOMENT DE FAIRE VALOIR SES DROITS DÈS LORS QUE LA DÉCISION DE LA CHAMBRE N'INDIQUE PAS LES RAISONS POUR LESQUELLES SA CANDIDATURE A ÉTÉ ÉCARTÉE ET LES RAISONS POUR LESQUELLES CELLES DE DEUX DE SES COLLÈGUES ONT ÉTÉ RETENUES. Or, la loi sur la motivation formelle des actes administratifs du 29 juillet 1991, a priori, ne trouve Ă  s'appliquer qu'aux autoritĂ©s administratives, et non Ă  une assemblĂ©e lĂ©gislative. La Cour constitutionnelle considĂšre que deux interprĂ©tations de la loi sur la motivation formelle des actes administratifs sont possibles. Dans la premiĂšre d'entre elles, laquelle serait inconstitutionnelle, les actes des assemblĂ©es lĂ©gislatives relatifs Ă  leur personnel Ă©chappent Ă  l'application de la loi du 29 juillet 1991. Dans une seconde interprĂ©tation, qui elle revĂȘt un caractĂšre constitutionnel, il y a lieu de tenir compte de LA VOLONTÉ DU LÉGISLATEUR, EXPRIMÉE DANS SES TRAVAUX PRÉPARATOIRES, DE FAIRE COÏNCIDER LE CHAMP D'APPLICATION DE LA LOI DU 29 JUILLET 1991 AVEC L'INTERPRÉTATION DE LA NOTION D'AUTORITÉ ADMINISTRATIVE DONNÉE PAR LE CONSEIL D'ETAT. DĂšs lors que le lĂ©gislateur a dĂ©cidĂ© de soumettre les actes administratifs des assemblĂ©es lĂ©gislatives ou de leurs organes, en ce qui concerne leurs personnels, au mĂȘme rĂ©gime de protection juridique que celui applicable aux actes des autoritĂ©s administratives, il n'est pas justifiĂ© que l'obligation de motivation formelle ne soit pas applicable aux premiers. Outre le fait que les membres du personnel des assemblĂ©es lĂ©gislatives ou de leurs organes seraient privĂ©s d'une garantie contre l'arbitraire Ă©ventuel, l'absence d'obligation de motivation formelle ne permettrait pas au Conseil d'État d'exercer un contrĂŽle efficace. Un nouveau pas est franchi avec une modification des lois coordonnĂ©es sur le Conseil d'Etat, opĂ©rĂ©e par la loi du 20 janvier 2014, Ă  la suite de laquelle cette juridiction est dĂ©sormais compĂ©tente pour censurer les actes et rĂšglements des assemblĂ©es lĂ©gislatives ou de leurs organes, en ce compris les mĂ©diateurs instituĂ©s auprĂšs de ces assemblĂ©es, relatifs aux marchĂ©s publics, au recrutement, Ă  la dĂ©signation, Ă  la nomination dans une fonction publique ou aux mesures ayant un caractĂšre disciplinaire. (p.346 - leçon 11)

(3) Cass., du 10 avril 1987 - affaire Happart, consensus

Comment distinguer une coutume constitutionnelle d'une simple pratique ? Peut-on faire appel au critĂšre de la SANCTION JURIDICTIONNELLE ? Si le juge connaĂźt de la violation d'une rĂšgle, celle-ci revĂȘtirait un caractĂšre juridique. Pa contre, s'il se refuse Ă  effectuer un tel contrĂŽle, nous serions un prĂ©sence d'une simple pratique. On peut, Ă  cet Ă©gard, se rĂ©fĂ©rer Ă  un arrĂȘt de la Cour de cassation du 10 avril 1987, rendu sur les conclusions de l'avocat gĂ©nĂ©ral Velu dans l'affaire Happart. Le dĂ©fendeur (le leader de l'opposition flamande du conseil communal des Fourons, Huub Broers) soutient que le pourvoi en cassation formĂ© par le ministre de l'IntĂ©rieur contre l'arrĂȘt du Conseil d'Etat annulant la nomination de JosĂ© Happart en tant que bourgmestre des Fourons (motif : il ne disposait pas d'une connaissance suffisante de la langue nĂ©erlandaise pour exercer la fonction de bourgmestre dans une commune situĂ©e dans la rĂ©gion de langue nĂ©erlandaise) est irrecevable parce qu'il n'a pas Ă©tĂ© prĂ©cĂ©dĂ© d'une dĂ©libĂ©ration en conseil des ministre. La Cour de cassation Ă©carte cet argument au motif qu'aucune "disposition constitutionnelle, lĂ©gale ou rĂ©glementaire ne prescrit que pareil pourvoi soit prĂ©cĂ©dĂ© d'une dĂ©libĂ©ration en conseil des ministres (...), qu'il n'existe pas de principe gĂ©nĂ©ral du droit qui subordonnerait la validitĂ© d'actes gouvernementaux Ă  une concertation prĂ©alable du conseil des ministres et que s'il est d'usage que le conseil des ministres dĂ©libĂšre et dĂ©cide lorsqu'il s'agit d'affaires prĂ©sentant une certaine importance, l'absence de dĂ©libĂ©ration n'affecte pas en elle-mĂȘme la validitĂ© d'un acte accompli par un ministre en pareille matiĂšre". A l'estime de la Cour de cassation, la dĂ©libĂ©ration en conseil des ministres de toute question politique importante de nature Ă  engager la responsabilitĂ© politique du gouvernement n'est pas une coutume. Cette position, qui trouve sans doute sa vĂ©ritable explication dans le contexte troublĂ© de l'affaire Happart, n'Ă©chappe pas Ă  la critique sur le plan juridique. En effet, la dĂ©libĂ©ration en conseil des ministres de toute question politique importante revĂȘt, nous semble-t-il, un caractĂšre juridiquement obligatoire. Cette formalitĂ© constitue le corollaire des principes qui rĂ©gissent l'action du gouvernement, et notamment la collĂ©gialitĂ© des dĂ©cisions, la solidaritĂ© gouvernementale et la responsabilitĂ© politique du gouvernement devant la Chambre. Cependant, le critĂšre de la sanction juridictionnelle, particuliĂšrement efficace en droit privĂ©, s'adapte mal aux spĂ©cificitĂ©s du droit constitutionnel. Le prĂ©cĂ©dent qui vient d'ĂȘtre Ă©voquĂ© en apporte un tĂ©moignage paradoxal. Rares, en effet, sont les rĂšgles relatives au fonctionnement des institutions qui sont portĂ©es Ă  la connaissance du juge. Un ministre dĂ©savouĂ© par la Chambre est juridiquement obligĂ© de dĂ©missionner, mais aucune juridiction ne pourrait l'y contraindre. Si nous Ă©cartons le critĂšre de sanction juridictionnelle, peut-ĂȘtre est-il possible de retenir celui de la SANCTION POLITIQUE. En effet, la plupart des coutumes constitutionnelles peuvent faire l'objet d'une telle sanction. Le ministre qui manifeste publiquement son dĂ©saccord avec l'action gouvernementale peut ĂȘtre contraint Ă  la dĂ©mission et, au besoin, rĂ©voquĂ© par le Roi. Ce critĂšre paraĂźt cependant dĂ©licat Ă  manier. Une sanction politique peut, en effet, intervenir sans qu'une rĂšgle juridiquement obligatoire ne soit violĂ©e. Tel sera le cas, par exemple, d'un vote de mĂ©fiance du Parlement Ă  l'Ă©gard d'une politique gouvernementale qui ne satisfait pas Ă  ses voeux, mais qui a Ă©tĂ© menĂ©e dans le respect de toutes les rĂšgles en vigueur. Ce critĂšre doit donc Ă©galement ĂȘtre Ă©cartĂ©. Telle est la raison pour laquelle l'ensemble de ces critĂšres doivent ĂȘtre Ă©cartĂ© au profit du CRITERE SUPPLETIF qui veut que LA COUTUME, Ă  l'inverse de la simple pratique, EST NECESSAIRE A LA MISE EN OEUVRE DU DROIT ECRIT, ET PARTANT EN CONSTITUE UN COMPLEMENT SANS LEQUEL LA REGLE ECRITE SERAIT PRIVEE DE SON EFFET UTILE. (p.117 - leçon 3)

(29) CC 54/96, du 03 octobre 1996 - Carrefour, budget Communauté flamande + CC 50/99, du 29 avril 1999 - budget Communauté flamande

En 1996, la Cour constitutionnelle, dans son arrĂȘt dit Carrefour, est amenĂ©e Ă  se prononcer sur la dĂ©licate question de savoir si, au titre de ses compĂ©tences culturelles, la CommunautĂ© française peut prĂ©voir, dans son budget, des sommes permettant de financer des associations culturelles dont le siĂšge est Ă©tabli dans la pĂ©riphĂ©rie bruxelloise. Elle relĂšve, tout d'abord, qu'il rĂ©sulte de la lecture conjointe des articles 127, §1er, alinĂ©a 1er, et 175, alinĂ©a 2, de la Constitution que les CommunautĂ©s sont compĂ©tentes pour rĂ©gler les matiĂšres culturelles et, Ă  ce titre, pour fixer les moyens financiers d'une politique culturelle. La MISE EN ƒUVRE DE MOYENS FINANCIERS EST INTIMEMENT LIEE A L'EXERCICE D'UNE COMPETENCE ET, PARTANT, SOUMISE AU MEME CONTROLE. Dans l'exercice de leurs compĂ©tences culturelles, les CommunautĂ©s peuvent prendre toute initiative pour la promotion de la culture et pour concrĂ©tiser le droit de chacun Ă  l'Ă©panouissement culturel mais, dans une telle perspective, elles doivent avoir Ă©gard Ă  la rĂ©partition exclusive de compĂ©tences territoriales Ă©tablie par la Constitution en matiĂšre culturelle. Cette restriction apparente de compĂ©tences sur le plan territorial, Ă  l'estime de la Cour, ne signifie pas, en raison de la nature mĂȘme de la promotion de la culture, que la compĂ©tence communautaire en cette matiĂšre cesse d'exister au seul motif que les initiatives prises peuvent produire des effets en dehors de la rĂ©gion qui, dans le domaine des matiĂšres culturelles, a Ă©tĂ© confiĂ©e aux soins de la CommunautĂ© concernĂ©e. La Cour indique encore que CES EFFETS EXTRATERRITORIAUX potentiels des mesures de promotion de la culture NE PEUVENT, EN AUCUN CAS, CONTRARIER LA POLITIQUE CULTURELLE DE L'AUTRE COMMUNAUTE. Elle constate que "telle qu'elle est conçue et rĂ©digĂ©e", la disposition querellĂ©e permet, entre autres, "de financer des institutions francophones situĂ©es dans les communes pĂ©riphĂ©riques, toutes situĂ©es dans la rĂ©gion de langue nĂ©erlandaise, et dans les communes de la frontiĂšre linguistique qui sont Ă©galement situĂ©es dans cette rĂ©gion linguistique". Il s'agit, relĂšve-t-elle, de communes dans lesquelles l'article 129, §2, de la Constitution reconnaĂźt l'existence de minoritĂ©s et pour lesquelles la lĂ©gislation contient des mesures de protection de ces minoritĂ©s. Elle considĂšre que la disposition querellĂ©e ne peut s'analyser comme visant la promotion de la culture par la CommunautĂ© française (sans quoi elle aurait semble-t-il Ă©chappĂ© Ă  toute critique) mais comme une MESURE DE PROTECTION DE LA MINORITE francophone Ă©tablie dans ces communes. La Cour souligne, enfin, que dans les limites de ses compĂ©tences, CHAQUE LEGISLATEUR DOIT ASSURER LA PROTECTION DES MINORITES, garanties entre autres par l'article 27 du Pacte relatif aux droits civils et politiques. Il n'appartient pas, dĂšs lors, aux CommunautĂ©s d'intervenir unilatĂ©ralement dans une rĂ©gion linguistique Ă  l'Ă©gard de laquelle elles ne sont pas compĂ©tentes pour garantir cette protection. Cet arrĂȘt ne fait, en rĂ©alitĂ©, que confirmer L'ETANCHEITE DE LA FRONTIERE LINGUISTIQUE. Si la Cour doit bien reconnaĂźtre que l'exercice d'une compĂ©tence culturelle se prĂȘte mal Ă  ĂȘtre enserrĂ© dans un carcan gĂ©ographique, elle parvient Ă  rĂ©affirmer le caractĂšre territorial des CommunautĂ©s en faisant un habile dĂ©tour par la matiĂšre de la protection des minoritĂ©s qui, quant Ă  elle, ne se prĂȘte pas Ă  un rĂšglement extraterritorial. Autrement dit, cette jurisprudence aboutit au paradoxe singulier selon lequel le financement d'activitĂ©s culturelles Ă  l'Ă©tranger relĂšve, Ă  l'Ă©vidence, de la promotion culturelle alors que s'il trouve Ă  s'appliquer, dans les mĂȘmes conditions, dans une autre CommunautĂ©, il s'analyse comme une mesure de protection des minoritĂ©s, et partant est interdit. Par la suite, la CommunautĂ© flamande a continuĂ©, de maniĂšre systĂ©matique, Ă  poursuivre, avec des fortunes diverses, l'annulation des budgets successifs de la CommunautĂ© française qui visaient Ă  financer des activitĂ©s culturelles d ans la pĂ©riphĂ©rie bruxelloise. En 1999, la Cour rejette le recours introduit par le gouvernement flamand au motif que le dĂ©cret litigieux ne dĂ©finissait pas son aire de compĂ©tences territoriale et qu'il Ă©tait donc supposĂ© respecter les rĂšgles de rĂ©partition des compĂ©tences en ce domaine. En effet, elle annule le budget de la CommunautĂ© française car il ressortait des travaux prĂ©paratoires que l'intention du lĂ©gislateur Ă©tait d'affecter les crĂ©dits litigieux Ă  la protection des minoritĂ©s de langue française dans les communes pĂ©riphĂ©riques et dans la commune de Fourons. Enfin, en 2001, elle met fin dĂ©finitivement Ă  toute vellĂ©itĂ© de la CommunautĂ© française de financer des associations culturelles francophones de la pĂ©riphĂ©rie bruxelloise en annulant partiellement les budgets de 1998 et 1999 de la CommunautĂ© française. En effet, alors mĂȘme que les travaux prĂ©paratoires du budget sont muets quant Ă  a destination de certains crĂ©dits, elle constate que "ceux-ci Ă©taient antĂ©rieurement destinĂ©s Ă  rĂ©aliser des 'fins inconstitutionnelles' " et que le lĂ©gislateur ne fournit aucune explication permettant de justifier qu'ils auraient reçu une autre finalitĂ©. Autrement dit, elle affirme que s'il demeure silencieux, le lĂ©gislateur communautaire est prĂ©sumĂ© respecter les rĂšgles de rĂ©partition de compĂ©tence, mais que cette prĂ©somption n'est pas irrĂ©fragable. (p.950 - leçon 29)

(10) Cour d'appel de Bruxelles, du 28 juin 2005 - Eglise du Royaume universel de Dieu + Cass., du 01 juin 2006 - Eglise du Royaume universel de Dieu + CEDH, du 16 juillet 2009 - Féret c. Belgique, limite de l'immunité

Il existe, dans la jurisprudence, deux interprĂ©tations divergentes de l'article 58 de la Constitution. La premiĂšre d'entre elles a Ă©tĂ© Ă©noncĂ©e par la Cour constitutionnelle dans son arrĂȘt relatif Ă  l'article 15ter de la loi du 04 juillet 1989 qui permet de priver un parti politique liberticide de sa dotation. Elle estime que L'ARTICLE 58 S'OPPOSE A CE QU'UNE SANCTION SOIT PRISE A L'EGARD D'UN PARTI POLITIQUE EN RAISON DES OPINIONS ET VOTES EXPRIMES, dans l'exercice de ses fonctions, PAR UN PARLEMENTAIRE DE CE PARTI. Elle considĂšre donc que L'ARTICLE 58 A UN EFFET DIRECT DIFFUS. Directement, il prĂ©munit le parlementaire contre toute mise en oeuvre de sa responsabilitĂ© pour les opinions et votes qu'il exprime dans l'exercice de son mandat. De maniĂšre diffuse, il interdit que des tiers voient leur responsabilitĂ© engagĂ©e Ă  la suite de tel vote ou de tel propos Ă©manant d'un membre d'une assemblĂ©e lĂ©gislative. A l'inverse, la Cour d'appel de Bruxelles, dans un arrĂȘt du 28 juin 2005, estime que si l'article 58 de la Constitution exonĂšre les parlementaires de toute mise en oeuvre de leur responsabilitĂ© personnelle, il n'institue pas une irresponsabilitĂ© de principe au bĂ©nĂ©fice de l'Etat belge qui pourrait ainsi ĂȘtre rendu responsable pour une faute commise par l'un de ses organes, en l'occurence une commission d'enquĂȘte parlementaire. En l'occurence, la cour d'appel a fait droit Ă  une action en responsabilitĂ© engagĂ©e par l'Eglise universelle du Royaume de Dieu qui faisait grief Ă  une commission parlementaire de l'avoir qualifiĂ©e "d'association criminelle dont le seul but est l'enrichissement" et d'avoir affirmĂ© "qu'elle n'Ă©tait en rĂ©alitĂ© qu'une vaste entreprise d'escroquerie". Pour la cour d'appel, Ă  l'unitĂ©, le parlementaire est irresponsable, mais une fois additionnĂ© Ă  ses pairs, il forme avec eux un organe de l'Etat qui doit rendre compte judiciairement d'une faute commise. L'interprĂ©tation rĂ©servĂ©e par la cour d'appel Ă  l'article 58 de la Constitution doit ĂȘtre vigoureusement rĂ©cusĂ©e car elle Ă©nerve l'indĂ©pendance du parlementaire. Celui-ci ne disposera plus de l'absolue libertĂ© qui doit lui ĂȘtre reconnue s'il sait que des tiers peuvent voir leur responsabilitĂ© engagĂ©e pour les opinions ou les votes qu'il exprime. Elle mĂ©connaĂźt Ă©galement l'indĂ©pendance du Parlement dĂšs lors qu'elle dissocie artificiellement celui-ci de l'Etat dont il est l'un des pouvoirs constituĂ©s. Il ne se conçoit pas, en effet, que l'Etat, entitĂ© abstraite, soit rendu responsable d'une faute commise par le Parlement, et cela, alors mĂȘme que dans une mesure clairement circonscrite, le constituant a entendu protĂ©ger celui-ci de toute mise en oeuvre de la responsabilitĂ© de ses membres. C'est d'ailleurs la position nette adoptĂ©e par la Cour de cassation dans son arrĂȘt du 01 juin 2006. Elle casse, en effet, l'arrĂȘt prĂ©citĂ© de la cour d'appel et prĂ©cise Ă  cette occasion que "dĂ©cider que le juge ne peut apprĂ©cier si une opinion d'un parlementaire ou d'une commission parlementaire constitue une faute susceptible d'entraĂźner la responsabilitĂ© de l'Etat fĂ©dĂ©ral, ne porte pas de façon disproportionnĂ©e atteinte au droit d'accĂšs au juge". Elle estime que la libertĂ© d'expression des parlementaires ne vise pas seulement les dĂ©clarations orales des parlementaires, mais Ă©galement leurs Ă©crits. Il s'en dĂ©duite que l'article 58 de la Constitution interdit d'engager la responsabilitĂ© de l'Etat pour des propos contenus dans un rapport d'enquĂȘte parlementaire. Il convient donc de faire prĂ©valoir une interprĂ©tation extensive, sinon globalisante de l'article 58 de la Constitution. Il ne pourrait, Ă  notre sens, ÊTRE DEROGE A CELLE-CI QUE DANS L'HYPOTHESE OU CETTE DISPOSITION CONSTITUTIONNELLE SERAIT UTILISEE AFIN DE SAPER LES VALEURS FONDAMENTALES DU REGIME DEMOCRATIQUE. Il serait ainsi fait application, par analogie, du principe exprimĂ© par l'article 17 de la Convention europĂ©enne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertĂ©s fondamentales QUI INTERDIT D'USER DE LIBERTES garanties par la Convention AFIN DE DETRUIRE OU DE REDUIRE CELLES-CI. En suivant une pareille voie, il eĂ»t Ă©tĂ© possible de remettre en cause l'enseignement de l'arrĂȘt prĂ©citĂ© de la Cour constitutionnelle sans pour autant Ă©nerver, pour le surplus, le caractĂšre globalisant de l'article 58 de la Constitution. Si la Cour europĂ©enne des droits de l'homme ne s'est pas engagĂ©e dans cette voie, elle ne semble pas s'en ĂȘtre Ă©loignĂ©e. Ainsi, dans son arrĂȘt FĂ©ret contre Royaume de Belgique, elle affirme que si "dans un contexte Ă©lectoral, les partis politiques doivent bĂ©nĂ©ficier d'une large libertĂ© d'expression afin de tenter de convaincre leurs Ă©lecteurs, en cas de discours raciste ou xĂ©nophobe, un tel contexte contribue Ă  attiser la haine et l'intolĂ©rance car, par la force des choses, les positions des candidats Ă  l'Ă©lection tendent Ă  devenir plus figĂ©es et les slogans ou formules stĂ©rĂ©otypĂ©es en viennent Ă  prendre le dessus sur les arguments raisonnables" et que l'impact "d'un discours raciste et xĂ©nophobe devient alors plus grand et plus dommageable". Elle ajoute que "le discours politique exige un degrĂ© Ă©levĂ© de protection, ce qui est reconnu dans le droit interne de plusieurs Etats, dont la Belgique, par le jeu de l'immunitĂ© parlementaire et de l'interdiction des poursuites pour des opinions exprimĂ©es dans l'enceinte du Parlement" et qu'elle "ne conteste pas que les partis politiques ont le droit de dĂ©fendre leurs opinions en public, mĂȘme si certaines d'entre elles heurtent, choquent ou inquiĂštent une partie de la population". Ils peuvent "donc prĂŽner des solutions aux problĂšmes liĂ©s Ă  l'immigration" mais "ils doivent Ă©viter de le faire en prĂ©conisant la discrimination raciale et en recourant Ă  des propos ou des attitudes vexatoires ou humiliantes, car un tel comportement risque de susciter parmi le public des rĂ©actions incompatibles avec un climat social serein et de saper la confiance dans les institutions dĂ©mocratiques". L'arrĂȘt FĂ©ret c. Belgique concerne un tract. Il n'est pas question dans ce cas d'application de l'article 58 de la Constitution, et l'enseignement de l'arrĂȘt de Madame A n'est donc pas remise en cause. Tout au plus est-il permis de se demander si, en s'inspirant de l'enseignement de l'arrĂȘt FĂ©ret, la Cour ne pourra pas Ă  l'avenir inflĂ©chir sa jurisprudence en matiĂšre d'irresponsabilitĂ© parlementaire. (p.306 - leçon 10)

(29) CC 56/96, du 15 octobre 1996 - location voiture avec chauffeur

Il faut se garder de croire que la question des critĂšres de rattachement ne se pose que dans le champ des compĂ©tences communautaires. En effet, la Cour constitutionnelle considĂšre que la RĂ©gion de Bruxelles-Capitale a valablement pu rĂ©gler l'activitĂ© de location des voitures avec chauffeur en prenant en considĂ©ration le point de dĂ©part de la prestation de service. Elle estime qu'il s'agit lĂ  d'un "critĂšre de rattachement pertinent permettant de localiser la matiĂšre Ă  rĂ©gler exclusivement dans la sphĂšre de compĂ©tences territoriale de la RĂ©gion de Bruxelles-Capitale", alors que, prĂ©cisĂ©ment, le critĂšre choisir permet de rĂ©glementer des prestations qui s'effectuent, partiellement, en dehors du territoire de la RĂ©gion. Il est manifeste que mĂȘme si le critĂšre de rattachement choisi n'est pas en soi dĂ©raisonnable, le fait qu'il ait Ă©tĂ© validĂ© par la Cour constitutionnelle a pour effet de contraindre les autres lĂ©gislateurs rĂ©gionaux Ă  s'aligner sur la position prise par la RĂ©gion de Bruxelles-Capitale en la matiĂšre. En effet, le choix d'un autre critĂšre tout aussi raisonnable (tel par exemple que le siĂšge d'exploitation de la sociĂ©tĂ© de location de voitures) aurait pour effet d'engendrer des situations de conflits qui ne permettraient plus de localiser chaque situation concrĂšte dans l'aire de compĂ©tence d'un seul lĂ©gislateur. La RĂ©gion wallonne a adoptĂ© un dĂ©cret visant Ă  rĂ©gler les Ă©missions de gaz Ă  effet de serre provenant des aĂ©ronefs. Elle estime pouvoir rĂ©glementer ces Ă©missions pour chaque exploitant d'aĂ©ronef qui dĂ©colle d'un aĂ©rodrome wallon ou qui y atterrit en provenance d'un aĂ©roport Ă©tablit en dehors de l'Union europĂ©enne. La Cour constitutionnelle constate notamment que tombent ainsi sous le coup de la rĂ©glementation wallonne des Ă©missions de gaz Ă  effet de serre qui se produisent en rĂ©alitĂ© en dehors de l'espace aĂ©rien wallon, voire dans l'espace aĂ©rien d'autre États de l'Union europĂ©enne, voir encore en dehors de l'espace aĂ©rien de l'Union. Elle relĂšve Ă©galement que des Ă©missions de gaz Ă  effet de serre qui affectent l'espace aĂ©rien wallon ne sont pas rĂ©glĂ©es par le dĂ©cret. Tel est notamment le cas des avons qui survolent l'espaces aĂ©rien de la RĂ©gion sans y atterrir. En consĂ©quence, elle annule les critĂšres de rattachement dĂ©finis par la RĂ©gion wallonne. Mieux, elle constate que, en vertu du droit europĂ©en, il ne peut exister qu'une seule autoritĂ© responsable par exploitant d'aĂ©ronef. Elle en dĂ©duit qu'une coopĂ©ration est dĂšs lors indispensable en cette matiĂšre. Cette dĂ©cision est singuliĂšre car, dans cette matiĂšre, le lĂ©gislateur spĂ©cial n'a pas imposĂ© d'accord de coopĂ©ration obligatoire. La Cour en convient mais indique nĂ©anmoins que "les compĂ©tences de l'État fĂ©dĂ©ral et des rĂ©gions sont devenues Ă  ce point imbriquĂ©es, par suite, d'une part, de la nĂ©cessitĂ© en droit europĂ©en de n'avoir qu'une seule autoritĂ© responsable par exploitant d'aĂ©ronef et, d'autre part, la nature principalement transrĂ©gionale des Ă©missions causĂ©e pendant l'intĂ©gralitĂ© de leur vol par des aĂ©ronefs qui atterrissent dans une rĂ©gion ou qui en dĂ©collent, qu'elles ne peuvent plus ĂȘtre exercĂ©es que dans le cadre d'une coopĂ©ration". DĂšs lors, elle se substitue, en quelque sorte au lĂ©gislateur spĂ©cial en exigeant la passation d'un accord de coopĂ©ration, Ă  dĂ©faut duquel elle n'hĂ©sitera pas Ă  annuler les critĂšres de rattachement fixĂ©s unilatĂ©ralement par l'un des lĂ©gislateurs rĂ©gionaux. (p.954 - leçon 29)

(4) CC 130/2010, du 18 novembre 2010 - CREG + CC 62/2016, du 28 avril 2016 - Traité de stabilité

Il s'indique, en effet, que la Cour ait Ă©gard au contenu du traitĂ© pour vĂ©rifier si les diverses rĂšgles de droit interne relatives Ă  la rĂ©partition de compĂ©tences (tant internes qu'internationales) entre l'autoritĂ© fĂ©dĂ©rale, les RĂ©gions et les CommunautĂ©s sont respectĂ©es. Il est Ă©galement admis que la Cour annule la norme lĂ©gislative d'assentiment si une disposition du traitĂ© mĂ©connaĂźt les autres articles dont la Cour assure le contrĂŽle. Ce faisant, elle ne mĂ©connaĂźt pas le principe de la primautĂ© du droit international qui a des effets direct dans l'ordre juridique interne sur l'ensemble des normes de droit interne. A ce stade, il ne peut y avoir qu'une contradiction entre les effets d'une norme lĂ©gislative d'assentiment et la Constitution. La norme de droit international n'a pas encore d'effet direct dans l'ordre juridique interne parce que, en toute logique, elle n'a pas encore Ă©tĂ© ratifiĂ©e par l'exĂ©cutif compĂ©tent. En effet, les recours en annulation dirigĂ©s contre les normes portant assentiment Ă  un traitĂ© doivent ĂȘtre introduits, dans les 60 jours de leur publication au Moniteur belge. L'exĂ©cutif doit s'abstenir de ratifier le traitĂ© avant l'expiration de ce dĂ©lai et doit attendre, si un recours en annulation a Ă©tĂ© introduit, que la Cour constitutionnelle se soit prononcĂ©e Ă  son propos. L'interdiction faite au pouvoir exĂ©cutif de ratifier le traitĂ© avant l'expiration du dĂ©lai de recours devant la Cour constitutionnelle ou avant que la Cour ne se soit prononcĂ©e si un recours est introduit s'analyse comme une COUTUME CONSTITUTIONNELLE. En effet, cette interdiction ne figure dans aucun texte, mais est le complĂ©ment nĂ©cessaire de la rĂšgle selon laquelle les recours en annulation contre les normes d'assentiment aux traitĂ©s doivent ĂȘtre introduits dans les 60 jours de leur publication au Moniteur. Cette interdiction vise Ă  donner un effet utile au recours qui serait ainsi formĂ©. En revanche, il est plus dĂ©licat d'affirmer, comme le fait la Cour, que son contrĂŽle peut Ă©galement s'exercer Ă  l'occasion d'une question prĂ©judicielle. En effet, le conflit entre la norme lĂ©gislative d'assentiment et une norme supĂ©rieur de droit interne implique cette fois un traitĂ© ratifiĂ© qui a effet directe dans l'ordre juridique interne et qui, en principe, prime toutes les dispositions internes, en ce compris constitutionnelles. Cette primautĂ© est mĂ©connue si, mĂȘme Ă  l'occasion d'un litige particulier, l'arrĂȘt rendu Ă  titre prĂ©judiciel par la Cour a pour effet de rendre inopĂ©rante une disposition qui se situe au faĂźte de la hiĂ©rarchie des normes. Autrement dit, l'arrĂȘt de la Cour contraint le juge qui l'a interrogĂ©e Ă  titre prĂ©judiciel Ă  rendre une dĂ©cision qui mĂ©connaĂźt les obligations internationales de la Belgique. Une telle jurisprudence entre en contradiction avec la position dĂ©veloppĂ©e par la Cour de cassation dans son arrĂȘt du 29 mai 1971 et par le Conseil d'Etat, dans ses arrĂȘts du 05 novembre 1996. Nous inclinons, cependant, Ă  approuver cette jurisprudence parce qu'elle garantit le respect du principe dĂ©mocratique. En effet, l'affirmation de la primautĂ© du droit international ayant effet direct dans l'ordre juridique interne sur la Constitution favorise des modifications implicites, discrĂštes, voire inconscientes du texte constitutionnel. La procĂ©dure imposĂ©e par l'article 195 de la Constitution garantit, lors de l'Ă©tablissement de la dĂ©claration de rĂ©vision, un large dĂ©bat sur le principe de celle-ci, impose une discussion de chaque article modifiĂ© et prĂ©voit, en outre, la rĂ©union des majoritĂ©s renforcĂ©es. En revanche, le vote d'une loi d'assentiment (loi formelle qui ne comprend qu'un article) n'autorise aucun dĂ©bat sur le principe de la rĂ©vision, n'implique pas de dĂ©bat sur chacune des dispositions du traitĂ© et, enfin, est acquise Ă  la majoritĂ© ordinaire. Il serait dĂšs lors singulier et dĂ©mocratiquement contestable d'admettre qu'une norme lĂ©gislative d'assentiment puisse, par son seul effet, mettre en Ă©chec une disposition constitutionnelle. En vertu du mĂȘme raisonnement, les lois spĂ©ciales et les dĂ©crets spĂ©ciaux devraient prĂ©valoir sur le droit international qui a des effets directs dans l'ordre juridique interne. En effet, il est peu cohĂ©rent d'admettre qu'une norme d'assentiment votĂ©e Ă  la majoritĂ© ordinaire ait pour effet de paralyser l'application d'une rĂšgle qui trouve son fondement dans une norme votĂ©e Ă  une majoritĂ© renforcĂ©e. Plus fondamentalement, la Cour constitutionnelle, Ă  l'inverse du Conseil d'Etat, semble refuser de hiĂ©rarchiser entre elles les dispositions constitutionnelles. Les transferts de souverainetĂ© opĂ©rĂ©s sur la base de l'article 34 de la Constitution ne peuvent avoir pour effet de mĂ©connaĂźtre, ou mĂȘme de modifier implicitement les autres articles de la Constitution. Il est, cependant, permis de se demander si elle n'a pas inflĂ©chi sa jurisprudence. Des directives europĂ©ennes organisent la libĂ©ralisation du marchĂ© de l'Ă©lectricitĂ© et, Ă  ce titre, exigent des Etats qu'ils crĂ©ent une autoritĂ© nationale de rĂ©gulation qui a notamment pour mission d'exercer un contrĂŽle sur les gestionnaires de rĂ©seau et sur leurs tarifs et qui peut aussi ĂȘtre chargĂ©e du contrĂŽle de leur comptabilitĂ©. En Belgique, ce rĂŽle est notamment assumĂ© par la CREG, laquelle affirme la Cour, "dispose d'une large autonomie qui n'est pas compatible avec la soumission de cette autoritĂ© Ă  un contrĂŽle hiĂ©rarchique ou Ă  une tutelle administrative" et "est instituĂ©e dans le but d'accomplir certaines missions que le lĂ©gislateur souhaitait soustraire Ă  l'autoritĂ© du Gouvernement fĂ©dĂ©ral". Pour autant que la CREG soit soumise Ă  un contrĂŽle juridictionnel et Ă  un contrĂŽle parlementaire (ce qui est le ca), l'article 37 de la Constitution qui rĂ©serve au Roi l'exercice du pouvoir exĂ©cutif n'est pas, Ă  l'estime de la Cour, mĂ©connu. En effet, rien ne s'oppose en pareilles circonstances, Ă  ce que "le lĂ©gislateur confie des compĂ©tences exĂ©cutives spĂ©cifiques Ă  une autoritĂ© administrative autonome". La Cour ajoute, cependant, que dans "la mesure oĂč ce qui prĂ©cĂšde ne suffirait pas pour justifier que les personnes qui font l'objet d'une dĂ©cision de la CREG 'ne jouissent pas de la garantie de voir la dĂ©cision prise par une autoritĂ© administrative dont la direction est assurĂ©e directement par le pouvoir exĂ©cutif', cette situation est justifiĂ©e, en vertu de l'article 34 de la Constitution, par les exigences dĂ©coulant du droit de l'Union europĂ©enne". Dans d'autres arrĂȘts concernant la CREG, la Cour a dĂ©veloppĂ© une argumentation analogue. Cet argument laisse perplexe, car il s'inscrit dans la droite ligne de la jurisprudence prĂ©citĂ©e du Conseil d'Etat selon laquelle l'article 34 de la Constitution primerait les autres dispositions constitutionnelles. Or, c'est prĂ©cisĂ©ment cette conception que la Cour constitutionnelle entendait contrecarrer dans les arrĂȘts rendus en 1991 et en 1994. En l'espĂšce, Ă  l'inverse, elle admet que le droit europĂ©en dĂ©rivĂ©, qui trouve son fondement dans les lois d'assentiment aux traitĂ©s adoptĂ©es Ă  la majoritĂ© ordinaire, prime, en se fondant sur l'article 34 de la Constitution, d'autres dispositions constitutionnelles. Fallait-il voir dans ces arrĂȘts un revirement de jurisprudence et l'affirmation par la Cour constitutionnelle que l'article 34 de la Constitution autorise le lĂ©gislateur Ă  adopter des lois d'assentiment Ă  des traitĂ©s qui mĂ©connaissent la Constitution ? Un dĂ©but de rĂ©ponse est apportĂ© par un arrĂȘt 62/2016 du 28 avril 2016. A cette occasion, dans une affaire relative au TraitĂ© sur la stabilitĂ©, la coordination et la gouvernance au sein de l'Union Ă©conomique et monĂ©taire, conclu dans le cadre de la stabilisation de l'euro, la Cour s'exprime ainsi : "le TraitĂ© sur la stabilitĂ© ne prĂ©voit pas seulement un cadre budgĂ©taire rigide ; il confie Ă©galement certaines compĂ©tences aux institutions de l'Union europĂ©enne, notamment Ă  la Commission europĂ©enne et Ă  la Cour de justice de l'Union europĂ©enne. Lorsque le lĂ©gislateur donne assentiment Ă  un traitĂ© qui a une telle portĂ©e, il doit respecter l'article 34 de la Constitution. En vertu de cette disposition, l'exercice de pouvoirs dĂ©terminĂ©s peut ĂȘtre attribuĂ© par un traitĂ© ou par une loi Ă  des institutions de droit international public. Il est vrai que ces institutions peuvent ensuite dĂ©cider de maniĂšre autonome comment elles exercent les pouvoirs qui leurs sont attribuĂ©s, mais l'article 34 de la Constitution ne peut ĂȘtre rĂ©putĂ© confĂ©rer un blanc-seing gĂ©nĂ©ralisĂ©, ni au lĂ©gislateur, lorsqu'il donne son assentiment au traitĂ©, ni aux institutions concernĂ©es, lorsqu'elles exercent les compĂ©tences qui leur ont Ă©tĂ© attribuĂ©es. L'article 34 de la Constitution n'autorise en aucun cas qu'il soit portĂ© une atteinte discriminatoire Ă  l'identitĂ© nationale inhĂ©rente aux structures fondamentales, politiques et constitutionnelles ou aux valeurs fondamentales de la protection que la Constitution confĂšre aux sujets de droit". Il est en tout cas permis d'en dĂ©duire que, si une hiĂ©rarchisation n'est pas exclue entre les diffĂ©rentes dispositions constitutionnelles, il en convient d'identifier celles qui sont inhĂ©rentes aux structures fondamentales, politiques et constitutionnelles ou aux valeurs fondamentales de la protection que la Constitution confĂšre aux sujets de droit, l'article 34 de la Constitution, Ă  l'estime de la Cour, ne permet pas par principe au lĂ©gislateur d'adopter des lois d'assentiment Ă  des traitĂ©s qui mĂ©connaissent la Constitution. (p.139 - leçon 4)

(12) CC 3/2013, du 07 janvier 2013 - position de principe en matiÚre de rétroactivité de la loi + CC 25/90, du 05 juillet 1990 - pilotage + CEDH, du 20 novembre 1995 - pilotage

La Cour constitutionnelle Ă©tablit les limites dans lesquelles la rĂ©troactivitĂ© d'une norme lĂ©gislative peut-ĂȘtre admise. Ainsi a-t-elle relevĂ© que "la non-rĂ©troactivitĂ© des lois est une garantie qui a pour but de prĂ©venir l'insĂ©curitĂ© juridique. Cette garantie exige que le contenu du droit soit prĂ©visible et accessible, de sorte que le justiciable puisse prĂ©voir, Ă  un degrĂ© raisonnable, les consĂ©quences d'un acte dĂ©terminĂ© au moment oĂč cet acte est accompli. La rĂ©troactivitĂ© peut uniquement ĂȘtre justifiĂ©e lorsqu'elle est indispensable pour rĂ©aliser un objectif d'intĂ©rĂȘt gĂ©nĂ©ral. S'il s'avĂšre en outre que la rĂ©troactivitĂ© a pour but ou pour consĂ©quence d'influencer dans un sens dĂ©terminĂ© l'issue de l'une ou l'autre procĂ©dure judiciaire ou empĂȘcher les juridictions de se prononcer sur une question de droit, la nature du principe en cause exige que des circonstances exceptionnelles ou des motifs impĂ©rieux d'intĂ©rĂȘt gĂ©nĂ©ral justifie l'intervention du lĂ©gislateur, laquelle porte atteinte, au prĂ©judice d'une catĂ©gorie de citoyens, aux garanties juridictionnelles offertes Ă  tous". Dans cet arrĂȘt, rendu Ă  titre prĂ©judiciel, la Cour constate que la rĂ©troactivitĂ© du dĂ©cret en cause n'a pour effet que de toucher un nombre de situations, Ă  ce point limitĂ© que la politique ainsi mise en oeuvre "ne constitue ni un motif impĂ©rieux d'ordre gĂ©nĂ©ral, ni une circonstance Ă  ce point exceptionnelle qui puissent justifier une telle intervention rĂ©troactive dans des litiges pendants". La jurisprudence de la Cour en la matiĂšre n'en est pas moins empreinte de pragmatisme. Elle a, par exemple, Ă©tĂ© appelĂ©e Ă  connaĂźtre de cette question dans un arrĂȘt relatif au SERVICE DE PILOTAGE. La loi du 30 aoĂ»t 1988 vise Ă  consacrer un rĂ©gime spĂ©cial de la responsabilitĂ© civile en matiĂšre de rĂ©paration de dommages causĂ©s par des fautes commises dans le fonctionnement ce service. Il s'agit plus particuliĂšrement d'exonĂ©rer, sous certaines conditions, l'Etat de la responsabilitĂ© du dommage causĂ© au moment oĂč le navire est vĂ©hiculĂ© par un membre du service public de pilotage. Par ailleurs, il est prĂ©vu que ce rĂ©gime de responsabilitĂ© rĂ©troagit 30 ans avant l'entrĂ©e en vigueur de la loi. Le lĂ©gislateur adopte cette loi parce qu'Ă  la suite d'un revirement de la jurisprudence de la Cour de cassation intervenu en 1983, l'Etat a vu sa responsabilitĂ© engagĂ©e pour les fautes commises par les services publics de pilotage et risquait de devoir acquitter des sommes considĂ©rables. La Cour constitutionnelle adopte une position nuancĂ©e. Elle affirme que "l'Ă©lĂ©ment rĂ©troactif que comporte le rĂ©gime de responsabilitĂ© instaurĂ© en matiĂšre de pilotage porte atteinte au principe fondamental de la sĂ©curitĂ© juridique, selon lequel le contenu du droit doit, en principe, ĂȘtre prĂ©visible et accessible de sorte que le sujet de droit puisse prĂ©voir, Ă  un degrĂ© raisonnable, les consĂ©quences d'un acte dĂ©terminĂ© au moment oĂč cet acte se rĂ©alise. Cependant, cette atteinte au principe n'est pas, dans les circonstances en l'espĂšce, disproportionnĂ© par rapport Ă  l'objectif gĂ©nĂ©ral visĂ© par la lĂ©gislation attaquĂ©e. Le lĂ©gislateur a entendu maintenir (...) le systĂšme de responsabilitĂ© qu'il n'avait pas voulu modifier en 1967 et que la jurisprudence antĂ©rieure Ă  1983 ainsi que la doctrine dĂ©duisaient de l'article 5 de la loi de 1967 sur le pilotage ainsi que des articles 64 et 251 de la loi maritime (...) ; de plus, il a pris en compte les consĂ©quences budgĂ©taires importantes dĂ©coulant de façon imprĂ©vue pour les pouvoirs publics concernĂ©s de la modification de la jurisprudence". En d'autres termes, la Cour constitutionnelle affirme simultanĂ©ment LA CONTRADICTION EXISTANT ENTRE LE PRINCIPE DE LA SÉCURITÉ JURIDIQUE ET LA RÉTROACTIVITÉ DE LA NORME LÉGISLATIVE ET LE FAIT QUE, DANS DES CIRCONSTANCES TRÈS PARTICULIÈRES, UNE NORME RÉTROACTIVE PEUT ÊTRE ADMISSIBLE. En l'espĂšce, ces circonstances sont d'une triple nature. Tout d'abord, LE DROIT ÉTAIT INCERTAIN, notamment en raison d'un revirement de jurisprudence de la Cour de cassation, ce qui compromettait, dĂ©jĂ , dans une certaine mesure la sĂ©curitĂ© juridique. Ensuite, LA LOI, RÉTROAGISSANT DE 30 ANS, FRAPPAIT TOUS LES CAS D'INDEMNISATION ENCORE PENDANTS, ce qui Ă©vitait d'appliquer un droit diffĂ©rent Ă  des affaires encore en cours. Enfin, la Cour, Ă  l'Ă©vidence, a Ă©tĂ© sensible Ă  L'INTÉRÊT SUPÉRIEUR DE L'ÉTAT, lequel, en cas d'annulation, aurait Ă©tĂ© amenĂ© Ă  dĂ©bourser des sommes considĂ©rables, et ce, au bĂ©nĂ©fice d'importants amateurs, Ă©trangers de surcroĂźt. Cette affaire a Ă©tĂ© portĂ©e devant LA COUR EUROPÉENNE DES DROITS DE L'HOMME. Celle-ci, dans un arrĂȘt du 20 novembre 1995, estime que la loi du 30 aoĂ»t 1988 viole l'article 1er du premier protocole additionnel de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertĂ©s fondamentales consacrant le droit de propriĂ©tĂ©. Des considĂ©rations financiĂšres et le souci de l'État belge d'harmoniser le droit belge avec celui des pays voisins peuvent, Ă  son sens, justifier pour l'avenir une lĂ©gislation dĂ©rogeant en cette matiĂšre au droit commun de la responsabilitĂ©. Mais ceci ne peut cependant lĂ©gitimer une rĂ©troactivitĂ© dont le but et l'effet Ă©taient de priver les requĂ©rants de leurs crĂ©ances en indemnisation. Une atteinte aussi radicale aux droits des intĂ©ressĂ©s ne respecte pas, si l'on en croit la Cour, un juste Ă©quilibre entre les intĂ©rĂȘts en prĂ©sence. (p.381 - leçon 12)

(21) Cour d'appel de Bruxelles, du 28 juin 2005 - Eglise du Royaume universel de Dieu + Cass., du 01 juin 2006 - Eglise du Royaume universel de Dieu

La Cour d'appel de Bruxelles rend le 28 juin 2005 un arrĂȘt condamnant l'Etat belge, reprĂ©sentĂ© par le PrĂ©sident de la Chambre des reprĂ©sentants pour des affirmations contenues dans le rapport d'une commission parlementaire d'enquĂȘte sur les sectes. Plus prĂ©cisĂ©ment, il est reprochĂ© Ă  l'Etat belge d'avoir, sans rĂ©serves, qualifiĂ© l'Eglise universelle du Royaume de Dieu "d'association criminelle dont le seul but est l'enrichissement" et d'avoir affirmĂ© "qu'elle n'Ă©tait en rĂ©alitĂ© qu'une vaste entreprise d'escroquerie". En consĂ©quence, l'Etat a Ă©tĂ© contraint Ă  publier dans deux quotidiens des extraits de l'arrĂȘt le condamnant. Cette dĂ©cision a dĂ©jĂ  Ă©tĂ© critiquĂ©e en ce qu'elle porte atteinte Ă  la protection absolue des parlementaires et au droit d'enquĂȘte des Parlements. Elle droit, cependant, ĂȘtre Ă©galement analysĂ© sous l'angle de la responsabilitĂ© des pouvoirs publics. Pour faire bref, la cour d'appel justifie sa position en reprenant quasi mot pour mot les termes de l'arrĂȘt Anca en les appliquant aux organes parlementaires. Si elle s'Ă©tait contentĂ©e de cette affirmation en ce qu'elle concerne l'exercice de la fonction lĂ©gislative, nul n'aurait pu lui adresser le moindre reproche. Cependant, elle opĂšre, dans son raisonnement, un subtil glissement qui la conduit non plus A AFFIRMER LA RESPONSABILITE DE L'ETAT dans l'exercice de cette fonction, mais bien pour les actes accomplis par le Parlement DANS L'EXERCICE DE SA MISSION DE CONTRÔLE. En effet, l'enquĂȘte parlementaire est Ă©trangĂšre Ă  l'exercice de la fonction lĂ©gislative. Il s'agit d'un instrument de contrĂŽle confĂ©rĂ© aux assemblĂ©es parlementaires qui les autorise Ă  s'intĂ©resser Ă  toute question gĂ©nĂ©ralement quelconque et Ă  contrĂŽler tout pouvoir, en ce compris le pouvoir judiciaire. Il ne suffisait donc pas ici de faire une application automatique, sinon obtuse des principes contenus dans les arrĂȘts La Flandria et Anca, et de constater que le droit par hypothĂšse lĂ©sĂ© de l'Eglise universelle du Royaume de Dieu Ă©tant un droit civil, l'Etat pouvait ĂȘtre rendu responsable d'une faute Ă©ventuellement commise par la Chambre des reprĂ©sentants exerçant son pouvoir d'enquĂȘte. En effet, en amont de ce constat se posait une question fondamentale Ă  laquelle la cour d'appel ne libre aucune rĂ©ponse convaincante. OĂč s'arrĂȘtent les limites du pouvoir des juridictions ? La sĂ©paration des pouvoirs peut-elle s'accommoder d'une situation oĂč des juridictions (dont les membres peuvent le cas Ă©chĂ©ant ĂȘtre appelĂ©s Ă  rendre compte de leur action devant une commission d'enquĂȘte parlementaire) s'autorisent Ă  juger le contenu des conclusions d'une enquĂȘte parlementaire ? La cour d'appel ne pouvait faire l'Ă©conomie d'une rĂ©flexion sur son droit d'engager la responsabilitĂ© de l'Etat pour une faute commise par le Parlement dans l'exercice de son pouvoir de contrĂŽle, voire par un parlementaire considĂ©rĂ© isolĂ©ment. La Cour de cassation, dans son arrĂȘt du 01 juin 2006, tranche la controverse. L'article 58 de la Constitution interdit d'engager la responsabilitĂ© de l'Etat pour des propos tenus oralement ou par Ă©crit par des parlementaires et "la protection offerte par l'article 144 de la Constitution n'autorise pas le juge Ă  contrĂŽler, directement ou indirectement, la maniĂšre dont le parlement exerce le droit d'enquĂȘte ou aboutit Ă  ses conclusions, ni partant, la maniĂšre dont les Chambres expriment leur opinion". Toutefois, "les principes de la sĂ©paration des pouvoirs et de l'indĂ©pendance du pouvoir lĂ©gislatif et des parlementaires n'impliquent pas que l'Etat serait exonĂ©rĂ© en gĂ©nĂ©ral de son obligation de rĂ©parer le dommage causĂ© Ă  un tiers par une faute du parlement. En confiant exclusivement aux cours et tribunaux la connaissance des contestations qui ont pour objet des droits civils, l'article 144 de la Constitution place tous les droits civils sous la protection du pouvoir judiciaire. Afin de rĂ©aliser cette protection, le constituant n'a pas tenu compte de la qualitĂ© des parties litantes, ni de la nature des actes portant atteinte Ă  ce droit, mais exclusivement de la nature du droit faisant l'objet du litige. Comme tous les citoyens, l'Etat est soumis Ă  des rĂšgles de droit, dont celles relatives Ă  la rĂ©paration du dommage rĂ©sultant de fautes portant atteinte aux droits subjectifs et aux intĂ©rĂȘts lĂ©gitimes des personnes". La Cour de cassation trace donc une frontiĂšre. LE NOYAU DUR DE L'ACTION PARLEMENTAIRE EST PRESERVE DE TOUTE IMMIXTION DU POUVOIR JUDICIAIRE, mais les principes de la sĂ©paration des pouvoirs et de l'indĂ©pendance du pouvoir lĂ©gislatif et des parlementaires n'impliquent PAS UNE EXONERATION GENERALE de responsabilitĂ© de l'Etat pour les FAUTES COMMISES PAR LE PARLEMENT. (p.700 - leçon 21)

(16) CEDH, du 22 juin 2000 - Inusop + CEDH, du 02 juin 2005 - Agusta-Dassault

La Cour europĂ©enne des droits de l'homme, dans un arrĂȘt du 22 juin 2000, a sĂ©vĂšrement sanctionnĂ© la Belgique pour la maniĂšre dont a Ă©tĂ© menĂ© le procĂšs Inusop. Deux griefs sont retenus par la Cour. Le premier concerne Guy CoĂ«me. Elle estime qu'il y a eu VIOLATION DE L'ARTICLE 6.1 DE LA CONVENTION EUROPÉENNE (lequel consacre le droit Ă  un procĂšs Ă©quitable) EN RAISON DE L'ABSENCE DE LOI D'APPLICATION RÉGISSANT LA PROCÉDURE D'EXAMEN DU BIEN-FONDÉ DES POURSUITES DIRIGÉES CONTRE LES MINISTRES EN APPLICATION DE L'ARTICLE 103 DE LA CONSTITUTION. Guy CoĂ«me, assistĂ© de ses avocats, ne se trouvait pas dans une situation d'ignorance absolue des rĂšgles de procĂ©dure qui trouverait application dans ce procĂšs. Il ne pouvait ignorer que la procĂ©dure correctionnelle ordinaire serait probablement suivie. Cependant, cette procĂ©dure n'a pas Ă©tĂ© suivie telle quelle par la Cour de cassation qui, dans son arrĂȘt interlocutoire du 12 fĂ©vrier 1996, estima que les rĂšgles rĂ©gissant la procĂ©dure correctionnelle ordinaire ne seraient appliquĂ©es que pour autant qu'elles soient compatibles "avec les dispositions rĂ©glant la procĂ©dure devant la Cour de cassation siĂ©geant chambres rĂ©unies". Il en rĂ©sulte que les PARTIES N'ONT PAS PU CONNAÎTRE À L'AVANCE TOUTES LES MODALITÉS DE LA PROCÉDURE QUI SERAIENT SUIVIES. La tĂąche de la dĂ©fense devenait singuliĂšrement difficile faute de savoir, au prĂ©alable, si une rĂšgle donnĂ©e allait ou non trouver application dans le cours du procĂšs. Pareille incertitude plaçait Guy CoĂ«me dans une situation de net dĂ©savantage par rapport au ministĂšre public, ce qui l'a PRIVÉ UN PROCÈS ÉQUITABLE au sens de l'article 6.1 de la Convention. En ce qui concerne MM. Jean-Louis Mazy, Jean-Louis Stalport, Merry Hermanus et Camille Javeau, Elle estime qu'il y a violation de l'article 6, §1 dans la mesure oĂč la Cour de cassation n'est pas un tribunal "Ă©tabli par la loi" au sens de l'article 6 pour examiner les poursuites mues Ă  leur encontre. La Cour relĂšve QU'AUCUNE DISPOSITION NE PRÉVOYAIT LA POSSIBILITÉ D'ÉTENDRE LA JURIDICTION DE LA COUR DE CASSATION À DES INCULPÉS AUTRES QUE DES MINISTRES POUR DES INFRACTIONS CONNEXES À CELLES POUR LESQUELLES LES MINISTRES ÉTAIENT POURSUIVIS. La connexitĂ© pouvait ĂȘtre envisagĂ©e eu Ă©gard aux enseignements de la doctrine et de la jurisprudence, mais ces indications ne permettent pas de considĂ©rer que la connexitĂ© Ă©tait "prĂ©vue par la loi", d'autant que la Cour de cassation a elle-mĂȘme dĂ©cidĂ© que le fait d'inviter Ă  comparaĂźtre devant elle des personnes qui n'avaient jamais exercĂ© de fonctions ministĂ©rielles rĂ©sultait de l'article 103 de la constitution plutĂŽt que des dispositions du CIC ou du code judiciaire. Or, l'article 103 est muet sur cette question. La Cour europĂ©enne rĂ©affirme, Ă  quelques nuances prĂšs, ces principes Ă  l'occasion de l'affaire Agusta-Dassault. En effet, d'une part, elle confirme que la Cour de Cassation n'a pas pu valablement faire application de la CONNEXITÉ pour attraire devant elle des prĂ©venus qui n'Ă©taient pas ministres. D'autre part, Elle constate que les ministres CoĂ«me et Claes ne peuvent se prĂ©valoir de l'absence de normes de droit suffisamment accessibles et prĂ©visibles quand Ă  la procĂ©dure dĂšs lors que l'arrĂȘt rendu dans l'affaire Inusop constituait un PRÉCÉDANT JUDICIAIRE et qu'ils avaient donc pu, Ă  tout le moins par l'intermĂ©diaire de leurs avocats ou grĂące Ă  leurs conseils Ă©clairĂ©s, profiter des clarifications jurisprudentielles rĂ©alisĂ©es tout au long de ce premier procĂšs. (p.498 - leçon 16)

(15) Démission avortée de Jambon-Geens, 2016

La question de la dĂ©mission des ministres s'est posĂ©e de maniĂšre contrastĂ©e sous le gouvernement Michel-Jambon. Jacqueline Galant, ministre de la mobilitĂ©, dĂ©missionne en avril 2016, aprĂšs s'ĂȘtre vu reprocher d'avoir dissimulĂ© les conclusions d'un rapport relatif Ă  la sĂ©curitĂ© des aĂ©roports. DĂ©jĂ  trĂšs critiquĂ©e quelques semaines plus tĂŽt pour avoir confiĂ© une mission importante Ă  un cabinet d'avocats sans avoir respectĂ© la lĂ©gislation sur les marchĂ©s publics, la ministre a, de toute Ă©vidence, perdu la confiance du gouvernement, de son propre parti et du Premier ministre. Elle dĂ©missionne spontanĂ©ment afin d'Ă©viter de voir sa responsabilitĂ© engagĂ©e devant la Chambre des reprĂ©sentants. On doit Ă©galement Ă©voquer les dĂ©missions avortĂ©es des ministres de la Justice d'une part, et de la SĂ©curitĂ© et de l'IntĂ©rieur, d'autre part, Koen Gens et Jan Jambon, au lendemain des attentats Ă  Zaventem et Maelbeek du 22 mars 2016. Un grave dysfonctionnement des services placĂ©s sous leurs autoritĂ©s survient. L'un des kamikazes, Ibrahim El Bakraoui, avait Ă©tĂ© condamnĂ© en Belgique Ă  10 ans de prison. Il avait Ă©tĂ© libĂ©rĂ© conditionnellement et n'avait pas respectĂ© les conditions de sa libĂ©ration conditionnelle. Il s'Ă©tait rendu en Syrie et avait Ă©tĂ© arrĂȘtĂ© en Turquie. Les autoritĂ©s turques l'avaient expulsĂ© vers les Pays-Bas en attirant l'attention de leurs homologues nĂ©erlandais et belge sur cette expulsion et sur la dangerositĂ© de l'individu. A son retour en Belgique, cependant, l'intĂ©ressĂ© n'est pas arrĂȘtĂ© ce qui lui permet de perpĂ©trer les attentats de Bruxelles. Cette situation est dĂ©noncĂ©e, certes de maniĂšre approximative, par le PrĂ©sident turc, Recep Tayyip Erdogan. Les ministres annoncent tout Ă  la fois leur intention de dĂ©missionner et le fait qu'Ă  la demande du Premier ministre ils renoncent Ă  s'engager dans cette voie. Chacun apprĂ©ciera la sincĂ©ritĂ© de ce processus et d'aucuns pourront se demander s'il ne s'agit pas, dans le chef des intĂ©ressĂ©s, d'une mise en scĂšne concertĂ©e visant prĂ©cisĂ©ment, aprĂšs la survenance d'un fait d'une extrĂȘme gravitĂ©, Ă  Ă©viter de devoir abandonner leurs fonctions. Si l'on compare la situation des ministres Jambon et Geens, d'une part, et Galant, d'autre part, on constate que ce n'est pas la gravitĂ© des manquements en jeu qui conditionne la dĂ©mission, mais le poids politique personnel de celui qui est mis en cause. La dĂ©mission de Galant n'a pas soulevĂ© de problĂšme politique majeur et elle a aussitĂŽt Ă©tĂ© remplacĂ©e par un membre de son parti. En revanche, la dĂ©mission de deux poids lourds du gouvernement reprĂ©sentant les deux partis flamands les plus importants aurait plus que probablement provoquĂ© une crise gouvernementale et la chute du gouvernement. Tel est plus que sans doute la raison pour laquelle au niveau supĂ©rieur de celui-ci, par rĂ©flexe de survie, tout a Ă©tĂ© mis en Ɠuvre pour Ă©viter que leurs responsabilitĂ©s individuelles ne soient engagĂ©es. (p.471 - leçon 15)

(5) Cass., du 03 mai 1974 - Le Compte

Le 03 mai 1974, la Cour de cassation rend, en la matiĂšre, un arrĂȘt de principe. Il faut rappeler les faits de la cause. Un mĂ©decin, le docteur Le Compte, s'est vu infliger une sanction disciplinaire de la part du conseil d'appel d'expression nĂ©erlandaise de l'ordre des mĂ©decins. Il se pourvoit en cassation contre cette dĂ©cision. Dans un moyen, il soutient que le Roi, en abrogeant par un arrĂȘtĂ©, pris en vertu d'une loi de pouvoirs spĂ©ciaux, la loi du 25 juillet 1938 crĂ©ant l'Ordre des mĂ©decins, viole non seulement cette loi, mais Ă©galement l'article 108 de la Constitution aux termes duquel le Roi "fait les rĂšglements et arrĂȘtĂ©s nĂ©cessaires pour l'exĂ©cution des lois sans pouvoir jamais ni suspendre les lois elles-mĂȘmes, ni dispenser de leur exĂ©cution". L'arrĂȘtĂ© royal n°79 du 10 novembre 1967 dispose, en son article 32, alinĂ©a 1er : "le Roi fixe la date de l'abrogation de la loi du 25 juillet 1938 crĂ©ant l'ordre des mĂ©decins et celle de l'entrĂ©e en vigueur du prĂ©sent arrĂȘtĂ©". ConformĂ©ment Ă  cette disposition est pris l'arrĂȘtĂ© royal du 25 mars 1969 qui fixe au 01 avril 1969 l'abrogation de la loi de 1938 et l'entrĂ©e en vigueur de l'arrĂȘtĂ© royal n°79, lequel a Ă©tĂ© appliquĂ© au docteur Le Compte et a fondĂ© la sanction disciplinaire contestĂ©e. Dans ses conclusions, le procureur gĂ©nĂ©ral Walter-Jean Ganshof Van der Meesch dĂ©fend la thĂšse selon laquelle les juridictions de l'ordre judiciaire ont qualitĂ© pour contrĂŽler la constitutionnalitĂ© des lois. L'arrĂȘt rejette le moyen soulevĂ© par le demandeur au motif que la loi du 31 mars 1967, sur la base de laquelle est pris l'arrĂȘtĂ© royal n°79, est une loi de pouvoirs spĂ©ciaux et qu'elle habilite le Roi, en vertu de l'article 105 de la Constitution, Ă  rĂ©viser et Ă  adapter la lĂ©gislation relative Ă  l'art de guĂ©rir. Autrement dit, la Cour constate que LA LOI DE POUVOIRS SPECIAUX TROUVE SON FONDEMENT DANS LA CONSTITUTION. Les termes utilisĂ©s par la Cour de cassation ne sont pas dĂ©pourvus d'ambiguĂŻtĂ©. La Cour n'affirme plus, comme par le passĂ©, que les juridictions de l'ordre judiciaire n'ont pas qualitĂ© pour contrĂŽler la constitutionnalitĂ© des lois. Cependant, elle ne se rallie pas non plus, explicitement du moins, aux conclusions de son procureur gĂ©nĂ©ral. Une lecture attentive de cette dĂ©cision rĂ©vĂšle que la Cour affirme que la loi de pouvoirs spĂ©ciaux du 31 mars 1967 ne viole pas l'article 105 de la Constitution, et par lĂ  mĂȘme opĂšre, certes IMPLICITEMENT, UN CONTRÔLE DE LA CONSTITUTIONNALITE DE CETTE NORME LEGISLATIVE. Cet arrĂȘt provoque une rĂ©action vive au Parlement. Le 26 juin 1975, le SĂ©nat adopte une proposition de loi dĂ©posĂ©e par Marc-Antoine Pierson dont l'article unique vise Ă  interdire aux cours et tribunaux de juger la constitutionnalitĂ© des lois et des dĂ©crets. Selon le SĂ©nat, un tel contrĂŽle "serait contraire Ă  l'esprit de la Constitution et Ă  la sĂ©paration des pouvoirs telle que l'a rĂ©alisĂ©e la Constitution, contraire Ă  la volontĂ© des Chambres constituantes, nuisible Ă  l'ordre dans l'Etat et Ă  la sĂ©curitĂ© juridique, et dangereuse pour les intĂ©rĂȘts de la Nation". Le projet est transmis Ă  la Chambre des reprĂ©sentants, laquelle n'y donne aucune suite. Force cependant est de constater qu'aprĂšs la rĂ©action du SĂ©nat, la Cour de cassation ne n'est pas engagĂ©e plus avant dans la voie que semblait lui ouvrir son arrĂȘt du 03 mai 1974. (p.173 - leçon 5)

(25) CE 22.690, du 26 novembre 1982 - Schiltz + Avis SLCE - 138C, compétences régionales

Le Conseil d'Etat a, de maniĂšre constante, INTERDIT AUX INSTITUTIONS FLAMANDES DE REGLER DANS UN SEUL ACTES DES MATIERES REGIONALES ET COMMUNAUTAIRES. Cette thĂšse a Ă©tĂ© affirmĂ©e Ă  plusieurs reprises par la section de lĂ©gislation et a Ă©galement Ă©tĂ© dĂ©veloppĂ©e dans un arrĂȘt de la section du contentieux administratif. Le Conseil d'Etat relĂšve, tout d'abord, que du point de vue constitutionnel, la SEPARATION INSTITUTIONNELLE ENTRE LA COMMUNAUTE ET LA REGION EST LA REGLE et que la liaison institutionnelle, dans les limites autorisĂ©es par la Constitution, apparaĂźt comme une dĂ©rogation Ă  celle-ci. Il s'ensuit que toute forme de liaison, et certainement toute forme de liaison obligatoire, doit ĂȘtre fondĂ©e sur une disposition lĂ©gale expresse. Autrement dit, il estime qu'il n'est pas possible de rĂ©gler dans un mĂȘme acte (arrĂȘtĂ© ou dĂ©cret) des matiĂšres rĂ©gionales et communautaires. Ceci se justifie d'autant plus que la SPHERE DE COMPETENCE TERRITORIALE de ces actes est plus large pour la CommunautĂ© que pour la RĂ©gion puisqu'elle englobe Bruxelles. De mĂȘme, la COMPOSITION DU PARLEMENT FLAMAND est affectĂ©e par la distinction entre RĂ©gion et CommunautĂ©. En effet, les membres bruxellois de cette assemblĂ©e prennent part au vote lorsqu'ils dĂ©libĂšrent sur des matiĂšres communautaires, ce qui n'est pas le cas lorsque des matiĂšres rĂ©gionales sont en jeu. La Cour constitutionnelle n'a pas, jusqu'ici adoptĂ© une position aussi tranchĂ©e que la section de lĂ©gislation du Conseil d'Etat. Cependant, elle a Ă©galement affirmĂ© qu'il n'existait pas de confusion entre les compĂ©tences de la CommunautĂ© flamande et celles de la RĂ©gion flamande. En effet, en une occasion, elle a estimĂ© qu'il n'Ă©tait pas disproportionnĂ© dans le chef de la RĂ©gion flamande d'empiĂ©ter sur les compĂ©tences de la CommunautĂ© pour autant qu'elle ne rende pas l'exercice de celles-ci impossible ou exagĂ©rĂ©ment difficile. En une autre occasion, elle a admis que la RĂ©gion flamande se fondait sur la thĂ©orie des pouvoirs implicites pour rĂ©gler une compĂ©tence communautaire. Si elle avait estimĂ© que les matiĂšres rĂ©gionales et communautaires pouvaient ĂȘtre rĂ©glĂ©es dans un seul dĂ©cret, elle se serait Ă©pargnĂ©e de justifier les raisons pour lesquelles elle admettait l'existence d'un empiĂ©tement du lĂ©gislateur rĂ©gional dans le champ des compĂ©tences communautaires. La section de lĂ©gislation du Conseil d'Etat adopte une POSITION SIMILAIRE EN CE QUI CONCERNE les compĂ©tences communautaires dont l'exercice est transfĂ©rĂ© en application de L'ARTICLE 138 DE LA CONSTITUTION Ă  la RĂ©gion wallonne. Elle estime, en effet, que la Constitution et les autres dispositions de rĂ©formes institutionnelles Ă©tablissent une NETTE DISTINCTION ENTRE LES MATIERES COMMUNAUTAIRES ET LES MATIERES REGIONALES. Ces matiĂšres SONT DEVOLUES A DES PERSONNES MORALES DISTINCTES, dotĂ©es d'organes qui leur sont propres. La circonstance que la RĂ©gion wallonne exerce certaines compĂ©tences de la CommunautĂ© française sur le territoire de la rĂ©gion de langue française ne porte pas, Ă  son estime, atteinte Ă  LA SEPARATION DES DEUX SPHERES DE COMPETENCES, NI AUX MISSIONS DISTINCTES DEVOLUES RESPECTIVEMENT AUX AUTORITES REGIONALES ET AUX AUTORITES COMMUNAUTAIRES. Il n'y a pas, dans le domaine d'application des compĂ©tences communautaires exercĂ©es par la RĂ©gion wallonne, la moindre fusion entre celle-ci et la CommunautĂ© française. Le deuxiĂšme argument avancĂ© par la section de lĂ©gislation se fonde sur une analyse des COMPETENCES TERRITORIALES des diffĂ©rentes entitĂ©s fĂ©dĂ©rĂ©es. Elle relĂšve, en effet, que le champ d'application des dispositions arrĂȘtĂ©es par la RĂ©gion wallonne n'est pas le mĂȘme selon que celle-ci rĂšgle une matiĂšre rĂ©gionale ou exerce des compĂ©tences de la CommunautĂ© française. En effet, dans le premier cas, les dispositions s'appliquent sur tout le territoire de la RĂ©gion wallonne alors que dans le second cas, elles s'appliquent uniquement sur le territoire de la rĂ©gion de langue française, Ă  l'exclusion de celui de la rĂ©gion de langue allemande. Enfin, elle avance un troisiĂšme argument qui se fonde sur la COMPOSITION DU PARLEMENT WALLON selon qu'il intervient dans des matiĂšres rĂ©gionales ou communautaires. Elle rappelle qu'en ce qui concerne les dĂ©crets, les membres de cette assemblĂ©e qui ont exclusivement ou en premier lieu prĂȘtĂ© serment en allemand ne peuvent participer aux votes au sein du Parlement sur les matiĂšres relevant de la CommunautĂ© française. Cette thĂšse mĂ©rite d'ĂȘtre nuancĂ©e. Tout d'abord, l'argument fondĂ©e sur L'ETANCHEITE DES COMPETENCES REGIONALES ET COMMUNAUTAIRES ne rĂ©siste pas Ă  l'analyse dĂšs lors que c'est le constituant lui-mĂȘme qui a investi la RĂ©gion wallonne du pouvoir d'exercer des compĂ©tences communautaires. Ensuite, l'argument fondĂ© sur l'absence de fusion des institutions rĂ©gionales et communautaires et sur l'existence de PERSONNALITES JURIDIQUES DISTINCTES n'est pas conforme au prescrit constitutionnel dĂšs lors que, Ă  aucun moment, contrairement Ă  ce qui a Ă©tĂ© fait pour les institutions flamandes, il n'est affirmĂ© que la RĂ©gion wallonne possĂ©derait deux personnalitĂ©s juridiques distinctes, selon qu'elle exerce des compĂ©tences rĂ©gionales ou des compĂ©tences communautaires. En ce qui concerne LE CHAMP D'APPLICATION TERRITORIAL des normes uniques qui seraient adoptĂ©es, une solution pratique peut ĂȘtre envisagĂ©e dĂšs lors qu'il est possible de prĂ©voir, dans le dĂ©cret ou dans l'arrĂȘtĂ©, les modalitĂ©s de sa mise en oeuvre sur le plan territorial. Enfin, le seul argument qui semble rĂ©sister Ă  l'analyse (mais qui ne vaut que pour l'exercice du pouvoir dĂ©crĂ©tal) tient dans le fait que LE PARLEMENT WALLON N'EST PAS COMPOSE DE LA MÊME MANIERE SELON QU'IL EXERCE DES COMPETENCES REGIONALES OU DES COMPETENCES DONT L'EXERCICE EST TRANSFERE EN VERTU DE L'ARTICLE 138 DE LA CONSTITUTION. Cet obstacle pourrait Ă©ventuellement ĂȘtre palliĂ© par l'adoption de deux dĂ©crets identiques, votĂ©s par le Parlement, l'un dans sa composition rĂ©gionale, l'autre dans sa composition communautaire ou encore soumettre chacune des dispositions du dĂ©cret Ă  une procĂ©dure de vote conditionnĂ©e par son contenu rĂ©gional ou communautaire. Il est Ă©galement possible de recourir au vote de dĂ©crets conjoints pour pallier l'impossibilitĂ© constatĂ©e par le Conseil d'Etat (p.839 - leçon 25)

(13) CE 27.619, du 04 mars 1987 - Ylieff, vérification des pouvoirs + CEDH du 02 mars 2010 - Grosaru c. Roumanie, vérification des pouvoirs

Les assemblĂ©es composĂ©es de membres qui ne sont pas Ă©lus directement en cette qualitĂ© procĂšdent Ă©galement Ă  une vĂ©rification des pouvoirs de ceux-ci. Dans ce cas, elles ne vĂ©rifient pas la rĂ©gularitĂ© de l'Ă©lection directe, mais simplement si les conditions posĂ©es par la Constitution ou par la loi Ă  propos de leur propre composition sont bien rĂ©unies. C'est au moment de la vĂ©rification des pouvoirs de leurs membres que les assemblĂ©es parlementaires de la CommunautĂ© française et de la RĂ©gion wallonne ont, en 1985, Ă©vincĂ© irrĂ©guliĂšrement de leur sein le sĂ©nateur de la Volksunie (parti nationaliste flamand), Toon van Overstraeten, pourtant Ă©lu rĂ©guliĂšrement dans la circonscription de Nivelles. En effet, Ă  l'Ă©poque, les rĂšgles d'apparentement s'appliquaient Ă  l'ensemble de la province de Brabant et faisaient qu'un candidat dans une circonscription francophone pouvait bĂ©nĂ©ficier pour ĂȘtre Ă©lu des surplus de voix obtenues dans les autres circonscriptions de la mĂȘme province. L'application du principe du double mandat avait aussi pour consĂ©quence que tous les sĂ©nateurs Ă©lus directement dans une circonscription francophone faisaient de droit partie du groupe linguistique français du SĂ©nat, et partant du Conseil rĂ©gional wallon et du Conseil de la CommunautĂ© française. Ces assemblĂ©es, de maniĂšre totalement illĂ©gale, ont refusĂ© de vĂ©rifier les pouvoirs de l'Ă©lu de la Volksunie, lui interdisant par lĂ  mĂȘme de siĂ©ger et de prĂȘter serment. Or, Ă  la RĂ©gion wallonne, la coalition libĂ©rale/sociale-chrĂ©tienne ne disposait que d'une voix de majoritĂ© et aurait perdu celle-ci si Toon van Overstraeten avait fait partie de l'assemblĂ©e. A la suite de ce coup de force, un parlementaire de l'opposition saisit le Conseil d'Etat d'un recours en annulation contre la dĂ©signation du Ministre-PrĂ©sident par les membres de l'exĂ©cutif rĂ©gional wallon. Il estime que les membres de cet organe Ă©taient incompĂ©tents pour ce faire parce qu'ils avaient eux-mĂȘmes Ă©tĂ© dĂ©signĂ©s par une assemblĂ©e irrĂ©guliĂšrement composĂ©e. Autrement dit, dĂšs lors que l'assemblĂ©e est irrĂ©guliĂšrement composĂ©e, elle n'a pu valablement Ă©lire les membres de l'exĂ©cutif qui n'ont pu valablement Ă©lire leur prĂ©sident. Le Conseil d'Etat rejette le recours en indiquant "que tous les moyens se donnent comme fondement l'illĂ©galitĂ© du refus de valider les pouvoirs du sĂ©nateur Van Overstraeten et de l'Ă©lection des membres de l'exĂ©cutif ; que ces actes, quoique ne procĂ©dant pas Ă  la fonction dĂ©crĂ©tale du conseil rĂ©gional wallon, Ă©manent d'une autoritĂ© qui n'est pas une autoritĂ© administrative au sens de l'article 14 des lois coordonnĂ©es sur le Conseil d'Etat, mais une autoritĂ© parlementaire Ă©lue et souveraine dans la sphĂšre de ses compĂ©tences et Ă  laquelle il appartient exclusivement d'admettre un apprĂ©ciation sur la lĂ©galitĂ© de tels actes Ă  dĂ©faut de contrĂŽle juridictionnel organisĂ© par la Constitution ou par la loi ; que le Conseil d'Etat n'est pas compĂ©tent pour connaĂźtre de la lĂ©galitĂ© des actes d'une telle autoritĂ© et, par consĂ©quent, pour connaĂźtre de moyens d'annulation pris de leur illĂ©galitĂ©". Cette question trouve une actualitĂ© toute particuliĂšre Ă  la suite de l'arrĂȘt rendu par la Cour europĂ©enne des droits de l'homme , Grosaru c. Roumanie, dans lequel elle constate que le bureau Ă©lectoral central et la commission de validation de la Chambre des dĂ©putĂ©s, qui ont rejetĂ© la contestation du requĂ©rant, sont composĂ©s d'un grand nombre de partis politiques. À son estime, le requĂ©rant avait des raisons lĂ©gitimes de penser que ces derniers pouvaient avoir des intĂ©rĂȘts aux siens. Elle en dĂ©duit que ces organes ne paraissent donc pas fournir de gages suffisants d'impartialitĂ©. Elle note, en outre, qu'aucun tribunal national ne s'est prononcĂ© sur l'interprĂ©tation de la disposition lĂ©gale litigieuse, ce qui eut pourtant Ă©tĂ© important, tel que cela ressort non seulement de sa jurisprudence, mais aussi des travaux de la Commission de Venise et d'une analyse de droit comparĂ©. Autrement dit, la Cour europĂ©enne estime que LE CONTRÔLE DES ÉLECTIONS DOIT ÊTRE RÉSERVÉE À UN ORGANE JURIDICTIONNEL INDÉPENDANT ET IMPARTIAL ET NE PEUT ÊTRE LAISSÉ À LA DISCRÉTION DES ÉLUS DE LA NATION. La Cour europĂ©enne des droits de l'homme, dans l'arrĂȘt Grosaru, a Ă©voquĂ© incidemment la situation de la Belgique. Elle relĂšve que "trois pays (Belgique, Italie, Luxembourg) prĂ©sentent les particularitĂ©s de ne pas prĂ©voir d'autre recours postĂ©lectoral que la validation par le Parlement, les dĂ©cisions des bureaux Ă©lectoraux Ă©tant considĂ©rĂ©es comme dĂ©finitives. Cela Ă©tant, ces trois pays jouissent d'une longue tradition dĂ©mocratique qui tend Ă  dissiper les doutes Ă©ventuels quant Ă  la lĂ©gitimitĂ© d'une telle pratique. La Commission de Venise se montre toutefois rĂ©servĂ©e de maniĂšre gĂ©nĂ©rale quant Ă  l'effectivitĂ© de ce type de recours, l'impartialitĂ© de tels organes paraissant sujette Ă  caution". La Commission de Venise, quant Ă  elle, estime qu'il "est nĂ©anmoins sortable, Ă  titre de prĂ©caution, de mettre en place une forme de contrĂŽle juridictionnel. DĂšs lors, le premier degrĂ© de recours sera la commission Ă©lectorale supĂ©rieure, et le deuxiĂšme le tribunal compĂ©tent" et que le "recours devant le Parlement, comme juge de sa propre Ă©lection, est parfois prĂ©vu, mais risque d'entraĂźner des dĂ©cisions politiques. Il est admissible en premiĂšre instance lĂ  oĂč il est connu de longue date, mais un recours judiciaire doit alors ĂȘtre possible". Le constituant belge ne pourra donc pas faire l'Ă©conomie d'une rĂ©forme relative au contrĂŽle de la validitĂ© des Ă©lections. Il faudra trouver la juridiction capable d'opĂ©rer le contrĂŽle exigĂ© dans l'arrĂȘt Grosaru. La sixiĂšme rĂ©forme de l'Etat Ă©tait Ă©videmment le moment idĂ©al pour envisager cette rĂ©forme ou, Ă  tout le moins, pour crĂ©er les conditions de sa rĂ©alisation ultĂ©rieure. Il en va d'autant plus ainsi que l'article 142 de la Constitution a Ă©tĂ© modifiĂ© pour confier Ă  la Cour constitutionnelle le soin de connaĂźtre de recours dans le domaine des dĂ©penses Ă©lectorales. Pour ce faire, le constituant s'est rĂ©fĂ©rĂ© au modĂšle allemand : "le choix de la Cour constitutionnelle comme instance de recours s'inspires de la solution retenue dans d'autres pays voisins. Ainsi, en Allemagne, la Loi fondamentale rĂ©serve au Bundestag le soin de contrĂŽler les Ă©lections tout en ouvrant un recours devant la Cour constitutionnelle fĂ©dĂ©rale contre les dĂ©cisions de ce dernier". Il est donc peu cohĂ©rent de ne pas avoir prolongĂ© cette rĂ©forme et de ne pas avoir investi la Cour constitutionnelle du pouvoir de connaĂźtre de tous les recours formĂ©s contre les dĂ©cisions de la Chambre, voire de l'ensemble des assemblĂ©es parlementaires relatives Ă  la vĂ©rification des pouvoirs de leurs membres. En effet, en Allemagne, la Cour constitutionnelle fĂ©dĂ©rale connaĂźt des recours formĂ©s contre les dĂ©cisions du Bundestag en matiĂšre de contrĂŽle des Ă©lections. L'application de cette jurisprudence europĂ©enne Ă  la Belgique sera assurĂ©ment au coeur des dĂ©bats dans les annĂ©es qui viennent. (p.401 + 404 - leçon 13)

(20) CE 175.208, du 02 octobre 2007 - Bosseaux, motivation formelle

Les moyens qui ont trait Ă  LA LEGALITE INTERNE renvoient au contrĂŽle de la LEGALITE DES MOTIFS de l'acte administratif. Un acte est entachĂ© d'une illĂ©galitĂ© interne lorsque l'administration, intervenant dans une matiĂšre dans laquelle elle est a priori compĂ©tente et dans le respect des formes qui rĂ©gissent son action, viole une norme de droit supĂ©rieure ou fait une fausse application de celle-ci. Par norme de droit supĂ©rieure, il faut entendre les traitĂ©s internationaux directement applicables en droit belge, la Constitution, les lois, les dĂ©crets et les ordonnances, ainsi que les normes rĂ©glementaires prises par le pouvoir exĂ©cutif au sens large. Le contrĂŽle exercĂ© par le Conseil d'État sur ce point porte sur les motifs de droit et les motifs de fait qui ont servi de fondement Ă  l'acte attaquĂ©. En d'autres termes, une erreur dans l'apprĂ©ciation matĂ©rielle des faits Ă  la base d'un acte administratif peut fonder son annulation. Le Conseil d'État accepte aujourd'hui d'exercer un CONTRÔLE MARGINAL DE L'OPPORTUNITÉ DES ACTES ADMINISTRATIFS (voie que condamne en principe la rĂšgle de la sĂ©paration des pouvoirs) EN SANCTIONNANT LES ERREURS MANIFESTES D'APPRÉCIATION COMMISES PAR L'ADMINISTRATION. Cependant, depuis l'adoption de la loi du 29 juillet 1991 relative Ă  la motivation formelle des actes administratifs, sous le couvert d'un examen tatillon de la forme de la motivation, le Conseil d'État effectue un contrĂŽle invasif de l'action de l'administration qui aboutit Ă  la sanctionner bien au-delĂ  de l'erreur manifeste d'apprĂ©ciation. À titre d'exemple, un conducteur de train, par ailleurs dĂ©lĂ©guĂ© syndical, Ă©crit Ă  ses supĂ©rieurs un courrier contenant les propos suivants : "concerne l'absence du 16 novembre 2000 de 22h00 Ă  0h30, il s'agit d'une vengeance du convoyeur Daniel (...) ; ce type passe ses nuits Ă  regarder des films Ă©rotiques sur canal+ puis disparaĂźt 15 minutes dans les WC provoquant des sorties tardives, il se permet de sonner au rĂ©partiteur de Namur pour faire garer des trains de maniĂšre Ă  Ă©viter les rentrĂ©es avant l'heure prĂ©vue se vengeant du mĂ©pris de certains conducteurs". L'auteur de ces propos est sanctionnĂ© disciplinairement pour avoir tenu des propos diffamatoires transmis par lettre. La lettre est connue de l'agent. Il en est l'auteur. Elle figure au dossier administratif. Tout d'abord, le Conseil d'État affirme que l'autoritĂ© n'a pas commis une erreur manifeste en qualifiant les propos de l'agent de diffamants. Il annule, cependant, la sanction pour violation de la loi du 29 juillet 1991 relative Ă  la motivation formelle des actes administratifs. Il indique que "mĂȘme si le requĂ©rant pouvait se faire une idĂ©e plus prĂ©cise des faits viser par le grief de 'propos diffamants' l'autoritĂ© devait prĂ©ciser dans le texte mĂȘme de la dĂ©cision attaquĂ©e ce qu'elle entendait par lĂ ". Que dĂ©duire de cet arrĂȘt ? Le Conseil d'État constate que l'autoritĂ© n'a pas commis d'erreur manifeste d'apprĂ©ciation et, ce faisant, il dĂ©montre qu'il a parfaitement compris pourquoi l'agent a Ă©tĂ© sanctionnĂ©. S'il a compris, il devait en aller de mĂȘme pour l'agent. L'annulation ne s'explique que parce que, dans sa motivation formelle, l'autoritĂ© n'a pas ajoutĂ© une ligne expliquant ce qui ressort de l'Ă©vidence, Ă  savoir qu'il est diffamant d'affirmer sans preuve qu'un collĂšgue visionne des films Ă©rotiques pendant ses heures de service. (p.651 - leçon 20)

(1) CE 80.787, du 09 juin 1999 - Bastien, tribunes Ă©lectorales + CE 171.094, du 11 mai 2007 - Robert, tribunes Ă©lectorales

Lors de la campagne Ă©lectorale prĂ©cĂ©dant les Ă©lections du 13 dĂ©cembre 1999, la haute juridiction administrative, dans un arrĂȘt Bastien, donne raison Ă  la RTBF qui a refusĂ© d'offrir une tribune Ă©lectorale Ă  un parti d'extrĂȘme droite, le Front nouveau de Belgique. Le Conseil d'Etat prĂ©cise qu'une institution de service public peut REFUSER DE DIFFUSER UNE TRIBUNE ELECTORALE d'une FORMATION QUI NE RESPECTERAIT PAS LES PRINCIPES ET LES REGLES DE LA DEMOCRATIE, et cela, mĂȘme lorsqu'elle ne comporte que des propos anodins. Il fonde notamment sa dĂ©cision sur l'article 3 de la loi du 16 juillet 1972 garantissant la protection des tendances idĂ©ologiques et philosophiques (dite loi sur le Pacte culturel) qui oppose Ă  un organisme comme la RTBF "d'associer Ă  la politique culturelle toutes les tendances idĂ©ologiques" pour autant qu'elles "acceptent les principes et les rĂšgles de la dĂ©mocratie et s'y conforment". De mĂȘme, en 2007, dans un arrĂȘt Robert relatif au Front nouveau de Belgique, le Conseil d'Etat considĂšre qu'en dĂ©cidant de ne pas diffuser les tribunes ou dĂ©bats Ă©lectoraux d'une liste ou d'un candidat Ă©manant d'un parti, d'une formation, d'une association, d'un mouvement ou d'une tendance ne respectant pas les principes dĂ©mocratiques, le dispositif Ă©lectoral de la RTBF ne viole ni l'article 10 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertĂ©s fondamentales, ni l'article 19 de la Constitution, lesquels consacrent la libertĂ© d'expression et d'association. Le Conseil d'Etat va plus loin encore en affirmant que mĂȘme si la RTBF Ă©tait tenue, en vert d'un dĂ©cision judiciaire, de diffuser une tribune Ă©lectorale d'un tel parti, elle pourrait nĂ©anmoins REFUSER DE DIFFUSER LES TRIBUNES DONT LE CONTENU SERAIT CONTRAIRE AUX PRINCIPES DE LA DEMOCRATIE. Force est d'ailleurs de relever qu'en vertu de l'article 7 §1 du dĂ©cret du 14 juillet 1997, la RTBF "ne peut produire ou diffuser des Ă©missions contraires aux lois ou Ă  l'intĂ©rĂȘt gĂ©nĂ©ral, portant atteinte au respect de la dignitĂ© humaine, et notamment contenant des incitations Ă  la discrimination, Ă  la haine ou Ă  la violence, en particulier pour des raisons de race, de sexe ou de nationalitĂ© ou tendant Ă  la nĂ©gation, la minimisation, la justification, l'approbation du gĂ©nocide commis par le rĂ©gime national-socialiste allemand pendant la Seconde Guerre mondiale ou tout autre forme de gĂ©nocide". En vue d'appliquer notamment les dispositions Ă©voquĂ©es ci-dessus, ajoute le Conseil d'Etat, la RTBF est fondĂ©e Ă  exiger que le parti souhaitant accĂ©der Ă  La Tribune Ă©lectorale lui fournisse notamment son programme complet, ainsi que la liste de ses candidats et de ses dirigeants nationaux et rĂ©gionaux. (p.39 - leçon 1)

(30) Conflits d'intĂ©rĂȘts, normes de bruit, sanctions applicables aux compagnies aĂ©riennes

Lorsque la procĂ©dure trouve Ă  s'appliquer Ă  des CONFLITS ENTRE AUTORITES GOUVERNEMENTALES, le comitĂ© de concertation est saisi directement par l'organe exĂ©cutif ou l'un de ses membres qui s'estime lĂ©sĂ© par une dĂ©cision ou une absence de dĂ©cision d'un autre organe exĂ©cutif. Le comitĂ© de concertation est ici aussi appelĂ© Ă  prendre une dĂ©cision dans le respect de la procĂ©dure du consensus et, Ă  dĂ©faut, l'autoritĂ© exĂ©cutive retrouve sa pleine libertĂ© pour agir ou ne pas agir. Cette procĂ©dure ne peut ĂȘtre appliquĂ©e qu'une seule fois Ă  propos d'une mĂȘme dĂ©cision ou d'une mĂȘme absence de dĂ©cision. Le 6 fĂ©vrier 2014, peu avant la dissolution des chambres prĂ©alables aux Ă©lections du 25 mai 2014, le secrĂ©taire d'État fĂ©dĂ©ral Ă  la MobilitĂ©, Melchior Wathelet Jr, exĂ©cute un accord passĂ© antĂ©rieurement au sein du gouvernement fĂ©dĂ©ral sur le survol de Bruxelles par les avions qui utilisent l'aĂ©roport de Bruxelles-National. Il lui est reprochĂ© de ne pas avoir respectĂ© un certain nombre de mesures d'accompagnement imposĂ©es par cet accord et d'avoir ainsi avalisĂ© le survol de zones densĂ©ment peuplĂ©es. ConfrontĂ©, pendant la campagne Ă©lectorale, Ă  la colĂšre des habitants de plusieurs communes bruxelloises, il envisage de revoir le plan de survol, avec pour consĂ©quence de dĂ©placer une partie des nuisances au-dessus du Brabant flamand. Avant mĂȘme que cette question ne soit Ă©voquĂ©e au sein du gouvernement fĂ©dĂ©ral, manifestement divisĂ© sur la question, le gouvernement flamand engage, la procĂ©dure en conflits d'intĂ©rĂȘts. La solution envisagĂ©e par le secrĂ©taire d'État ne peut donc pas fait l'objet d'une dĂ©cision gouvernementale pendant au moins soixante jours et le dĂ©bat est reportĂ© au-delĂ  de l'Ă©chĂ©ance Ă©lectorale. A l'issue du dĂ©lai de 60 jours, il est apparu que le comitĂ© de concertation ne s'Ă©tait pas rĂ©uni et qu'aucune solution n'avait donc pu ĂȘtre dĂ©gagĂ©e en son sein. Le gouvernement fĂ©dĂ©ral retrouvait ainsi sa capacitĂ© de prendre une dĂ©cision. Cependant, les ministres fĂ©dĂ©raux francophones et nĂ©erlandophones se sont avĂ©rĂ©s incapables de s'accorder sur la solution sur la solution envisagĂ©e par le secrĂ©taire d'État de telle maniĂšre que le plan de survol du 06 fĂ©vrier 2014 est demeurĂ© d'application. Cet Ă©pisode a permis de mettre en lumiĂšre que mĂȘme si un gouvernement (qu'il s'agisse d'un gouvernement fĂ©dĂ©ral ou de celui d'une entitĂ© fĂ©dĂ©rĂ©e) est dĂ©missionnaire, la mise en Ɠuvre de la procĂ©dure en conflit d'intĂ©rĂȘts n'a d'effets paralysants que pendant 60 jours. La situation est diffĂ©rente lorsque la procĂ©dure de la sonnette d'alarme est mise en Ɠuvre. En effet, dans ce cas, le processus d'adoption de la norme lĂ©gislative est suspendu tant que le conseil des ministres n'a pas Ă©mis d'avis. Or, Ă©tant dĂ©missionnaire, celui-ci est incapable de le faire. MĂ©rite Ă©galement l'attention le conflit d'intĂ©rĂȘts concernant la dĂ©cision du gouvernement de la RĂ©gion de Bruxelles-Capitale d'appliquer effectivement les sanctions applicables aux compagnies aĂ©riennes qui mĂ©connaissent les normes de bruit rĂ©gionales. Une premiĂšre procĂ©dure en conflit d'intĂ©rĂȘts avait Ă©tĂ© mise en Ɠuvre, en dĂ©cembre 2016, par le Gouvernement flamand, agissant dans l'exercice de ses compĂ©tences rĂ©gionales. ConfrontĂ© Ă  la dĂ©termination du Gouvernement de la RĂ©gion de Bruxelles-Capitale d'infliger des amendes Ă  la suite du survol du territoire rĂ©gional par des avions utilisant l'aĂ©roport de Bruxelles-National, le Gouvernement flamand, agissant cette fois dans l'exercice de ses compĂ©tences communautaires, a engagĂ©, en fĂ©vrier 2017, une seconde procĂ©dure en conflit d'intĂ©rĂȘts. Compte tenu de la sĂ©paration institutionnelle existant entre les sphĂšres de compĂ©tences rĂ©gionale et communautaire, cette initiative n'Ă©tait pas, sous cet angle, critiquable. Par contre, l'article 32, §1er, de la loi ordinaire du 09 aoĂ»t 1980 est clair : "cette procĂ©dure ne peut ĂȘtre appliquĂ©e qu'une seule fois Ă  l'Ă©gard d'une mĂȘme dĂ©cision ou d'un mĂȘme projet de dĂ©cision", et cela sans qu'il soit fait rĂ©fĂ©rence Ă  l'organe gouvernemental qui met la procĂ©dure en Ɠuvre. On notera la diffĂ©rence entre les procĂ©dures relatives aux conflits d'intĂ©rĂȘts entre assemblĂ©es et entre organes gouvernementaux. Dans le premier cas, la procĂ©dure ne peut ĂȘtre engagĂ©e qu'une seule dois par chaque assemblĂ©e alors que, dans le second cas, elle ne peut l'ĂȘtre QU'UNE SEULE FOIS, peu importe l'organe gouvernemental qui la met en Ɠuvre. Il en rĂ©sulte que la deuxiĂšme procĂ©dure en conflit d'intĂ©rĂȘts mise en Ɠuvre par le Gouvernement flamand Ă©tait irrecevable. (p.965 - leçon 30)

(17) CE 211.502, du 24 février 2011 - ASBL Théùtre Jacques Gueux, titulaires du pouvoir réglementaire

On a pu s'interroger sur la constitutionnalitĂ© des arrĂȘtĂ©s et rĂšglements pris par des ministres ou des secrĂ©taires d'Etat fĂ©dĂ©raux. En effet, ces actes rĂ©vĂšlent l'existence d'une dĂ©lĂ©gation dans l'exercice du pouvoir rĂ©glementaire, laquelle n'est pas consacrĂ©e par la Constitution. Cette controverse appartient au passĂ©, personne ne condamnant plus le principe de la dĂ©lĂ©gation de pouvoirs du Roi Ă  ses ministres. La section de lĂ©gislation du Conseil d'Etat indique, Ă  ce propos que "si la Constitution, notamment par ses articles 37, 105 et 108 ne reconnaĂźt expressĂ©ment un pouvoir rĂ©glementaire qu'au Roi, une dĂ©lĂ©gation de ce pouvoir Ă  un ministre est admissible, en raison notamment de la responsabilitĂ© politique assumĂ©e par celui-ci devant la Chambre des reprĂ©sentants". Encore faut-il qu'elle "NE PORTE PAS SUR L'ESSENCE MÊME DU POUVOIR ATTRIBUE OU RECONNU AU ROI ET QU'ELLE NE CONCERNE QUE DES ASPECTS ACCESSOIRES OU SECONDAIRES OU ENCORE DES MESURES D'EXECUTION DE PRINCIPES FIXES PAR LE ROI". Cette habilitation doit, de surcroĂźt, ĂȘtre expresse. Par contre, UN POUVOIR RÉGLEMENTAIRE NE PEUT, EN PRINCIPE, ÊTRE CONFIÉ À UN AGENT DE L'ADMINISTRATION, lequel, par dĂ©finition, n'engage pas sa responsabilitĂ© devant le Parlement. Tout au plus peut-on concevoir qu'il se voit reconnaĂźtre le pouvoir de prendre des dĂ©cisions individuelles pour autant que le ministre dont il est le subordonnĂ© conserve le pouvoir de les rĂ©former. Dans le mĂȘme ordre d'idĂ©e, aucune dĂ©lĂ©gation ne peut ĂȘtre accordĂ©e Ă  un membre d'un cabinet ministĂ©riel. Il a Ă©tĂ© jugĂ© que "la dĂ©cision attaquĂ©e de la ministre de la culture de la CommunautĂ© française de ne pas accorder une convention au thĂ©Ăątre requĂ©rant, signĂ©e par le directeur de cabinet de la ministre de la culture et de l'audiovisuel, a Ă©tĂ© prise par une autoritĂ© incompĂ©tente". En effet, "les membres des cabinets ministĂ©riels sont des collaborateurs personnels des ministres qui n'ont pas la qualitĂ© pour se substituer Ă  eux aux fins de prendre des dĂ©cisions relevant de la compĂ©tence du ministre" et ils "ne peuvent pas d'avantage se substituer Ă  l'administration, en telle sorte qu'une dĂ©lĂ©gation de compĂ©tence ne peut valablement leur ĂȘtre consentie". Il en va a fortiori de mĂȘme d'un pouvoir rĂ©glementaire qui serait dĂ©lĂ©guĂ© Ă  une autoritĂ© Ă©trangĂšre au pouvoir exĂ©cutif fĂ©dĂ©ral, rĂ©gional ou communautaire. Le juge judiciaire ou administratif dispose d'un large pouvoir d'apprĂ©ciation pour dĂ©terminer, dans chaque cas, si la dĂ©lĂ©gation porte sur l'essence du pouvoir rĂ©glementaire ou sur des questions d'importance secondaire. De plus, le principe de la dĂ©lĂ©gation ne peut avoir pour effet de remettre en cause le principe de la solidaritĂ© gouvernementale. En cas de diffĂ©rend avec l'un de ses collĂšgues, un ministre ne peut se prĂ©valoir d'une dĂ©lĂ©gation pour imposer ses vues. S'il y a dissension, on en revient Ă  la procĂ©dure normale de consensus, et ce, par la mise en oeuvre d'un processus d'Ă©vocation. (p.522 - leçon 17)

(7) ProblĂ©matique de l'arrĂȘt Inusop sur l'exercice des fonctions parlementaires

A la suite de l'arrĂȘt de la Cour de cassation du 05 avril 1996, dans l'affaire Inusop, la question s'est posĂ©e de savoir si LA PERTE D'UNE CONDITION D'ELIGIBILITE EN COURS DE MANDAT A POUR EFFET DE RENDRE IMPOSSIBLE LA POURSUITE DE CELUI-CI. La question concerne non seulement Guy CoĂ«me, qui est Ă  la fois membre de la Chambre des reprĂ©sentants et bourgmestre de la commune de Waremme, mais Ă©galement Merry Hermanus, qui est membre du Parlement de la RĂ©gion de Bruxelles-Capitale. Tous les deux ont Ă©tĂ© condamnĂ©s et dĂ©chus de leurs droits civils et politiques. Pouvaient-ils conserver leur mandat jusqu'Ă  son expiration ou perdaient-ils immĂ©diatement le droit de l'exercer ? La rĂ©ponse Ă  cette question doit ĂȘtre nuancĂ©e. En effet, la solution qui doit ĂȘtre retenue varie selon l'assemblĂ©e en cause. En ce qui concernent le Parlement de la RĂ©gion de Bruxelles-Capitale et le Parlement de la CommunautĂ© germanophone, les dispositions lĂ©gales sont explicites. Un membre de l'assemblĂ©e doit POUR ENTRER EN FONCTION ET POUR EXERCER CELLE-CI rĂ©unir les conditions d'Ă©ligibilitĂ©. Le droit communal retient la mĂȘme solution. La situation est quelque peu diffĂ©rente en ce qui concerne les chambres fĂ©dĂ©rales ou les autres assemblĂ©es rĂ©gionales et communautaires. En effet, les articles 64 et 69 de la Constitution en 24bis de la loi spĂ©ciale du 08 aoĂ»t 1980 de rĂ©formes institutionnelles prĂ©voient qu'il faut jour de ses droits civils et politiques pour ÊTRE ELU dans l'une des assemblĂ©es considĂ©rĂ©es. S'agissant en l'espĂšce d'un DROIT POLITIQUE (celui d'exercer une fonction Ă©lective), toute restriction Ă  ce droit doit rĂ©sulter d'un texte exprĂšs et clair et en cas de doute dans l'interprĂ©tation de ces dispositions, il faut opter pour la conception qui prĂ©serve l'exercice du droit plutĂŽt que pour celle qui aboutit Ă  le restreindre. DĂšs lors, Ă  dĂ©faut d'un texte exprĂšs, Guy CoĂ«me aurait pu, Ă  notre sens, exercer son mandat jusqu'Ă  son terme, Ă©tant entendu qu'il ne pouvait plus par la suite, et pendant le temps de l'interdiction, se prĂ©senter Ă  de nouvelles Ă©lections. En pratique, la pression politique exercĂ©e sur l'intĂ©ressĂ© fut telle qu'il dĂ©missionna de son mandat de dĂ©putĂ©. Par contre, la perte de la condition de la nationalitĂ© entraĂźnĂ©e ipso facto la perte du mandat dĂšs lors qu'une disposition expresse (l'article 8 de la Constitution) prĂ©voit que seuls les Belges peuvent exercer des droits politiques. Il serait souhaitable, pour couper court Ă  toute controverse, que les textes envisagĂ©s prĂ©voient expressis verbis que les conditions d'Ă©ligibilitĂ© doivent ĂȘtre rĂ©unies durant tout le mandat. (p.213 - leçon 7)

(7) CC 169/2015, du 26 novembre 2015 - circonscriptions Ă©lectorales

Alors qu'au niveau fĂ©dĂ©ral, il a Ă©tĂ© optĂ© pour des circonscriptions provinciales, il avait Ă©tĂ© dĂ©cidĂ©, en RĂ©gion wallonne, de conserver les anciens arrondissements Ă©lectoraux. Il en rĂ©sulte que le plus petit d'entre eux comptait seulement 2 Ă©lus (NeufchĂąteau-Virton) alors que le plus grand (LiĂšge) en comptait 13. Dans son arrĂȘt n°169/2015 du 26 novembre 2015, la Cour constitutionnelle affirme que cette disparitĂ© viole le principe d'Ă©galitĂ©. Elle note que "des Ă©carts importants entre les seuils Ă©lectoraux naturels Ă  atteindre ne peuvent manquer d'apparaĂźtre lorsque le nombre de siĂšges Ă  pourvoir par circonscription varie de 2 Ă  13". Il est donc bien plus malaisĂ© de se faire Ă©lire dans une circonscription ne comptant qu'un nombre trĂšs rĂ©duit d'Ă©lus. Elle en conclut que, si elle a jugĂ© dans un arrĂȘt prĂ©cĂšdent qu'il "peut ĂȘtre admis qu'une circonscription Ă©lectorale oĂč quatre mandats sont Ă  rĂ©partir est compatible avec le systĂšme de la reprĂ©sentation proportionnelle, tel n'est pas le cas pour les circonscriptions oĂč seuls 2 ou 3 mandats sont Ă  rĂ©partir et oĂč le seuil Ă©lectoral est, pour cette raison, dĂ©raisonnablement Ă©levĂ©". En consĂ©quence, le lĂ©gislateur wallon est tenu de revoir sa carte Ă©lectorale afin d'Ă©viter qu'il n'existe aucune circonscription dont le nombre d'Ă©lus est infĂ©rieur Ă  4. La Cour ne semble pas avoir Ă©gard, afin de dĂ©terminer si le principe d'Ă©galitĂ© est respectĂ©, au diffĂ©rentiel entre la plus grande et la plus petite circonscription. Elle se contente d'affirmer que ce principe exige qu'il ne peut exister de circonscription dans laquelle il serait procĂ©dĂ© Ă  l'Ă©lection de moins de 4 parlementaires. (p.222 - leçon 7)

(5) Cour SuprĂȘme des Etats-Unis - Marbury c. Madison

Aux Etats-Unis, au Canada et en Australie, toutes les juridictions sont habilitĂ©es Ă  contrĂŽler, par voie d'exception, la constitutionnalitĂ© des lois. Ce principe a Ă©tĂ© fixĂ© aux Etats-Unis Ă  l'occasion de l'arrĂȘt Marbury vs Madison (1803). Le 2Ăšme PrĂ©sident des Etats-Unis, John Adams avait procĂ©dĂ© dans les heures qui prĂ©cĂ©daient son remplacement par Thomas Jefferson Ă  diverses nominations. Il avait notamment nommĂ© Willian Marbury en qualitĂ© de juge de paix. Il appartenait au secrĂ©taire d'Etat de notifier cette dĂ©cision au bĂ©nĂ©ficiaire de la nomination. Compte tenu du manque de temps dont il disposait, le secrĂ©taire d'Etat de John Adams, John Marshall, n'eut pas matĂ©riellement la possibilitĂ© de notifier sa nomination Ă  William Marbury. Le nouveau secrĂ©taire d'Etat, James Madison, dĂ©cida de ne pas notifier cette dĂ©cision Ă  l'intĂ©ressĂ©. William Marbury saisit la Cour SuprĂȘme, prĂ©sidĂ©e dĂ©sormais par John Marshall, afin qu'il soit donnĂ© injonction Ă  James Madison de notifier la dĂ©cision en cause. Son action Ă©tait fondĂ©e sur le Judiciary Act qui fondait la compĂ©tence de la Cour SuprĂȘme de connaĂźtre, en premier et dernier ressort, d'un tel recours. La Cour SuprĂȘme, cependant, Ă©carta l'application du Judiciary Act au motif qu'il entrait en contradiction avec une disposition constitutionnelle qui, pour des nominations Ă  ce niveau de pouvoir, confĂ©rait Ă  la Cour SuprĂȘme un pouvoir d'appel contre la dĂ©cision prise par une juridiction de premier degrĂ©, mais qui ne lui accordait pas le droit de connaĂźtre directement du litige. Le PrĂ©sident de la Cour SuprĂȘme, le juge John Marshall, souligne avec force que "l'on ne peut prĂ©sumer qu'il se trouve dans la Constitution des causes qui soient sans effet". Il pose deux principes fondamentaux. Tout d'abord, la supĂ©rioritĂ© de la Constitution sur la loi n'est pas qu'une considĂ©ration thĂ©orique, mais doit ĂȘtre mise en pratique, avec pour consĂ©quence la nullitĂ© des actes qui lui sont claires. Ensuite, il appartient au pouvoir judiciaire d'interprĂ©ter la Constitution, et donc d'apprĂ©cier la conformitĂ© des lois. Il est donc clairement affirmĂ© que le contrĂŽle de constitutionnalitĂ© (le judicial review) est une consĂ©quence du pouvoir de juger. Le juge (qu'il s'agisse de la Cour SuprĂȘme ou des juridictions des diffĂ©rents Etats) n'a pas simplement le pouvoir de contrĂŽler la constitutionnalitĂ© des lois, il en a le devoir. A cette fin, il doit assurer le respect de la hiĂ©rarchie des normes qu'elles soient fĂ©dĂ©rales ou Ă©tatiques. Ce contrĂŽle s'opĂšre par voie d'exception. Il peut cependant avoir les mĂȘmes effets qu'un contrĂŽle par voie d'action puisque la rĂšgle du prĂ©cĂ©dent (le stare decisis) veut que les tribunaux se conforment aux solutions prĂ©cĂ©demment dĂ©gagĂ©es par des juridictions supĂ©rieures. Il suffit donc que la Cour SuprĂȘme dĂ©clare une loi inconstitutionnelle pour qu'aucune juridique ne puisse plus en faire application. La Cour SuprĂȘme, cependant, ne s'estime pas liĂ©e par ses propres prĂ©cĂ©dents. (p.166 - leçon 5)

(13) Chambre des mises en accusation de Bruxelles, du 10 décembre 1987 - de Bonvoisin

Ces principes (sĂ©paration des pouvoirs) trouvent Ă  s'appliquer lorsque le pouvoir judiciaire entend contraindre des membres d'une commission parlementaire d'enquĂȘte Ă  s'expliquer sur des faits dont ils ont eu connaissance dans l'exercice de leur mission. Dans un arrĂȘt du 10 dĂ©cembre 1987, la chambre des mises en accusation de la Cour d'appel de Bruxelles invite un juge d'instruction Ă  procĂ©der Ă  de nouvelles investigations dans le cadre d'une plainte dĂ©posĂ©e par le baron de Bonvoisin contre deux agents de la sĂ»retĂ© de l'État Ă  la suite de dĂ©clarations qu'ils ont faites devant une commission parlementaire d'enquĂȘte. Le juge d'instruction est notamment chargĂ© d'enregistrer les tĂ©moignages effectuĂ©s par les intĂ©ressĂ©s devant la commission sĂ©natoriale d'enquĂȘte, dite commission Wijninckx est de faire transcrire ces tĂ©moignages sur procĂšs-verbal. Il est Ă©galement invitĂ© Ă  interroger l'ex-prĂ©sident Wijninckx et l'ex-vice prĂ©sident Moureaux de la commission d'enquĂȘte du SĂ©nat des Ă©lĂ©ments de faits relatifs Ă  cette affaire. Si cette dĂ©cision est analysĂ©e au regard de l'article 10 de la loi du 03 mai 1880, la commission d'enquĂȘte se devait d'informer le parquet des infractions dont elle aurait eu connaissance dans l'exercice de ses fonctions. Comme elle est abstenue de prendre cette initiative, elle est prĂ©sumĂ©e n'avoir pas dĂ©couvert d'infractions au cours de ses travaux. Cette prĂ©somption revĂȘt d'ailleurs un caractĂšre irrĂ©fragable dans la mesure oĂč la commission a cessĂ© d'exister. Le systĂšme mis en oeuvre par l'article 10 de la loi du 03 mai 1880 suppose donc que la dĂ©marche initiale (la transmission d'un procĂšs-verbal constatant une infraction) soit prise par la commission parlementaire d'enquĂȘte. Il est remarquable que le lĂ©gislateur impose la transmission du seul procĂšs-verbal. La commission peut Ă©galement communiquer les piĂšces sur lesquelles se fonde ce procĂšs-verbal, mais le principe de la sĂ©paration des pouvoirs s'oppose Ă  ce qu'elle y soit contrainte. Elle DÉTERMINE SOUVERAINEMENT CE QU'IL DOIT FAIRE L'OBJET D'UNE TRANSMISSION AU PARQUET. Un juge d'instruction ne peut donc exiger d'une assemblĂ©e qu'elle lui fournisse les enregistrements rĂ©alisĂ©s lors des travaux d'une commission parlementaires d'enquĂȘte. Mutatis mutandis, ces principes s'appliquent Ă©galement aux tĂ©moignages des membres d'une commission parlementaire. Ils ne peuvent ĂȘtre contraints de divulguĂ©s Ă  un juge d'instruction des informations portĂ©es Ă  leur connaissance en raison des fonctions qu'ils ont exercĂ©es en vertu de l'article 56 de la Constitution. En l'espĂšce, le SĂ©nat, d'une part, les sĂ©nateurs Nos Wijninckx et Serge Moureaux, d'autre part, pouvaient dĂ©cider spontanĂ©ment de dĂ©fĂ©rer Ă  l'invitation qui leur Ă©tait faite par le juge d'instruction. S'il existe, en raison de la sĂ©paration des pouvoirs, un droit au silence, celui-ci ne doit pas se muer en une interdiction de parler. Dans les faits, il semble que les intĂ©ressĂ©s se soient refusĂ©s Ă  tĂ©moigner. (p.414 - leçon 13)

(5) CE 215.144, du 14 septembre 2011 - Wysocki, avis SLCE

Dans l'affaire Wysocki, la requĂ©rante poursuit l'annulation de la dĂ©cision d'un jury de lui refuser un brevet d'inspecteur dans l'enseignement secondaire. Le Conseil d'Etat constate que ce jury a Ă©tĂ© constituĂ© en exĂ©cution d'un arrĂȘtĂ© du gouvernement de la CommunautĂ© française. Au moment de son adoption, le gouvernement, invoquant l'urgence, avait demandĂ© que l'avis de la section de lĂ©gislation du Conseil d'Etat soit rendu dans un dĂ©lai rĂ©duit. Le Conseil d'Etat constate que cette urgence est dĂ©mentie lorsque "trois mois et demi sĂ©parent l'adoption d'un arrĂȘtĂ© du moment oĂč il a Ă©tĂ© publiĂ© au Moniteur belge, que la demande visant Ă  faire traduire en nĂ©erlandais ce rĂšglement n'a pas Ă©tĂ© adressĂ© au service compĂ©tent immĂ©diatement, mais seulement un mois et demi plus tard, Ă  un moment oĂč les vacances d'Ă©tĂ© risquaient de ralentir la rĂ©alisation de ce travail de traduction, et que, par la suite, un mois et 5 jours ont encore Ă©tĂ© nĂ©cessaires afin de traduire un texte qui occupe Ă  peine plus de 2 pages dans le Moniteur belge". En consĂ©quence, il estime que le jury a Ă©tĂ© constituĂ© en exĂ©cution d'un acte rĂ©glementaire irrĂ©gulier et qu'il Ă©tait donc incompĂ©tente pour prendre des dĂ©cisions. (p.157 - leçon 5)

(17) CC 65/93, du 15 juillet 1993 - pacte culturel

Dans le cadre de leurs compĂ©tences d'exĂ©cution par voie d'actes Ă  portĂ©e individuelle, une compĂ©tence des exĂ©cutifs retient particuliĂšrement l'attention. Il s'agit DU POUVOIR DE NOMINATION AUX EMPLOIS DANS LES ADMINISTRATIONS PUBLIQUES. Les nominations aux fonctions supĂ©rieures de l'administration ont longtemps fait l'objet d'un partage entre les partis de la coalition gouvernementale. Cette politisation de la fonction publique est contraire aux principes fondamentaux inscrits dans notre charte fondamentale, et particuliĂšrement aux principes de l'Ă©gale admission aux emplois publics, consacrĂ© par l'article 10 de la Constitution. La Cour constitutionnelle l'a rappelĂ© fermement Ă  propos de l'article 20 de la loi du 16 juillet 1973 garantissant la protection des tendances idĂ©ologiques et philosophiques, dite loi du Pacte culturel. Cette disposition a pour but garantir le pluralisme dans les institutions publiques qui relĂšvent du secteur culturel, tel par exemple la RTBF et la VRT. Elle prĂ©voit que, de tels organismes, les emplois doivent ĂȘtre rĂ©partis de maniĂšre Ă©quilibrĂ©e entre toutes les tendances reprĂ©sentatives afin que chacune d'elle bĂ©nĂ©ficie d'une prĂ©sence minimale et qu'aucune d'entre elles ne bĂ©nĂ©fice d'un monopole ou d'une prĂ©dominance injustifiĂ©e. La Cour constitutionnelle a jugĂ© cet article et le systĂšme qu'il organise contraires Ă  l'article 10 de la Constitution, notamment au motif que "s'il est lĂ©gitime de veiller Ă  des Ă©quilibres, LE LÉGISLATEUR MANQUE AU PRINCIPE DE PROPORTIONNALITÉ EN RECOURANT, POUR ATTEINDRE CET OBJECTIF, À UN SYSTÈME QUI EN IMPOSE À L'AUTORITÉ DE DÉROGER AU PRINCIPE D'ÉGALITÉ EN CONSIDÉRATION DES CONVICTIONS PERSONNELLES. Il en est d'autant plus ainsi que le systĂšme impose, sur le plan des principes, un sacrifice certain pour un avantage qui reste conjectural. Ce n'est pas encourager chaque agent Ă  exercer ses fonctions avec impartialitĂ© que de rendre officielle la tendance qu'il est incitĂ© Ă  dĂ©clarer et d'attacher Ă  celle ci des consĂ©quences sur le plan de la carriĂšre". (p.535 - leçon 17)

(28) CC 119/2004, du 30 juin 2004 - égalité des belges et répartition des compétences

Dans plusieurs arrĂȘts, la Cour constitutionnelle affirme que l'autonomie des entitĂ©s fĂ©dĂ©rĂ©es les autorise Ă  adopter des politiques qui leur sont propres et qui, par essence, se distinguent de celles retenues par d'autres lĂ©gislateurs dans le mĂȘme domaine. Ainsi, une agence de voyage flamande poursuit l'annulation d'un dĂ©cret de la Commission communautaire française aux motifs que "les agences de voyage qui, en raison de leurs activitĂ©s, doivent ĂȘtre considĂ©rĂ©es comme appartenant exclusivement Ă  la CommunautĂ© française peuvent dĂ©sormais vendre sur le territoire de la RĂ©gion de Bruxelles-Capitale des voyages dans les foires et salons de tourisme, alors que les agences de voyage qui, en raison de leurs activitĂ©s, doivent ĂȘtre considĂ©rĂ©es comme appartenant exclusivement Ă  la CommunautĂ© flamande et les agences de voyages bicommunautaires n'ont pas cette possibilitĂ©". La Cour rejette ce recours : "une diffĂ©rence de traitement dans des matiĂšres ou les CommunautĂ©s et RĂ©gions disposent de compĂ©tences propres est la consĂ©quence possible de politiques distinctes permises par l'autonomie qui leur est accordĂ©e par la Constitution ou en vertu de celle-ci ; une telle diffĂ©rence ne peut en soi ĂȘtre jugĂ©e contraire aux articles 10 et 11 de la Constitution. Cette autonomie serait dĂ©pourvue de signification si le seul fait qu'il existe des diffĂ©rences de traitement entre les destinataires de rĂšgles s'appliquant Ă  une mĂȘme matiĂšre dans les diverses CommunautĂ©s et RĂ©gions Ă©tait jugĂ© contraire aux articles 10 et 11 de la Constitution". Il s'agit lĂ  de L'AFFIRMATION DU FAIT FÉDÉRAL. Les citoyens belges ne peuvent se plaindre d'une diffĂ©rence de traitement (et partant d'une violation du principe d'Ă©galitĂ© des Belges devant la loi) qui trouveraient sa source exclusive dans le fait que les rĂšgles de droit diffĂšrent dans les ordres juridiques de chacune des entitĂ©s fĂ©dĂ©rĂ©es". (p.912 - leçon 28)

(21) Cass., du 23 avril 1971 - carence rĂšglementaire

Dans sa jurisprudence antĂ©rieure, la Cour de cassation avait dĂ©jĂ  affirmĂ© que l'autoritĂ© engageait sa responsabilitĂ© dans l'exercice actif de son pouvoir rĂ©glementaire. Un arrĂȘt du 23 avril 1971 va plus loin en consacrant sa responsabilitĂ© du fait d'une ABSTENTION DE PRENDRE UN RÈGLEMENT, mĂȘme si aucun dĂ©lai ne lui est imparti par la loi. S'abstenir d'agir pendant un DÉLAI RAISONNABLE peut constituer une CARENCE FAUTIVE de la part de l'autoritĂ© donnant lieu, en application des articles 1382 et 1383 du Code civil, Ă  rĂ©paration du dommage qui en est rĂ©sultĂ©. En l'occurrence, un arrĂȘtĂ© du RĂ©gent du 30 novembre 1950 accorde le bĂ©nĂ©fice du logement gratuit Ă  certains agents de l'État dans les fonctions rĂ©clament la prĂ©sence permanente sur les lieux du travail. Le Roi est chargĂ© de dĂ©terminer pour chaque ministĂšre les fonctions qui permettent de bĂ©nĂ©ficier de ce droit. Or, 8 ans aprĂšs l'entrĂ©e en vigueur de l'arrĂȘtĂ© du RĂ©gent, cette liste n'a toujours pas Ă©tĂ© Ă©tablie. Le demandeur, Monsieur Goffin, percepteur des postes et, Ă  ce titre, tenu d'habiter dans un bĂątiment appartenant Ă  l'État, engage ainsi, avec succĂšs, une action en vue de percevoir des dommages et intĂ©rĂȘts correspondant Ă  la diminution de son traitement opĂ©rĂ©e afin de couvrir les frais de logement qui n'aurait pas dĂ» engager si le Roi ne s'Ă©tait pas rendu coupable de carence rĂ©glementaire. (p.688 - leçon 21)

(10) CEDH - Cordova I & II c. Italie

Dans ses arrĂȘts rendus dans les affaires Cordova I et II contre Italie, la Cour europĂ©enne doit dĂ©terminer si l'immunitĂ© parlementaire couvre des propos tenus dans des courriers et lors de rĂ©unions Ă©lectorales. Dans la premiĂšre affaire, l'ancien PrĂ©sident de la RĂ©publique, Francesco Cossiga, qui, en vertu de la Constitution italienne, est sĂ©nateur Ă  vie, s'en prend Ă  un procureur qui enquĂȘte sur un membre de son entourage. Il lui adresse des courriers blessants, lui annonçant notamment l'envoi d'un petit cheval de bois et d'un tricycle "pour les divertissements auxquels vous avez, je crois, le droit de vous livrer". Les jouets annoncĂ©s, accompagnĂ©s d'un jeu de dĂ©tective dĂ©nommĂ© Super Cluedo, sont envoyĂ©s Ă  leur destinataire avec un petit mot ainsi libellĂ© : "amusez-vous, Cher Procureur, Cordialement". Dans la seconde affaire, un parlementaire tient, lors d'une rĂ©union Ă©lectorale, des propos particuliĂšrement insultants Ă  l'Ă©gard du mĂȘme procureur. Dans les deux cas, la Cour europĂ©enne considĂšre que les opinions exprimĂ©es ne l'ont pas Ă©tĂ© dans le cadre des "fonctions parlementaires stricto sensu" et qu'elles "paraissaient plutĂŽt s'inscrire dans le cadre d'une querelle entre particuliers". En consĂ©quence, elle estime QU'ELLES NE SONT PAS COUVERTES PAS L'IMMUNITE PARLEMENTAIRE et que celui qui estime avoir subi un dommage du fait de leur expression doit pouvoir faire valoir ses droits devant une juridiction. (p.304 - leçon 10)

(13) CE 233.678, du 01 février 2016 - Thibaut et consorts, vérification des pouvoirs

Dans son arrĂȘt 169/2015 du 26 novembre 2015, la Cour constitutionnelle constate qu'il est inconstitutionnel d'organiser, en RĂ©gion wallonne, des Ă©lections dans le cadre de circonscription dans lesquelles il n'y a que 2 ou 3 candidats Ă©lus. En consĂ©quence, le Conseil d'Etat annule l'article 1er de l'arrĂȘtĂ© du Gouvernement wallon du 28/02/2013 portant rĂ©partitions des membres du Parlement wallon entre circonscriptions Ă©lectorales. La Cour constitutionnelle s'est manifestement interrogĂ©e sur les consĂ©quences d'une Ă©ventuelle annulation de cet arrĂȘtĂ© sur la validitĂ© de la composition du Parlement wallon issu des Ă©lections de 2014. Elle indique, en effet, que "la RĂ©gion wallonne demande Ă  la Cour, Ă  titre subsidiaire, de maintenir les effets des dispositions dĂ©clarĂ©es inconstitutionnelles. Le maintien des effets doit ĂȘtre considĂ©rĂ© comme une exception Ă  la nature dĂ©claratoire de l'arrĂȘt rendu au contentieux prĂ©judiciel et n'est ordonnĂ© que lorsque la Cour juge que le constat d'inconstitutionnalitĂ© implique pour l'ordre juridique une perturbation disproportionnĂ©e. En l'espĂšce, l'Ă©ventuelle perturbation serait la consĂ©quence de l'annulation de l'acte attaquĂ© devant le Conseil d'État. Il appartiendra Ă  celui-ci de juger si, le cas Ă©chĂ©ant, l'annulation de l'acte attaquĂ© devant lui entraĂźne une telle perturbation et si ses effets doivent ĂȘtre maintenu". Le Conseil d'État rĂ©pond "qu'en l'espĂšce, il n'est pas nĂ©cessaire de porter atteinte au principe de la lĂ©galitĂ© et de limiter les effets de l'annulation ; qu'en effet, l'annulation rĂ©troactive de l'acte attaquĂ© ne peut aboutir Ă  remettre en cause la composition du Parlement wallon ; que celle-ci a Ă©tĂ© arrĂȘtĂ©e dĂ©finitivement par ce dernier lorsqu'il a validĂ© le rĂ©sultat des Ă©lections rĂ©gionales du 25 mai 2014, par une dĂ©cision de nature juridictionnelle Ă©chappant Ă  la compĂ©tence du Conseil d'État ; qu'il n'y a pas lieu de faire droit Ă  la demande". Autrement dit, la vĂ©rification des pouvoirs a pour effet de valider le mandat des membres du parlement quand bien mĂȘme il apparaĂźt par la suite que les Ă©lections ont Ă©tĂ© organisĂ©es sur des bases inconstitutionnelles. Les plus hautes juridictions belges ont donc affirmĂ© Ă  la fois le caractĂšre juridictionnel de la vĂ©rification des pouvoirs et que les assemblĂ©es sont souveraines Ă  ce propos, non pas en raison de la sĂ©paration des pouvoirs, mais parce que la Constitution n'a organisĂ© aucun recours contre leurs dĂ©cisions. Ceci a d'ailleurs Ă©tĂ© rĂ©affirmĂ© par le Conseil d'État lorsqu'il a Ă©tĂ© saisi en 2010 d'un recours contre l'arrĂȘtĂ© royal convoquant les Ă©lections du 13 juin 2010. (p.402 - leçon 13)

(4) Cass., du 27 mai 1971 - Fromagerie Franco-suisse Le Ski

Dans son arrĂȘt Fromagerie franco-suisse Le Ski du 27 mai 1971, la Cour de cassation affirme que lorsqu'un traitĂ© contient des rĂšgles de droit directement applicables dans l'ordre interne, celles-ci ont une force juridique supĂ©rieure Ă  celle d'une loi. La Cour indique que "mĂȘme lorsque l'assentiment Ă  un traitĂ© exigĂ© par l'article 68, alinĂ©a 2 (ancien), de la Constitution est donnĂ© dans la forme d'une loi, le pouvoir lĂ©gislatif, en accomplissant cet acte, n'exerce pas une fonction normative". Elle ajoute que "le conflit qui existe par une loi postĂ©rieure, n'est pas un conflit entre deux lois" et que "lorsque le conflit existe entre une norme de droit interne et une norme de droit international QUI A DES EFFETS DIRECTS DANS L'ORDRE JURIDIQUE INTERNE, la rĂšgle Ă©tablie par le traitĂ© doit prĂ©valoir (...), la prĂ©Ă©minence de celle-ci rĂ©sulte de la nature mĂȘme du droit international conventionnel". Enfin, il rĂ©sulte, Ă  son estime, "des considĂ©rations qui prĂ©cĂšdent que le juge avait le devoir d'Ă©carter l'application des dispositions de droit interne qui sont contraires Ă  cette disposition du traitĂ©". (p.131 - leçon 4) Les termes de l'arrĂȘt Le Ski ne permettent pas d'Ă©tablir de distinction entre la Constitution et les autres normes de droit interne. La primautĂ© du droit international vise, semble-t-il, l'ensemble des normes internes, sans qu'un traitement diffĂ©renciĂ© soit rĂ©servĂ© Ă  la Constitution. (p.134 - leçon 4)

(28) CC 65, du 30 juin 1988 - en matiĂšre de protection de la jeunesse + CC 66, du 09 novembre 1988 - en matiĂšre de protection de la jeunesse + CC 32/92, du 23 avril 1992 - ARGO

Dans son arrĂȘt n° 65 du 1988, elle constate que l'article 24 du dĂ©cret de la CommunautĂ© flamande 27 juin 1985 qui impose aux juges de la jeunesse de RÉDIGER UN RAPPORT pour toute demande d'agrĂ©ment d'institutions accueillant ou assistant des mineurs TOUCHE À UNE MATIÈRE RELEVANT DU DROIT JUDICIAIRE qui appartient Ă  la compĂ©tence du lĂ©gislateur fĂ©dĂ©ra. De mĂȘme, dans son arrĂȘt n° 66 du 09 novembre 1988, elle estime que la disposition du dĂ©cret de la CommunautĂ© française du 14 mai 1987 qui prĂ©voit la PARTICIPATION DE MAGISTRATS À UNE COMMISSION D'AGRÉMENT des services de protection de la jeunesse TOUCHE Ă©galement À UNE MATIÈRE RELEVANT DU DROIT JUDICIAIRE qui, en vertu de l'article 5, §1, II, 6, ancien de la loi du 08 aoĂ»t ressortit aux compĂ©tences du lĂ©gislateur fĂ©dĂ©ral. Toutefois, dans ces deux cas, la Cour considĂšre que les conditions d'application de l'article 10 sont rĂ©unies. Elle constate, en effet, que la matiĂšre rĂ©servĂ©e au lĂ©gislateur fĂ©dĂ©ral se prĂȘte Ă  un RÈGLEMENT DIFFÉRENTIÉ, que l'incidence de l'intervention des CommunautĂ©s sur cette matiĂšre revĂȘt un CARACTÈRE MARGINAL et, enfin, que les dispositions dĂ©crĂ©tales en cause sont indispensables Ă  la mise en Ɠuvre des compĂ©tences communautaires. De mĂȘme, elle estime, en se fondant sur l'article 10 de la loi spĂ©ciale du 08 aoĂ»t 1980 de rĂ©formes institutionnelles, que LE LÉGISLATEUR FLAMAND PEUT RÉGLER LA MATIÈRE DES MARCHÉS PUBLICS, RÉSERVÉE PAR LA LOI SPÉCIALE À L'AUTORITÉ FÉDÉRALE. En l'espĂšce, une disposition dĂ©crĂ©tale prĂ©voyait que l'A.R.G.O (Conseil autonome de l'enseignement communautaire) et les pouvoirs organisateurs Ă©taient tenus de conclure les marchĂ©s publics de travaux, de fourniture et de services selon les procĂ©dures et les conditions applicables Ă  l'État, mais pouvaient dĂ©roger aux rĂšgles relatives au choix de l'entrepreneur en cas d'adjudication publique ou restreinte si le ministre communautaire compĂ©tent pour l'enseignement ne s'y opposait pas dans les 30 jours de la demande. Il s'agit lĂ , selon la Cour, d'un empiĂštement admissible sur les compĂ©tences fĂ©dĂ©rales. En effet, la mesure est NÉCESSAIRE Ă  l'exercice des compĂ©tences communautaires (sa nĂ©cessitĂ© avait dĂ©jĂ  Ă©tĂ© Ă©tablie au niveau fĂ©dĂ©ral avant la communautarisation de l'enseignement) et revĂȘt un caractĂšre MARGINAL par rapport aux compĂ©tences gĂ©nĂ©rales de l'autoritĂ© gĂ©nĂ©rale en matiĂšre de marchĂ©s publics. Ceci rĂ©sulte notamment du fait qu'un pouvoir de dernier mot est rĂ©servĂ© au ministre. (p.928 - leçon 28)

(26) CC 35/2003, du 25 mars 2003 - élections régionales, accord du Lombard

Dans son arrĂȘt n°35/2003 du 25 mars 2003, la Cour connait, en effet, de plusieurs recours introduits contre les lois du 13 juillet 2001 qui traduisent dans le droit positif les accords du Lombard. Il est piquant de constater que ces recours Ă©taient introduits tout Ă  la fois pour des reprĂ©sentants du Vlaams Blok, de reprĂ©sentants du CD&V et de dĂ©fenseurs des intĂ©rĂȘts des francophones de la pĂ©riphĂ©rie bruxelloise, dont la commune de Wezembeek-Oppem. LES ACCORDS DU LOMBARD ont Ă©galement consacrĂ© une RESTRUCTURATION du PARLEMENT RÉGIONAL. En effet, le nombre de ses membres a Ă©tĂ© portĂ© de 75 Ă  89. Alors qu'auparavant, ceux-ci se rĂ©partissaient entre les groupes linguistiques en fonction des rĂ©sultats Ă©lectoraux, l'article 20, §2 de la loi spĂ©ciale du 12 janvier 1989 consacre dĂ©sormais LE PRINCIPE DE LA REPRÉSENTATION GARANTIE au bĂ©nĂ©fice de la CommunautĂ© flamande de Bruxelles. Il est prĂ©vu en effet, qu'indĂ©pendamment du nombre de voix qui se porte sur les listes francophones, d'une part, et sur les listes flamandes, d'autre part, les francophones bĂ©nĂ©ficient de 72 Ă©lus alors que les flamands en comporteront 17. Il s'agit donc d'un mĂ©canisme de protection de la minoritĂ© flamande de Bruxelles. Celui-ci a suscitĂ© de vives rĂ©actions, notamment de la part de la section de lĂ©gislation du Conseil d'Etat, dĂšs lors qu'il aboutissait Ă  crĂ©er une distorsion entre le nombre de voix nĂ©cessaire pour ĂȘtre Ă©lu en qualitĂ© de parlementaire francophone, d'une part, et en qualitĂ© de parlementaire nĂ©erlandophone d'autre part. Autrement dit, c'est le principe mĂȘme de la reprĂ©sentation proportionnelle qui est ainsi remis en cause. La Cour constitutionnelle, saisie d'un recours Ă  ce propos, Ă©tait ainsi confrontĂ©e Ă  un problĂšme dĂ©licat. En effet, en d'autres occasions, elle n'a pas manquĂ© de sanctionner une norme qui remettait en cause le principe mĂȘme de la reprĂ©sentation proportionnelle. La Cour, non sans subtilitĂ©, Ă©carte l'objection fondĂ©e sur le principe de la reprĂ©sentation proportionnelle. Elle met en Ă©vidence que, Ă  "la diffĂ©rence de ce qui est le cas pour les Ă©lections de la Chambre des reprĂ©sentants et du SĂ©nat (...) et les Ă©lections du Parlement flamand et du Parlement wallon (...), il n'est pas prĂ©cisĂ© pour les Ă©lections du Parlement de la RĂ©gion de Bruxelles-Capitale qu'elles se dĂ©roulent selon le systĂšme de la reprĂ©sentation proportionnelle. Pour pouvoir satisfaire aux exigences de l'article 3 du Premier Protocole additionnelle Ă  la Convention europĂ©enne des droits de l'homme, les Ă©lections peuvent ĂȘtre organisĂ©es aussi bien selon le systĂšme de la reprĂ©sentation proportionnelle que selon le systĂšme majoritaire. De mĂȘme que l'article 3 prĂ©citĂ© n'implique pas que la dĂ©volution des siĂšges soit le reflet exact du nombre des suffrages, rien ne s'oppose en principe Ă  ce qu'une reprĂ©sentation fixe soit prĂ©vue pour une minoritĂ© numĂ©rique". Elle relĂšve, en outre, que "la disposition attaquĂ©e s'inscrit dans le systĂšme institutionnel gĂ©nĂ©ral de l'Etat belge qui vise Ă  rĂ©aliser un Ă©quilibre entre les diverses CommunautĂ©s et RĂ©gions du Royaume. Au sein de ce systĂšme institutionnel gĂ©nĂ©ral, la RĂ©gion de Bruxelles-Capitale est la seule entitĂ© fĂ©dĂ©rĂ©e bilingue, ce qui justifie qu'elle soit dotĂ©e d'organes et de mĂ©canismes institutionnels propres". La Cour constate Ă©galement que l'objectif poursuivi par le lĂ©gislateur est lĂ©gitime. Elle indique, Ă  ce propos que, dans "un tel systĂšme, la rĂšgle attaquĂ©e vise en particulier Ă  apporter une solution au problĂšme de la reprĂ©sentation des nĂ©erlandophones au Parlement de la RĂ©gion de Bruxelles-Capitale, lesquels avaient 'dĂ©montrĂ©, de maniĂšre convaincante, qu'ils Ă©prouvaient de grandes difficultĂ©s Ă  s'acquitter dĂ©mocratiquement de leur travail au parlement bruxellois' (...). Les membres nĂ©erlandophones du Parlement de la RĂ©gion de Bruxelles-Capitale font aussi partie de l'AssemblĂ©e de la Commission communautaire flamande et de l'AssemblĂ©e rĂ©unie de la Commission communautaire commune. En outre, les six premiers membres Ă©lus siĂ©geaient Ă©galement au Parlement flamand. S'il est avĂ©rĂ© qu'une partie des Ă©lus du Parlement de la RĂ©gion de Bruxelles-Capitale ne peuvent, pour des motifs institutionnels, exercer pleinement les mandats qui leur reviennent, le fonctionnement dĂ©mocratique des institutions concernĂ©es risque d'ĂȘtre mis en pĂ©ril". Enfin, aprĂšs avoir examinĂ© les rĂ©sultats lors des Ă©lections rĂ©gionales qui ont prĂ©cĂ©dĂ© son arrĂȘt, la Cour considĂšre que le mĂ©canisme mis en Ɠuvre n'est pas disproportionnĂ© par rapport Ă  l'objectif poursuivi par le lĂ©gislateur. Dans son arrĂȘt n° 35/2003 de 2003, la Cour constitutionnelle a Ă©galement affirmĂ© la validitĂ© du mĂ©canisme consacrĂ© par l'article 16bis, §2 de la loi spĂ©ciale du 12 janvier 1989, qui permet Ă  diffĂ©rentes listes de faire une dĂ©claration de groupement vue de la rĂ©partition des siĂšges entre les diffĂ©rentes listes. Ce systĂšme permet aux partis dĂ©mocratiques flamands de se grouper et partant de bĂ©nĂ©ficier des rĂ©sidus de voix, et ce, au dĂ©triment des Vlaams Belang. (p.850 - leçon 26)

(8) CC 90/94, du 22 décembre 1994 - BHV, avant la réforme électorale

Dans son arrĂȘt n°90/94 du 22 dĂ©cembre 1994, lequel concernait les rĂ©formes de 1993, la Cour constitutionnelle avait affirmĂ© que l'existence de l'arrondissement de Bruxelles-Hal-Vilvorde Ă©tait constitutionnellement admissible. Elle avait, en effet, indiquĂ© que "le maintien de la circonscription Ă©lectorale de Bruxelles-Hal-Vilvorde pour l'Ă©lection des Chambres fĂ©dĂ©rales et du Parlement europĂ©en procĂšde d'un choix dictĂ© par le SOUCI D'UN COMPRIS GLOBAL DANS LE CADRE DUQUEL L'INDISPENSABLE EQUILIBRE A ETE RECHERCHE ENTRE LES INTERÊTS DES DIFFERENTES COMMUNAUTES ET REGIONS AU SEIN DE L'ETAT BELGE. Cet objectif peut justifier la distinction opĂ©rĂ©e par les dispositions attaquĂ©es entre les Ă©lecteurs et les candidats de la circonscription Ă©lectorale de Bruxelles-Hal-Vilvorde et ceux des autres circonscriptions pourvu que les mesures prises puissent ĂȘtre raisonnablement considĂ©rĂ©es comme n'Ă©tant pas disproportionnĂ©es. Elles le seraient notamment si une telle solution Ă©tait recherchĂ©e au prix d'une mĂ©connaissance de libertĂ©s et de droit fondamentaux". (p.239 - leçon 8)

(21) CC 99/2014, du 30 juin 2014 - responsabilité de l'Etat du pouvoir judiciaire

Dans son arrĂȘt n°99/2014 du 30 juin 2014, la Cour constitutionnelle remet en cause la condition selon laquelle la responsabilitĂ© de l'Etat dans l'exercice de sa fonction juridictionnelle ne peut ĂȘtre engagĂ©e que pour autant que l'acte litigieux a Ă©tĂ© retirĂ©, rĂ©formĂ©, annulĂ© ou rĂ©tractĂ© par une dĂ©cision passĂ©e en force de chose jugĂ©e. Elle estime que la responsabilitĂ© de l'Etat doit pouvoir ĂȘtre engagĂ©e pour une faute commise par une juridiction statuant en dernier ressort. Elle considĂšre, en effet, "qu'empĂȘcher, tant que la dĂ©cision litigieuse n'a pas Ă©tĂ© effacĂ©e, que la victime d'une faute commise par une juridiction de dernier ressort, dans l'exercice de sa fonction juridictionnelle, puisse mettre en cause la responsabilitĂ© de l'Etat, est susceptible d'emporter des effets disproportionnĂ©s par rapport Ă  l'objectif poursuivi". En consĂ©quence, elle estime que "la nĂ©cessitĂ© de prĂ©server un Ă©quilibre entre le principe de sĂ©curitĂ© juridique, d'une part, et le droit d'accĂšs au juge, d'autre part, exige cependant que la responsabilitĂ© de l'Etat ne puisse ĂȘtre engagĂ©e que si la juridiction de dernier ressort commet, dans l'exercice de sa fonction juridictionnelle, une violation suffisamment caractĂ©risĂ©e des rĂšgles de droit applicables" et que "l'impossibilitĂ© d'obtenir, Ă  charge de l'Etat, la rĂ©paration d'une faute plus lĂ©gĂšre commise par une juridiction de dernier ressort, tant que la dĂ©cision en cause n'a pas Ă©tĂ© effacĂ©e, n'emporte pas d'atteinte disproportionnĂ©e au droit Ă  un recours effectif, tel qu'il est garanti par les articles 6 et 13 de la Convention europĂ©enne des droits de l'homme". Il s'en dĂ©duit que, si l'Etat n'engage pas sa responsabilitĂ© civile pour une faute lĂ©gĂšre commise par une juridiction de dernier ressort, il peut ĂȘtre contraint Ă  indemniser la victime d'une violation suffisamment caractĂ©risĂ©e du droit commise par une telle juridiction. (p.698 - leçon 21)

(4) CC 12/94, du 03 février 1994 - écoles européennes

Dans un arrĂȘt concernant les Ecoles europĂ©ennes, elle prĂ©cise sa position. Elle indique que LE CONSTITUANT INTERDIT AU LEGISLATEUR D'ADOPTER DES NORMES CONTRAIRES A LA CONSTITUTION (et plus particuliĂšrement aux dispositions dont elle garantit le respect) que ce soit directement, ou indirectement par le biais de l'assentiment donnĂ© Ă  un traitĂ© international. De mĂȘme, AUCUNE NORME DE DROIT INTERNATIONAL NE DONNE AUX ETATS LE POUVOIR DE FAIRE DES TRAITES CONTRAIRES A LEUR CONSTITUTION. Dans le cas qui lui Ă©tait soumis, la Cour estime, cependant, que le minerval exigĂ© des Ă©tudiants inscrit dans les Ecoles europĂ©ennes n'est pas contraire Ă  l'article 24 §3, alinĂ©a 1er de la Constitution car cette disposition, en ce qu'elle impose la gratuitĂ© de l'enseignement, ne s'applique pas Ă  des Ă©tablissements qui ne sont pas subventionnĂ©s par les pouvoirs publics. Or, les Ecoles europĂ©ennes sont financĂ©es principalement par des contributions versĂ©es par les parties contractantes. Par cette jurisprudence, LA COUR CONSTITUTIONNELLE affirme implicitement la PRIMAUTE, dans l'ordre juridique interne, DE LA CONSTITUTION SUR LE DROIT INTERNATIONAL qui a des effets directs dans celui-ci. (p.138 - leçon 4)

(21) Cass., du 07 avril 2011 - devoir de renseignements

Dans un arrĂȘt du 07 avril 2011, la Cour de cassation rejette un pourvoi contre un arrĂȘt de la Cour d'appel de Mons qui avait estimĂ© que l'administration fiscale a commis une faute en omettant de prendre une mesure d'information gĂ©nĂ©rale qui aurait permis Ă  des contribuables d'obtenir, en temps utile, le remboursement d'une taxe dont il rĂ©sultat d'un arrĂȘt rendu par la Cour constitutionnelle Ă  titre prĂ©judiciel qu'elle avait Ă©tĂ© payĂ©e indĂ»ment. La Cour d'appel avait, en effet, admis que l'administration fiscale n'Ă©tait pas tenue d'informer individuellement chaque contribuable ou de procĂ©der pour chacun d'eux Ă  un dĂ©grĂšvement d'office. Cependant, elle se devait, mĂȘme si aucun texte lĂ©gal ou rĂ©glementaire ne lui imposait, de lancer une information gĂ©nĂ©rale ou de prendre une quelconque mesure (tels l'envoi d'une notice explicative annexĂ©e Ă  la dĂ©claration fiscale ou une annonce par voie de presse) qui aurait permis aux personnes concernĂ©es d'obtenir le remboursement auquel elles avaient droit. (p.689 - leçon 21)

(21) Cass., du 25 octobre 2004 - illégalité = faute + Cass., du 08 février 2008 - illégalité = faute

Dans un arrĂȘt du 25 octobre 2004, la Cour de cassation prĂ©cise sa jurisprudence en affirmant qu'UN ERREUR DE DROIT commise par l'ONSS NE SUFFISAIT PAS A ETABLIR UNE FAUTE dans son chef. Elle considĂšre, en effet que la dĂ©cision de l'ONSS ne pouvait ĂȘtre considĂ©rĂ©e comme fautive que "si elle consistait en un comportement qui s'analyse en une erreur de conduite devant ĂȘtre apprĂ©ciĂ©e suivant le critĂšre de l'autoritĂ© administrative normalement soigneuse et prudente placĂ©e dans les mĂȘmes conditions". Autrement dit, une autoritĂ© ne commet pas forcĂ©ment une faute, lorsqu'elle fait une application du droit, dans un domaine controversĂ©, et qu'in fine, la solution qu'elle a retenue n'a pas Ă©tĂ© validĂ©e par les tribunaux. Ainsi que le note, judicieusement, Michel Leroy, "quand une question est controversĂ©e, 'l'erreur' c'est la thĂšse que la jurisprudence ne consacrera pas. avant que les tribunaux n'aient parlĂ©, plusieurs thĂšses peuvent ĂȘtre raisonnablement dĂ©fendables. Pencher pour celle qui sera Ă©cartĂ©e, ce n'est pas se tromper en droit, c'est se tromper dans la prĂ©diction de l'avenir. Une telle erreur n'est pas une faute". Dans un arrĂȘt du 08 fĂ©vrier 2008, la Cour de cassation prĂ©cise que "l'erreur de droit peut, en raison de certaines circonstances, ĂȘtre considĂ©rĂ©e par un juge comme Ă©tant invisible Ă  la condition que de ces circonstances, il puisse se dĂ©duire que l'autoritĂ© administrative a agi comme l'aurait fait toute personne raisonnable et prudente". Ainsi que le relĂšve encore Michel Leroy, "le recours implicite au critĂšre du 'bon pĂšre de famille", soit en l'espĂšce, le fonctionnaire normalement diligent et prudent, Ă©largit Ă  ce point le domaine de l'erreur invincible que celle-ci s'en trouve dĂ©naturĂ©e". L'autoritĂ© administrative, ajoute-t-il, "est, comme tout un chacun, responsable quand elle agit imprudemment ; elle ne l'est pas d'office dĂšs qu'elle commet une illĂ©galitĂ©". Il est permis d'en conclure que les autoritĂ©s exĂ©cutives et administratives sont simplement tenues Ă  une OBLIGATION DE MOYEN de faire une application correcte du droit. (p.691 - leçon 21)

(28) CC 25, du 26 juin 1986 - théorie de la répartition des compétences

Dans un arrĂȘt du 26 juin 1986, la Cour constitutionnelle exprime, en termes gĂ©nĂ©raux, sa conception de la rĂ©forme de l'Etat. "La rĂ©forme institutionnelle intervenue en 1980", affirme-t-elle, "a incontestablement approfondi l'autonomie des communautĂ©s et appliquĂ© le principe de l'autonome pour la RĂ©gion wallonne et la RĂ©gion flamande. Il faut considĂ©rer que le constituant et le lĂ©gislateur spĂ©cial, dans la mesure oĂč ils n'en disent pas autrement, ont attribuĂ© aux CommunautĂ©s et aux RĂ©gions toute la compĂ©tence d'Ă©dicter les rĂšgles aux matiĂšres qui leur ont Ă©tĂ© transfĂ©rĂ©es". Par la suite, la Cour a rĂ©affirmĂ© sa position initiale. Ainsi indique-t-elle que "le Constituant et le lĂ©gislateur spĂ©cial, dans la mesure oĂč ils n'en disposent pas autrement, ont transfĂ©rĂ© un ensemble homogĂšne de compĂ©tences" aux entitĂ©s fĂ©dĂ©rĂ©es et que le transfert porte sur "l'ensemble de la politique relative aux matiĂšres transfĂ©rĂ©es". GuidĂ©e par ce principe, la Cour donne une INTERPRETATION LARGE DES COMPETENCES REGIONALES ET COMMUNAUTAIRES, et, par voie de consĂ©quence, une interprĂ©tation stricte des compĂ©tences fĂ©dĂ©rales. Par cette double attitude, elle s'efforce de donner un EFFET UTILE aux compĂ©tences dĂ©volues aux CommunautĂ©s et aux RĂ©gions. (p.909 - leçon 28)

(15) CE 197.522, du 30 octobre 2009 - ligue des droits de l'homme + CE 211.590, du 28 février 2011 - transervices

Dans un arrĂȘt du 30 octobre 2009, le Conseil d'Etat suspend une licence d'exportation d'armes vers la Lybie, dĂ©livrĂ©e par le Ministre-PrĂ©sident wallon, LE LENDEMAIN DES ÉLECTIONS, soit une date oĂč le gouvernement n'est pas encore dĂ©missionnaire, mais n'est plus contrĂŽlĂ© par le parlement. Le Conseil d'Etat indique "que les dĂ©cisions attaquĂ©es font suie Ă  la demande introduite 11 mois plus tĂŽt, et ont Ă©tĂ© prises au terme d'une procĂ©dure qui a requis de multiples consultations" et "qu'en particulier, la commission d'avis sur les licences d'exportation a Ă©tĂ© saisie 3 fois du dossier et a fini par se partager par moitiĂ©, sans devoir donner d'avis". Il relĂšve "que la partie adverse reconnaĂźt Ă  l'audience que les dĂ©cisions du type de celles qui sont attaquĂ©es posent des questions d'apprĂ©ciation politiques dĂ©licates" et "que c'est prĂ©cisĂ©ment Ă  cause de ce genre de dĂ©cisions que le contrĂŽle politique a le plus de raisons d'ĂȘtre". En effet, "les dĂ©cisions attaquĂ©es apparaissent non seulement comme des affaires d'intĂ©rĂȘts plus qu'ordinaire, mais aussi comme des 'affaires de gouvernement' dans lesquelles le pouvoir politique est amenĂ© Ă  trancher entre des intĂ©rĂȘts Ă©conomiques considĂ©rables d'une part et des principes Ă©thiques d'autre part". Il s'en dĂ©duit "qu'en l'absence d'une urgence particuliĂšre, les dĂ©cisions qui tranchent un tel dĂ©bat ne peuvent ĂȘtre regardĂ©es comme relevant des affaires courantes et Ă  ce titre susceptibles d'ĂȘtre valablement adoptĂ©es par un gouvernement en l'absence de contrĂŽle parlementaire". Enfin, dans un arrĂȘt du 28 fĂ©vrier 2011, le Conseil d'Etat est saisi d'un recours en annulation dirigĂ© contre un arrĂȘtĂ© du gouvernement wallon du 03 juin 2009 relatif aux services de taxis et aux services de location de voitures avec chauffeurs. Cet arrĂȘtĂ© a Ă©tĂ© pris 4 jours avant les Ă©lections, et alors que le Parlement wallonne s'et plus rĂ©uni aprĂšs le 15 mai 2009, date Ă  laquelle le PrĂ©sident a dĂ©clarĂ© que ses travaux Ă©taient clos. La sociĂ©tĂ© requĂ©rante estime que le gouvernement n'Ă©tait plus contrĂŽlĂ© par le Parlement et ne pouvait prendre l'arrĂȘtĂ© en cause. Le Conseil d'Etat rappelle que "si le Gouvernement wallon n'a dĂ©missionnĂ© que le 23 juin 2009 et si sa compĂ©tence n'a Ă©tĂ© que formellement limitĂ©e aux affaires courantes que ce jour-lĂ , en application de l'article 73, il n'en reste pas moins qu'aucun contrĂŽle parlementaire ne pouvait s'exercer sur son activitĂ© pendant la pĂ©riode oĂč le parlement n'Ă©tait pas ne mesure de se rĂ©unir", que "s'il n'existe pas d'acte formel de dissolution du Parlement dans le droit des CommunautĂ©s et des RĂ©gions, il est hors de doute qu'une assemblĂ©e ne peut plus se rĂ©unir aprĂšs qu'ont eut lieu les Ă©lections destinĂ©es Ă  la renouveler" et que "le Gouvernement ne dispose plus de la plĂ©nitude de ses pouvoirs pendant la pĂ©riode au cours de laquelle il est privĂ© de sa base parlementaire et Ă©chappe au contrĂŽle de l'assemblĂ©e Ă©lue ; que ce gouvernement, Ă  l'instar d'un gouvernement dĂ©missionnaire, peut uniquement expĂ©dier les affaires courantes". Cependant, la situation du gouvernement aprĂšs les Ă©lections ne peut, selon le Conseil d'Etat, ĂȘtre assimilĂ©e Ă  celle qui Ă©tait la sienne avant celle-ci, et cela, mĂȘme si dans les faits le parlement ne se rĂ©unit plus. En effet, "Ă  dĂ©faut de dispositions contraires et en l'absence de dĂ©cisions dĂ©clarant close la session 2008-2009 du Parlement wallon, rien ne permet de considĂ©rer que pendant cette pĂ©riode, le Parlement n'aurait pas Ă©tĂ© en droit de se rĂ©unir et d'exercer son contrĂŽle sur l'activitĂ© du Gouvernement". Il relĂšve "qu'en vertu de l'article 32, §3 de la loi spĂ©ciale du 8 aout 1989 de rĂ©formes inconstitutionnelles, c'est au gouvernement qu'il incombe de prononcer la clĂŽture d'une session parlementaire" et "que celui-ci n'a pas exercĂ© sa compĂ©tence en ce qui concerne la session 2008-2009 du parlement wallon, cette session ayant Ă©tĂ© close par l'arrivĂ©e du terme de la lĂ©gislature". Il constate que le Parlement a simplement ajournĂ© ses travaux et "que l'ajournement des travaux, qui n'Ă©quivaut pas Ă  une clĂŽture de la session, n'empĂȘchait pas le parlement de se rĂ©unir et de censurer l'action du gouvernement, en dĂ©pit de la proximitĂ© du jour des Ă©lections". Le gouvernement jouissait donc au moment de l'adoption de l'acte attaquĂ©, de la plĂ©nitude de ses compĂ©tences. (p.483 - leçon 15)

(28) CC 7/85, du 20 dĂ©cembre 1985 - arrĂȘt de principe en matiĂšre de pouvoirs implicites

DĂšs 1985, la Cour constitutionnelle a jetĂ© les bases de son interprĂ©tation de l'article 10 de la loi spĂ©ciale. Elle Ă©tait amenĂ©e Ă  connaitre d'un recours en annulation introduit contre un dĂ©cret du Conseil de la CommunautĂ© française du 08 dĂ©cembre 1981 fixant les conditions de reconnaissance des radios locales et interdisant, Ă  ce titre, la publicitĂ© commerciale. Or, sous l'emprise de l'article 4, 6° ancien de la loi spĂ©ciale du 08 aout 1980, les CommunautĂ©s Ă©taient compĂ©tentes pour rĂ©gler la radiodiffusion et la tĂ©lĂ©vision, Ă  l'exclusion de "la publicitĂ© commerciale et des communications gouvernementales". En consĂ©quence (et tel Ă©tait prĂ©cisĂ©ment l'argument de la CommunautĂ© française) seul l'article 10 de la loi spĂ©ciale Ă©tait susceptible de justifier ce dĂ©robement de compĂ©tences. La Cour constate, tout d'abord, que mĂȘme si toute exception doit s'interprĂ©ter restrictivement, la dĂ©cision de permettre l'introduction de la publicitĂ© commerciale constitue "l'essence mĂȘme de la compĂ©tence maintenue Ă  l'État par l'article 4, 6° de la loi spĂ©ciale", et cela quel que soit le mode de radiodiffusion. Elle relĂšve, ensuite, que l'article 10 crĂ©e UNE COMPÉTENCE ACCESSOIRE au profit des CommunautĂ©s. Celle-ci peuvent, en effet, rĂ©gler les matiĂšres pour lesquelles l'État est, en principe, compĂ©tent (que ce soit en vertu d'une reconnaissance expresse de la loi ou en vertu de sa compĂ©tence rĂ©siduelle) pour autant que deux exigences soient rencontrĂ©es. D'autre part, l'article 10 ne peut ĂȘtre isolĂ© du systĂšme de rĂ©partition des compĂ©tences exclusives. Pour ĂȘtre compatible avec celui-ci, le recours Ă  l'article 10 n'est, Ă  l'estime de la Cour, admissible qu'Ă  la double condition que la matiĂšre rĂ©servĂ©e se prĂȘte Ă  un RÈGLEMENT DIFFÉRENCIÉ et que L'IMPACT sur la matiĂšre rĂ©servĂ©e ne soit que MARGINAL. D'autre part, un lien trĂšs Ă©troit doit exister entre la compĂ©tence principale et sa compĂ©tence accessoire. En d'autres termes, le recours Ă  l'article 10 de la loi spĂ©ciale de rĂ©formes institutionnelles doit ĂȘtre indispensable (depuis 1988, le critĂšre de NÉCESSITÉ suffit) Ă  l'exercice d'une compĂ©tence principale. Elle en conclut que ces conditions n'Ă©taient pas rĂ©unies dans l'espĂšce qui lui Ă©tait soumise. (p.927 - leçon 28)

(15) CE 47.689, du 31 mai 1994 - Leclercq + Avis SLCE - A.R.P.G.

En 1977, un collĂšge de juristes rend un avis qui vise Ă  dĂ©terminer quels sont les pouvoirs D'UN GOUVERNEMENT QUI N'A PAS DÉMISSIONNÉ MAIS QUI N'EST PLUS CONTRÔLÉ PAR LA CHAMBRE du fait de sa dissolution. Aux yeux de ce collĂšges, le gouvernement qui ne dĂ©missionnerait pas pourrait continuer Ă  exercer la plĂ©nitude de ses attributions tout en manifestant une certaine prudence eu Ă©gard en l'absence de contrĂŽle parlementaire, d'oĂč l'expression affaires prudentes. Le Conseil d'Etat ne partage pas cette opinion. Il assimile implicitement la situation d'un gouvernement dĂ©missionnaire Ă  elle d'un cabinet qui n'a pas dĂ©missionnĂ© alors que les chambres sont dissoutes. Ainsi, en 1991, la section lĂ©gislation Ă©met des doutes sur le pouvoir du gouvernement d'adopter l'A.R.P.G. alors que le contrĂŽle parlementaire ne peut plus trouver Ă  s'appliquer. Elle indique que cet avis est sollicitĂ© dans une pĂ©riode oĂč le gouvernement fĂ©dĂ©ral est privĂ© de sa base parlementaire, Ă©chappe au contrĂŽle de l'assemblĂ©e Ă©lue et ne dispose plus de la plĂ©nitude de ses attributions. DANS UNE TELLE PÉRIODE, LE GOUVERNEMENT DOIT RÉDUIRE SES ACTIVITÉS À CE QUE REQUIERT LA CONTINUITÉ DES AFFAIRES PUBLIQUES. Dans un arrĂȘt du 31 mai 1994, la section contentieux administratif du Conseil d'Etat annule l'arrĂȘt litigieux en rĂ©affirmant que dans une pĂ©riode oĂč un gouvernement "est, du fait de sa dissolutions privĂ© de sa base parlementaire et Ă©chappe au contrĂŽle des assemblĂ©es Ă©lues, il ne dispose plus de la plĂ©nitude de ses attributions". Le Conseil d'Etat, plutĂŽt que de se fonder sur le critĂšre purement formel de la lĂ©gitimitĂ© que puise le gouvernement dans la nomination de ses membres par le Roi, SE RÉFÈRE À LA DYNAMIQUE DES RAPPORTS QUI SE NOUENT ENTRE LES POUVOIRS. Pour dĂ©terminer si le gouvernement fĂ©dĂ©ral doit limiter son action Ă  l'expĂ©dition des affaires courantes, il suffit d'avoir Ă©gard À L'EXISTENCE DU CONTRÔLE PARLEMENTAIRE. Si celui-ci est rendu impossible du fait de la dĂ©mission du gouvernement ou de la dissolution de l'assemblĂ©e, le gouvernement limite son action Ă  l'expĂ©dition des affaires courantes. Dans une telle perspective, il n'y a pas de distinction Ă  opĂ©rer entre le gouvernement dĂ©missionnaire confrontĂ© Ă  une assemblĂ©e en activitĂ© et celui qui, sans ĂȘtre dĂ©missionnaire, ne peut plus ĂȘtre contrĂŽlĂ© du fait de la dissolution de l'assemblĂ©e. Une telle analyse conforte l'opinion qui est la nĂŽtre quant aux limites des affaires courantes. UN GOUVERNEMENT N'EST SOUMIS A UNE TELLE LIMITATION QUE POUR LES ACTES QU'IL ACCOMPLIT SEUL, A L'EXCLUSION DE CEUX QUI SONT COMMIS DE CONCERT AVEC LES ASSEMBLEES. Lorsque le Roi agit en sa qualitĂ© de troisiĂšme branche du pouvoir lĂ©gislatif ou du pouvoir constituant, le contrĂŽle parlementaire n'a guĂšre de sens dĂšs lors que l'action de l'exĂ©cutif se limite Ă  donner effet Ă  la volontĂ© exprimĂ©e dans un vote par l'assemblĂ©e parlementaire concernĂ©e. (p.481 - leçon 15)

(16) Cass., du 07 mai 2014 - Vancauwenberghe + Cass., du 12 février 1996 - Inusop + CC 60/96, du 07 novembre 1996 - privilÚge de juridiction

En 1982, un premier pas est franchi afin de faciliter la mise en oeuvre de la responsabilitĂ© pĂ©nale des ministres. Dans un arrĂȘt du 07 mai 2014, la Cour de cassation prĂ©cise encore sa position. L'ancien Ministre-PrĂ©sident de la RĂ©gion wallonne, Jean-Claude Vancauwenberghe, est poursuivi pour faux et dĂ©tournement commis dans le cadre de l'attribution d'un marchĂ© public par la Ville de Charleroi dont l'intĂ©ressĂ© Ă©tait Ă©galement conseillĂ© communal. Les faits s'Ă©tant produits Ă  un moment oĂč il Ă©tait ministre, il estime devoir bĂ©nĂ©ficier du rĂ©gime d'exception. Il soutient que l'activitĂ© d'un ministre s'Ă©tend au delĂ  de sa seule fonction rĂ©glementaire ou lĂ©gislative et qu'elle comprend notamment une mission de reprĂ©sentation et de gestion, voire de dĂ©cisions purement politiques. A son estime, le ministre doit aussi bĂ©nĂ©ficier du rĂ©gime spĂ©cifique de responsabilitĂ© pĂ©nale chaque fois qu'il intervient dans la gestion et administration de la chose publique. La Cour de cassation refuse de s'engager dans cette voie. Elle affirme que "le constituant et le lĂ©gislateur n'ont pas voulu protĂ©ger la personne du ministre mais la fonction ministĂ©rielle elle-mĂȘme et au delĂ  de la fonction, le gouvernement tout entier en tant qu'institution. La mise en cause de la responsabilitĂ© ministĂ©rielle est soumise Ă  des conditions directement liĂ©es Ă  cet objectif. Comme celles de tout rĂ©gime dĂ©rogeant au droit commun, ces conditions sont de strictes interprĂ©tation". La Cour considĂšre alors que c'est Ă  bon droit que l'intĂ©ressĂ© (qui sera d'ailleurs acquittĂ©) est poursuivi devant les juridictions ordinaires : "en adoptant les motifs du rĂ©quisitoire, la Cour d'appel s'est encore rĂ©fĂ©rĂ©e Ă  l'intervention du demandeur qui, s'il Ă©tait parfois dĂ©signĂ© comme Ministre-PrĂ©sident, soit le titre de sa plus haute fonction, Ă©tait Ă©galement Ă  l'Ă©poque le mandataire communal et le prĂ©sident d'une association politique de la ville concernĂ©e. Les juges d'appel ont enfin constatĂ©, Ă  la suite du ministĂšre public, que ni la RĂ©gion wallonne ni le Gouvernement wallon ne sont intervenus Ă  propos du dossier litigieux. Ayant ainsi considĂ©rĂ© que les faits incriminĂ©s, Ă  les supposer Ă©tablis, ressortissent Ă  l'exercice du mandat communal exercĂ© accessoirement par le demandeur, la chambre des mises en accusation a pu lĂ©galement justifier sa dĂ©cision qu'en la cause, celui-ci n'a jamais Ă©tĂ© suspectĂ© d'avoir commis un fait culpeux quelconque en qualitĂ© de ministre et que dĂšs lors, l'instruction le concernant Ă©tait rĂ©guliĂšre". Cependant, au dĂ©but des annĂ©es 90, la prolifĂ©ration d'affaires relatives au financement occulte des partis politiques consacre la fin du rĂ©gime d'impunitĂ© de fait dont bĂ©nĂ©ficient les ministres. En 1996, la Cour de cassation juge le ministre CoĂ«me dans l'affaire Inusop. Contrairement Ă  ce qu'il s'Ă©tait passĂ© dans l'affaire Chazal, le lĂ©gislateur n'estime pas utile d'adopter une loi pour fixer la procĂ©dure. La Cour de cassation est dĂšs lors appelĂ©e Ă  trancher, dans un arrĂȘt du 12 fĂ©vrier 1996, un certains nombres de questions existentielles. Tout d'abord, la Cour de cassation dĂ©termine les rĂšgles de procĂ©dure qui trouvent Ă  s'appliquer. Soucieuse de respecter le principe selon lequel la procĂ©dure pĂ©nale doit ĂȘtre lĂ©gale, prĂ©visible et accessible, elle veille Ă  appliquer le droit existant, dans le respect de la Convention europĂ©enne de la sauvegarde des droits de l'homme et des libertĂ©s fondamentales et du Pacte sur les droits civils et politiques. Dans cette perspective, elle fait application des dispositions du Code d'instruction criminelle qui s'imposent aux tribunaux correctionnels "dans la mesure oĂč elles sont compatibles avec celles qui rĂšglent la procĂ©dure devant la Cour de cassation, siĂ©geant en chambres rĂ©unies". Ainsi affirme-t-elle, elle "ne fait pas Ɠuvre du lĂ©gislateur". Elle est Ă©galement appelĂ©e Ă  se prononcer sur la maniĂšre dont la chambre a mis en accusation le ministre CoĂ«me. Il est fait grief Ă  cette assemblĂ©e d'avoir eu peu d'Ă©gard au respect des droits de la dĂ©fense lors de l'examen du dossier devant la commission constituĂ© en son sein Ă  cette fin. La Cour de cassation rappelle que la Chambre des reprĂ©sentants disposait d'un pouvoir discrĂ©tionnaire d'accuser les ministres et de les traduire devant elle. A son estime, la sĂ©paration des pouvoirs s'oppose Ă  ce qu'elle s'Ă©rige en juge de la rĂ©gularitĂ© du mode de procĂ©der de la Chambre des reprĂ©sentants. Curieusement, aprĂšs avoir posĂ© ce principe, la Cour y apporte un dĂ©menti en constatant qu'Ă  supposer les griefs invoquĂ©s par Guy CoĂ«me fondĂ©s, "ils ne vicieraient pas la procĂ©dure de maniĂšre irrĂ©parable entrainant l'irrecevabilitĂ© des poursuites". Cette argumentation n'Ă©chappe pas Ă  la critique. Tout d'abord, le pouvoir discrĂ©tionnaire de la Chambre de la dispense pas de respecter les droits de la dĂ©fense consacrĂ©s par des dispositions de droit international qui ont des effets directs dans l'ordre juridique interne. La Cour s'est d'ailleurs fait application Ă  elle-mĂȘme de ces principes, en Ă©tablissant dans le mĂȘme arrĂȘt, la procĂ©dure qu'il convenait de suivre pour juger les ministres. Ensuite, en d'autres occasions, elle a considĂ©rĂ© que nonobstant le principe de la sĂ©paration des pouvoirs, il appartenait aux juridictions judiciaires de vĂ©rifier si dans la phase parlementaire d'une procĂ©dure, les droits de la dĂ©fense n'ont pas Ă©tĂ© mĂ©connus au point de rendre nulles les poursuites. Enfin elle affirme pĂ©remptoirement, mais sans donner d'explications, que la maniĂšre dont la Chambre a exercĂ© ses compĂ©tences n'est pas de nature Ă  vicier les poursuites. En outre, et sans doute est-ce lĂ  que l'arrĂȘt du 12 fĂ©vrier 1996 est le plus choquant, la Cour de cassation refuse d'interroger la Cour constitutionnelle Ă  titre prĂ©judiciel sur la compatibilitĂ© de certaines dispositions du Code d'instruction criminelle relative Ă  la connexitĂ© ont fait que toutes les personnalitĂ©s impliquĂ©es dans l'affaire Inusop ont "bĂ©nĂ©ficiĂ©" du privilĂšge de juridiction applicable au ministre CoĂ«me et ont ainsi perdu leurs DROIT À UN DOUBLE DEGRÉ DE JURIDICTION. La Cour de cassation indique Ă  ce propos, Ă  supposer que la privation d'un double degrĂ© de juridiction constitue une discrimination, celle-ci trouve sa source dans l'article 103 de la Constitution, et non dans une norme lĂ©gislative dont la Cour constitutionnelle assure le contrĂŽle. En consĂ©quence, en violation manifeste de l'article 26 de la loi spĂ©ciale du 6 janvier 1989, elle refuse d'interroger la Cour constitutionnelle Ă  titre prĂ©judiciel. Il s'agit lĂ  d'une construction juridique pour le moins hasardeuse. En effet, ce n'est pas en application de l'article 103 de la Constitution que des personnalitĂ©s qui n'Ă©taient pas ministres ont Ă©tĂ© renvoyĂ©es devant la Cour de cassation, mais parce que la Cour de cassation a fait application des dispositions lĂ©gislatives (qui peuvent ĂȘtre soumis au contrĂŽle de la Cour constitutionnelle) figurant dans le Code d'instruction criminelle, mais qui a priori ne concernait pas la procĂ©dure mue devant elle. Les raisons vĂ©ritables de la position prise par la Cour de cassation doivent sans doute ĂȘtre trouvĂ©es ailleurs. En effet, celle-ci entendait plus que probablement Ă©viter qu'un dĂ©tour prĂ©judiciel par la Cour constitutionnelle ait pour consĂ©quence de provoquer la prescription d'un certains nombres d'infractions. Il n'est pas inconcevable non plus qu'elle ait souhaitĂ© conserver seule la mainmise sur la procĂ©dure de mise en accusation des ministres. Ceci est d'autant plus regrettable que la Cour constitutionnelle aurait probablement rendu une dĂ©cision qui n'aurait pas compromis la bonne fin de la procĂ©dure. En effet, celle-ci estime que DES PERSONNES PEUVENT ÊTRE PRIVÉES D'UN DEGRÉ DE JURIDICTION EN RAISON DU FAIT QU'ELLES SONT IMPLIQUÉES DANS UNE AFFAIRE AUX CÔTÉS D'UN BÉNÉFICIAIRE D'UN PRIVILÈGE DE JURIDICTION. En l'occurrence, diverses personnes, dont un juge supplĂ©ant soumis au privilĂšge de juridiction, avaient engagĂ© un garde-chasse sans respecter l'ensemble des exigences de la lĂ©gislation en matiĂšre de sĂ©curitĂ© sociale. La prĂ©sence d'un magistrat supplĂ©ant parmi les prĂ©venus Ă  pour consĂ©quence de leurs faire perdre Ă  tout le droit Ă  un double degrĂ© de juridiction. La Cour considĂšre que l'article 479 du Code d'instruction criminelle relatif Ă  la connexitĂ© ne viole pas les articles 10 et 11 de la Constitution. Elle indique que "la nĂ©cessitĂ© d'une bonne administration de la justice justifie l'organisation d'un procĂšs unique et complet, qui assure une cohĂ©rence dans l'apprĂ©ciation des faits et des responsabilitĂ©s", qu'il "est conforme au principe fondamental de la contradiction des dĂ©bats de permettre Ă  plusieurs personnes poursuivies Ă  propos des mĂȘmes faits de comparaĂźtre devant la mĂȘme juridiction" et qu'Ă  "dĂ©faut, la multiplicitĂ© des instructions, puis des dĂ©bats, serait de nature Ă  faire obstacle Ă  la manifestation de la vĂ©ritĂ© judiciaire, notamment quant Ă  dĂ©termination du rĂŽle respectif des diffĂ©rentes personnes poursuivies". Elle ajoute que "les droits de la dĂ©fense tant des personnes mentionnĂ©es Ă  l'article 479 que des autres personnes poursuivies pour les mĂȘmes faits pourraient ĂȘtre mĂ©connus si des prĂ©venus devaient se dĂ©fendre devant une juridiction alors qu'une autre juridiction aurait dĂ©jĂ  statuĂ© sur la rĂ©alitĂ©, l'imputabilitĂ© et la qualification pĂ©nale des faits qui leur sont reprochĂ©s". (p.494 - leçon 16)

(21) Tribunal civil de Bruxelles, du 06 novembre 2001 - affaire Ferrara Jung + Cour d'appel de Bruxelles, du 04 juillet 2002 - affaire Ferrara Jung + Cass., du 28 septembre 2006 - affaire Ferrara Jung

En 1987, Maria Laetizia Ferrara Jung engage une action en responsabilitĂ© contre son chirurgien auquel elle reproche une erreur mĂ©dicale. En 2001, l'affaire est encore pendante devant la cour d'appel et rien ne laisse prĂ©sager une issue rapide de l'affaire. L'intĂ©ressĂ©e engage la responsabilitĂ© de l'Etat Ă  qui il est fait grief de ne pas avoir pris les mesures destinĂ©es Ă  prĂ©venir l'arriĂ©rĂ© judiciaire au sein des juridictions bruxelloises. Le Tribunal civil de Bruxelles, dans un jugement du 06 novembre 2001, fait droit Ă  la demande. Il estime, en effet, qu'en "dĂ©mocratie, le droit des citoyens de bĂ©nĂ©ficier du bon fonctionnement des pouvoirs de l'Etat et notamment d'une bonne organisation judiciaire ne peut ĂȘtre supprimĂ©, ou limitĂ©, par les difficultĂ©s du lĂ©gislateur et/ou du pouvoir exĂ©cutif Ă  obtenir en leur sein l'accord politique nĂ©cessaire Ă  l'adoption des mesures qui s'imposent". Il relĂšve encore que "tant qu'il n'y a pas d'accord politique, les mesures ne peuvent ĂȘtre adoptĂ©es, mais que tout citoyen lĂ©sĂ© par l'arriĂ©rĂ© judiciaire, a droit Ă  la rĂ©paration du dommage qu'il subit". L'affaire est portĂ©e devant la Cour d'appel de Bruxelles. Celle-ci, dans un arrĂȘt du 04 juillet 2002, note tout d'abord, que "l'Etat ne peut invoquer sa propre impuissance (ou plutĂŽt le dĂ©faut de consensus entre les communautĂ©s) pour justifier sa carence Ă  organiser de maniĂšre efficace le service public de la justice Ă  Bruxelles comme il en a l'obligation". Elle se dĂ©fend, ensuite, d'opĂ©rer un contrĂŽle de constitutionnalitĂ© de la loi, lequel relĂšve, un vertu de l'article 142 de la Constitution, de la compĂ©tence exclusive de la Cour constitutionnelle. Enfin, elle prĂ©cise que "la faute reprochĂ©e au lĂ©gislateur en l'espĂšce n'est pas d'avoir Ă©laborĂ© des textes lĂ©gaux qui seraient contraires Ă  des dispositions constitutionnelles, mais d'avoir omis de lĂ©gifĂ©rer afin de donner au pouvoir judiciaire les moyens nĂ©cessaires pour lui permettre d'assurer efficacement le service public de la justice, dans le respect notamment de l'article 6-1 de la Convention europĂ©enne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertĂ©s fondamentales". Or, Ă  son estime, "cette disposition impose notamment aux Etats signataires l'obligation d'organiser les cours et tribunaux de leur ordre judiciaire de façon Ă  ce que les causes qui leur sont soumises soient entendues dans des dĂ©lais raisonnables". En consĂ©quences, elle confirme la dĂ©cision du premier juge. Pourvoi est aussitĂŽt formĂ© contre son arrĂȘt devant la Cour de cassation. Dans un arrĂȘt du 28 septembre 2006, LA COUR DE CASSATION constate tout d'abord que, de maniĂšre gĂ©nĂ©rale, L'ARTICLE 144 DE LA CONSTITUTION MET SOUS LA PROTECTION DU POUVOIR JUDICIAIRE TOUS LES DROITS CIVILS, SANS QU'IL FAILLE AVOIR EGARD NI A LA QUALITE DES PARTIES, NI A LA NATURE DES ACTES QUI AURAIENT CAUSE UNE LESION DE DROIT, MAIS UNIQUEMENT A LA NATURE DU DROIT FAISANT L'OBJET DE LA CONTESTATION. Le principe de la sĂ©paration des pouvoirs n'implique pas, Ă  son estime, que l'Etat belge, serait, de maniĂšre gĂ©nĂ©rale, soustrait Ă  l'obligation de rĂ©parer le dommage causĂ© Ă  autrui par sa faute ou celle de ses organes dans l'exercice de la fonction lĂ©gislative. Il en rĂ©sulte que ni le principe de la sĂ©paration des pouvoirs, ni les articles 33, 36 ET 42 DE LA CONSTITUTION NE S'OPPOSENT A CE QU'UN TRIBUNAL DE L'ORDRE JUDICIAIRE CONSTATE PAREILLE FAUTE POUR CONDAMNER L'ETAT A REPARER LES CONSEQUENCES DOMMAGEABLES QUI EN RESULTENT. Elle affirme, ensuite, qu'un TRIBUNAL de l'ordre judiciaire A LE POUVOIR DE CONTROLER SI LE POUVOIR LEGISLATIF A LEGIFERE DE MANIERE ADEQUATE OU SUFFISANTE pour permettre Ă  l'Etat de respecter une norme supĂ©rieur lui imposant une obligation, en l'occurence l'article 6.1 de la Convention europĂ©enne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertĂ©s fondamentales. En consĂ©quence, la Cour indique, eu Ă©gard aux faits de la cause, qu'une FAUTE pouvait ĂȘtre IMPUTEE AU LEGISLATEUR pour AVOIR OMIS DE LEGIFERER afin de donner au pouvoir judiciaire les moyens nĂ©cessaires pour lui permettre d'assurer efficacement le service public de la justice dans le respect de l'article 6.1 de la Convention europĂ©enne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertĂ©s fondamentales. (p.702 - leçon 21)

(18) CC 35/36, du 10 mai 1994 - Cerexhe

En 1994 la Cour, saisie par des particuliers d'un recours en annulation contre la loi ordinaire de rĂ©formes institutionnelle du 16 juillet 1993, se prononce Ă  nouveau sur cette dĂ©licate question. Elle est, en effet, appelĂ©e Ă  statuer sur des requĂȘtes en rĂ©cusation du juge Etienne Cerexhe. Celui-ci Ă©tait sĂ©nateurs lors de l'Ă©laboration et de l'adoption des dispositions attaquĂ©es. A cette occasion, il a votĂ© le rejet de diffĂ©rents amendements dont la justification correspondait, Ă  l'estime des requĂ©rants, aux dĂ©veloppements des moyens articulĂ©s devant la Cour. Celle-ci rappelle, tout d'abord, qu'en sa qualitĂ© d'organe juridictionnel, elle est soumise au principe gĂ©nĂ©ral de droit relatif Ă  l'impartialitĂ© du juge, et qu'en application de l'article 101, alinĂ©a 2 de la loi spĂ©ciale du 06 janvier 1989, le fait que l'un de ses membres ait participĂ© Ă  l'Ă©laboration d'une norme lĂ©gislative NE CONSTITUE PAS EN SOI UNE CAUSE DE RÉCUSATION. Elle en dĂ©duit que la participation Ă  l'Ă©laboration d'une loi par un membre du Parlement ne suffit pas Ă  remettre en cause son impartialitĂ© en tant que juge de la Cour appelĂ© Ă  connaĂźtre de la constitutionnalitĂ© de cette loi. En effet, indique-t-elle "le point de vue auquel s'est placĂ© un reprĂ©sentant de la nation pour prendre position Ă  l'Ă©gard d'une politique et des actes lĂ©gislatifs par lesquels celle-ci se rĂ©alise n'est pas comparable avec celui du juge spĂ©cialisĂ© dans l'apprĂ©ciation juridique de la constitutionnalitĂ© de tels actes". Elle interprĂšte, ensuite, l'article 101 de la loi spĂ©ciale du 06 janvier 1989 au regard des exigences posĂ©es par l'article 6 de la Convention europĂ©enne des droits de l'homme et affirme qu' "en l'espĂšce, la participation du sĂ©nateur Cerexhe Ă  l'Ă©laboration de la loi critiquĂ©e a consistĂ© Ă  Ă©mettre avec la majoritĂ© dont son groupe faisait partie un vote positif en ce qui concerne la loi et un vote nĂ©gatif Ă  l'Ă©gard d'amendements dĂ©posĂ©s par l'opposition. Une telle participation ne suffit pas Ă  justifier objectivement les apprĂ©hensions des requĂ©rantes quant Ă  l'aptitude du juge Cerexhe Ă  contrĂŽler avec impartialitĂ© la constitutionnalitĂ© de la loi critiquĂ©e". En consĂ©quence, elle rejette la requĂȘte en rĂ©cusation. D'une part, il est permis de se rĂ©jouir du fait que la Cour ait suivi le lĂ©gislateur spĂ©cial en considĂ©rant que l'article 6 de la Convention europĂ©enne des droits de l'homme lui est applicable, et ce, qu'elle soit saisie d'un recours en annulation ou d'une question prĂ©judicielle. D'autre part, la solution retenue consacre une CONCEPTION POUR LE MOINS ASSOUPLIE DE LA NOTION D'IMPARTIALITÉ OBJECTIVE. La Cour laisse, en tout cas, entendre que la solution pourrait ĂȘtre autre en cas de participation plus engagĂ©e d'un mandataire politique Ă  l'Ă©laboration d'une norme dont elle est appelĂ©e Ă  assurer le contrĂŽle. (p.552 - leçon 18)

(29) CC 72/95, du 09 novembre 1995 - annonces d'emploi

En 1995, la Cour constitutionnelle est appelĂ©e Ă  prĂ©ciser sa jurisprudence dans le domaine de l'emploi des langues dans les relations sociales. Le lĂ©gislateur flamand, usant de cette compĂ©tence, impose l'usage exclusif du nĂ©erlandais dans les annonces d'emploi et dans les pourparlers prĂ©alables Ă  l'embauche dans toutes les entreprises dont le siĂšge d'exploitation est Ă©tabli en rĂ©gion de langue nĂ©erlandaise. La Cour estime que les offres d'emploi ne peuvent ĂȘtre considĂ©rĂ©es comme relevant des relations sociales. Il s'agit de simples annonces unilatĂ©rales et aucun lien individualisĂ© n'existe encore Ă  ce stade entre l'employeur et ceux qui sont susceptibles d'y rĂ©pondre. En revanche, elle intĂšgre, dans les relations de travail, toute forme de relations prĂ©contractuelles entre un employeur et des personnes qui par dĂ©finition ne font pas encore partie de son personnel puisqu'on se situe au stade de l'embauche. Autrement dit, elle admet que soit imposĂ©e une langue dĂ©terminĂ©e pour les examens prĂ©alables Ă  l'embauche, et ce, dans une conception particuliĂšrement extensives du concept de relations sociales. (p.949 - leçon 29)

(1) CEDH, du 13 février 2003 - Refah Partisti c. Turquie

En 2003, la Cour europĂ©enne, siĂ©geant en grande chambre, a affinĂ© encore la jurisprudence en la matiĂšre. La Cour constitutionnelle turque avait prononcĂ© la dissolution du Parti de la ProspĂ©ritĂ© (un parti islamiste dĂ©nommĂ© Refah Partisti) parce qu'il Ă©tait devenu "un centre d'activitĂ©s contraire au principe de laĂŻcitĂ©". Devant la Cour europĂ©enne, ce parti invoque notamment la violation des articles 9 Ă  11 de la Convention europĂ©enne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertĂ©s fondamentales qui consacrent la libertĂ© de pensĂ©e, de conscience et de religion, la libertĂ© d'expression ainsi que la libertĂ© de rĂ©union et d'association. La Cour rĂ©affirme l'existence d'une RELATION ETROITE ENTRE LA DEMOCRATIE ET LA CONVENTION, et rappelle le RÔLE PRIMORDIAL QUE JOUENT LES PARTIS POLITIQUES DANS UN REGIME DEMOCRATIQUE en bĂ©nĂ©ficiant des droits et libertĂ©s reconnus par les articles 10 et 11 de la Convention. Toutefois, les libertĂ©s garanties par la Convention ne sauraient priver les autoritĂ©s d'un Etat, dont une association, par ses activitĂ©s, met en danger les institutions, du droit de protĂ©ger celles-ci. Elle estime qu'un parti politique peut promouvoir un changement de la lĂ©gislation ou des structures lĂ©gales ou constitutionnelles de l'Etat Ă  deux conditions. Tout d'abord, les MOYENS UTILISES A CET EFFET DOIVENT ÊTRE LEGAUX ET DEMOCRATIQUES. Ensuite, le CHANGEMENT PROPOSE DOIT LUI-MÊME ÊTRE COMPATIBLE AVEC LES PRINCIPES DEMOCRATIQUES FONDAMENTAUX. Il en dĂ©coule nĂ©cessairement qu'un parti politique dont les responsables incitent Ă  recourir Ă  la violence ou proposent un projet politique qui ne respecte pas la dĂ©mocratie ou qui vise la destruction de celle-ci ainsi que la mĂ©connaissance des droits et libertĂ©s qu'elle reconnaĂźt, ne peut se prĂ©valoir de la protection de la Convention contre les sanctions infligĂ©es pour ces motifs. La Cour de Strasbourg rappelle cependant que les exceptions visĂ©es Ă  l'article 11 appellent, Ă  l'Ă©gard des partis politiques, UNE INTERPRETATION STRICTE, seules des raisons convaincantes et impĂ©ratives pouvant justifier des restrictions Ă  leur libertĂ© d'association. Pourvu qu'il remplisse les conditions mentionnĂ©es ci-dessus, un parti politique qui s'inspire des valeurs morales imposĂ©es par une religion ne saurait ĂȘtre considĂ©rĂ© d'emblĂ©e comme une formation enfreignant les principes fondamentaux de la dĂ©mocratie, tels qu'ils ressortent de la Convention. La Cour estime Ă©galement que les statuts et le programme d'un parti politique ne peuvent ĂȘtre pris en compte comme seul critĂšre afin de dĂ©terminer ses objectifs et intentions. L'expĂ©rience a montrĂ© que, par le passĂ©, les partis politiques ayant des buts contraires aux principes fondamentaux de la dĂ©mocratie ne les ont pas dĂ©voilĂ©s dans des textes officiels jusqu'Ă  ce qu'ils s'approprient le pouvoir. On ne peut donc exclure que le programme politique d'un parti cache des objectifs et intentions diffĂ©rents de ceux qu'il affiche publiquement. Pour s'en assurer, il faut comparer le contenu de ce programme avec les actes et prises de position des membres et dirigeants du parti en cause. En l'espĂšce, elle admet le bien-fondĂ© de la position prise par la Cour constitutionnelle turque au motif que les actes et discours des membres et dirigeants du Parti de la ProspĂ©ritĂ© invoquĂ©s dans son arrĂȘt Ă©taient imputables Ă  l'ensemble du parti. Elle constate que ces actes et discours rĂ©vĂ©laient un projet politique Ă  long terme visant Ă  instaurer un rĂ©gime fondĂ© sur la charia dans le cadre d'un systĂšme multi-juridique et que ce parti n'excluait pas le recours Ă  la force afin de rĂ©aliser son projet et de maintenir en place le systĂšme qu'il prĂ©voyait. (p.29 - leçon 1)

(18) CC 157/2009, du 13 octobre 2009 - ASBL Vrijheidsonfs et Vlaamse Concentratie + CE 169.314, du 22 mars 2007 - ASBL Vrijheidsonfs et Vlaamse Concentratie

En 2009, la Cour connaĂźt des demandes de rĂ©cusations de plusieurs de ses membres introduites par des responsables du Vlaams Belang dans le cadre d'une procĂ©dure fondĂ©e sur l'article 15ter de la loi du 04 juillet 1989. Ils font notamment griefs Ă  ces juges d'ĂȘtre respectivement membres du Centre de droit public de l'ULB qui a comme thĂšme de recherche "la lutte contre l'extrĂȘme droite", d'ĂȘtre membre de la commission du Parc naturel "plaines de l'Escaut" et de faire partie du "Dialogue euro-arabe", d'ĂȘtre proche du parti sp.a et d'avoir publiĂ© des articles dans une revue connue pour son hostilitĂ© au Vlaams Belang, d'ĂȘtre un collĂšgue universitaire de l'un des avocats du conseil des ministres dans la mĂȘme affaire ou d'ĂȘtre membre d'une loge maçonnique. La Cour rejette cette requĂȘte. AprĂšs avoir rappelĂ© la portĂ©e de l'impartialitĂ© subjective et objective, elle indique que les particularitĂ©s d'une Cour constitutionnelle impliquent, dans sa composition, UN ÉQUILIBRE SUR LES PLANS LINGUISTIQUE, POLITIQUE ET PROFESSIONNEL. Elle en dĂ©duit que "l'application des causes de rĂ©cusation ne peut avoir pour effet que la Cour (...) ne puisse plus dĂ©libĂ©rer". Pour ce qui concerne L'APPARTENANCE À UN CENTRE UNIVERSITAIRE, elle relĂšve que "l'universitĂ© est un lieu privilĂ©giĂ© de la libertĂ© acadĂ©mique, qui traduit le principe selon lequel les enseignants et les chercheurs doivent jouir, dans l'intĂ©rĂȘt mĂȘme du dĂ©veloppement du savoir et du pluralisme des opinions, d'une trĂšs grande libertĂ© pour mener des recherches et exprimer leur opinion dans l'exercice de leurs fonctions". Pour ce qui concerne LES SYMPATHIES POLITIQUES DES JUGES, elle relĂšve, se fondant sur la jurisprudence de la Cour europĂ©enne des droits de l'homme, "qu'une sympathie politique dans le chef d'un magistrat ne suffit pas en soi pour susciter des apprĂ©hensions justifiĂ©es de partialitĂ©" et qu'il n'en irait autrement que si "l'intĂ©ressĂ© a reçu du parti politique qui est censĂ© ĂȘtre le sien des instructions concernant le litige". Enfin, elle rappelle que la Cour europĂ©enne a dĂ©jĂ  considĂ©rĂ© que LA SIMPLE CIRCONSTANCE QU'UN JUGE SOIT FRANC-MAÇON NE DONNE PAS LIEU À RÉCUSATION. Constatant que les requĂ©rants ne "font pas valoir d'Ă©lĂ©ments concrets de nature Ă  compromettre l'impartialitĂ© subjective des juges", elle rejette la requĂȘte. On notera que, dans la mĂȘme affaire, le Conseil d'Etat a adoptĂ© une attitude beaucoup moins tranchĂ©e. Il a fait droit Ă  une demande de rĂ©cusation des conseillers d'Etat Michel Leroy et Philippe Quertainmont au motif que des "Ă©lĂ©ments (incontestĂ©s) peuvent faire problĂšme du point de vue de l'impartialitĂ© objective requise". En effet, ils font partie du Centre de droit public de l'ULB "qui entent rassembler autant des thĂ©oriciens que des praticiens du droit public, centre au sein duquel ils rencontrent entre autre sa directrice, Annemie Schaus, que ce centre a entre autre pour objectif la recherche (pas seulement concernant l'extrĂȘme droite) mais concernant la lutte contre l'extrĂȘme droite, et que c'est prĂ©cisĂ©ment Annemie Schaus qui assiste et reprĂ©sente les parties requĂ©rantes originaires en sa qualitĂ© d'avocate dans la procĂ©dure qu'elles ont intentĂ©e pour demander la suppression de la dotation accordĂ©e au Vlaams Belang". (p.553 - leçon 18)

(10) Refus de levée de l'immunité parlementaire d'Alain Mathot

En 2013, la Chambre des reprĂ©sentants refuse de dĂ©livrer l'autorisation visant au renvoi d'une parlementaire devant une juridiction de jugement au motif qu'elle avait Ă©tĂ© sollicitĂ©e Ă  contretemps et, curieusement, Ă  la veille du scrutin communal, et en refusant le renvoi d'un autre parlementaire au motif que l'accusation de trafic d'influence portĂ©e Ă  son Ă©gard revĂȘtait Ă  son estime un caractĂšre tĂ©nu et que, de surcroĂźt, les faits reprochĂ©s au parlementaire "pourraient Ă  premiĂšre vue dĂ©couler de l'exercice normal d'un mandat politique". En 2016, la Chambre refuse d'autoriser les poursuites Ă  l'encontre d'Alain Mathot notamment au motif que "le dĂ©roulement chronologique de l'instruction, dont on peut relever la longueur, pose certaines questions concernant en particulier le fait que des devoirs et phases importants de cette instruction coĂŻncident avec des moments revĂȘtant un certain intĂ©rĂȘt politique : une perquisition au domicile de M. Mathot pendant une pĂ©riode de dissolution parlementaire, et, dĂšs lors, pendant l'Ă©tablissement des listes Ă©lectorales pour les Ă©lections fĂ©dĂ©rales de 2010, l'inculpation de M. Mathot au moment de la formation du gouvernement en 2011 et la rĂ©daction du rĂ©quisitoire contre M. Mathot au moment de l'Ă©tablissement des listes Ă©lectorales pour les Ă©lections fĂ©dĂ©rales de 2014" et que "ces phases importantes de l'instruction ont souvent coĂŻncidĂ© avec des fuites dans la presse, ce qui a incitĂ© M. Mathot Ă  dĂ©poser plusieurs plaintes avec constitution de partie civile du chef de violation du secret de l'instruction et du secret professionnel, plaintes qui sont d'ailleurs, jusqu'Ă  prĂ©sent, restĂ©es sans suite". (p.327 - leçon 10)

(1) Arrivée au pouvoir des partis fasciste (Mussolini) et nazi (Hitler) en Italie et en Allemagne

En Italie, la loi électorale de 1923 prévoyait que la liste ayant obtenu 25% au moins des voix serait assurée des deux tiers des siÚges, le tiers restant étant réparti à la proportionnelle entre les autres listes. Lors des élections du 06 avril 1924, se tenant dans un climat de violence et d'intimidation, Il Listone, une liste regroupant les candidats du parti fasciste et des partis alliés (les populaires, les libéraux et les démocrates sociaux) obtient 60,1% de suffrages exprimés. Cette liste obtient ainsi les 356 députés prévus par la loi électorale, rejoints par 19 députés, élus sur des listes dissidentes. Parmi ceux-ci, 275 appartiennent au Parti fasciste qui dispose donc de la majorité à lui seul. L'opposition ne compte donc que 151 siÚges répartis à la proportionnelle entre les différentes formations politiques la composant. On notera, cependant, que le taux de participation à ces élections n'était que de 63,8% et qu'Il Lestone n'a obtenu que 41% des voix des électeurs inscrits. L'opposition ne désarmant pas, le 10 juin 1924, l'un de ses principaux leaders, le socialiste Giacomo Matteotti est assassiné. L'opposition parlementaire réagit en refusant de prendre part aux travaux des assemblées tant qu'elles n'auront pas été dissoutes et que de nouvelles élections n'auront pas été organisées. Il n'est donné aucune suite à cette revendication et le Parlement vote, en 1925 et en 1926, diverses lois (dites "fascitissimes") portant notamment atteinte à la liberté de la presse et à la liberté d'association et qui créent les conditions d'instauration de la dictature. En novembre 1932, en Allemagne, le parti nazi obtient 33% des voix, ce qui permettra à Hitler d'accéder à la Chancellerie. En mars 1933, de nouvelles élections sont organisées dans un climat de terreur et de persécution des partis hostiles aux nazis. Le parti nazi obtient désormais 44% des voix, auxquelles il faut ajouter les 8% obtenus par les nationalistes. Hitler est donc soutenu par une majorité absolue sans que son parti, à lui seul, détienne celle-ci. Immédiatement aprÚs les élections, le Reichstaf vote un acte d'habilitation qui retire au Parlement le vote des lois et des budgets et qui confie, pour une période de 4 ans, ces pouvoirs au gouvernement. Celui-ci peut, en outre, "dévier la Constitution". C'en est donc fini de la démocratie allemande. (p.27 - leçon 1)

(15) DĂ©mission de Leterme-Vandeurzen, 2008

En dĂ©cembre 2008, un sĂ©isme secoue la politique belge. Lors de la crise financiĂšre, l'État a rachetĂ© la banque Fortis. La solution retenue sauve les Ă©pargnants, mais prĂ©judicie les actionnaires. Des procĂ©dures judiciaires sont engagĂ©es par ces derniers. Des rumeurs circulent : le premier ministre Yves Leterme, sans se concerter avec ses vices premiers ministres, fait distribuer au parlement une note qu'il a adressĂ©e au ministre de la justice dans laquelle il fait Ă©tat de contacts entre son cabinet et des reprĂ©sentants de l'ordre judiciaire. Le 18 dĂ©cembre, le Premier prĂ©sident de la Cour de cassation Ă©crit au prĂ©sident de la chambre, Herman Van Rompuy, un courrier dans lequel il Ă©crit : "il y a inĂ©vitablement des indications qui apparaissent comme quoi tout a Ă©tĂ© mis en Ɠuvre pour faire en sorte que l'arrĂȘt de la 18Ăšme chambre de la Cour d'appel ne soit pas prononcĂ© comme prĂ©vu et que l'on a tentĂ© de faire traiter l'affaire par un autre siĂšge, vraisemblablement dans l'espoir d'aboutir Ă  un autre rĂ©sultat". Le lendemain, il complĂšte sa note en affirmant l'existence de lourds indices d'intervention du pouvoir exĂ©cutif dans le processus judiciaire. Ceci entraĂźne la dĂ©mission du premier ministre (et son remplacement par monsieur Van Rompuy) ainsi que celle du ministre de la justice Jo Vandeurzen. Les travaux de la commission d'enquĂȘte parlementaire sur l'affaire Fortis ont simplement rĂ©vĂ©lĂ© un contact entre un magistrat dĂ©tachĂ© au cabinet du premier ministre et le reprĂ©sentant du ministĂšre public chargĂ© de donner un avis Ă  l'audience. Il n'y avait lĂ  rien de choquant des lors que le ministĂšre public est censĂ© exprimer la position de l'exĂ©cutif dans le dĂ©bat judiciaire, il ne s'agissait d'ailleurs que les dĂ©livrer un simple avis et que l'enquĂȘte parlementaire n'a rĂ©vĂ©lĂ© aucune pression sur le parquet, mais simplement une divergence de vues sur une question juridique. Par contre sont particuliĂšrement choquantes les accusations sans preuve portĂ© au premier prĂ©sident de la Cour de cassation, lequel a de toutes Ă©vidence violĂ© la sĂ©paration des pouvoirs. (470 - leçon 15)

(10) Affaire Wesphael, la notion de flagrant délit, Cass. 03 décembre 2013

En novembre 2013 Ă©clate l'affaire Wesphael, du nom d'un parlementaire wallon, accusĂ© d'avoir assassinĂ© son Ă©pouse dans un hĂŽtel ostendais. Dans les faits, l'intĂ©ressĂ© a fait appel Ă  la rĂ©ception de l'hĂŽtel, laquelle a immĂ©diatement saisi les services de police qui, arrivĂ©s sur-le-champ, ont constatĂ© le dĂ©cĂšs de la victime. Il nie avoir assassinĂ© son Ă©pouse. Les autoritĂ©s judiciaires, et notamment le Parquet gĂ©nĂ©ral de Gand, estiment qu'il y a FLAGRANT DELIT et s'abstiennent de solliciter l'autorisation du Parlement wallon et du Parlement de la CommunautĂ© française avant d'arrĂȘter l'intĂ©ressĂ© et de le placer en dĂ©tention prĂ©ventive. Cette interprĂ©tation du flagrant dĂ©lit est validĂ©e par la Chambre des mises en accusation du Gand et par la Cour de cassation. le champ d'application de la notion de flagrant dĂ©lit au sens constitutionnel du terme a Ă©tĂ© dĂ©battu devant les chambres au moment de l'adoption du Code pĂ©nal de 1867, et plus particuliĂšrement de son article 158 ("seront punis d'une amende de 200€ Ă  2000€ et pourront ĂȘtre condamnĂ©s Ă  l'interdiction du droit de remplir des fonctions, emplois ou offices publics, tous juges, tous officiers, du ministĂšre public ou de la police judiciaire, tous autres officiers publics qui, sans les autorisations prescrites, auront provoquĂ©, donnĂ©, signĂ© soit un jugement contre un ministre, un sĂ©nateur ou un reprĂ©sentant, soit une ordonnance ou un mandat tendant Ă  les poursuivre ou Ă  les faire mettre en accusation, ou qui, sans les mĂȘmes autorisations, auront donnĂ© ou signĂ© l'ordre ou le mandat de saisir ou arrĂȘt soit un ministre, soit un sĂ©nateur ou un reprĂ©sentant, sauf, quant Ă  ces deux derniers, le cas de flagrant dĂ©lit"). A cette occasion, le dĂ©bat Ă  portĂ© sur la question de savoir si la notion de flagrant dĂ©lit au sens de l'article 59 de la Constitution devait ĂȘtre assimilĂ©e non seulement au flagrant dĂ©lit proprement dit, mais Ă©galement aux cas rĂ©putĂ©s flagrants par le Code d'instruction criminelle (article 41 : "dans tous les cas de flagrant dĂ©lit ou rĂ©putĂ©s tels, le juge d'instruction peut se saisir des faits et poser directement des actes relevant de la compĂ©tence du procureur du Roi"). Devant la commission de la Justice, le baron d'Anethan a indiquĂ© : "votre commission partage l'opinion exprimĂ©e dans l'exposĂ© des motifs que cette expression ne comprend que le flagrant dĂ©lit proprement dit". Des considĂ©rations d'ordre public, ajoute-t-il, "ont pu engager les auteurs de la Constitution Ă  dĂ©roger au principe de l'inviolabilitĂ© du dĂ©putĂ©, en cas de flagrant dĂ©lit, parce que, dans ce cas, une autorisation prĂ©alable est impossible Ă  obtenir ; mais il N'EN EST PAS DE MÊME LORSQU'IL S'AGIT D'UNE ARRESTATION OPEREE PAR SUITE D'INDICES RECUEILLIS APRES LE FAIT CONSOMME. Ces indices ont bien pu ĂȘtre assimilĂ©s par le Code d'instruction criminelle au flagrant dĂ©lit, pour faciliter les poursuites dans les cas ordinaires ; mais CES INDICES, QUI N'ONT JAMAIS L'EVIDENCE DU FLAGRANT DELIT, ET QUI, S'ETANT PRODUITS PLUS TARD, ONT LAISSE LE PLUS SOUVENT LE TEMPS DE DEMANDER L'AUTORISATION VOULUE, CES INDICES, DISONS-NOUS, NE PEUVENT PAS FAIRE FLECHIR LE GRAND PRINCIPE DE L'INVIOLABILITE PARLEMENTAIRE". De mĂȘme, le procureur gĂ©nĂ©ral Ă  la Cour de cassation, Raoul Hayoit de Termicourt a indiquĂ© que le flagrant dĂ©lit ne se concevait que si le fait est vu ou entendu par un tĂ©moin, ou constatĂ© immĂ©diatement par un agent de police judiciaire". Un autre ancien procureur gĂ©nĂ©ral prĂšs de cette Cour, Jean du Jardin, Ă©crit : "flagrant dĂ©lit au sens de l'article 45 de la Constitution doit donc s'entendre au seul sens strict de l'article 41, aliĂ©na 1, du Code d'instruction criminelle, c'est-Ă -dire le dĂ©lit qui se commet actuellement ou qui vient de se commettre. L'exception ne s'appliquera pas au dĂ©lit rĂ©putĂ© flagrant, au sens de l'alinĂ©a 2 de l'article 41. LES CARACTERES D'EVIDENCE JUSTIFIANT L'IMMEDIATETE DES POURSUITES N'EXISTENT PAS LORSQUE L'ON DOIT SE BASER SUR DES INDICES RECUEILLIES ULTERIEUREMENT". Le mĂȘme auteur ajoute : "si le ministĂšre public devait estimer que des recherches d'indices ou d'Ă©lĂ©ments d'imputabilitĂ© sont indispensables Ă  l'exercice de son action, l'absence de solution de continuitĂ© dans la procĂ©dure des poursuites qui pourrait en rĂ©sulter aurait pour consĂ©quence d'ĂŽter Ă  l'exception de flagrance, et sa justification, et ses effets ; la rĂšgle de l'immunitĂ© de procĂ©dure devrait alors reprendre vigueur". En l'espĂšce, les faits se sont dĂ©roulĂ©s dans un lieu clos oĂč seuls Ă©taient prĂ©sents les protagonistes de l'affaire. Il n'y a donc eu aucun tĂ©moin visuel des faits. Quant aux Ă©ventuels tĂ©moins auditifs, il paraĂźt peu probable qu'ils aient pu rapporter des Ă©lĂ©ments de preuve dĂ©montrant irrĂ©futablement la culpabilitĂ© de l'intĂ©ressĂ©. Enfin, une autopsie, des examens toxicologiques, une reconstitution ont Ă©tĂ© prescrits dans le cadre de l'instruction, preuve s'il en est que l'infraction "ne se prĂ©sente pas avec tous les caractĂšres de l'Ă©vidence". On comprend donc mal que la Cour de cassation, dans son arrĂȘt du 03 dĂ©cembre 2013, ait couvert la maniĂšre dont l'instruction a Ă©tĂ© conduite. En effet, la dĂ©finition qu'elle livre du flagrant dĂ©lit est en totale contradiction avec la maniĂšre dont la notion est prĂ©sentĂ©e, notamment par ses anciens procureurs gĂ©nĂ©raux. Pour qu'il y ait un flagrant dĂ©lit, affirme-t-elle, il suffit que des Ă©lĂ©ments prĂ©cis permettent de dĂ©duire objectivement qu'un crime est commis ou vient d'ĂȘtre commis. Il n'est pas requis, Ă  son estime, que le crime soit perçu par un tĂ©moin ou immĂ©diatement constatĂ© par un agent de police judiciaire, ni qu'il soit Ă©vident et dĂ©terminĂ© dans tous ses aspects qu'aucune enquĂȘte plus approfondie n'est nĂ©cessaire. Il est donc permis d'en dĂ©duire que le caractĂšre exceptionnel des faits, la circonstance qu'il relevaient de la vie privĂ©e de l'intĂ©ressĂ© et la crainte d'une rĂ©action courroucĂ©e de l'opinion face aux "privilĂšges" consentis par la Constitution aux parlementaires ont conduit les autoritĂ©s judiciaires, suivies en cela par le Parlement concernĂ©s, Ă  prendre des libertĂ©s avec l protection constitutionnelle consacrĂ©e par l'article 59 de la Constitution. De toute Ă©vidence, les autoritĂ©s judiciaires n'ont pas ici mĂ©ditĂ© le sage conseil de Raoul Hayoit de Termicourt qui Ă©crivait : "existe-t-il un doute sur le point de savoir si, dans une cause dĂ©terminĂ©e, le dĂ©lit est encore flagrant : la sagesse commande au ministĂšre public d'adresser une demande d'autorisation Ă  la chambre compĂ©tente". DĂšs lors que Bernard Wesphael a finalement Ă©tĂ© acquittĂ© des faits mis Ă  sa charge, il est dĂ©montrĂ© irrĂ©futablement qu'il n'y avait pas flagrant dĂ©lit, que les autoritĂ©s judiciaires et, au premier titre, la Cour de cassation se sont gravement et lourdement mĂ©prises et que ce parlementaire a Ă©tĂ© injustement privĂ© de la protection constitutionnelle Ă  laquelle il avait droit. Il est intĂ©ressant de reprendre ici les Ă©lĂ©ments avancĂ©s par la Cour de cassation pour fonder la prĂ©tendue existence d'un flagrant dĂ©lit : " - que le demandeur a Ă©tĂ© trouvĂ© immĂ©diatement aprĂšs la commission du crime pour lequel il y avait de fortes indications ; - que le 31 octobre 2013 Ă  22 :55, le demandeur a rapportĂ© au rĂ©ceptionniste de l'hĂŽtel oĂč il rĂ©sidait avec la victime, que cette derniĂšre s'Ă©tait probablement suicidĂ©e ; - que le rĂ©ceptionniste a tĂ©lĂ©phonĂ© Ă  la police et les premiers verbalisants sont arrivĂ©s dans la chambre d'hĂŽtel environ 10 minutes plus tard ; - que ces verbalisants ont trouvĂ©, dans la salle de bain de la chambre, la victime rĂ©cemment dĂ©cĂ©dĂ©e, le corps Ă  demi nu et avec la zone pubienne complĂštement nue, avec Ă  droite de la tĂȘte en sac en plastique ; - qu'ils ont vu le demandeur, avec ses vĂȘtements en dĂ©sordre, bouger de maniĂšre Ă©trange et qu'ils ont remarquĂ© qu'il avait une Ă©raflure rĂ©cente au poignet gauche ; -que le demandeur a dit plusieurs fois en français que la victime s'Ă©tait suicidĂ©e Ă  l'aide d'un sac en plastique ; -que les officiers de la police judiciaire ont procĂ©dĂ© Ă  l'arrestation du demandeur Ă  23 :05 ou un peu plus tard". On n'aperçoit pas en quoi ces diffĂ©rents Ă©lĂ©ments dĂ©montrent la flagrance. Outre qu'ils n'aient Ă©tĂ© constatĂ©s au moment de leur commission ni par un tĂ©moin ni par un officier de police judiciaire et qu'il s'agit d'indices recueillis aprĂšs les faits, ils doivent, en outre, ĂȘtre corroborĂ©s par des devoirs d'instruction ultĂ©rieurs, tels une autopsie ou des examens toxicologiques. La position prise ici par la Cour de Cassation laisse d'autant plus perplexe que dans son arrĂȘt du 11 juin 2013, cette juridiction livre une interprĂ©tation stricte de la notion de flagrant dĂ©lit. Elle juge que : "le dĂ©lai ainsi Ă©coulĂ© de plus de trois mois entre le dernier acte d'instruction constatĂ© par le jugement attaquĂ© effectuĂ© juste aprĂšs la dĂ©couverte de l'infraction et la citation directe n'est pas compatible avec la condition qu'au moment des poursuites, l'infraction faisant l'objet d'un flagrant dĂ©lit puisse ĂȘtre encore actuelle. Le jugement attaquĂ© ne pouvait davantage dĂ©duire des faits qu'il constate que le ministĂšre public a procĂ©dĂ© sans dĂ©lai Ă  la citation du demandeur". Ces conditions ne sont pas rĂ©unies quand instruction n'est pas diligentĂ©e, mais aussi quand elle est complexe et longue. Si le flagrant dĂ©lit est une exception au rĂ©gime de droit commun, c'est aussi parce que la procĂ©dure rĂ©pressive est rapide. Dans l'affaire Wesphael, l'instruction prend de longs mois de telle maniĂšre qu'il est hasardeux d'affirmer que l'infraction puisse encore ĂȘtre actuelle. De mĂȘme, le ministĂšre public n'a pas pu, du fait de l'instruction qui se prolonge, prendre sans dĂ©lai des rĂ©quisitions de renvoi devant une juridiction de jugement. Ces considĂ©rations confirment notre constat selon lequel la Cour de cassation n'a pas fait, en l'espĂšce, une application correcte de la notion de flagrant dĂ©lit. N'est-il pas Ă©tonnant, sinon regrettable, que cette juridiction fasse dans une affaire ordinaire une application rigoureuse de cette notion et en dĂ©veloppe une conception plus lĂąche dans une hypothĂšse oĂč elle se devait prĂ©cisĂ©ment de garantir la protection reconnue Ă  un parlementaire par la Constitution? (p.318 - leçon 10)

(14) CE 219.380, du 16 mai 2012 - XXX, pouvoirs d'un secrétaire d'Etat fédéral

En principe, DANS LA LIMITE DE LEURS ATTRIBUTIONS, LES SECRÉTAIRES D'ETAT ONT TOUS LES POUVOIRS D'UN MINISTRE. Ainsi, dans un litige ressortissant au droit des Ă©trangers, un requĂ©rant fait grief au secrĂ©taire d'Etat Ă  la Politique de migration et d'asile d'avoir dĂ©lĂ©guĂ© des pouvoirs Ă  l'Office des Ă©trangers. Il soutient que le pouvoir de dĂ©lĂ©gation n'appartient qu'au ministre. Le Conseil d'État indique, par exemple, qu' "en vertu de l'article 104 de la Constitution, les secrĂ©taires d'Etat fĂ©dĂ©raux, s'ils ne font pas partie du conseil des ministres, font partie du Gouvernement fĂ©dĂ©ral et leurs attributions et les limites dans lesquels ils peuvent recevoir le contreseing sont dĂ©terminĂ©s par le Roi. En l'application de cette disposition, L'arrĂȘtĂ© royal du 24 mars 1972 relatif aux secrĂ©taires d'Etat Ă©nonce que sous rĂ©serve des dispositions des articles 2, 3 et 4 de cet arrĂȘtĂ© royal, le secrĂ©taire d'Etat a, dans les matiĂšres qui lui sont confiĂ©es, tous les pouvoirs d'un ministre. Les pouvoirs dont disposent les secrĂ©taires d'Etat fĂ©dĂ©raux sont ainsi prĂ©vus par un arrĂȘtĂ© royal pris directement en vertu la Constitution et sont les mĂȘmes que ceux du ministre auquel ils sont adjoints. Il en ressort que le secrĂ©taires d'Etat Ă  la Politique de foula migration et d'asile, rĂ©guliĂšrement nommĂ© en vertu de l'article 6 de l'arrĂȘtĂ© royal du 17 juillet 2009 'gouvernement - dĂ©missions - nominations - modifications', dispose des mĂȘmes attributions et du mĂȘme pouvoirs de tutelle notamment 'sur l'Office des Ă©trangers', que ceux du ministre auquel il est adjoint. Les pouvoirs dont de dĂ©lĂ©gation est donnĂ© Ă  des agents de l'Office des Ă©trangers pour l'application de certaines dispositions de la loi du 15 dĂ©cembre 1980 sont ceux dont, et le ministre, et le secrĂ©taire d'Etat, disposent dans le cadre de la politique et les versions et d'asile qui leur a, Ă  tous deux, Ă©tĂ© confiĂ©e par les articles 4 et 6 de l'arrĂȘtĂ© royal du 17 juillet 2009. Il en rĂ©sulte que lorsque l'agent dĂ©lĂ©guĂ© prendre une dĂ©cision 'pour le secrĂ©taire d'Etat', Il agit dans le cadre des dĂ©lĂ©gations de pouvoir prĂ©vues par l'arrĂȘtĂ© ministĂ©riel du 18 mars 2009 portant dĂ©lĂ©gation de certains pouvoirs du ministre qui a l'accĂšs au territoire, le sĂ©jour, l'Ă©tablissement et l'Ă©loignement des Ă©trangers dans ses compĂ©tences". (p. 451 - leçon 14)

(18) CC 116/2002, du 26 juin 2002 - suspension, arrĂȘt de principe + CC 143/2013, du 30 octobre 2013 - procĂ©dure en suspension, fouille au corps

En principe, le recours en annulation N'EST PAS SUSPENSIF. Toutefois, la partie qui saisit la Cour d'une requĂȘte en annulation peut solliciter la suspension de la norme incriminĂ©e dans les 3 mois de sa publication. La Cour est tenue de statuer sans dĂ©lai sur la demande en suspension. Tout d'abord, la Cour peut ordonner la suspension d'une norme si le recours se fonde sur des MOYENS SÉRIEUX (qui ne doivent pas ĂȘtre confondus avec des moyens fondĂ©s) et que la norme querellĂ©e crĂ©e, dans le chef du requĂ©rant, UN RISQUE DE PRÉJUDICE GRAVE ET DIFFICILEMENT RÉPARABLE. Ces deux conditions revĂȘtent un caractĂšre CUMULATIF. Encore faut-il relever que mĂȘme si ces deux conditions sont rĂ©unies, la Cour se rĂ©serve la facultĂ© de ne pas user de son pouvoir de suspension. A son estime, il rĂ©sulte que "de l'emploi du mot 'peut' de l'article 19 de la loi spĂ©ciale du 6 janvier 1989 de la Cour constitutionnelle que la Cour, mĂȘme si elle juge qu'il est satisfait aux deux de fonds de l'article 20, 1°, pour pouvoir procĂ©der Ă  la suspension, n'est pas tenue de suspendre. La Cour examine donc s'il se justifie de procĂ©der Ă  la suspension du dĂ©cret attaquĂ©, en faisant la balance des avantages qu'une suspension procurerait aux parties requĂ©rantes et des inconvĂ©nients qu'une telle suspension entrainerait pour l'intĂ©rĂȘt gĂ©nĂ©ral". Faisant donc application du principe de LA BALANCE DES INTÉRÊTS, elle constate que "le dĂ©cret attaquĂ© poursuit des objectifs Ă  ce point importants pour la collectivitĂ© qu'une suspension de ce dĂ©cret risquerait de causer Ă  l'intĂ©rĂȘt gĂ©nĂ©ral et Ă  l'intĂ©rĂȘt de tiers un prĂ©judice plus grave et plus difficilement rĂ©parable que celui de son exĂ©cution immĂ©diate pourrait causer aux parties requĂ©rantes". En l'occurrence, elle avait constatĂ© que les parties pouvaient se prĂ©valoir d'un risque de prĂ©judice difficilement rĂ©parable ainsi Ă©crit : "les parties font valoir d'un deuxiĂšme lieu comme prĂ©judice grave difficilement rĂ©parable que l'adaptation des plans d'exĂ©cutions spatiaux prescrite d'urgence par les articles 2 et 8 du dĂ©cret attaquĂ© a pour effets que les propriĂ©taires deviennent non conformes Ă  la destination de la zone dans laquelle elles sont situĂ©es et qu'elles ne pourront plus exĂ©cuter de nouveaux travaux soumis Ă  l'octroi d'un permis. Les bailleurs et les preneurs de terre agricole sont Ă©galement directement touchĂ©s par le dĂ©cret attaquĂ©. Les terres risquent d'ĂȘtre rehaussĂ©es par des boues de dragage et d'ĂȘtre rendues pour longtemps, ainsi dĂ©finitivement inutilisables pour l'agriculture. La perte de plusieurs annĂ©es d'exercice d'une profession indĂ©pendante doit ĂȘtre considĂ©rĂ©e, selon les parties requĂ©rantes, comme un prĂ©judice grave difficilement rĂ©parable. Les parties requĂ©rantes soulignent en troisiĂšme lieu l'atteinte Ă  leurs conditions de logement, Ă  leur santĂ©, Ă  leur sĂ©curitĂ© et Ă  leur environnement : un tel dommage dĂ©passe largement le simple dommage moral que ferait disparaĂźtre une annulation". Les arrĂȘts de suspension sont rares, et cela notamment parce que la Cour se montre sĂ©vĂšre lorsqu'il s'agit d'admettre l'existence d'un risque de prĂ©judice grave difficilement rĂ©parable. Elle considĂšre, par exemple, qu'un prĂ©judice financier ne justifie pas une suspension sauf lorsque, en raison des circonstances de la cause, celui-ci ne pourrait plus ĂȘtre rĂ©parĂ© Ă  la suite d'un Ă©ventuel arrĂȘt d'annulation. Il en va notamment ainsi lorsqu'une norme a pour effet de bouleverser les conditions de fonctionnement d'un secteur d'activitĂ©s. La Cour estime Ă©galement que la condition du prĂ©judice est remplie lorsque le requĂ©rant est privĂ© d'une garantie juridictionnelle essentielle et que, compte tenu de son Ăąge, il ne pourrait plus, Ă  l'issue de la procĂ©dure devant la Cour constitutionnelle, utilement faire valoir ses droits devant le Conseil d'Etat. Il en va de mĂȘme lorsqu'il subit un prĂ©judice moral liĂ© Ă  une mise Ă  la refaire anticipĂ©e ou encore lorsque, compte tenu de son Ăąge (59 ans), il perdrait, Ă  dĂ©faut de suspension de la norme en cause, la derniĂšre possibilitĂ© de nomination Ă  la fin de sa carriĂšre et aprĂšs avoir dĂ©jĂ  menĂ©e de nombreuses procĂ©dures. Il en est de mĂȘme lorsque le prĂ©judice consiste en la perte d'une annĂ©e scolaire ou dans l'exclusion de l'accĂšs Ă  des Ă©tudes de dentisterie ou de mĂ©decine. Elle considĂšre aussi que la condition du prĂ©judice est rĂ©alisĂ©e lorsque l'exĂ©cution immĂ©diate d'une norme a pour effet de dissuader un nombre important d'Ă©tudiants Ă©trangers de s'inscrire dans une Ă©cole artistique et de provoquer un afflux d'Ă©tudiants qui n'ont pas fait la preuve de leur aptitude Ă  en suivre les cours par la rĂ©ussite d'une Ă©preuve artistique. La Cour n'hĂ©site pas non plus Ă  suspendre une loi Ă©lectorale afin d'Ă©viter que celle-ci ne trouve Ă  s'appliquer lors des Ă©lections lĂ©gislatives du 18 mai 2003. Elle considĂšre, en effet, que "le prĂ©judice qui naĂźtrait d'Ă©lections organisĂ©es sur une base inconstitutionnelle serait nĂ©cessairement grave puisqu'il s'agirait d'une atteinte Ă  la substance du droit, essentiel Ă  l'existence mĂȘme d'une dĂ©mocratie reprĂ©sentative, d'Ă©lire et d'ĂȘtre Ă©lu". Elle use Ă©galement de son pouvoir de suspension afin de prĂ©server des libertĂ©s publiques essentielles. Ainsi est partiellement suspendu un dĂ©cret flamand du 27 mars 1991 au motif qu'il impliquait la diffusion sur un site officiel de la CommunautĂ© flamande de l'identitĂ© des sportifs (en l'occurence d'un coureur cycliste amateur) qui font l'objet d'une suspension disciplinaire. Une telle publication viole le droit Ă  la vie privĂ©e des intĂ©ressĂ©s et peut ĂȘtre utilisĂ©e Ă  d'autres fins que celles poursuivies par le lĂ©gislateur, causant ainsi un prĂ©judicie irrĂ©parable Ă  leur rĂ©putation. Elle suspend aussi une disposition de la loi de principe du 12 janvier 2005 concernant l'administration pĂ©nitentiaire ainsi que le statut juridique des dĂ©tentions, relative Ă  la fouille au corps des dĂ©tenus, tel que modifiĂ© par la loi du 1er juillet 2013. Cette disposition consacrait : "l'obligation (...) faite au dĂ©tenu de se dĂ©shabiller avant d'inspecter de l'extĂ©rieur le corps et les ouvertures et cavitĂ©s du corps". Auparavant, cette mesure "n'Ă©tait pas possible que si des indices individuels laissaient supposer que la fouille des vĂȘtements du dĂ©tenu ne suffisait pas Ă  atteindre l'objectif prĂ©citĂ© et nĂ©cessitait une dĂ©cision particuliĂšre du directeur". Le lĂ©gislateur a rendu cette fouille systĂ©matique lors de leur entrĂ©e en prison des dĂ©tenus, prĂ©alablement Ă  leur placement dans une cellule sĂ©curisĂ©e ou Ă  leur enfermement dans une cellule de punition ou aprĂšs des visites lorsqu'elles n'ont pas lieu dans un local pourvu d'une paroi transparente qui les sĂ©pare des visiteurs. AprĂšs avoir considĂ©rĂ© qu'en "prĂ©voyant une fouille au corps systĂ©matique sans justification prĂ©cise tenant au comportement du dĂ©tenu, la disposition attaquĂ©e semble porter une atteinte discriminatoire Ă  l'interdiction de traitement dĂ©gradant", la Cour estime que la condition du prĂ©judice est remplie parce que les "fouilles corporelles portent une atteinte sĂ©rieuse Ă  l'intĂ©gritĂ© physique" et que "la nature de la mesure a en outre pour effet que cette atteinte ne peut ĂȘtre rĂ©parĂ©e". De plus, la Cour fait pleinement application de la notion de risque de prĂ©judice car le requĂ©rant Ă©tĂ© libĂ©rĂ© au moment oĂč elle a rendu son arrĂȘt mais, mais n'ayant pas purgĂ© l'intĂ©gralitĂ© de sa peine, il pouvait "Ă  tout moment ĂȘtre convoquĂ© pour purger le reste de sa peine privative de libertĂ©". (p.577 - leçon 18)

(13) Cour d'appel de Bruxelles, du 08 mai 1998 - DoutrĂšwe, secret

En raison du principe de publicitĂ© des sĂ©ances de la commission, la dĂ©cision de se rĂ©unir Ă  huis clos doit ĂȘtre motivĂ©e. Elle emporte une obligation de secret pour tous ceux qui ont assistĂ© aux rĂ©unions de la commission. POUR LES NON-PARLEMENTAIRES, la violation de cette obligation constitue une VIOLATION DU SECRET PROFESSIONNEL et partant peut impliquer des sanctions pĂ©nales en vertu de l'article 458 du Code pĂ©nal. Ces principes ont Ă©tĂ© rappelĂ©s avec force par la Cour d'appel de Bruxelles dans une affaire opposant la juge d'instruction Martine DoutrĂšwe contre CinĂ©-tĂ©lĂ©-revue. Cet hebdomadaire avait publiĂ© les notes personnelles du magistrat qui avait Ă©tĂ© saisies par le prĂ©sident de la commission et qui pouvait ĂȘtre consultĂ©es par les commissaires dans les locaux de la Chambre, sans qu'ils soient autorisĂ©s Ă  en prendre copie. La Cour d'appel estime que la publication de documents examinĂ©s par la commission lors d'une rĂ©union Ă  huis clos et Ă  propos desquels elle n'a pas levĂ© le secret "prĂ©sente, dans le chef de l'auteur de l'article incriminĂ©, Une apparence de faute tant pĂ©nale (aux regards des articles 458, 66 et/ou 67 du Code pĂ©nal) que civile, l'article incriminĂ© paraissant nuire Ă  l'intĂ©gritĂ© est au respect de la vie privĂ©e de madame Martine DoutrĂšwe et violer le respect dĂ» aux droits de la dĂ©fense". La Cour d'appel estime donc que le journaliste qui publie des Ă©lĂ©ments couverts par l'obligation de secret au sens la loi sur les enquĂȘtes parlementaires se rend coupable, comme auteur, coauteur ou complice, d'une infraction pĂ©nale. (p.411 - leçon 13)

(15) Démission avortée du gouvernement Eyskens, 1960 + "Démission" des ministres RW, 1977

En vertu des articles 96 et 104, LE ROI PEUT REVOQUER LES MINISTRES ET LES SECRETAIRES D'ETAT. Le chef de l'Etat a rarement fait usage de ce pouvoir qu'il doit exercer avec le contreseing d'un ministre. À ce propos, une attention toute particuliĂšre mĂ©rite d'ĂȘtre Ă  portĂ©e est ce qui a dĂ» ĂȘtre la DERNIÈRE TENTATIVE DU ROI D'EXERCER UN POUVOIR PERSONNEL DANS LA GESTION DES AFFAIRES PUBLIQUES. En 1960, lors des cĂ©rĂ©monies consacrant l'indĂ©pendance du Congo, Baudoin Ier prononce un discours pour le moins paternaliste dans lequel il fait notamment l'Ă©loge de la colonisation et de LĂ©opold II. Patrice Lumumba, Premier ministre du nouvel État, lui rĂ©pond en des termes particuliĂšrement vifs. Le Roi en rend responsable le gouvernement belge qui n'a pas pris les dispositions qui auraient permis d'Ă©viter l'humiliation qu'il a ressentie Ă  l'Ă©coute des propos de Lumumba. Il reproche, en outre, au gouvernement prĂ©sidĂ© par Gaston Eyskens ses atermoiements dans la politique menĂ©e Ă  la suite de l'indĂ©pendance du Congo. Le souhait du Roi est de dĂ©signer un nouveau gouvernement Van Zeeland-Spaak, composĂ© pour le surplus de ministres extĂ©rieurs au monde politique. Le premier ministre, Gaston Eyskens, refuse cependant de dĂ©missionner et dĂ©clare au roi : "sire, vous avez le droit de nous renvoyer, rĂ©voquez-nous". ParallĂšlement, le prĂ©sident du parti social chrĂ©tien (et futur premier ministre) ThĂ©o LefĂšvre, qui fut pourtant un fervent dĂ©fenseur de LĂ©opold III, Ă©crit au roi que la pire des choses serait qui existe, Ă  nouveau en Belgique deux politiques, celle du palais et celle du gouvernement. Incantatoire, il Ă©crit : "puis-je supplier le roi de se faire dire comment la crise de la monarchie qui s'est terminĂ©e aussi douloureusement en 1950 a dĂ©butĂ© dans les annĂ©es 1930". Le roi renonce alors ses projets, admettant aussi implicitement mais certainement qu'il ne lui appartient pas de dessiner les concours de la politique du pays, ce pouvoir ressortant Ă  la compĂ©tence exclusive du gouvernement sous le contrĂŽle du Parlement. En 1977, il est fait un vĂ©ritable usage du droit de rĂ©vocation. Sa mise en Ɠuvre, cependant, ne rĂ©sulte pas de la volontĂ© personnelle du Roi. Le 04 mars, LES MINISTRES APPARTENANT AU RASSEMBLEMENT WALLON (RW), Robert Moreaux et Pierre Bertrand, SONT RÉVOQUÉS aprĂšs que les dĂ©putĂ©s de leurs partis se soient abstenus lors du vote d'un budget important. Le Premier ministre LĂ©o Tindemans, en dĂ©duit que son gouvernement a perdu le soutien du RW et propose le roi la rĂ©vocation des ministres appartenant Ă  ce parti. Le terme "rĂ©vocation" n'est cependant pas utilisĂ© dans l'arrĂȘtĂ© royal du 04 mars 1977, qui dispose que les deux ministres RW sont DÉCHARGÉS DE LEURS FONCTIONS. En outre, c'est arrĂȘtĂ© est publiĂ© au MB sous le titre "gouvernement - dĂ©mission" alors que, Ă  l'Ă©vidence, les intĂ©ressĂ©s n'avait eu aucune intention de dĂ©missionner. Ce dĂ©guisement terminologique s'explique sans doute par la connotation pĂ©jorative du terme "rĂ©vocation". En droit administratif, en effet, il s'agit d'une peine disciplinaire sanctionnant une faute grave. En droit constitutionnel, par contre, ce concept est Ă©tranger Ă  la notion de faute. Il vise simplement Ă  consacrer le fait que l'action d'un ministre ne se rĂ©sout pas Ă  prĂ©senter sa dĂ©mission ne se concilie plus avec la politique gĂ©nĂ©rale du gouvernement. Il est permis, en outre, de s'interroger sur le rĂŽle jouĂ© par le Premier ministre. Celui-ci, sans en avoir confĂ©rĂ© au prĂ©alable avec les deux ministres concernĂ©s, les somme, en public et sans aucune explication, de dĂ©missionner. Une telle dĂ©marche n'est pas sans risque car, si les intĂ©ressĂ©s refusent de cĂ©der, elle ne peut plus se traduire que par leur rĂ©vocation ou par la dĂ©mission de l'ensemble du gouvernement. Par ailleurs, elle mĂ©connaĂźt la rĂšgle selon laquelle un diffĂ©rend entre ministres doit faire l'objet d'un dĂ©bat au sein du conseil des ministres, dans le respect de la procĂ©dure du consensus. Enfin, il est significatif que les deux ministres soient sanctionnĂ©s alors que, respectueux de la solidaritĂ© gouvernementale, Ils ont, Ă  l'inverse des parlementaires de leur parti, votĂ© le budget qui Ă©tait Ă  l'origine de l'incident. Ce prĂ©cĂ©dent tĂ©moigne de l'impact des partis politiques dans la vie et la fin des gouvernements. A aucun moment, le Premier ministre ne se demande si les ministres intĂ©ressĂ©s partagent l'opinion exprimĂ©e par leur parti Ă  la Chambre. Dans l'esprit du Premier ministre, la dĂ©fection des dĂ©putĂ©s RW implique d'emblĂ©e que les ministres de ce parti doivent quitter le gouvernement, sans ĂȘtre en droit ni de manifester leur solidaritĂ© avec le gouvernement, ni mĂȘme de s'expliquer. (p.464 - leçon 15)

(30) CE 133.797, du 12 juillet 2004 - concertation

Encore faut-il que les partenaires appelĂ©s Ă  participer Ă  une concertation fassent preuve D'UN MINIMUM DE BONNE VOLONTE. On ne pourra reprocher Ă  une autoritĂ© d'avoir effectivement exercĂ© ses compĂ©tences nonobstant la circonstance qu'une entitĂ© avec laquelle il devait y avoir concertation s'est refusĂ©e de participer Ă  celle-ci. Le Conseil d'État l'a clairement affirmĂ© dans un arrĂȘt du 12 juillet 2004. Dans cette affaire, la RĂ©gion wallonne faisait grief Ă  l'autoritĂ© fĂ©dĂ©rale d'avoir adoptĂ© un arrĂȘtĂ© royal relatif Ă  la navigation aĂ©rienne sans s'ĂȘtre effectivement concertĂ©e avec elle et d'avoir ainsi manquĂ© Ă  la loyautĂ© fĂ©dĂ©rale. Or, il apparaissait que le gouvernement wallon avait Ă©tĂ© invitĂ© Ă  se prononcer sur le texte en projet et s'Ă©tait contentĂ© de contester la compĂ©tence de l'autoritĂ© fĂ©dĂ©rale pour intervenir en la matiĂšre. Le Conseil d'État a, tout d'abord, constatĂ© que les deux autres RĂ©gions avaient fait valoir leurs observations sur le projet de texte fĂ©dĂ©rale et que seule la RĂ©gion wallonne avait adoptĂ© une position de principe fondĂ©e sur la contestation de la compĂ©tence fĂ©dĂ©ral en la matiĂšre. En adoptant cette attitude de principe radicale, indique le Conseil d'État, "le Gouvernement wallon s'est lui-mĂȘme exclu d'une procĂ©dure devant aboutir Ă  l'adoption d'un texte satisfaisant pour les diffĂ©rentes entitĂ©s". Il ajoute qu'une "Ă©ventuelle violation du principe de loyautĂ© fĂ©dĂ©rale n'est pas sanctionnĂ©e juridiquement", tout en ayant en pratique fait application dudit principe. (p.971 - leçon 30)

(1) Civ. Bruxelles, du 29 juin 2001 - Vlaams Blok + Cass., du 18 novembre 2003 - Vlaams Blok, notion de délit politique

GrĂące Ă  cette modification constitutionnelle, des poursuites sont engagĂ©es, Ă  l'initiative du Centre pour l'Ă©galitĂ© des chances et de la Ligue des droits de l'homme, contre trois associations sans but lucratif dont l'objet social est de participer au fonctionnement du Vlaams Blok, devenue depuis lors le Vlaams Belang. Dans un jugement du 29 juin 2001 et dans un arrĂȘt du 26 fĂ©vrier 2003, le Tribunal de premiĂšre instance de Bruxelles et la Cour d'appel de Bruxelles se dĂ©clarent successivement incompĂ©tents pour connaĂźtre de ces poursuites. Le premier juge estime que prĂŽner la discrimination ou la sĂ©grĂ©gation de façon aussi manifeste et rĂ©pĂ©tĂ©e est un dĂ©lit qui va Ă  l'encontre de la conception actuelle de la dĂ©mocratie et porte ainsi atteinte aux institutions politiques du pays. Il ajoute que la perpĂ©tration de ce dĂ©lit est une atteinte Ă  l'ordre interne de l'Etat et a pour objectif de faire Ă©voluer ou de changer l'ordre politique Ă©tabli. Il en dĂ©duit qu'il s'agit lĂ  d'un DELIT POLITIQUE qui, en vertu de l'article 150 de la Constitution, relĂšve de la compĂ©tence exclusive de la Cour d'assises. La Cour d'appel, Ă  son tour, considĂšre que "le fait reprochĂ© constitue un dĂ©lit politique parce qu'il consiste (pour autant Ă©videmment qu'il soit prouvĂ©) dans la commission de l'infraction dans l'intention (...) de faire exister et perdurer un parti politique, en l'espĂšce le Vlaams Blok, et d'accorder Ă  ce parti une aide substantielle (...)". Autrement dit, elle estime que l'on est en prĂ©sence d'un DELIT POLITIQUE car l'infraction en cause est une maniĂšre pour le Vlaams Blok d'exister et partant de faire connaĂźtre son programme. L'interprĂ©tation ainsi donnĂ©e du dĂ©lit politique entre cependant en contradiction avec la jurisprudence de la Cour de cassation en la matiĂšre. Celle-ci, dans un arrĂȘt du 18 novembre rappelle, en effet, que DEUX CONDITIONS doivent ĂȘtre rĂ©unies pour qu'un dĂ©lit soit qualifiĂ© de politique. Il faut, tout d'abord, pour qu'une infraction de droit commun (en l'occurrence une violation de l'article 3 de la loi du 30 juillet 1981 tendant Ă  rĂ©primer certains actes inspirĂ©s par le racisme ou la xĂ©nophobie) soit considĂ©rĂ©e comme politique, que L'AUTEUR DE CELLE-CI AIT ENTEDU AGIR AVEC L'INTENTION DE PORTER ATTEINTE Ă  L'ORDRE POLITIQUE. Il faut ensuite, que LES FAITS AIENT ETE COMMIS DANS DES CIRCONSTANCES TELLES QU'ILS SONT DE NATURE A AVOIR L'EFFET RECHERCHE, SOIT PORTER DIRECTEMENT ATTEINTE AUX INSTITUTIONS POLITIQUES. Elle en conclut que la Cour d'appel de Bruxelles n'a pas motivĂ© de maniĂšre adĂ©quate les raisons qui l'ont conduite Ă  considĂ©rer qu'il s'agissait bien, en l'espĂšce, d'un dĂ©lit politique. Plus particuliĂšrement, elle estime que le simple fait que le parti politique ne peut exister que par la perpĂ©tration du dĂ©lit ne suffit pas Ă  confĂ©rer Ă  celui-ci la qualification de politique. A la suite de cette arrĂȘt, l'affairait est renvoyĂ©e devant la Cour d'appel de Gand qui, dans un arrĂȘt du 21 avril 2004, condamne sĂ©vĂšrement les trois associations satellites du Vlaams Blok pour violation de l'article 3 de la loi prĂ©citĂ©e du 30 juillet 1981. La Cour de cassation rejette, le 09 novembre 2004, le pourvoi formĂ© contre cet arrĂȘt. Elle constate que l'article 3 de la loi du 30 juillet 1981 transpose en droit belge l'article 4 de la Convention internationale sur l'Ă©limination de toutes les formes de discrimination raciale et que cette disposition lĂ©gale ne souffre aucune exception. Autrement dit, LES PARTIS POLITIQUE NE PEUVENT, PAS PLUS QUE QUICONQUE, SE RENDRE COUPABLES DE DISCRIMINATIONS RACIALES. La Cour relĂšve, en outre, que la Convention europĂ©enne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertĂ©s fondamentales admet que des limites soient apportĂ©es Ă  la libertĂ© d'expression, d'association et de rĂ©union. Il en rĂ©sulte que le Vlaams Blok ne peut se prĂ©valoir de ces libertĂ©s pour donner un fondement Ă  un comportement discriminatoire contraire Ă  la loi du 30 juillet 1981. Tirant les conclusions de cet arrĂȘt, les responsables du Vlaams Blok ont "nuancĂ©" certains aspects de leur programme et modifiĂ© la dĂ©nomination de leur parti qui se prĂ©sente aujourd'hui sous l'appellation Vlaams Belang. (p.37 - leçon 1)

(10) CC 130/2006, du 28 juillet 2006 - inéligibilité applicable aux conseillers provinciaux

Il a dĂ©jĂ  Ă©tĂ© relevĂ© plus haut qu'en exĂ©cution de la sixiĂšme rĂ©forme de l'Etat, et en vue d'assurer l'EFFET UTILE DU VOTE, il est dĂ©sormais interdit de se prĂ©senter simultanĂ©ment Ă  des Ă©lections qui se tiennent le mĂȘme jour et que le membre d'une assemblĂ©e parlementaire qui se prĂ©sente Ă  une Ă©lection dans une autre assemblĂ©e, s'il est Ă©lu, est tenu d'abandonner son ancien mandat au bĂ©nĂ©fice de celui qui vient de lui ĂȘtre confiĂ© par les Ă©lecteurs. L'article L4155-1, alinĂ©a 2, 6° du Code wallon de la dĂ©mocratie locale et de la dĂ©centralisation pose une rĂšgle plus radicale encore pour ce qui concerne les Ă©lections provinciales. Il prĂ©voit que les membres de la Chambre des reprĂ©sentants, du SĂ©nat, du Parlement europĂ©enne, d'un Parlement rĂ©gional ou communautaire sont inĂ©ligibles au conseil provincial. Autrement dit, cette disposition instaure une CONDITION D'ELIGIBILITE, et non une incompatibilitĂ©. La consĂ©quence est qu'un parlementaire fĂ©dĂ©ral, rĂ©gional, communautaire ou europĂ©en qui veut se prĂ©senter aux Ă©lections provinciales doit d'abord dĂ©missionner de son mandat prĂ©cĂ©dent. Cette mesure est plus exigeante que l'incompatibilitĂ© car elle implique le risque pour le candidat de ne pas ĂȘtre Ă©lu et de perdre tous ses mandats. Deux parlementaires saisissent la Cour constitutionnelle d'un recours en annulation. Ils justifient leur position par le fait qu'ils ne seraient prĂȘts Ă  renoncer Ă  leur mandat parlementaire qu'Ă  la condition de faire partie de l'exĂ©cutif provincial. Or, il leur est impossible, avant les Ă©lections, d'avoir la garantie que leur formation politique fera partie de la majoritĂ© provinciale et qu'ils pourront ainsi exercer le mandat convoitĂ©. La Cour constitutionnelle leur donne tort en rĂ©affirmant le principe du droit du citoyen au CARACTERE UTILE DE SON VOTE. Elle relĂšve que "le lĂ©gislateur dĂ©crĂ©tal wallon poursuit un objectif lĂ©gitime, Ă  savoir garantir l'effet utile du vote des Ă©lecteurs. La Cour doit encore examiner si la mesure entreprise est raisonnablement justifiĂ©e eu Ă©gard Ă  cet objectif. Les conditions auxquelles est subordonnĂ© le droit de se porter candidat doivent reflĂ©ter le souci de maintenir l'intĂ©gritĂ© et l'effectivitĂ© d'une procĂ©dure Ă©lectorale visant Ă  dĂ©terminer la volontĂ© du peuple par l'intermĂ©diaire du suffrage universel. L'Ă©ligibilitĂ© est un droit fondamental ayant pour objet de pouvoir se porter candidat Ă  un mandat de reprĂ©sentant du peuple. Il s'ensuit que ce droit peut ĂȘtre encadrĂ© par des exigences plus strictes que le droit de vote, spĂ©cialement lorsque ces exigences ont pour but de garantir l'effet utile du vote de l'Ă©lecteur. La mesure entreprise n'est pas une atteinte disproportionnĂ©e par rapport Ă  l'objectif poursuivi : la restriction au droit d'Ă©ligibilitĂ© ne constitue pas un empĂȘchement absolu de se porter candidat aux Ă©lections provinciales ; la personne concernĂ©e peut y remĂ©dier en dĂ©missionnant des mandats politiques visĂ©s par la disposition attaquĂ©e". (p.295 - leçon 10)

(17) CE 94.345, du 27 mars 2001 - circulaire Peeters et Martens, recours CF-RW + CC 201/2004 - circulaire Peeters et Martens, recours CF-RW

Il arrive que des ministres adoptent des circulaires qui ONT POUR EFFET, SOUS LE PRÉTEXTE DE DONNER UNE INTERPRÉTATION DU DROIT EXISTANT, D'EN DÉNATURER OU D'EN MODIFIER LA PORTÉE. Il a Ă©tĂ© jugĂ© que "quel que soit leur intitulĂ©, ce sont des actes de portĂ©e rĂ©glementaire et, partant, sont de nature Ă  faire grief, les circulaires signĂ©es par un ministre qui ajoutent des rĂšgles nouvelles Ă  celles qui sont en vigueur, qui sont rĂ©digĂ©es en termes impĂ©ratifs, que leur auteur a entendu rendre obligatoire et au respect desquelles il peut contraindre les destinataires". Dans ce cas, il s'agit d'un rĂšglement attaquable devant le Conseil d'État qui, s'il Ă©mane du pouvoir exĂ©cutif de l'autoritĂ© fĂ©dĂ©rale ou d'une entitĂ© fĂ©dĂ©rĂ©e, peut ĂȘtre censurĂ© si il n'a pas Ă©tĂ© soumis Ă  l'avis prĂ©alable de la section de lĂ©gislation. Tel Ă©tait a priori le cas des circulaires adoptĂ©es par les ministres du gouvernement flamands, Peeters, Martens et Van Den Brande. L'objectif poursuivi est de contraindre les francophones Ă©tablis dans des communes Ă  statut linguistiques spĂ©cial Ă  solliciter, pour chaque document administratif Ă©manant de la commune ou du CPAS, qu'il leur soit adressĂ© en français alors qu'auparavant, la lĂ©gislation linguistique Ă©tait interprĂ©tĂ©e de telles maniĂšre qu'une demande unique suffisait pour qu'ils reçoivent l'ensemble des documents administratifs dans leur langue. Ces circulaires paraissaient manifestement irrĂ©guliĂšres. Tout d'abord, LA LÉGISLATION SUR L'EMPLOI DES LANGUES EN MATIÈRE ADMINISTRATIVE RELÈVE DE LA COMPÉTENCE EXCLUSIVE DE L'AUTORITÉ FÉDÉRALE et les institutions flamandes ne peuvent rĂ©gler en se prĂ©valant de leurs compĂ©tences dans le domaine de la tutelle sur les communes et la CPAS. Ensuite, elles ont pour effet de modifier la portĂ©e du droit existant et de restreindre une libertĂ© dont bĂ©nĂ©ficient des citoyens. Elles ont donc UNE PORTÉE RÉGLEMENTAIRE, ce qui implique notamment qu'il fallait se soumettre Ă  l'avis prĂ©alable de la section de lĂ©gislation du Conseil d'État. Celui-ci, au contentieux de la suspension, en a d'ailleurs implicitement convenu. En effet, il a rejetĂ© les demandes introduites devant lui en raison d'une absence de risque de prĂ©judice grave difficilement rĂ©parable. S'il s'Ă©tait agi de vĂ©ritables circulaires, il n'aurait pas examinĂ© si il existait un risque de prĂ©judice grave difficilement rĂ©parable. Il se serait contentĂ© de constater que les actes en cause n'avaient pas de contenu normatif, ne pouvait pas faire grief aux requĂ©rants et, en consĂ©quence, se serait dĂ©clarĂ© incompĂ©tent pour connaĂźtre des recours. Cependant, le militantisme des chambres flamandes du Conseil d'État est apparu au grand jour dans la maniĂšre dont le recours en annulation concernant la circulaire Peeters a Ă©tĂ© traitĂ©. L'opĂ©ration qui tient du CRIME JUDICIAIRE PARFAIT s'est dĂ©roulĂ©e en deux temps. Alors que cette question n'avait pas Ă©tĂ© Ă©voquĂ©e dans le cadre de la procĂ©dure en suspension, les chambres bilingues du Conseil d'État ont, dans un premier temps, rejetĂ© le recours en ce qu'il Ă©tait mis en Ɠuvre par la CommunautĂ© française et la RĂ©gion wallonne. Elles ont estimĂ© que celles-ci n'avaient pas intĂ©rĂȘt Ă  poursuivre l'annulation d'une rĂšgle qui s'applique sur un territoire oĂč elle n'exerce aucune compĂ©tence et qu'ils n'ont pas plus un intĂ©rĂȘt direct Ă  dĂ©fendre l'intĂ©rĂȘt de tiers. Comme la troisiĂšme requĂ©rante, bien que francophone, Ă©tait domiciliĂ©e dans la RĂ©gion de langue flamande, l'affaire a Ă©tĂ© renvoyĂ© Ă  une chambre flamande du Conseil d'État. Le 23 dĂ©cembre 2004, contre l'avis de l'auditeur gĂ©nĂ©ral nĂ©erlandophone du Conseil d'Etat, cette chambre rejette les recours en annulation dirigĂ©s contre la circulaire Peeters. Il est, tout d'abord, constatĂ© que la situation de fait qui prĂ©valait avant l'adoption de la circulaire n'Ă©tait pas conforme aux articles 25, 26 et 28 de la loi sur l'emploi des langues en matiĂšre administrative. Plus particuliĂšrement, la haute juridiction administrative estime que la pratique antĂ©rieure conduisait, en fait, Ă  un systĂšme de bilinguisme par lequel la prĂ©fĂ©rence linguistique des personnes est instituĂ©e en rĂ©gime ou en principe. Or, Ă  l'estime des magistrats flamands du Conseil d'État, une telle interprĂ©tation des textes est contraire Ă  la lĂ©gislation linguistique et Ă  la Constitution telle qu'elle a notamment Ă©tĂ© interprĂ©tĂ©e par la Cour constitutionnelle dans son arrĂȘt n° 26/98 du 10 mars 1998. AprĂšs avoir invalidĂ© la pratique administrative qui prĂ©valait jusqu'Ă  l'adoption de la circulaire, le conseil d'État conclut Ă  l'illĂ©gitimitĂ© de l'intĂ©rĂȘt de la requĂ©rante en ce que celui-ci s'appuie, en rĂ©alitĂ©, sur une interprĂ©tation de la lĂ©gislation linguistique incompatible avec la Constitution. Cet arrĂȘt est une dĂ©cision de combat au service de la cause flamande la plus agressive. En effet, le Conseil d'État dĂ©veloppe une argumentation pour le moins artificielle et alambiquĂ©e qui le conduit Ă  constater que la requĂ©rante ne disposait pas d'un intĂ©rĂȘt lĂ©gitime Ă  agir. Elle peut dĂšs lors rejeter son recours et Ă©luder les questions fondamentales du caractĂšre rĂ©glementaire de la circulaire et de la compĂ©tence du gouvernement flamand pour interprĂ©ter les lois linguistiques fĂ©dĂ©rales. La matiĂšre de l'emploi des langues est par excellence un champ de division entre les juridictions francophones et nĂ©erlandophones. Les arrĂȘts de rejet du Conseil d'État n'ont pas autoritĂ© de choses jugĂ©e. La Cour de cassation "a ainsi dĂ©cidĂ© que l'arrĂȘt par lequel le Conseil d'État rejette un recours en annulation contre un arrĂȘtĂ© rĂ©glementaire n'a pas autoritĂ© de chose jugĂ©e erga omnes et ne sauraient porter atteinte ni au devoir de contrĂŽle de lĂ©galitĂ© des tribunaux, ni Ă  celui de la Cour de cassation de contrĂŽler la lĂ©galitĂ© du mĂȘme arrĂȘtĂ© lorsqu'elle est saisie d'un pouvoir, celui-ci fĂ»t-il fondĂ© sur le grief d'illĂ©galitĂ© rejetĂ© par le Conseil d'État". Les arrĂȘts prĂ©citĂ©s du Conseil d'État n'ont donc pas pu dĂ©livrer un certificat de validitĂ© juridique aux circulaires Peeters, Martens et Van Den Brande. (p.526 - leçon 17)

(18) CC 68/2005, du 13 avril 2005 - affaire Total + Cass., du 29 juin 2005 - affaire Total

Il existe nĂ©anmoins des cas oĂč la juridiction qui a posĂ© la question prĂ©judicielle se refuse d'admettre la primautĂ© de la Cour constitutionnelle. A titre d'exemple, on peut Ă©voquer l'affaire Total. Un rĂ©fugiĂ© politique birman dĂ©pose plainte sur la base de la loi du 05 aout 2003, relative aux violations graves du droit international humanitaire, dite loi de compĂ©tence universelle contre Total. Cependant, au regard du texte de celle-ci, les juridictions belges doivent se dessaisir de l'affaire si la plainte n'a pas Ă©tĂ© dĂ©posĂ©e par un ressortissant belge. Par un arrĂȘt du 05 mai 2004, la Cour de cassation interroge la Cour constitutionnelle Ă  titre prĂ©judiciel sur la discrimination qui frapperait ainsi les rĂ©fugiĂ©s politiques. Dans son arrĂȘt n°68/2005 du 13 avril 2005, la Cour constitutionnelle constate que cette loi est entachĂ©e d'inconstitutionnalitĂ© EN CE QU'ELLE NE TRAITE PAS ÉGALEMENT LES PLAIGNANTS BELGES ET LES RÉFUGIÉS POLITIQUES ÉTABLIS EN BELGIQUE. Plus prĂ©cisĂ©ment, elle indique que l'article 16.2 de la Convention du 28 juillet 1951 relative au statut des rĂ©fugiĂ©s, disposition directement applicable au droit interne, confĂšre au rĂ©fugiĂ© reconnu, dan l'Etat oĂč il a sa rĂ©sidence habituelle, l'Ă©galitĂ© de traitement avec les nationaux en ce qui concerne le droit d'accĂšs au tribunaux. Dans un arrĂȘt du 29 juin 2005, la Cour de cassation refuse de tirer les consĂ©quences de cet arrĂȘt et prononce le dessaisissement des juridictions belges. Son raisonnement se fonde sur le constat que, MÊME INCONSTITUTIONNELLE SUR CE POINT, LA LOI SUR LA COMPÉTENCE UNIVERSELLE NE PERMET PAS AUX JURIDICTIONS BELGES DE CONNAÎTRE D'UNE PLAINTE D'UN RÉFUGIÉ POLITIQUE ET QU'IL NE LUI APPARTIENT PAS DE PALLIER UNE CARENCE LÉGISLATIVE. Le plaignant avait pourtant demandĂ© que soit posĂ©e Ă  la Cour constitutionnelle la question prĂ©judicielle suivante : "l'article 28 de la loi spĂ©ciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage viole t-il les articles 10 et 11 de la Constitution en ce qu'il serait interprĂ©tĂ© de telle maniĂšre que le juge qui a interrogĂ© la Cour constitutionnelle pourrai appliquer une disposition lĂ©gislative dans une interprĂ©tation jugĂ©e inconstitutionnelle par la Cour constitutionnelle, assimilant ainsi un constat d'inconstitutionnalitĂ©, de surcroit exprimĂ© au conditionnel, Ă  une carence lĂ©gislative ?". La Cour de cassation refuse de poser cette question prĂ©judicielle en affirmant qu'elle repose sur une prĂ©misse inexacte en ce qu'il ressort de l'arrĂȘt rendu par la Cour constitutionnelle "que le constat d'inconstitutionnalitĂ© ne repose pas sur une interprĂ©tation de la rĂšgle existante mais sur la constatation d'une lacune dont celle-ci est entachĂ©e". La Cour de cassation Ă©tait confrontĂ©e Ă  une alternative claire. Elle pouvait donner de la loi sur la compĂ©tence universelle une interprĂ©tation conciliante conforme tout Ă  la fois Ă  l'arrĂȘt rendu par la Cour constitutionnelle Ă  titre prĂ©judiciel et au droit international directement applicable et, dans ce cas, refuser que les juridictions belges soient dessaisies. Elle pouvait Ă©galement, et c'est ce qu'elle a fait, ordonner le dessaisissement en considĂ©rant qu'il y avait une lacune lĂ©gislative et qu'il convenait dĂšs lors d'appliquer un droit jugĂ© inconstitutionnel et, de surcroĂźt, manifestement contraire Ă  une disposition de droit international ayant des effets directs dans l'ordre juridique interne. Ce faisant, la Cour de cassation neutralise la rĂ©ponse Ă  la question qu'elle a elle-mĂȘme posĂ©e et rend le mĂ©canisme prĂ©judiciel parfaitement inutile. (p.589 - leçon 18)

(4) Avis SLCE, des 8 et 14 janvier 2013 - accord de coopération sur les conventions des droits de l'enfant

Il existe Ă©galement des ACCORDS DE COOPERATION, conclus entre les diffĂ©rents partenaires de la Belgique fĂ©dĂ©rale. Ils revĂȘtent, selon les cas, une valeur lĂ©gislative ou rĂ©glementaire. Ils doivent, Ă  notre sens, trouver leur place dans la hiĂ©rarchie des normes. A l'instar des normes de droit international, il convient de les situer au-dessus des normes internes de chaque ordre juridique. La section de lĂ©gislation du Conseil d'Etat a relevĂ© qu'il "peut se dĂ©duire du principe gĂ©nĂ©ral de droit pacta sunt servanda qui, par analogie au droit international, doit Ă©galement ĂȘtre considĂ©rĂ© comme applicable aux accords de coopĂ©ration, que les autoritĂ©s qui ont conclu un accord de coopĂ©ration entre elles doivent le respecter et ne peuvent pas Ă©dicter unilatĂ©ralement des rĂšgles de droit portant atteinte au contenu de l'accord de coopĂ©ration". Il en dĂ©coule que les accords de coopĂ©ration lĂ©gislatifs se situent, dans la hiĂ©rarchie des normes, au-dessus des normes lĂ©gislatives prises unilatĂ©ralement par les partenaires, parties Ă  l'accord. Il en va de mĂȘme des dĂ©crets conjoints tant qu'ils n'ont pas Ă©tĂ© abrogĂ©s unilatĂ©ralement par l'un des lĂ©gislateurs concernĂ©s. Enfin, les accords de coopĂ©ration lĂ©gislatifs priment les accords de coopĂ©ration d'exĂ©cution. Quant aux accords strictement rĂ©glementaires, ils priment les actes rĂ©glementaires pris unilatĂ©ralement par chaque partenaire. (p.146 - leçon 4)

(10) CEDH - Madame A c. Royaume-Uni

L'IRRESPONSABILITE (ou L'IMMUNITE ABSOLUE) du parlementaire l'exonĂšre, de façon absolue, de toute forme de responsabilitĂ© (qu'elle soit pĂ©nale, civile, voire disciplinaire) pour les attitudes prises et les opinions Ă©tendues dans le cadre de l'exercice du mandat parlementaire. Pour mieux en cerner la portĂ©e, il faut se livrer Ă  un bref examen de la jurisprudence de la Cour europĂ©enne des droits de l'homme. Celle-ci se prononce sur cette question dans un arrĂȘt A c. Royaume-Uni. Un dĂ©putĂ© conservateur, s'exprimant Ă  La Tribune de la Chambre des Communes, cite le nom et l'adresse de Madame A et tient Ă  son Ă©gard des propos scandaleux qui sont rĂ©percutĂ©s par la presse, provoquant pour l'intĂ©ressĂ©e et sa famille des dommages irrĂ©parables. En raison de l'immunitĂ© parlementaire dont bĂ©nĂ©ficie le dĂ©putĂ©, Madame A ne peut saisir une juridiction interne afin d'obtenir rĂ©paration du dommage subi. Elle saisit la Cour des droits de l'homme D'UNE VIOLATION DE L'ARTICLE 6 §1 DE LA CONVENTION QUI GARANTIT A QUICONQUE LE DROIT D'ACCES A UN TRIBUNAL INDEPENDANT ET IMPARTIAL. La Cour, cependant, ne fait pas droit Ă  sa demande et dĂ©veloppe une conception globalisante de l'immunitĂ© parlementaire. Elle indique, en effet "que L'APPLICATION D'UNE REGLE CONSACRANT UNE IMMUNITE PARLEMENTAIRE ABSOLUE NE SAURAIT ÊTRE CONSIDEREE COMME EXCEDANT LA MARGE D'APPRECIATION DONT JOUISSENT LES ETATS POUR LIMITER LE DROIT D'ACCES D'UNE PERSONNE A UN TRIBUNAL". Elle souscrit, affirme-t-elle, "aux arguments de la requĂ©rante selon lesquels les allĂ©gations formulĂ©es Ă  son sujet dans le discours du dĂ©putĂ© Ă©taient extrĂȘmement graves et de toute Ă©vident inutiles dans le contexte d'un dĂ©bat sur la politique municipale du logement". Il est, en effet, "particuliĂšrement regrettable que le dĂ©putĂ© ait citĂ© Ă  plusieurs reprises le nom et l'adresse de l'intĂ©ressĂ©e". Ces considĂ©rations "ne sauraient toutefois modifier sa conclusion quant Ă  la proportionnalitĂ© de l'immunitĂ© parlementaire en cause, car la crĂ©ation d'exceptions Ă  cette immunitĂ©, dont l'application serait alors fonction des faits particuliers de chaque espĂšce, aurait pour effet de saper sĂ©rieusement les buts lĂ©gitimes poursuivis". (p.303 - leçon 10)

(10) Affaire Wesphael, le rÎle de l'assemblée ainsi que la notion de bon fonctionnement de l'assemblée, position du Parlement wallon

L'affaire Wesphael a Ă©tĂ© l'occasion de s'interroger sur le rĂŽle des assemblĂ©es en la matiĂšre. Initialement, la commission des poursuites du Parlement wallon constate que n'Ă©tant saisie d'aucune demande Ă©manant soit du ministĂšre public, soit de la dĂ©fense, il ne lui appartient pas de prendre une quelconque initiative. Cette dĂ©marche contredit les termes mĂȘmes de l'article 59, alinĂ©a 6 de la Constitution. Cette disposition, en effet, ne subordonne pas (mĂȘme si elle ne s'exclut pas) l'intervention de l'assemblĂ©e Ă  une quelconque demande du parlementaire mis en cause. Ensuite, saisis par Bernard Wesphael, le Parlement wallon et le Parlement de la CommunautĂ© française refusent de solliciter la levĂ©e de sa dĂ©tention. Certains auteurs estiment que ces assemblĂ©es ne pouvaient agir autrement, car cela les aurait amenĂ©es Ă  s'immiscer dans l'exercice de la fonction judiciaire. L'argument n'est pas sĂ©rieux. L'article 59, alinĂ©a 6, n'a de sens que s'il permet Ă  l'assemblĂ©e parlementaire de faire Ă©chec Ă  des dĂ©cisions du pouvoir judiciaire qu'elle estime arbitraires. Il s'agit d'une disposition qui garantit la sĂ©paration des pouvoirs et qui permet de faire obstacle au pouvoir judiciaire s'il a mĂ©connu les limites constitutionnelles de son action. Autrement dit, sauf Ă  vider de toute pertinence cette disposition constitutionnelle, l'assemblĂ©e parlementaire a le devoir de solliciter la suspension de l'arrestation d'un parlementaire si elle estime que le pouvoir judiciaire a outrepassĂ© les limites des pouvoirs que lui consent la Constitution, notamment en donnant une dĂ©finition Ă©largie ou inadĂ©quate de la notion de flagrant dĂ©lit. Il a Ă©tĂ© relevĂ© que l'article 59 de la Constitution vise Ă  garantir LE BON FONCTIONNEMENT DE L'ASSEMBLEE, et non Ă  accorder une impunitĂ© quelconque au parlement poursuivi. Encore faut-il dĂ©finir les critĂšres permettant d'apprĂ©cier ce qui est requis par le bon fonctionnement du Parlement. A cet Ă©gard, une distinction doit ĂȘtre faite entre les poursuites et la dĂ©tention. Un parlementaire faisant l'objet de poursuites subit sans doute quelque gĂȘne dans l'exercice de son mandat, mais rien ne lui interdit d'exercer nĂ©anmoins celui-ci. Il en va tout autrement s'il est incarcĂ©rĂ© et, partant, incapable de prendre part Ă  l'activitĂ© quotidienne de l'assemblĂ©e. Il est possible de soutenir que l'absence durable de l'un de ses membres ne nuit en rien au fonctionnement du Parlement dĂšs lors qu'aucun problĂšme de quorum ou de majoritĂ© ne se pose. Cette thĂšse a minima semble avoir inspirĂ© la commission des poursuites du Parlement wallon dans l'affaire Wesphael. En effet, elle estime ne pas devoir s'opposer Ă  la dĂ©tention de l'intĂ©ressĂ©, notamment parce que celui-ci "peut continuer Ă  dĂ©poser des propositions de dĂ©cret ou de rĂ©solution et des questions Ă©crites". Or dans un rĂ©gime dĂ©mocratique, le bon fonctionnement de l'assemblĂ©e exige que les Ă©lecteurs soient effectivement et pleinement reprĂ©sentĂ©s par le parlementaire Ă  qui ils ont donnĂ© leur voix. Les 3.688 Ă©lecteurs qui ont exprimĂ© un vote de prĂ©fĂ©rence Ă  l'Ă©gard de Bernard Wesphael n'ont pas bĂ©nĂ©ficiĂ© de cette garantie pendant sa dĂ©tention. AndrĂ© Mast Ă©crivait d'ailleurs Ă  ce propos : "les poursuites intentĂ©es contre un membre du Parlement peuvent troubler l'ordre rĂ©gulier des travaux parlementaires, puisque ces poursuites requiĂšrent gĂ©nĂ©ralement la prĂ©sence de l'inculpĂ©. Elles peuvent avoir pour consĂ©quence de priver une fraction du corps Ă©lectoral de sa reprĂ©sentation Ă  la Chambre ou au SĂ©nat" (p.323 +328 - leçon 10)

(18) CC 184/2011, du 08 dĂ©cembre 2011 - effets des arrĂȘts, budgets bruxellois

L'annulation d'une norme peut ĂȘtre soit PURE ET SIMPLE, soit ATTENUEE. Les arrĂȘts par lesquels la Cour prononce l'annulation totale ou partielle d'une loi, d'un dĂ©cret ou d'une ordonnance ont, en vertu de l'article 9 §1 de la loi spĂ©ciale du 06 janvier 1989, "autoritĂ© absolue de la chose jugĂ©e Ă  partir de leur publication au Moniteur belge". Une telle formulation est inadĂ©quate car l'annulation est un effet de droit qui dĂ©passe celui de l'autoritĂ© de la chose jugĂ©e. En rĂ©alitĂ©, L'ANNULATION OPERE, EN PRINCIPE, DE MANIERE ABSOLUE. En effet, les dispositions annulĂ©es n'existent plus et, de surcroĂźt, sont censĂ©es n'avoir jamais existĂ©. Toutefois, en raison des difficultĂ©s insurmontables qui peuvent ĂȘtre engendrĂ©es par l'annulation d'une norme qui a parfois fait l'objet de nombreuses applications, le lĂ©gislateur a prĂ©vu que la COUR PEUT INDIQUER, par voie de disposition gĂ©nĂ©rale, CEUX DES EFFETS DE L'ACTE ANNULE QUI DOIVENT ÊTRE CONSIDERES COMME DEFINITIFS OU MAINTENUS PROVISOIREMENT POUR LE DELAI QU'ELLE DETERMINE. Elle est donc habilitĂ©e soit Ă  limiter la portĂ©e rĂ©troactive de ses arrĂȘts, soit Ă  prĂ©voir le moment auquel son arrĂȘt commencera Ă  produire ses effets. Cette facultĂ© constitue, en quelque sorte, le corollaire des rĂšgles relatives Ă  la suspension des lois, dĂ©crets ou ordonnances. Dans les deux cas, en effet, IL S'AGIT D'EVITER QU'UNE ANNULATION AIT POUR EFFET DE COMPROMETTRE GRAVEMENT LA SECURITE JURIDIQUE. Il arrive donc que la dĂ©cision de la Cour n'ait d'effet que pour l'avenir. Ainsi a-t-elle annulĂ© des dispositions budgĂ©taires de la RĂ©gion de Bruxelles-Capitale visant Ă  financer des crĂšches sur le territoire bruxellois. Elle a, cependant, maintenu les effets de la norme annulĂ©e en prĂ©cisant que cette "annulation ne peut toutefois avoir pour consĂ©quence que le financement allouĂ© sur la base de cette disposition doive ĂȘtre remboursĂ©". Elle indique que plusieurs projets d'infrastructures qui ont Ă©tĂ© financĂ©s sont dĂ©jĂ  rĂ©alisĂ©s, que d'autres sont en cours d'exĂ©cution et qu'une "annulation rĂ©troactive aurait pour effet que plusieurs acteurs qui ont pu invoquer de bonne foi une disposition budgĂ©taire et une dĂ©cision des pouvoirs publics fondĂ©e sur cette disposition pourrait rencontrer des problĂšmes financiers". Pour autant que le budget ait Ă©tĂ© Ă©puisĂ©, une telle dĂ©cision est donc dĂ©pourvu d'effet utile, si ce n'est pour le principe qu'elle pose et l'indication faite au lĂ©gislateur du comportement qui doit ĂȘtre le sien Ă  l'avenir. La Cour, en certaines circonstances, use de cette facultĂ© pour laisser le temps au lĂ©gislateur de remĂ©dier au vice qu'il a dĂ©tectĂ©. Ainsi, il lui arrive de maintenir les effets d'une lĂ©gislation pour l'avenir et pour une pĂ©riode qu'elle dĂ©termine. Elle se fonde Ă  cet Ă©gard sur la jurisprudence de la Cour europĂ©enne des droits de l'homme. Celle-ci estime "qu'au regard du principe de la sĂ©curitĂ© juridique, une cour constitutionnelle peut laisser un dĂ©lai au lĂ©gislateur pour lĂ©gifĂ©rer Ă  nouveau, ce qui a pour consĂ©quence qu'une norme inconstitutionnelle reste applicable pendant une pĂ©riode transitoire". (p.580 - leçon 18)

(5) Cass., du 13 avril 1989 - Debled c. Odre des médecins, avis SLCE

L'arrĂȘt de la Cour de cassation du 13 avril 1989 mĂ©rite d'ĂȘtre invoquĂ© ici. Le docteur Debled est sanctionnĂ© par l'Ordre des mĂ©decins parce qu'il pratiquait des honoraires excessifs. L'intĂ©ressĂ© conteste cette sanction parce que la procĂ©dure mise en oeuvre Ă  son encontre se fonde sur des arrĂȘtĂ©s qu'il estime irrĂ©guliers. Il indique, en effet, que les arrĂȘtĂ©s royaux 78 et 79, relatifs Ă  l'art de guĂ©rir et Ă  l'Ordre des mĂ©decins pris en vertu d'une loi d'habilitation du 31 mars 1967 (et qui organisent la procĂ©dure disciplinaire) ont Ă©tĂ© dĂ©libĂ©rĂ©s en conseil des ministres avant que soit communiquĂ© Ă  celui-ci l'avis de la section de lĂ©gislation du Conseil d'Etat. Cet argument est invoquĂ© dans le cadre d'un pourvoi formĂ© devant la Cour de cassation. Celle-ci le rejette, en se fondant sur une analyse par trop formelle de l'article 2 des lois coordonnĂ©es sur le Conseil d'Etat. Elle estime que "l'existence de ces 2 avis (celui du Conseil d'Etat et des ministres qui dĂ©libĂšrent en conseil) est la seule condition formelle fixĂ©e par la loi qui n'indique pas l'ordre dans lequel ils doivent ĂȘtre donnĂ©es". Cet arrĂȘt est contestable. En toute logique, la consultation de la section de lĂ©gislation doit intervenir AVANT que le texte dĂ©finitif de l'arrĂȘtĂ© soit dĂ©libĂ©rĂ© au sein de l'organe exĂ©cutif. Il s'agit lĂ , selon nous, d'une condition essentielle Ă  L'EFFET UTILE de l'obligation de consultation de la section de lĂ©gislation. Enfin, l'absence de consultation de la section de lĂ©gislation Ă  propos d'un acte rĂ©glementaire est de nature Ă  fragiliser irrĂ©mĂ©diablement celui-ci. En effet, en tout temps, les juridictions devant lesquelles sont application est invoquĂ©e pourront l'Ă©carter sur la base de ce simple motif. (p.158 - leçon 5)

(5) CE 185.266, du 09 juillet 2008 - Claudic, article 159

L'article 159 crĂ©e une obligation dans le chef du juge, et non dans celui de l'autoritĂ© administrative. DĂšs lors, estime le Conseil d'Etat, "que l'auteur de l'acte attaquĂ© est un organe de l'administration active, il est tenu d'appliquer les dispositions rĂ©glementaires et n'a pas le pouvoir d'Ă©carter celle qu'il estimerait illĂ©gale". En revanche, ajoute-t-il, "comme toute juridiction, le Conseil d'Etat est tenu de refuser d'appliquer toute disposition rĂ©glementaire qu'il juge illĂ©gale". L'autoritĂ© administrative est donc tenu d'appliquer un rĂšglement illĂ©gale, mais est confrontĂ©e Ă  un jeu de dupes puisque l'acte qu'elle prend sera annulĂ© par le Conseil d'Etat ou verra son application Ă©cartĂ©e par le juge judiciaire, prĂ©cisĂ©ment en raison de irrĂ©gularitĂ©. Dans une affaire Claudic, le Conseil d'Etat fournit une piste permettant Ă  l'autoritĂ© administrative d'Ă©chapper Ă  cette situation inextricable. En l'espĂšce, l'Etat belge, reprĂ©sentĂ© par le ministre des Finances, n'avait pas nommĂ© la requĂ©rante en qualitĂ© de concierge. Il avait, Ă  cette occasion, refusĂ© de faire application d'une instruction administrative (un rĂšglement d'ordre intĂ©rieur) organisant la procĂ©dure de recrutement des concierges qui avait Ă©tĂ© dĂ©clarĂ©e irrĂ©guliĂšre, en la mĂȘme cause, par un arrĂȘt antĂ©rieur de la haute juridiction administrative. La requĂ©rante estimait que "la partie adverse, en tant qu'autoritĂ© administrative, ne pouvait, sur la base de l'article 159 de la Constitution et du principe gĂ©nĂ©ral du parallĂ©lisme des procĂ©dures et des compĂ©tences, refuser l'application de cette instruction, quand bien mĂȘme celle-ci paraĂźtrait illĂ©gale". Le Conseil d'Etat refuse de censurer la dĂ©cision attaquĂ©e en dĂ©cidant que "la requĂ©rante n'a pas intĂ©rĂȘt au moyen dĂšs lors que l'instruction ministĂ©rielle du 10 aoĂ»t 1976 fixant le rĂšglement d'ordre intĂ©rieur des concierges est un acte rĂ©glementaire irrĂ©guliĂšrement adoptĂ©". Les circonstances dans lesquelles l'arrĂȘt Claudic a Ă©tĂ© rendu Ă©taient Ă©videmment particuliĂšres. En effet, la partie adverse Ă©tait l'auteur du rĂšglement litigieux et son irrĂ©gularitĂ© avait non seulement Ă©tĂ© prĂ©alablement constatĂ©e par le Conseil d'Etat, mais l'avait Ă©tĂ© dans le cadre de la mĂȘme affaire. Il n'en demeure pas moins que la piste ainsi indiquĂ©e par la haute juridiction administrative paraĂźt satisfaisante en toutes circonstances. Sans doute l'autoritĂ© prend-elle un risque, que ce soit en appliquant ou en refusant d'appliquer un rĂšglement illĂ©gal, mais il paraĂźt saugrenu, et contraire au principe de lĂ©galitĂ©, de la sanctionner pour avoir, en refuser d'appliquer un rĂšglement irrĂ©gulier, fait une application correcte du droit. CorrĂ©lativement, il serait dĂ©raisonnable de reconnaĂźtre Ă  une partie un intĂ©rĂȘt Ă  une application incorrecte de celui-ci. Autrement dit, il n'est pas dĂ©raisonnable pour l'autoritĂ© administrative, agissant avec prudence et circonspection, de faire application, en certaines circonstances et Ă  ses risques et pĂ©rils, sinon de l'article 159 de la Constitution qui ne concerne que les juridictions, mais Ă  tout le moins de la technique de raisonnement qu'il consacre. (p.169 - leçon 5)

(1) CC 10/2001, du 07 février 2001 - 15ter

L'article 15ter (parti politique hostile Ă  la Convention europĂ©enne des droits de l'homme), dans sa formulation de 1999, a fait l'objet d'un recours en annulation de la part du Vlaams Blok devant la Cour constitutionnelle. Dans son arrĂȘt du 07 fĂ©vrier 2001, elle rejette celui-ci en assortissant sa dĂ©cision de diffĂ©rentes rĂ©serves qui ont malheureusement conservĂ© leur pertinence par rapport au nouveau texte de cette disposition. Tout d'abord, elle estime que cette disposition doit S'INTERPRETER STRICTEMENT. Elle considĂšre, en effet, que le terme "hostilitĂ©" est peu prĂ©cis. Il convient, dĂšs lors, compte tenu de l'objectif du lĂ©gislateur (Ă  savoir dĂ©fendre la dĂ©mocratie et ne pas permettre que des libertĂ©s politiques soient utilisĂ©es afin de la dĂ©truire), de l'interprĂ©ter comme la manifestation d'une "incitation Ă  violer la norme juridique en vigueur",et notamment "une incitation Ă  commettre des violences et Ă  s'opposer Ă  ces rĂšgles". Ainsi affirme-t-elle que fait partie du dĂ©bat dĂ©mocratique lĂ©gitime le fait pour un parti de proposer que l'une ou l'autre rĂšgle figurant dans la Convention europĂ©enne des droits de l'homme ou dans un de ses protocoles reçoive une interprĂ©tation nouvelle ou soit rĂ©visĂ©e. De mĂȘme, il doit ĂȘtre possible pour un parti d'Ă©mettre "des critiques sur les prĂ©supposĂ©s philosophiques ou idĂ©ologiques de ces instruments internationaux". La Cour en dĂ©duit que la sanction ne pourra ĂȘtre prise que dans le cas d'une hostilitĂ© manifestĂ©e Ă  l'Ă©gard d'un "principe essentiel au caractĂšre dĂ©mocratique du rĂ©gime" politique. Elle souligne expressĂ©ment que la condamnation du racisme et de la xĂ©nophobie constitue incontestablement l'un de ces principes fondamentaux "car de telles tendances, si elles Ă©taient tolĂ©rĂ©es, prĂ©senteraient, entre autres dangers, celui de conduire Ă  discriminer certaines catĂ©gories de citoyens sous le rapport de leurs droits, y compris de leurs droits politiques, en fonction de leurs origines". La rĂ©serve Ă©mise par la Cour revient, dĂšs lors, Ă  limiter le champ d'application de l'article 15ter de la loi du 04 juillet 1989 prĂ©citĂ© aux incitations Ă  violer les principes essentiels d'un rĂ©gime dĂ©mocratique, en ce compris les principes lĂ©galitĂ© et de non-discrimination. Une deuxiĂšme rĂ©serve Ă©mise par la Cour est liĂ©e Ă  L'IMMUNITE PARLEMENTAIRE dont peuvent bĂ©nĂ©ficier les membres des partis politiques concernĂ©s. La Cour estime, en effet, qu'une opinion ou un vote Ă©mis dans l'exercice d'un mandat parlementaire ne peut donner lieu Ă  l'application de la procĂ©dure prĂ©vue par l'article 15ter de la loi du 04 juillet 1989, et ce, en raison de l'immunitĂ© parlementaire garantie par l'article 58 de la Constitution. Cette rĂ©serve n'est pas dĂ©raisonnable, de prime abord. NĂ©anmoins, il eĂ»t Ă©tĂ© possible de dĂ©fendre une conception diffĂ©rente de l'irresponsabilitĂ© du parlementaire consacrĂ©e par l'article 58 de la Constitution, et de considĂ©rer que ce dernier ne peut ĂȘtre personnellement rendu responsable de ses opinions et votes. Ceux-ci peuvent nĂ©anmoins avoir des effets en droit, dĂšs lors qu'ils concernent des tiers (en l'occurrence sa formation politique). Il aurait alors Ă©tĂ© possible de garantir le nĂ©cessaire respect de l'article 58 de la Constitution tout en permettant que des sanctions soient prises Ă  l'Ă©gard des partis liberticides, et ce, mĂȘme pour des propos tenus dans une enceinte parlementaire. Enfin, la Cour Ă©met une troisiĂšme rĂ©serve. Elle estime que le parti QUI A CLAIREMENT ET PUBLIQUEMENT DESAVOUE le membre qui aurait manifestĂ© son hostilitĂ© Ă  l'Ă©gard des principes dĂ©mocratiques ne peut ĂȘtre sanctionnĂ©. On peut regretter sa frilositĂ©. En effet, il est frĂ©quent que, pour la forme, une formation politique liberticide se dĂ©solidarise des propos inqualifiables tenus par l'un de ses membres, mais ne prenne aucune sanction Ă  son Ă©gard et, pire, continue Ă  lui faire confiance et bĂ©nĂ©ficie, lors des Ă©lections suivantes, des suffrages qu'il peut recueillir. L'exonĂ©ration de responsabilitĂ© ainsi consacrĂ©e n'aurait de sens que dans l'hypothĂšse oĂč le parti concernĂ© ne se contenterait pas de dĂ©savouer le membre en cause, mais le sanctionnerait, par une exclusion ou Ă  tout le moins par une interdiction de figurer Ă  l'avenir sur ses listes Ă©lectorales. Force est de constater que la Cour constitutionnelle, gĂ©nĂ©ralement plus pragmatique, prive ainsi l'article 15ter d'un part de son effet utile. (p.32 - leçon 1)

(12) CE 217/199, du 12 janvier 2012 - Hazette et consorts

L'article 32 du rĂšglement du Parlement de la CommunautĂ© française Ă©tablit que l'exercice d'un mandat politique Ă©lectif est incompatible avec la qualitĂ© d'agent du Parlement et que "l'acceptation d'un tel mandat entraĂźne la dĂ©mission d'office Ă  la date d'installation dans les fonctions". Cette nouvelle disposition, adoptĂ©e en dĂ©cembre 2011, a pour effet d'empĂȘcher des agents du Parlement de se prĂ©senter aux Ă©lections communales ou provinciales d'octobre 2012 s'ils entendent conserver leur emploi. Ils saisissent le Conseil d'État d'une demande en suspension d'extrĂȘme urgence, lequel fait droit Ă  leur requĂȘte. Il relĂšve que "l'Ă©ligibilitĂ© est un droit fondamental dans une sociĂ©tĂ© dĂ©mocratique", que "si le rĂ©gime d'incompatibilitĂ©s attaquĂ© n'a pas pour objet les conditions d'exercice d'un mandat politique, il a cependant pour consĂ©quence qu'il n'est pas possible d'exercer, en mĂȘme temps qu'un mandat politique Ă©lectif, les fonctions qu'il vise, sous peine de dĂ©mission d'office, ce qui peut dissuader les titulaires de ces fonctions de postuler un mandat politique puisque l'exercice de ce mandat entrainerait la perte de leur emploi". Il en conclu "qu'il rĂ©sulte des articles 8, alinĂ©a 12, et 162, alinĂ©a 1er, de la Constitution qu'il appartient au lĂ©gislateur seul de rĂ©gler les conditions nĂ©cessaires pour exercer les droits politiques, et, partant, les incompatibilitĂ©s qui empĂȘchent l'exercice d'un mandat Ă©lectif communal, notamment". Dans cette affaire, la partie adverse conteste l'extrĂȘme urgence. Elle relĂšve que la procĂ©dure est engagĂ©e en janvier et que les Ă©lections se tiennent au mois d'octobre suivant. Une requĂȘte en suspension simple permettrait, Ă  sons sens, aux requĂ©rants d'obtenir un arrĂȘt avant les Ă©lections. Le Conseil d'État, avec pragmatisme Ă©carte cet argument : "considĂ©rant qu'il ressort notamment des piĂšces annexĂ©es au recours que si les Ă©lections communales auront lieu en octobre 2012, le processus de constitution des listes est d'ores et dĂ©jĂ  en cours au sein de chaque parti ; que la prĂ©paration sereine d'Ă©lections dĂ©mocratiques ne s'accommode pas de pis-aller, tel qu'en l'espĂšce, l'incertitude que crĂ©Ă© le rĂšglement attaquĂ© dans le chef des requĂ©rants quant Ă  la possibilitĂ© de pouvoir non seulement se porter candidats auxdites Ă©lections mais aussi garantir aux Ă©lecteurs qui leur auront fait confiance et Ă  leur colistiers, l'exercice effectif du mandat pour lequel ils se seront engagĂ©s ; que mĂȘme si les listes ne sont officiellement arrĂȘtĂ©es que quelques semaines avant la tenue du scrutin et que la question de l'incompatibilitĂ© entre la fonction d'agent et le mandat Ă©lectif ne se posera que si ils sont effectivement Ă©lus, les requĂ©rants soutiennent lĂ©gitimement que dans les faits, par Ă©gard pour les Ă©lecteurs et les partis, c'est en rĂ©alitĂ© maintenant que le choix s'impose ; que l'imminence de ce choix justifie qu'ils aient eu recours Ă  la procĂ©dure d'extrĂȘme urgence". (p.360 - leçon 12)

(13) Cour d'appel d'Anvers, du 30 janvier 1992 - Transnuklear, enquĂȘtes parlementaires + CE 86.728, du 07 avril 2000 - enquĂȘtes parlementaires

L'essentiel du travail des commissions d'enquĂȘte consiste dans L'AUDITION D'EXPERTS ET DES TÉMOINS. Ceci peut, cependant, ĂȘtre Ă  l'origine de rĂ©elles difficultĂ©s lorsqu'il y a interaction entre une enquĂȘte parlementaire et une enquĂȘte judiciaire en cours ou Ă  venir. Ainsi, dans une affaire Transnuklear, la Cour d'appel d'Anvers dĂ©cide de prononcer la nullitĂ© des poursuites Ă  charge de deux prĂ©venus condamnĂ©s en premiĂšre instance par le Tribunal correctionnel de Turnhout Ă  5 ans de prison. La Cour a constatĂ© que les dĂ©clarations faites par les intĂ©ressĂ©s dans le cadre de leur audition sous serment par une commission parlementaire ont Ă©tĂ© utilisĂ©es lors de la procĂ©dure en premiĂšre instance. Elle relĂšve qu'ils n'ont pas Ă©tĂ© en mesure d'organiser leur dĂ©fense comme ils l'entendaient puisqu'ils ont du faire sous serment des dĂ©clarations compromettantes pour eux-mĂȘmes. Elle y voit une violation flagrante des droits de la dĂ©fense et de l'article 14, §3, g du Pacte international relatif aux droits civils et politiques qui prĂ©voit que NUL NE PEUT ÊTRE TENU DE TÉMOIGNER CONTRE SOI-MÊME. La Cour de cassation, dans un arrĂȘt du 06 mai 1993, rejette le pourvoi dirigĂ© par le ministĂšre public contre l'arrĂȘt de la Cour d'appel d'Anvers. Le lĂ©gislateur a tirĂ© les enseignements de cet arrĂȘt et a posĂ© le principe selon lequel : "tout tĂ©moin qui, en faisant une dĂ©claration conforme Ă  la vĂ©ritĂ©, pourrait s'exposer Ă  des poursuites pĂ©nales, peut refuser de tĂ©moigner". Ces garanties permettent normalement Ă  l'enquĂȘte parlementaire et Ă  la procĂ©dure judiciaire de se complĂ©ter harmonieusement. Les personnes entendues par la commission d'enquĂȘte le sont Ă  titre de tĂ©moins et si une infraction est relevĂ©e, un procĂšs-verbal est dressĂ© et communiquĂ© aux autoritĂ©s judiciaires compĂ©tentes. La procĂ©dure judiciaire peut alors commencer, avec comme corollaire la nĂ©cessitĂ© d'assurer le respect des droits de la dĂ©fense. La commission parlementaire, dont les pouvoirs sont quasi illimitĂ©s lorsqu'il s'agit de procĂ©der aux investigations, ne peut, en aucun cas, se substituer, sans mĂ©connaĂźtre le principe de la sĂ©paration des pouvoirs, aux organes du pouvoir judiciaire dans la mise en oeuvre des poursuites. Le procĂšs-verbal qui est dressĂ© par ses soins doit avoir pour seule consĂ©quence de permettre au parquet d'entamer des poursuites. La commission doit veiller en l'Ă©tablissant Ă  ne rien y faire figurer qui entre en contradiction avec le principe du respect du droit de la dĂ©fense. Les mĂȘmes principes doivent l'animer lorsqu'elle rĂ©dige son rapport. Un souci identique doit la guider lorsqu'il peut exister une interaction entre une procĂ©dure disciplinaire et une enquĂȘte parlementaire. La commission ne peut, comme l'a fait la commission sur les disparitions d'enfants, se substituer Ă  l'autoritĂ© disciplinaire. Elle doit limiter son action Ă  Ă©tablir des faits. En imputant personnellement des fautes Ă  des tĂ©moins entendus au cours de ses travaux, elle prend le risque de compromettre la validitĂ© d'une sanction disciplinaire prononcĂ©e ultĂ©rieurement. Cette question a Ă©tĂ© traitĂ©e dans l'affaire Michaux, du nom du gendarme Ă  qui il Ă©tait reprochĂ©, dans le cadre de l'affaire Dutroux, de ne pas avoir dĂ©couvert, lors d'une perquisition, la cache dans laquelle Ă©taient sĂ©questrĂ©es deux enfants. À cette occasion, le Conseil d'État indique "que la seule question que pose le moyen elle celle de savoir si la mĂ©diatisation des travaux de la commission d'enquĂȘte parlementaire est le rapport Ă©tabli par cette commission ont entamĂ© l'impartialitĂ© de l'autoritĂ© disciplinaire ou on peut donner l'apparence de l'entamer". En l'espĂšce, le Conseil d'État a rĂ©pondu par la nĂ©gative Ă  la question parce que "les faits reprochĂ©s au requĂ©rant ont fait l'objet d'une enquĂȘte minutieuse et autonome au sein de la gendarmerie et que ce sont le contenu et les conclusions de cette enquĂȘte lĂ  qui ont servi de fondement Ă  la proposition de sanction". Il souligne Ă©galement que le ministre lui-mĂȘme a dĂ©noncĂ© la mĂ©diatisation Ă  outrance de cette affaire, s'il en est qu'il Ă©tait capable de se dĂ©gager de cette influence. La commission par contre, est parfaitement LIBRE D'INCRIMINER LES MINISTRES parce que, dans ce cas, il n'est pas question d'engager Ă  leur Ă©gard une Ă©ventuelle procĂ©dure disciplinaire et que l'enquĂȘte parlementaire est prĂ©cisĂ©ment UN MOYEN permettant de METTRE EN OEUVRE LEUR RESPONSABILITE POLITIQUE. (p.415 - leçon 13)

(29) CC 124/2010, du 28 octobre 2010 - inspection scolaire

L'exercice extraterritorial des compĂ©tences communautaires Ă©tait Ă©galement au cƓur du dĂ©bat relatif Ă  L'INSPECTION DES ECOLES FRANCOPHONES SITUEES DANS LES COMMUNES A STATUT LINGUISTIQUE SPECIAL DE LA PERIPHERIE BRUXELLOISE. Avant la communautarisation de l'enseignement, les ministres de l'Éducation nationale francophone et flamand avaient conclu un protocole d'accord aux termes duquel les services d'inspection francophones contrĂŽleraient ces Ă©coles francophones situĂ©es en rĂ©gion de langue nĂ©erlandaise. Une loi spĂ©ciale du 21 juillet 1971 a maintenu les "mesures d'exĂ©cution pratiques en matiĂšre d'enseignement" en vigueur au moment de la communautarisation de l'enseignement au profit des habitants des communes Ă  facilitĂ©s et a prĂ©vu que celles-ci ne peuvent ĂȘtre modifiĂ©es que du commun accord des CommunautĂ©s. En vertu de ces principes, les services de la CommunautĂ© française ont continuĂ© Ă  assumer la mission d'inspection Ă  l'Ă©gard de ces Ă©coles. Par son dĂ©cret du 23 octobre 2009, la CommunautĂ© flamande a remis en cause cette formule et a investi ses services de la mission d'inspecter ces Ă©coles. D'une part, la Cour constitutionnelle affirme clairement que le principe du standstill consacrĂ© par l'article 16bis de la loi spĂ©ciale du 8 aoĂ»t 1980 impose que la garantie d'une inspection de ces Ă©coles par les services de la CommunautĂ© française soit prĂ©servĂ©e. D'autre part, elle rĂ©affirme clairement que la CommunautĂ© flamande est la seule compĂ©tente pour "fixer les objectifs de dĂ©veloppement et les objectif finaux, les prescriptions en matiĂšre d'encadrement des Ă©lĂšves" et pour "approuver les programmes d'Ă©tudes pour l'enseignement dans la rĂ©gion de langue nĂ©erlandaise, Ă  laquelle appartiennent Ă©galement les Ă©coles prĂ©citĂ©es". S'il est possible d'apporter des dĂ©rogations Ă  ces rĂšgles, eu Ă©gard Ă  la spĂ©cificitĂ© de ces Ă©coles et Ă  la circonstance que nombre des Ă©lĂšves qui les frĂ©quentent poursuivent leur scolaritĂ© dans des Ă©coles de la CommunautĂ© française, seule la CommunautĂ© flamande, dans le respect de la loyautĂ© fĂ©dĂ©rale, est habilitĂ©e Ă  les accorder. Autrement dit, elle admet que les services d'inspection de la CommunautĂ© française exercent des compĂ©tences de maniĂšre extraterritoriale, mais au seul motif qu'il s'agit d'une garantie accordĂ©e antĂ©rieures Ă  la rĂ©forme de l'État et dĂ©libĂ©rĂ©ment maintenue par les auteurs de celle-ci. Cette garantie est d'ailleurs limitĂ©e puisque les inspecteurs doivent transmettre leurs rapports et une traduction de ceux-ci Ă  l'administration flamande. Pour le reste, la CommunautĂ© française n'a aucune vocation Ă  exercer ses compĂ©tences Ă  l'Ă©gard d'Ă©coles situĂ©es en dehors de son territoire. Cet arrĂȘt, tout en prĂ©servant les garanties existantes au bĂ©nĂ©fice des francophone, rĂ©affirme donc le CARACTERE EXCLUSIF des compĂ©tences territoriales et L'ETANCHEITE DU TERRITOIRE COMMUNAUTAIRE en ce qu'il concerne les rĂ©gions linguistiques unilingues. La Cour ne remet en cause ce principe que quand, par nature, une compĂ©tence ne se prĂȘte pas Ă  un exercice strictement territorial. A propos d'un dĂ©cret de la CommunautĂ© française qui fixe le cadastre des frĂ©quences qui peuvent ĂȘtre attribuĂ©es Ă  des opĂ©rateurs sur la bande FM, elle affirme qu'il rĂ©sulte "de la nature mĂȘme de la matiĂšre de la radiodiffusion qu'une rĂ©glementation dans ce domaine peut avoir des effets extraterritoriaux". Ainsi qu'il a Ă©tĂ© indiquĂ© plus haut, la jurisprudence de la Cour constitutionnelle prĂ©sente dans le domaine des compĂ©tences territoriales un CARACTERE EMINEMMENT SUBJECTIF. En matiĂšre de protection de la jeunesse, elle a considĂ©rĂ©, par exemple, que sont admissibles, Ă  titre de critĂšre de rattachement, "la rĂ©sidence familiale du mineur", ou Ă  dĂ©faut "le lieu oĂč il est Ă©duquĂ© ou entretenu". En revanche, "le lieu oĂč il se trouve" paraĂźt trop indĂ©terminĂ© et ne peut ĂȘtre retenu qu'Ă  titre "trĂšs subsidiaire". (p.952 - leçon 29)

(17) CE 82.791, du 08 octobre 1999 - Ceder

L'exĂ©cutif fĂ©dĂ©ral tire son pouvoir rĂ©glementaire d'exĂ©cution de l'article 108 de la Constitution. Celui-ci dispose que "le Roi fait les rĂšglements nĂ©cessaires pour l'exĂ©cution des lois, sans pouvoir jamais ni suspendre les lois elles-mĂȘmes, ni dispenser de leur exĂ©cution". En vertu des lois de rĂ©formes institutionnelles, les mĂȘmes principes s'appliquent, mutatis mutandis, aux gouvernements rĂ©gionaux et communautaires. La Cour de cassation en trace ainsi les contours : "si le pouvoir exĂ©cutif, dans l'accomplissement de la mission que lui confĂšre l'article 108 de la Constitution ne peut Ă©tendre pas plus qu'il ne peut restreindre la portĂ©e de la loi, il lui appartient de dĂ©gager du principe de celle-ci et de son Ă©conomie gĂ©nĂ©rale les consĂ©quences qui en dĂ©rivent naturellement d'aprĂšs l'esprit qui a prĂ©sidĂ© Ă  sa conception et les fins qu'elle poursuit". Les rĂšgles figurant dans un arrĂȘtĂ© d'exĂ©cution doivent donc se trouver AU MOINS EN GERME dans la norme lĂ©gislative, Ă©tant entendu que l'exĂ©cutif ne peut Ă©tendre la portĂ©e de la loi, combler ses lacunes ou la modifier. Les juridictions disposent d'une marge d'interprĂ©tation assez large pour dĂ©terminer si le germe figurant dans la norme lĂ©gislative est suffisant pour fonder l'exercice du pouvoir rĂ©glementaire de l'organe exĂ©cutif. En septembre 1999, le gouvernement entend rĂ©aliser une vaste opĂ©ration de rĂ©gularisation des sans-papiers Ă©tablis sur le territoire belge. Il fixe une procĂ©dure par arrĂȘtĂ© royal. Celui-ci est prĂ©sentĂ© comme une mesure d'exĂ©cution de l'article 9 de la loi du 15 dĂ©cembre 1980 qui autorise le Roi Ă  dĂ©livrer un permis de sĂ©jour Ă  des Ă©trangers Ă©tablis sur le territoire national lorsqu'ils peuvent se prĂ©valoir de circonstances exceptionnelles. L'arrĂȘtĂ© litigieux dĂ©termine ces circonstances exceptionnelles, mais, ce faisant, Ă  la suite d'une maladresse de plume, peut ĂȘtre interprĂ©tĂ© de maniĂšre telle que les Ă©trangers concernĂ©s serai dispensĂ©s de faire valoir des circonstances exceptionnelles s'ils entrent dans un des cas visĂ©s par cet acte rĂ©glementaire. Saisie d'une demande en suspension introduite par des reprĂ©sentants du Vlaams Blok, une chambre flamande du Conseil d'État, dans son arrĂȘt Ceder, suspend l'arrĂȘtĂ© au motif qu'il n'exĂ©cute pas l'article 9 prĂ©citĂ©, mais qu'il en modifie la portĂ©e. Le gouvernement est dĂšs lors contraint de renoncer Ă  l'adoption d'un arrĂȘtĂ© d'exĂ©cution et fait voter une loi pour donner un fondement Ă  l'opĂ©ration de rĂ©gularisation des sans-papiers. (p.520 - leçon 17)

(22) Cour SuprĂȘme du Canada, du 20 aoĂ»t 1998 - renvoi relatif Ă  la sĂ©cession du QuĂ©bec

L'unitĂ© de l'Etat fĂ©dĂ©ral implique qu'en rĂšgle, la sĂ©cession d'une composante n'est pas constitutionnellement prĂ©vue. Or, il arrive (tel est le cas, par exemple, en Catalogne, au QuĂ©bec, voire en Flandre) qu'il existe au sein d'un Etat fĂ©dĂ©ral des revendications indĂ©pendantistes. La Cour suprĂȘme du Canada a fixĂ©, dans une dĂ©cision du 20 aoĂ»t 1998 dĂ©nommĂ©e "renvoi relatif Ă  la sĂ©cession du QuĂ©bec", des principes clairs en la matiĂšre. Elle prĂ©cise, tout d'abord, que "nos institutions dĂ©mocratique permettent nĂ©cessairement un processus continu de discussion et d'Ă©volution, comme en tĂ©moigne le droit reconnu par la Constitution Ă  chacun des participants Ă  la fĂ©dĂ©ration de prendre l'initiative de modifications constitutionnelles. Ce droit emporte l'obligation rĂ©ciproque des autres participants d'engager des discussions sur tout projet lĂ©gitime de modification de l'ordre constitutionnel. Un vote qui aboutirait Ă  une majoritĂ© claire au QuĂ©bec en faveur de la sĂ©cession, en rĂ©ponse Ă  une question claire, confĂ©rerait au projet de sĂ©cession une lĂ©gitimitĂ© dĂ©mocratique que tous les autres participants Ă  la ConfĂ©dĂ©ration auraient l'obligation de reconnaĂźtre". Ensuite, elle indique que "le QuĂ©bec ne pourrait, malgrĂ© un rĂ©sultat rĂ©fĂ©rendaire clair, invoquer un droit Ă  l'autodĂ©termination pour dicter aux autres parties Ă  la fĂ©dĂ©ration les conditions d'un projet de sĂ©cession. Le vote dĂ©mocratique, quelle que soit l'ampleur de la majoritĂ©, n'aurait en soi aucun effet juridique et ne pourrait Ă©carter les principes du fĂ©dĂ©ralisme et de la primautĂ© du droit, les droits de la personnes et des minoritĂ©s, non plus que le fonctionnement de la dĂ©mocratie dans les autres provinces ou dans l'ensemble du Canada. Les droits dĂ©mocratiques fondĂ©s sur la Constitution ne peuvent ĂȘtre dissociĂ©s des obligations constitutionnelles". Mais elle ajoute que "la proposition inverse n'est pas acceptable non plus : l'ordre constitutionnel canadien existant ne pourrait pas demeurer indiffĂ©rent devant l'expression claire, par une majoritĂ© claire de QuĂ©bĂ©cois, de leur volontĂ© de ne plus faire partie du Canada. Les autres provinces et le gouvernement fĂ©dĂ©ral n'auraient aucune raison valable de nier au gouvernement du QuĂ©bec le droit de chercher Ă  rĂ©aliser la sĂ©cession, si une majoritĂ© claire de la populaire du QuĂ©bec choisissait cette voie, tant et aussi longtemps que, dans cette poursuite, le QuĂ©bec respecterait les droits des autres. Les nĂ©gociations qui suivraient un tel vote porteraient sur l'acte potentiel de sĂ©cession et sur ses conditions Ă©ventuelles si elle devait effectivement ĂȘtre rĂ©alisĂ©e". Elle en conclut qu'il "n'y aurait aucune conclusion prĂ©dĂ©terminĂ©e en droit sur quelque aspect que ce soit. Les nĂ©gociations devraient traiter des intĂ©rĂȘts des autres provinces, du gouvernement fĂ©dĂ©ral, du QuĂ©bec et, en fait, des droits de tous les Canadiens Ă  l'intĂ©rieur et Ă  l'extĂ©rieur du QuĂ©bec, et plus particuliĂšrement des droits des minoritĂ©s". et que "le processus de nĂ©gociation exigerait la conciliation de divers droits et obligations par voie de nĂ©gociation entre deux majoritĂ©s lĂ©gitimes, soit la majoritĂ© de la population du QuĂ©bec et celle de l'ensemble du Canada. Une majoritĂ© politique, Ă  l'un ou l'autre niveau, qui n'agirait pas en accord avec les principes sous-jacents de la Constitution mettrait en pĂ©ril la lĂ©gitimitĂ© de l'exercice de ses droits et ultimement l'acceptation du rĂ©sultat par la communautĂ© internationale". Autrement dit, dans un rĂ©gime dĂ©mocratique fĂ©dĂ©ral, lorsqu'il existe une volontĂ© sĂ©cessionniste claire d'une composante fĂ©dĂ©rĂ©e, il faut amĂ©nager le droit constitutionnel afin qu'elle puisse s'exprimer, tout en veillant en toutes circonstances Ă  garantir la protection des minoritĂ©s. (p.717 - leçon 22)

(17) CC 97/2011, du 31 mai 2011 - CREG + CC 117/2013, du 07 août 2013 - CREG

LES ORGANES EXÉCUTIFS DE L'AUTORITÉ FÉDÉRALE, DES RÉGIONS ET DES COMMUNAUTÉS NE DISPOSENT PAS DU MONOPOLE DU POUVOIR RÉGLEMENTAIRE. Celui-ci appartient Ă©galement Ă  d'autres autoritĂ©s, comme les assemblĂ©es lĂ©gislatives, les provinces, les communes, les commissions communautaires agissant dans le cadre de leurs compĂ©tences des pouvoirs organisateurs, certains organismes d'intĂ©rĂȘt public ou les ordres professionnels. Un pouvoir rĂ©glementaire appartient Ă©galement Ă  des AUTORITÉS ADMINISTRATIVES INDÉPENDANTES, tels les rĂ©gulateurs rĂ©gionaux en matiĂšre d'Ă©nergie. Ceux-ci interviennent notamment, en vertu d'une directive europĂ©enne, dans la fixation des tarifs en matiĂšre de distribution d'Ă©lectricitĂ© sans qu'aucun organe exĂ©cutif, fĂ©dĂ©ral ou rĂ©gional, puisse interfĂ©rer dans l'exercice de leurs missions. Avant que cette matiĂšre soit transfĂ©rĂ©e aux RĂ©gions, la Cour constitutionnelle n'a pas hĂ©sitĂ© Ă  annuler une loi qui validait des arrĂȘtĂ©s royaux fixant des tarifs de distribution s'Ă©cartant de la proposition de l'organe de rĂ©gulation (en l'occurrence la CREG) alors qu'en vertu de la deuxiĂšme directive Ă©lectricitĂ©, il appartenait Ă  celui-ci de les Ă©tablir, sans que le pouvoir exĂ©cutif puisse rĂ©former ses dĂ©cisions. La Cour constitutionnelle relĂšve que la "confirmation lĂ©gislative d'un arrĂȘtĂ© royal contraire au droit de l'Union europĂ©enne ne couvre pas l'irrĂ©gularitĂ© de cette rĂ©glementation". Cet arrĂȘt laisse perplexe. En effet, la Cour considĂšre qu'une loi ne peut mĂ©connaĂźtre les termes d'une directive europĂ©enne. EnvisagĂ©e de la sorte, cette interprĂ©tation ne souffre aucune critique. Cependant, cette directive a pour effet de priver le pouvoir exĂ©cutif fĂ©dĂ©ral de la facultĂ© d'exercer sa compĂ©tence rĂ©glementaire, et partant entre en contradiction avec les articles 37 et 108 de la Constitution. La Cour semble donc adopter une position inverse Ă  celle qui a Ă©tĂ© la sienne dans des arrĂȘts rendus entre 1991 et 1994, et faire ici primer le droit europĂ©en dĂ©rivĂ© sur la Constitution. Dans un arrĂȘt de 2013, elle connaĂźt d'un recours introduit par la CREG contre la loi de transposition de la troisiĂšme directive Ă©lectricitĂ©. Celle ci entend faire respecter les prĂ©rogatives qu'elle tire du droit europĂ©en et fait grief au lĂ©gislateur d'autoriser certaines interventions du ministre, du Parlement ou des gestionnaires de rĂ©seau dans l'exercice de ses pouvoirs. La Cour se contente de vĂ©rifier la validitĂ© de la loi par rapport Ă  la directive europĂ©enne sans plus mĂȘme je s'interroger de façon explicite sur la question de savoir si la fonction exĂ©cutive peut ĂȘtre exercĂ©e par une autoritĂ© administrative indĂ©pendante. (p.516 - leçon 17)

(26) CC 35/2003, du 25 mars 2003 - COCOM, accords du Lombard

La COMMISSION COMMUNAUTAIRE COMMUNE dispose d'organes propres qui sont issus d'un dĂ©doublement fonctionnel des organes rĂ©gionaux, adaptĂ© Ă  ses spĂ©cificitĂ©s. Son organe lĂ©gislatif, L'ASSEMBLÉE RÉUNIE, adopte, en principe, toutes ses rĂ©solutions Ă  la MAJORITÉ ABSOLUE DE SES MEMBRES, et Ă  la MAJORITÉ DE CHAQUE GROUPE LINGUISTIQUE. Cette formule peut provoquer une paralysie des institutions de la Commission communautaire commune. Telle est la raison pour laquelle les accords du Lombard ont consacrĂ© un NOUVEAU MODE DE DÉLIBÉRATION de cette assemblĂ©e. Il est prĂ©vu, en effet, que si une rĂ©solution n'est pas votĂ©e Ă  la majoritĂ© absolue des membres de l'assemblĂ©e et la majoritĂ© de chaque groupe linguistique, UN DEUXIÈME VOTE EST ORGANISÉ. La rĂ©solution est adoptĂ©e Ă  LA MAJORITÉ DES MEMBRES DE L'ASSEMBLÉE ET POUR AUTANT QU'UN TIERS DES MEMBRES DE CHAQUE GROUPE LINGUISTIQUE SE SOIT PRONONCÉ EN SA FAVEUR. S'il s'agit du vote d'une ordonnance, ce vote doit intervenir au plus tĂŽt un mois aprĂšs le premier vote. Cette disposition a Ă©tĂ© critiquĂ©e devant la Cour constitutionnelle au motif qu'une distorsion est ainsi Ă©tablie entre les partenaires de la Belgique fĂ©dĂ©rale. Plus particuliĂšrement, il est reprochĂ© au lĂ©gislateur spĂ©cial d'avoir privĂ© la minoritĂ© flamande d'une mesure de protection, sans que corrĂ©lativement une mesure analogue n'ait Ă©tĂ© adoptĂ©e Ă  l'Ă©gard des francophones dans l'organisation l'Etat fĂ©dĂ©ral. La Cour Ă©carte cet argument. Elle indique, en effet, que "l'organisation des institutions bruxelloises prĂ©sente un certain parallĂ©lisme avec l'organisation des institutions fĂ©dĂ©rales en ce qui concerne la protection du groupe linguistique le moins nombreux, mais on ne saurait dĂ©duire des articles 10 et 11 de la Constitution que le lĂ©gislateur devrait nĂ©cessairement organiser les institutions bruxelloises de la mĂȘme maniĂšre que celle qui est prĂ©vue, pour les instituions fĂ©dĂ©rales, Ă  l'article 4, alinĂ©a 3, de la Constitution". Elle considĂšre de surcroĂźt que ce systĂšme de vote ne joue qu'Ă  titre subsidiaire et qu'il peut se dĂ©duire des travaux prĂ©paratoires qu'il tend "Ă  crĂ©er un Ă©quilibre entre l'exigence d'une protection suffisante du groupe linguistique le moins nombreux et la nĂ©cessitĂ© de garantir le bon fonctionnement de l'assemblĂ©e concernĂ©e". (p.861 - leçon 26)

(28) CC 145/2004, du 15 septembre 2004 - conventions collectives de travail

La Cour Constitutionnelle a affirmĂ© que le gouvernement flamand n'avait pas vocation Ă  donner force obligatoire aux CONVENTIONS COLLECTIVES DE TRAVAIL dans les matiĂšres qui relĂšvent de la RĂ©gion et de la CommunautĂ© flamande. Cette matiĂšre concerne, en effet, le droit du travail, lequel relĂšve de la compĂ©tence Ă©numĂ©rĂ©e de l'autoritĂ© fĂ©dĂ©rale telle qu'elle ressort de la rĂ©partition des compĂ©tences dans le domaine de l'Ă©conomie. La Cour indique que rien, ni dans la loi spĂ©ciale, "ni dans ses travaux prĂ©paratoires, n'indique que le lĂ©gislateur spĂ©cial ait dissociĂ© le rĂ©gime juridique des conventions collectives en fonction de l'objet traitĂ© par celles-ci, alors qu'une mĂȘme convention collective peut contenir des dispositions qui portent sur plusieurs objets et qui sont liĂ©es dans l'intention des nĂ©gociateurs, voire dans la logique de cette convention. Un telle dissociation aurait pu compromettre la cohĂ©rence du droit conventionnel du travail et perturber les Ă©quilibres voulus par la concertation sociale, dĂšs lors que le lĂ©gislateur spĂ©cial ne prĂ©voyait pas de mĂ©canisme permettant de prĂ©venir ce risque". Autrement dit, elle affirme la prĂ©dominance de l'exception Ă  la compĂ©tence rĂ©gionale de l'Ă©conomie sur l'ensemble des compĂ©tences matĂ©rielles de la RĂ©gion et de la CommunautĂ©. (p.927 - leçon 28)

(28) CC 25/40, du 26 juin 1986 - accĂšs Ă  la profession + CC 36/87, du 10 juin 1987 - accĂšs Ă  la profession

La Cour Constitutionnelle donne gĂ©nĂ©ralement une interprĂ©tation restrictive des matiĂšres expressĂ©ment rĂ©servĂ©es Ă  l'autoritĂ© fĂ©dĂ©rale, comprises dans un bloc de compĂ©tences attribuĂ©, en principe, Ă  une CommunautĂ© ou Ă  une RĂ©gion. On a cru pouvoir en dĂ©duire que, dans la logique commandĂ©e par une telle interprĂ©tation restrictive, elle refuserait de FAIRE UNE APPLICATION DANS UNE POLITIQUE DONNÉE D'UNE EXCEPTION À LA COMPÉTENCE DE LA COMMUNAUTÉ OU DE LA RÉGION, CONSACRÉE EXPRESSÉMENT À PROPOS D'UNE AUTRE POLITIQUE. Cette affirmation trouve son fondement dans un arrĂȘt par lequel elle avait refusĂ© de faire application Ă  propos du dĂ©cret flamand portant statut des entreprises d'hĂ©bergement, de l'article 6, §1, VI, dernier alinĂ©a, 6°, ancien de la loi spĂ©ciale du 08 aout 1980 qui rĂ©servait Ă  l'autoritĂ© fĂ©dĂ©rale, dans le cadre de la politique Ă©conomique, le soin exclusif de fixer les conditions d'accĂšs Ă  la profession. En d'autres termes, elle avait estimĂ© que le droit pour l'autoritĂ© fĂ©dĂ©rale de rĂ©gler l'accĂšs Ă  la profession n'existait que dans le cadre de la politique de l'Ă©conomie, et l'on avait cru pouvoir en dĂ©duire qu'en dehors de cette politique, les CommunautĂ©s et les RĂ©gions Ă©taient habilitĂ©es Ă  rĂ©gler cette matiĂšre. Or la Cour est bien vite revenue sur cette affirmation. En effet, elle indique que la CommunautĂ© flamande est incompĂ©tence pour rĂ©gler les conditions d'accĂšs Ă  la profession des agents de voyage. Elle pose ainsi le principe selon lequel les rĂ©serves de compĂ©tences au profit de l'autoritĂ© fĂ©dĂ©rale revĂȘtent un CARACTERE TRANSVERSAL. (p.925 - leçon 28)

(28) CC 35/2003, du 25 mars 2003 - 162C

La Cour constitutionnelle a Ă©tĂ© saisie d'un recours en annulation contre les dispositions de la loi spĂ©ciale rĂ©gionalisant la matiĂšre des pouvoirs subordonnĂ©s. Il lui appartenant de trancher entre deux thĂšses contradictoires. La premiĂšre, se fondant notamment sur l'avis de la section de lĂ©gislation du Conseil d'Etat, appuyĂ©e par une partie de la doctrine, reposait sur l'idĂ©e selon laquelle, Ă  plusieurs reprises, le constituant et le prĂ©constituant avaient indiquĂ© qu'une rĂ©vision constitutionnelle Ă©tait requise pour rĂ©gionaliser la matiĂšre. Ceci ressortait notamment du fait que l'article 162 avait dĂ©jĂ  Ă©tĂ© modifiĂ© pour confĂ©rer des compĂ©tences aux RĂ©gions notamment dans le domaine des intercommunales et du fait que, consciemment, le prĂ©constituant avait refusĂ© d'inclure l'article 162 dans les dispositions soumises Ă  rĂ©vision. Les tenants d'une deuxiĂšme thĂšse soutenaient que l'article 39 de la Constitution confĂ©rant au lĂ©gislateur spĂ©cial un pouvoir souverain pour dĂ©finir les compĂ©tences rĂ©gionales pour autant qu'il n'empiĂšte pas sur les compĂ©tences des CommunautĂ©s. Il en rĂ©sultait, Ă  leur sens, qu'il y avait plusieurs maniĂšres de rĂ©gionaliser la matiĂšre : une rĂ©vision constitutionnelle en Ă©tait une, la modification de l'article 19, §1 de la loi spĂ©ciale du 08 aoĂ»t 1980, une autre. La Cour constitutionnelle a rĂ©solument optĂ© pour cette seconde option. Elle s'est, en effet exprimĂ©e ainsi : "le contenu de l'article 162, alinĂ©a 1er, de la Constitution (...) est demeurĂ© inchangĂ© depuis 1831 (...). L'utilisation des termes 'par la loi' (...) dans cette disposition ne permet pas de dĂ©duire que le Constituant ait voulu ainsi rĂ©server une matiĂšre au lĂ©gislateur fĂ©dĂ©ral puisque ce n'est que par la modification constitutionnelle du 24 dĂ©cembre 1970 qu'il a procĂ©dĂ© Ă  la crĂ©ation des CommunautĂ©s et des RĂ©gions (...). En utilisant les termes 'par la loi', le Constituant a uniquement voulu exclure cette matiĂšre de la compĂ©tence du pouvoir exĂ©cutif, de sorte que le lĂ©gislateur spĂ©cial peut confier aux RĂ©gions la compĂ©tence de rĂ©gler cette matiĂšre Ă  condition que cette attribution soit expresse et prĂ©cise". Elle ajoute qu'une "modification de la portĂ©e de l'article 162, alinĂ©a 1er, ne peut ĂȘtre dĂ©duite de ce que l'alinĂ©a 3, insĂ©rĂ© ultĂ©rieurement, permet que la rĂ©glementation de l'organisation et de l'exercice de la tutelle administrative soit confiĂ©e, en exĂ©cution d'une loi adoptĂ©e Ă  la majoritĂ© spĂ©ciale, aux Conseils de communautĂ© ou de rĂ©gion et de ce que l'alinĂ©a 4 permet de maniĂšre identique de rĂ©gler, par dĂ©cret ou par la rĂšgle visĂ©e Ă  l'article 134 de la Constitution, les conditions et le mode suivant lequel plusieurs provinces ou plusieurs communes peuvent s'entendre ou s'associer". Enfin, elle indique que "les dispositions prĂ©citĂ©es n'empĂȘchent donc pas que, par application de l'article 39 de la Constitution, le lĂ©gislateur spĂ©cial rende les rĂ©gions compĂ©tentes pour rĂ©gler, par dĂ©cret ou par ordonnance, la composition, l'Ă©lection, l'organisation, la compĂ©tence et le fonctionnement des institutions provinciales et communales, dans le respect des principes contenus dans les articles 41 et 162 de la Constitution". La lecture de l'arrĂȘt n°35/2003 fait apparaitre que pour la Cour constitutionnelle, la DATE DE BASCULEMENT POUR CE QUI CONCERNE LES MATIÈRES RÉSERVÉES EST BIEN 1970, et non 1980. Judicieusement, Hendrick Vuye, Charline Desmecht et Katrin Stangherlin RelĂšvent que le mot "loi" utilisĂ© avant 1970 exclut l'intervention du d'un organe exĂ©cutif, mais non d'un Parlement rĂ©gional ou communautaire, que son utilisation aprĂšs 1980 impose l'intervention du lĂ©gislateur fĂ©dĂ©ral, et ce, par application tant de la Constitution que de l'article 19, §1 de la loi spĂ©ciale du 08 aout 1980, et que son utilisation entre 1970 et 1980 crĂ©e une matiĂšre rĂ©servĂ©e au bĂ©nĂ©fice du lĂ©gislateur fĂ©dĂ©ral, mais en vertu de la seule Constitution. De lĂ  Ă  considĂ©rer que l'article 19, §1 est devenu une disposition dĂ©pourvue d'utilitĂ©, il n'y a qu'un pas qu'il est aisĂ© Ă  franchir. Cette disposition peut d'ailleurs ĂȘtre encore Ă  l'origine d'effets pervers. Tel est le cas lorsque le lĂ©gislateur spĂ©cial confie Ă  une entitĂ© fĂ©dĂ©rĂ©e une compĂ©tence visĂ©e par une disposition constitutionnelle adoptĂ©e aprĂšs 1970 et dans laquelle un pouvoir est confiĂ© Ă  la loi. Dans ce cas, cette entitĂ© fĂ©dĂ©rĂ©e sera gĂȘnĂ©e, sinon paralysĂ©e, par ce rĂ©sidu de compĂ©tence dĂ©volu Ă  l'autoritĂ© fĂ©dĂ©rale et ne pourra, en principe, intervenir dans le champ constitutionnellement rĂ©servĂ© au lĂ©gislateur fĂ©dĂ©ral. Il ne lui reste d'autre possibilitĂ© pour exercer pleinement sa compĂ©tence que d'invoquer le bĂ©nĂ©fice des pouvoirs implicites. (p.922 - leçon 28)

(19) CC 63/2002, du 28 mars 2002 - vice présidents de tribunaux

La Cour constitutionnelle considĂšre d'ailleurs que la DÉSIGNATION D'UN VICE-PRÉSIDENT DE TRIBUNAL, soit d'un mandat adjoint, ÉCHAPPE À TOUS CONTRÔLE JURIDICTIONNEL puisque les titulaires d'une telle fonction doivent "ĂȘtre considĂ©rĂ©s comme des collaborateurs Ă©troits d'un chef de corps qu'ils assistent dans l'accomplissement de sa mission", ce qui implique que, "dans sa prĂ©sentation, le chef de corps ne tiendra pas uniquement compte des capacitĂ©s de personnes concernĂ©es mais aussi des Ă©lĂ©ments tels que les possibilitĂ©s de collaboration et l'opinion du magistrat concernĂ© au sujet des problĂšmes auxquels est confrontĂ©e la juridiction". (p.601 - leçon 19)

(28) CC 40/87, du 15 octobre 1987 - pouvoirs impliqués, politique de sécurité + CC 41/87, du 15 octobre 1987 - pouvoirs impliqués, politique de sécurité + CC 49/88, du 10 mars 1988 - pouvoirs impliqués, politique de sécurité

La Cour constitutionnelle crĂ©e des ZONES DE COMPETENCES PARTAGEES entre l'autoritĂ© fĂ©dĂ©rale, d'une part, et les CommunautĂ©s ou les RĂ©gions, d'autre part, alors qu'elles ne sont pas prĂ©vues dans les rĂšgles relatives Ă  la rĂ©partition des compĂ©tences. Paul Martens, ancien prĂ©sident de la Cour constitutionnelle, explique que cette jurisprudence se fonde sur le principe selon lequel le constituant et le lĂ©gislateur spĂ©cial ont attribuĂ© aux CommunautĂ©s et aux RĂ©gions "toute la compĂ©tence d'Ă©dicter les rĂšgles propres aux matiĂšres qui leur ont Ă©tĂ© transfĂ©rĂ©es". Il en rĂ©sulte que des compĂ©tences qui, sur le papier, ne leur appartient pas sont IMPLIQUEES par les compĂ©tences qui sont les leurs. La Cour constitutionnelle reconnait aux CommunautĂ©s et aux RĂ©gions la compĂ©tence d'Ă©dicter des normes relatives Ă  la PROTECTION CONTRE L'INCENDIE dans les STRUCTURES DESTINÉES AUX PERSONNES ÂGÉES et dans les IMMEUBLES DESTINÉS AU LOGEMENT alors que la sĂ©curitĂ© relĂšve, en principe, de la compĂ©tence rĂ©siduelle de l'autoritĂ© fĂ©dĂ©rale. DĂšs 1987, elle souligne que "la politique en matiĂšre de sĂ©curitĂ© dans les structures destinĂ©es aux personnes ĂągĂ©es, et plus particuliĂšrement la protection contre l'incendie, n'est pas demeurĂ©e une matiĂšre purement nationale". Elle fixe, cependant, les limites de cette compĂ©tence en prĂ©cisant que si l'autoritĂ© fĂ©dĂ©rale "est compĂ©tente pour Ă©dicter des normes de base, Ă  savoir des normes qui sont communes Ă  une catĂ©gorie de construction sans que soit prise en compte leur destination, les communautĂ©s sont compĂ©tentes pour rĂ©gler les aspects de sĂ©curitĂ© qui sont spĂ©cifiques aux Ă©tablissements destinĂ©s aux personnes ĂągĂ©es, c'est-Ă -dire pour adapter et complĂ©ter les normes nationales de base, sans mettre celles-ci en pĂ©ril". Elle dĂ©veloppe une argumentation identique pour fonder la compĂ©tence des RĂ©gions, sur la base de leurs compĂ©tences en matiĂšre d'urbanisme et d'amĂ©nagement du territoire et de logement, "pour rĂ©gler les aspects de la protection contre l'incendie qui sont spĂ©cifiques aux immeubles destinĂ©s en ordre principal Ă  l'habitation". De façon purement prĂ©torienne, la Cour constitutionnelle opĂšre donc, dans une matiĂšre (la sĂ©curitĂ©) relevant en principe de la compĂ©tence rĂ©siduelle de l'autoritĂ© fĂ©dĂ©rale, une distinction entre les "normes fĂ©dĂ©rales de base" et les "normes spĂ©cifiques aux matiĂšres qui relĂšvent des compĂ©tences des CommunautĂ©s ou des RĂ©gions". Ce faisant, elle admet qu'il existe dans le domaine de la sĂ©curitĂ©, COMPETENCE RESIDUELLE de l'autoritĂ© fĂ©dĂ©rale, une ZONE DE COMPETENCE CONCURRENTE. La REGLE DE CONFLIT permettant de distinguer les attributions respectives de l'autoritĂ© fĂ©dĂ©rale et des entitĂ©s fĂ©dĂ©rĂ©es rĂ©side dans la distinction entre les normes de base et les normes spĂ©cifiques qui ne mettent pas en pĂ©ril les normes de base. (p.913 - leçon 28)

(18) CC 56/93, du 08 juillet 1993 - maintien des effets des arrĂȘts prĂ©judiciels, statut ouvrier-employĂ© + CC 125/2011, du 07 juillet 2011 - maintien des effets des arrĂȘts prĂ©judiciels, statut ouvrier-employĂ©

La Cour constitutionnelle s'autorise Ă  MAINTENIR LES EFFETS D'UNE NORME dont elle a constatĂ© l'inconstitutionnalitĂ© Ă  l'occasion d'un arrĂȘt rendu au CONTENTIEUX PRÉJUDICIEL. Cette question a Ă©tĂ© posĂ©e dans le cadre du contentieux relatif aux statuts respectifs des ouvriers et des employĂ©s. Ceux-ci diffĂšrent sur de nombreux plans, et notamment en ce qui concerne la durĂ©e du prĂ©avis. Les employĂ©s bĂ©nĂ©ficient Ă  cet Ă©gard dans un rĂ©gime nettement plus favorable. InterrogĂ©e un titre prĂ©judiciel, en 1993, la Cour avait relevĂ© qu'en "fondant la distinction entre les ouvriers et employĂ©s sur la nature principalement manuelle ou intellectuelle de leur travail, le lĂ©gislateur a Ă©tabli une diffĂ©rence de traitement en fonction d'un critĂšre qu'il pourrait difficilement justifier de maniĂšre objective et raisonnable qu'elle fut instaurĂ©e aujourd'hui". Constatant que cette diffĂ©rence de traitement existait depuis le dĂ©but du 20Ăšme siĂšcle et que le lĂ©gislateur a entrepris progressivement de rapprocher ces statuts, "prĂ©fĂ©rant une harmonisation progressive de ceux-ci Ă  une brusque suppression de la distinction de ces catĂ©gories professionnelles, spĂ©cialement dans une matiĂšre oĂč les normes peuvent Ă©voluer grĂące Ă  une nĂ©gociation collective", elle avait admis que "le processus d'effacement de l'inĂ©galitĂ© dĂ©noncĂ©e, entamĂ©e depuis des dĂ©cennies ne pouvait ĂȘtre que progressif". Comme cet objectif de rapprochement des statuts ne pouvait ĂȘtre atteint que par Ă©tapes successives, elle avait refusĂ© alors de voir dans cette situation une violation de la Constitution. Saisie 20 ans plus tard de la mĂȘme question, elle constate que la distinction entre le travail manuel et intellectuel, retenue notamment pour Ă©tablir la durĂ©e d'un prĂ©avis, dĂ©jĂ  dĂ©noncĂ© en 1993, revĂȘt un caractĂšre discriminatoire. Elle s'empresse, cependant, d'examiner les consĂ©quences de ce constat opĂ©rĂ© Ă  titre prĂ©judiciel. Elle indique qu'un "arrĂȘt prĂ©judiciel, tout en ne faisant pas disparaĂźtre la disposition inconstitutionnelle de l'ordre juridique, a un effet qui dĂ©passe le seul litige pendant devant le juge qui a posĂ© la question prĂ©judicielle" et que notamment il s'Ă©tend "Ă  d'autres affaires, lorsque, Ă  la suite d'un tel arrĂȘt de la Cour, les juridictions sont dispensĂ©es de l'obligation de poser une question prĂ©judicielle ayant le mĂȘme objet". En l'espĂšce, "le constat, non modulĂ©, d'inconstitutionnalitĂ© entrainerait dans de nombreuses affaires pendantes et future une insĂ©curitĂ© juridique considĂ©rable et pourrait engendrer des difficultĂ©s financiĂšres graves pour un grand nombre d'employeurs". La cour maintient donc les effets de la norme dĂ©clarĂ©e inconstitutionnelle jusqu'Ă  ce que le lĂ©gislateur adopte de nouvelles dispositions et au plus tard jusqu'au 8 juillet 2013, soit pendant 2 ans. L'originalitĂ© de cet arrĂȘt rĂ©side dans le fait que le lĂ©gislateur spĂ©cial n'avait pas autorisĂ© la Cour Ă  moduler les effets de ses arrĂȘts rendus au contentieux prĂ©judiciel. Se fondant sur la jurisprudence de la Cour europĂ©enne des droits de l'homme, la Cour estime que les principes de SECURITE JURIDIQUE et de CONFIANCE LEGITIME justifient qu'elle dĂ©roge ainsi, de maniĂšre prĂ©torienne, au caractĂšre dĂ©claratoire de l'arrĂȘt rendu au contentieux prĂ©judiciel. Elle doit, en effet, vĂ©rifier que "l'avantage tirĂ© de l'effet du constat d'inconstitutionnalitĂ© non modulĂ© n'est pas disproportionnĂ© par rapport Ă  la perturbation qu'il impliquerait pour l'ordre juridique". Le lĂ©gislateur spĂ©cial a tirĂ© les consĂ©quences de cet arrĂȘt. DĂ©sormais, l'article 28, alinĂ©a 2, de la loi spĂ©ciale du 06 janvier 1989 prĂ©voit que "si la Cour l'estime nĂ©cessaire, elle indique, par voie de disposition gĂ©nĂ©rale, ceux des effets des dispositions ayant fait l'objet d'un constat d'inconstitutionnalitĂ© qui doivent ĂȘtre considĂ©rĂ©s comme dĂ©finitifs ou maintenus provisoirement pour le dĂ©lai qu'elle dĂ©termine". (p.590 - leçon 18)

(28) CC 8/2011, du 27 janvier 2011 - juridiction administrative flamande

La Cour constitutionnelle valide, sur la base de l'article 10 de la loi, la crĂ©ation par le lĂ©gislateur flamand d'un Conseil pour les contestations d'autorisation, soit d'une juridiction administrative, intervenant dans le domaine de l'urbanisme et de l'amĂ©nagement du territoire, dont les dĂ©cisions font l'objet d'un recours en cassation administrative devant le Conseil d'État. Il s'agit donc en rĂ©alitĂ© d'une juridiction administrative de premier degrĂ©. Ce faisant, le lĂ©gislateur flamand rĂšgle des matiĂšres que la Constitution rĂ©serve Ă  la loi, Ă  savoir la compĂ©tence du Conseil d'État (article 160) et la crĂ©ation de juridictions administratives (article 161). La Cour, tout d'abord, constate que la crĂ©ation de cette juridiction Ă©tait nĂ©cessaire Ă  l'exercice des compĂ©tences rĂ©gionales : "il ressort des travaux prĂ©paratoires prĂ©citĂ©s que le lĂ©gislateur dĂ©crĂ©tale a jugĂ© nĂ©cessaire de crĂ©er une juridiction administrative, d'une part, afin de remplacer le recours devant le Gouvernement flamand par une procĂ©dure de recours devant une instance impartiale et indĂ©pendante qui dispose de l'expertise suffisante pour pouvoir juger si des dĂ©cisions relatives Ă  des autorisations sont conformes au bon amĂ©nagement du territoire et, d'autre part, afin de pouvoir garantir un examen rapide de ce recours. Il n'apparait pas que cette apprĂ©ciation soit erronĂ©e". Ensuite, elle indique que la "matiĂšre de la procĂ©dure de recours contre une dĂ©cision administrative par laquelle un permis est dĂ©livrĂ© ou refusĂ©, une attestation as-built est dĂ©livrĂ©e ou refusĂ©e ou une construction est inscrite ou non dans le registre des permis se prĂȘte Ă  un rĂ©gime diffĂ©renciĂ©, Ă©tant donnĂ© qu'il existe aussi, au niveau fĂ©dĂ©ral, des exceptions Ă  la compĂ©tence gĂ©nĂ©rale du Conseil d'Etat et que la section du contentieux administratif du Conseil d'Etat statue sur les recours en annulation des actes et rĂšglements mentionnĂ©s Ă  l'article 14, §1, des lois coordonnĂ©es sur le Conseil d'Etat pour autant seulement qu'il ne soit pas prĂ©vu de recours auprĂšs d'une autre juridiction administrative". Enfin, elle considĂšre que la condition de l'impact marginal est remplie parce que le Conseil d'Etat connaĂźt, dans le cadre du contentieux de la cassation administrative, des recours formĂ©s contre les dĂ©cisions de cette juridiction administrative. Il s'en dĂ©duit que le dĂ©cret attaquĂ© ne limite "pas exagĂ©rĂ©ment les compĂ©tences du Conseil d'Etat, de sorte que le lĂ©gislateur dĂ©crĂ©tale n'a empiĂ©tĂ© que marginalement sur la compĂ©tence rĂ©servĂ©e en l'espĂšce au lĂ©gislateur fĂ©dĂ©ral". (p.930 - leçon 28)

(20) CC 36.2011, du 10 mars 2011 - mesure d'ordre Ă  l'Ă©gard d'un auditeur

La Cour constitutionnelle, dans la droit ligne de sa jurisprudence relative aux fonctions parlementaires, a, par la suite, dĂ©tectĂ© d'autres inconstitutionnalitĂ© ou lacunes lĂ©gislatives. Ensuite, elle est amenĂ©e Ă  se prononcer sur la dĂ©cision de l'auditeur gĂ©nĂ©ral du Conseil d'Etat de prendre Ă  l'Ă©gard d'un auditeur une mesure d'ordre suspendant pour une annĂ©e judiciaire sa possibilitĂ© de travailler Ă  domicile. L'intĂ©ressĂ© saisit le Conseil d'Etat d'un recours en annulation contre ce qu'il considĂšre comme une sanction disciplinaire dĂ©guisĂ©e. La haute juridiction administrative constate que lorsque l'article 14, §1 des lois coordonnĂ©es ouvre un recours au "personnel" du Conseil d'Etat, il ne vise pas les magistrats eux-mĂȘmes, tels que les auditeurs, mais le personnel administratif. Elle estime donc ne pas ĂȘtre compĂ©tente pour connaĂźtre d'un recours en annulation d'une dĂ©cision d'un organe du Conseil d'Etat qui impose Ă  un magistrat une mesure d'ordre pouvant s'analyser comme une sanction disciplinaire dĂ©guisĂ©e. En consĂ©quence, elle interroge la Cour constitutionnelle Ă  titre prĂ©judiciel sur la constitutionnalitĂ© de cette situation. La Cour constate que "l'absence de tout recours contre une dĂ©cision d'un organe du Conseil d'Etat qui impose aux membres de l'auditorat une mesure d'ordre qui pourrait ĂȘtre une sanction disciplinaire dĂ©guisĂ©e n'est pas compatible avec les articles 10 et 11 de la Constitution". S'inspirant de sa jurisprudence relative aux fonctionnaires parlementaires, elle affirme que cette discrimination ne rĂ©side pas dans l'article 14 des lois coordonnĂ©es sur le Conseil d'Etat, mais dans une lacune lĂ©gislative. À son estime, il appartient au lĂ©gislateur de dĂ©terminer quel type de recours doit ĂȘtre mis en Ɠuvre en l'espĂšce, en tenant mon compte du fait que les membres de l'auditorat doivent pouvoir rĂ©diger "leurs rapports et leurs avis en toute indĂ©pendance". (p.645 - leçon 20)

(5) Cass., du 20 avril 1950 - Waleffe

La Cour de cassation a affirmĂ© que "le Pouvoir lĂ©gislatif souverain dans son domaine, apprĂ©cie seul la constitutionnalitĂ© des lois" et qu'il "n'appartient donc pas au pouvoir judiciaire de recherche si une loi est ou non conforme Ă  la Constitution". Cette jurisprudence a, cependant, connu des dĂ©rives subtiles, et notamment lorsqu'il s'agissait de dĂ©terminer si un rĂšglement Ă©tait conforme Ă  une Constitution. On peut mentionner un arrĂȘt de la Cour de cassation du 20 avril 1950 rendu dans l'affaire Waleffe. Une loi de pouvoirs spĂ©ciaux habilite le Roi Ă  "modifier ou complĂ©ter la lĂ©gislation relative aux rĂ©tributions, subventions, indemnitĂ©s et allocations de toute nature qui sont Ă  la charge de l'Etat". Sur cette base, un arrĂȘtĂ© royal porte atteinte au rĂ©gime de pension des magistrats Ă©mĂ©rites. L'un d'entre eux engage une action fondĂ©e sur l'article 152 de la Constitution qui rĂ©serve au seul lĂ©gislateur, et ce, Ă  l'exclusion du Roi, le soin de rĂ©gler la pension des magistrats. La Cour de cassation, saisie de l'affaire, inaugure une jurisprudence fondĂ©e sur le postulat selon lequel le lĂ©gislateur ne veut rien qui soit contraire Ă  la Constitution et qu'il ne peut autoriser une autoritĂ© Ă  Ă©dicter un rĂšglement qui soit contraire Ă  celle-ci. En d'autres termes, SI UN REGLEMENT EST INCONSTITUTIONNEL, CE N'EST PAS PARCE QUE LA LOI QU'IL RESPECTE EN APPARENCE CONTREDIT LA CONSTITUTION, MAIS BIEN AU CONTRAIRE PARCE QU'IL MÉCONNAÎT CETTE LOI QUI, PAR HYPOTHESE, EST CONFORME A LA NORME SUPERIEUR. Il est alors possible d'Ă©carter l'application du rĂšglement rĂ©putĂ© illĂ©gal, au nom d'une fiction juridique. Une telle dĂ©marche permet Ă  la Cour de concilier deux objectifs, en apparence, contradictoires : respecter en apparence sa jurisprudence traditionnelle et contrĂŽler en fait la constitutionnalitĂ© de la loi. En rĂ©interprĂ©tant celle-ci et en sanctionnant l'illĂ©galitĂ© d'un acte rĂ©glementaire, elle opĂšre, en effet, un contrĂŽle implicite de constitutionnalitĂ© qui a la particularitĂ© de garantir, en toutes circonstances, la conformitĂ© de la loi Ă  la Constitution. (p.172 - leçon 5)

(4) Cass., du 09 novembre 2004 - primauté de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme sur la Constitution + Cass., du 16 novembre 2004 - primauté de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme sur la Constitution

La Cour de cassation, dans son arrĂȘt du 09 novembre 2004, rendu dans l'affaire Vlaams Belang, affirme que la CONVENTION EUROPEENNE DE SAUVEGARDE DES DROITS DE L'HOMME ET DES LIBERTES FONDAMENTALES PRIME LA CONSTITUTION. Elle motive, en effet, ainsi son refus de poser une question prĂ©judicielle Ă  la Cour constitutionnelle : "attendu que la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertĂ©s fondamentales prime la Constitution ; qu'en l'espĂšce, la Constitution ne soumet pas la restriction de l'exercice des libertĂ©s d'expression, de rĂ©union et d'association Ă  des conditions plus sĂ©vĂšres que celles autorisĂ©es par la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertĂ©s fondamentales ; qu'il appartient en premier lieu au juge d'interprĂ©ter et d'appliquer la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertĂ©s fondamentales". Dans un arrĂȘt du 16 novembre 2004, elle prĂ©cise que lorsqu'il s'indique de contrĂŽler la conformitĂ© d'une disposition lĂ©gale par rapport Ă  la Constitution ainsi que par rapport Ă  une disposition de droit international qui a des effets directs dans l'ordre juridique interne, le juge doit opĂ©rer par prioritĂ© le contrĂŽle par rapport Ă  la disposition de droit international. s'il apparaĂźt que l'article de la Constitution en cause ne comprend pas d'exigences supplĂ©mentaires par rapport Ă  la norme de droit international, il ne s'indique pas d'interroger la Cour constitutionnelle Ă  titre prĂ©judiciel quand bien mĂȘme une partie en aurait fait la demande. Ce faisant, la Cour de cassation affirme la primautĂ© du droit international sur la Constitution. Cependant, le lĂ©gislateur spĂ©cial a rĂ©agi Ă  cette position en complĂ©tant et modifiant Ă  2 reprises, en 2009 et en 2014, l'article 26 de la loi spĂ©ciale du 06 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle. Il est dĂ©sormais prĂ©cisĂ© que "lorsqu'est invoquĂ©e devant une juridiction la violation, par une loi, un dĂ©cret ou une rĂšgle visĂ©e Ă  l'article 134 de la Constitution, d'un droit fondamental garanti de maniĂšre totalement ou partiellement analogue par une disposition du titre II de la Constitution ainsi que par une disposition de droit europĂ©en ou de droit international, la juridiction est tenue de poser d'abord Ă  la Cour constitutionnelle une question prĂ©judicielle sur la compatibilitĂ© avec la disposition du titre II de la Constitution. Lorsqu'est uniquement invoquĂ©e devant la juridiction la violation de la disposition de droit europĂ©en ou de droit international, la juridiction est tenue de vĂ©rifier, mĂȘme d'office, si le titre II de la Constitution contient une disposition totalement ou partiellement analogue. Ces obligations ne portent pas atteinte Ă  la possibilitĂ©, pour la juridiction, de poser aussi, simultanĂ©ment ou ultĂ©rieurement, une question prĂ©judicielle Ă  la Cour de justice de l'Union europĂ©enne. Ce principe connaĂźt cependant certaines exceptions. (p.136 - leçon 4)

(12) Cass., du 04 novembre 1996 + conclusions Leclercq

La Cour de cassation, dans son arrĂȘt du 4 novembre 1996, rappelle que le pouvoir d'interprĂ©ter les normes lĂ©gislatives par voie d'autoritĂ© doit s'exercer avec la plus grande circonspection. Il s'indique, en particulier, de veiller Ă  respecter les normes hiĂ©rarchiquement supĂ©rieures. Dans ses conclusions prĂ©cĂ©dant cet arrĂȘt, l'avocat gĂ©nĂ©ral Jean-François Leclercq, a clairement fixĂ© les principes applicables Ă  la matiĂšre : "le pouvoir interprĂ©ter authentiquement un acte est un pouvoir d'une importance extrĂȘme dont l'usage peut se rĂ©vĂ©ler particuliĂšrement dangereux pour les administrĂ©s ; il est nĂ©cessaire que le pouvoir de donner une interprĂ©tation authentique aux normes ne puisse ĂȘtre utilisĂ© qu'avec bonne foi et qu'il ne puisse pas ouvrir la voie, sous prĂ©texte d'interprĂ©tation, Ă  une vĂ©ritable modification des normes interprĂ©tĂ©es (...). Je pense (...) qu'il convient en tout cas d'admettre que le juge ne s'estimera liĂ© par une loi d'interprĂ©tation authentique que si le lĂ©gislateur fĂ©dĂ©ral a exercer ce pouvoir dans le respect des normes hiĂ©rarchiquement supĂ©rieures Ă  la loi ; le lĂ©gislateur fĂ©dĂ©ral ne pourrait ainsi mĂ©connaĂźtre les rĂšgles prescrites par ou en vertu de la Constitution ou encore porter atteinte aux droits fondamentaux des individus garantis par la Constitution ou par des Conventions internationales". Dans l'espĂšce qui a donnĂ© lieu Ă  l'arrĂȘt du 4 novembre 1996, la Cour de cassation a posĂ© des questions prĂ©judicielles Ă  la Cour de justice de l'Union europĂ©enne afin d'apprĂ©cier si la loi qui Ă©tablit une diffĂ©rence de traitement entre hommes et femmes quant Ă  l'Ăąge de la pension respectait une directive europĂ©enne. Il s'agit lĂ  d'une dĂ©marche heureuse car on ne pourrait suivre l'avocat gĂ©nĂ©ral Jean-François Leclercq si son raisonnement devait aboutir Ă  permettre Ă  la Cour de cassation d'opĂ©rer directement un contrĂŽle de la norme lĂ©gislative interprĂ©tative par rapport Ă  des normes hiĂ©rarchiquement supĂ©rieures dans des hypothĂšses oĂč elle ne dispose pas de cette facultĂ©. Autrement dit, on ne peut admettre, par exemple, que la Cour de cassation Ă©carte directement l'application d'une loi interprĂ©tative parce qu'elle serait contraire Ă  une disposition constitutionnelle. Dans ce cas, deux hypothĂšses peuvent ĂȘtre envisagĂ©es. Soit la disposition constitutionnelle en cause est contrĂŽlĂ©e par la Cour constitutionnelle et la Cour de cassation doit interroger cette derniĂšre Ă  titre prĂ©judiciel avant de prendre attitude Ă  l'Ă©gard de la loi interprĂ©tative. Soit il s'agit d'une disposition constitutionnelle qui n'est pas contrĂŽlĂ©e par la Cour constitutionnelle et la Cour de cassation doit appliquer la loi interprĂ©tative. (p.379 - leçon 12)

(18) CC 65/86, du 15 juin 1986 - expropriations

La Cour n'hĂ©site pas Ă  affirmer sa compĂ©tence pour contrĂŽler, sous l'angle de la rĂ©partition des compĂ©tences, LA VALIDITÉ DES LOIS ADOPTÉES AVANT L'AMORCE DU PROCESSUS DE RÉFORME DE L'ETAT dans la mesure oĂč, Ă  la suite des transferts de compĂ©tences, elles ont acquis FORCE DE DÉCRETS. Cette question s'est posĂ©e avec une acuitĂ© particuliĂšre Ă  propos de l'interprĂ©tation qu'il convenait de donner Ă  l'article 1er de la loi du 16 juillet 1962 relative Ă  la procĂ©dure d'extrĂȘme urgence en matiĂšre d'expropriation pour cause d'utilitĂ© publique. Dans un arrĂȘt du 20 fĂ©vrier 1986, la Cour de cassation avait affirmĂ© un pouvoir exclusif du Roi d'autoriser de telles expropriations. La Cour constitutionnelle, saisie Ă  titre prĂ©judiciel, affirme sa compĂ©tence pour connaĂźtre de la conformitĂ© d'une loi antĂ©rieure Ă  la rĂ©forme de l'Etat Ă  la loi spĂ©ciale du 08 aout 1980 et rĂ©interprĂšte, plutĂŽt que sanctionne la loi de 1962, en affirmant que LES POUVOIRS ATTRIBUÉS AU ROI RELÈVENT EXCLUSIVEMENT DES GOUVERNEMENTS RÉGIONAUX ET COMMUNAUTAIRES DANS LES MATIÈRES TRANSFÉRÉES AUX ENTITÉS FÉDÉRÉES. N'Ă©tant pas habilitĂ©e Ă  opĂ©rer un contrĂŽle global de constitutionnalitĂ©, elle aurait normalement dĂ» se dĂ©clarer incompĂ©tente au motif qu'elle n'avait pas, en l'espĂšce, Ă  constater une violation des rĂšgles relatives Ă  la rĂ©partition des compĂ©tences. Elle s'autorise, cependant, Ă  donner une interprĂ©tation conciliante d'une norme adoptĂ©e avant l'amorce du processus de rĂ©forme de l'Etat. Il faut voir, dans le choix ainsi opĂ©rĂ©, la volontĂ© de la Cour (qui sera rĂ©affirmĂ©e en d'autres occasions) DE S'ÉRIGER EN GARANTE DE L'ORDRE CONSTITUTIONNEL, quitte, pour ce faire, Ă  INTERPRÉTER EXTENSIVEMENT SES PROPRES COMPÉTENCES. Elle offre ainsi au juge qui l'a interrogĂ© une solution concrĂšte Ă  appliquer et qui aura autoritĂ© sur la position prise par ailleurs par la Cour de cassation. Cette jurisprudence ne doit cependant pas ĂȘtre exagĂ©rĂ©e. En effet, mĂȘme si la Cour admet, dans le contentieux de la rĂ©partition des compĂ©tences, le principe du contrĂŽle d'une norme antĂ©rieure Ă  la rĂ©forme de l'État, ELLE APPRÉCIE LA CONFORMITÉ D'UNE NORME SOUMISE À SON CONTRÔLE AU REGARD DES RÈGLES DE RÉPARTITION DES COMPÉTENCES EN VIGUEUR AU MOMENT OÙ C'EST NORME A ÉTÉ ADOPTÉE. Autrement dit, elle annule une norme entachĂ©e d'excĂšs de compĂ©tence, et cela, mĂȘme si entre l'adoption de cette derniĂšre et le moment oĂč elle rend son arrĂȘt, le lĂ©gislateur concernĂ© s'est vu attribuer la compĂ©tence pour prendre la norme en cause. Dans la mĂȘme logique, elle annule des dispositions qui ont dĂ©jĂ  Ă©tĂ© abrogĂ©es ou qui, Ă  la suite d'une modification de l'ordonnancement juridique, ont cessĂ© d'ĂȘtre inconstitutionnelles. Dans ce cas, cependant, elle limite l'annulation Ă  la pĂ©riode pendant laquelle ces normes revĂȘtaient un caractĂšre irrĂ©gulier. Une telle jurisprudence permet Ă  un lĂ©gislateur d'anticiper certaines rĂ©formes. En effet, lorsqu'il sait qu'il va recevoir une compĂ©tence, il peut dĂ©jĂ  adopter des normes dans une matiĂšre oĂč il n'est pas encore compĂ©tent tout en sachant que la censure Ă©ventuelle de la Cour ne portera que sur la pĂ©riode au cours de laquelle il n'avait pas encore vocation Ă  intervenir. (p.558 - leçon 18)

(28) CC 101/2008, du 10 juillet 2008 - Wooncode, pouvoirs impliqués

La Cour ne se limite pas, cependant, Ă  crĂ©er des zones de compĂ©tences concurrentes dans le champ des compĂ©tences rĂ©siduelles de l'autoritĂ© fĂ©dĂ©rale et dans celui des compĂ©tences accessoires. Elle applique le mĂȘme mode de raisonnement afin de permettre des immixtions dans le champ des compĂ©tences rĂ©servĂ©es de l'autoritĂ© fĂ©dĂ©rale, dans celui des compĂ©tences rĂ©servĂ©es des entitĂ©s fĂ©dĂ©rĂ©es, et que cela soit au profit de l'autoritĂ© fĂ©dĂ©rale ou d'une entitĂ© fĂ©dĂ©rĂ©e. La Cour constitutionnelle admet QU'UNE RÉGION PUISSE EMPIÉTER SUR LES COMPÉTENCES COMMUNAUTAIRES. Elle affirme, en effet, dans son arrĂȘt relatif au Wooncode que "la circonstance qu'une norme dĂ©crĂ©tale, adoptĂ©e par le lĂ©gislateur rĂ©gional dans l'exercice de ses compĂ©tences, peut avoir pour effet de contribuer Ă  la rĂ©alisation d'un objectif par ailleurs poursuivi par le lĂ©gislateur communautaire dans l'exercice de ses compĂ©tences propres ne peut entrainer, Ă  elle seule, une violation des rĂšgles rĂ©partitrices de compĂ©tence par le lĂ©gislateur rĂ©gional. Il en irait toutefois autrement si, en adoptant une telle mesure, le lĂ©gislateur rĂ©gional rendait impossible ou exagĂ©rĂ©ment difficile l'exercice, par le lĂ©gislateur communautaire, de ses compĂ©tences". Ainsi, admet-elle que le lĂ©gislateur flamand exige des candidats locataires Ă  un logement social qu'ils fassent la preuve de leur volontĂ© d'apprendre le nĂ©erlandais. Outre le fait que cette exigence est de nature Ă  faciliter les relations entre le bailleur et e locataire, elle pourra Ă©galement avoir un effet positif sur les possibilitĂ©s d'intĂ©gration sociale et professionnelle des personnes concernĂ©es, et par consĂ©quent sur les objectifs poursuivis par la CommunautĂ© flamande en matiĂšre d'intĂ©gration des personnes immigrĂ©es. Ceci, affirme-t-elle "ne saurait faire obstacle Ă  l'exercice, par la RĂ©gion, de sa compĂ©tence en matiĂšre de logement". (p.915 - leçon 28)

(28) CC 110/99, du 14 octobre 1999 - décret Suykerbuyk + CC 33/2001, du 13 mars 2001 - compétences en matiÚre de sécurité sociale, assurance soins

La Cour s'est prononcĂ©e, en 1999, sur le dĂ©cret Suykerbuyk de sinistre mĂ©moire par lequel la CommunautĂ© flamande entendait, au titre de l'aide sociale procurer une aide matĂ©rielle aux victimes de la guerre, sans qu'aucune distinction ne soit faite entre les rĂ©sistants et les collaborateurs, "victimes" de la politique d'Ă©puration consĂ©cutive Ă  la Seconde Guerre mondiale. De multiples recours ont Ă©tĂ© introduits contre ce dĂ©cret, se fondant non seulement sur la violation des articles 10 et 11 de la Constitution, mais Ă©galement sur la violation des rĂšgles de rĂ©partition de compĂ©tences. Dans de telles circonstances, la Cour examine toujours prioritairement la compĂ©tence de l'auteur de l'acte. La section de lĂ©gislation du Conseil d'Etat avait estimĂ© que les CommunautĂ©s "peuvent, en ce qui concerne l'aide aux personnes, soit mener une politique d'aide sociale 'catĂ©gorielle' mais alors exclusivement pour les familles, immigrĂ©s, handicapĂ©s, personnes ĂągĂ©es, jeune et dĂ©tenus, mentionnĂ©s expressĂ©ment dans la loi du 08 aout 1980, soit mener une politique d'aide 'gĂ©nĂ©rale', mais alors nĂ©cessairement pour tous les nĂ©cessiteux sans distinction, donc sans que l'on puisse tenir compte des causes spĂ©cifiques qui ont conduit Ă  la situation de nĂ©cessitĂ©". La Cour constitutionnelle dĂ©veloppe, au contraire, une CONCEPTION EXTENSIVE DES COMPETENCES COMMUNAUTAIRES EN MATIERE D'AIDE SOCIALE. Elle affirme que "la politique dont il est question dans cette disposition vise spĂ©cifiquement Ă  fournir une assistance aux personnes qui se trouvent dans le besoin" et que "la nature et l'origine du besoin ne jouent en principe aucun rĂŽle pour cet aspect de l'aide aux personnes". Il s'en dĂ©duit que "l'aide que les CommunautĂ©s peuvent prĂ©voir en vertu de cette disposition n'est donc pas limitĂ©e aux diverses catĂ©gories de personnes mentionnĂ©es dans les autres subdivisions de l'article 5, §1, II, de la loi spĂ©ciale du 08 aoĂ»t 1980, ni Ă  l'octroi d'une aide non diffĂ©renciĂ©e". DĂšs lors, les CommunautĂ©s peuvent accorder une aide indiffĂ©renciĂ©e Ă  l'ensemble de la population, une aide aux catĂ©gories de personnes visĂ©es explicitement dans la loi spĂ©ciale et une aide Ă  toute autre catĂ©gorie de personnes qui se trouvent dans le besoin. Cependant, et heureusement, elle annule le dĂ©cret Suykerbuyk, au motif que la rĂ©glementation flamande "est Ă  ce point liĂ©e Ă  la rĂ©pression et Ă  l'Ă©puration qu'elle doit ĂȘtre considĂ©rĂ©e comme faisant partie de la rĂ©pression et de l'Ă©puration en gĂ©nĂ©ral, rĂ©glementation qui continue de relever de la compĂ©tence rĂ©siduelle de l'autoritĂ© fĂ©dĂ©rale". Cette arrĂȘt jette les bases de la jurisprudence ultĂ©rieure de la Cour dans la dĂ©finition des limites de l'aide sociale. Dans son arrĂȘt relatif au dĂ©cret du 30 mars 1999 portant organisation du service d'assurance soins, elle dĂ©limite clairement les compĂ©tences respectives de l'autoritĂ© fĂ©dĂ©rale et des CommunautĂ©s dans ce domaine. Rappelons que ce dĂ©cret vise Ă  accorder une aide non-mĂ©dicale 'l'aide mĂ©dicale est prise en charge par la sĂ©curitĂ© sociale) aux "personnes qui sont dans une capacitĂ© rĂ©duite d'autonomie dans un cadre rĂ©sidentiel, semi-prĂ©sidentiel ou ambulatoire". La Cour indique qu'en "rĂ©servant la matiĂšre de la sĂ©curitĂ© sociale Ă  l'autoritĂ© fĂ©dĂ©rale, le lĂ©gislateur spĂ©cial a entendu interdire que les CommunautĂ©s et les RĂ©gions puissent s'immiscer dans la rĂ©glementaire Ă©tablie par l'autoritĂ© fĂ©dĂ©rale". Toutefois, ajoute-t-elle, "en ce qu'il a attribuĂ© aux CommunautĂ©s la compĂ©tence de prendre des mesures d'aide en faveur des catĂ©gories des personnes mentionnĂ©es en B.3.3, il a nĂ©cessairement admis que puissent bĂ©nĂ©ficier, par ailleurs, du systĂšme de sĂ©curitĂ© sociale". En consĂ©quence, estime-t-elle, ces "deux attributions de compĂ©tence doivent s'interprĂ©ter de la maniĂšre qui les rend compatibles" et on "ne peut en effet prĂ©sumer que ne pourraient ĂȘtre aidĂ©es par les communautĂ©s que les personnes qui n'en ont pas besoin". Elle constate que "le lĂ©gislateur dĂ©crĂ©tale a par ailleurs exclu tout empiĂ©tement en prĂ©voyant, Ă  l'article 6, §2, du dĂ©cret, que les prises en charge seront refusĂ©es si l'usager a le droit Ă  la couverture des mĂȘmes frais en vertu d'autres dispositions lĂ©gales, dĂ©crĂ©tales ou rĂ©glementaires". En consĂ©quence, devraient "ĂȘtre considĂ©rĂ©es comme excĂ©dant la compĂ©tence d'une communautĂ© les mesures par lesquelles elle prĂ©tendrait modifier une rĂšgle de sĂ©curitĂ© sociale, la remplacer y dĂ©roger ou l'abroger". Mais "une communautĂ© n'excĂšde pas ses compĂ©tences si, dans l'exercice des compĂ©tences qui lui sont attribuĂ©es en matiĂšre d'aide sociale, elle accorde Ă  certains d'entre elles une aide particuliĂšre, distincte de celles qui sont accordĂ©es par le rĂ©gime de sĂ©curitĂ© sociale organisĂ© par l'autoritĂ© fĂ©dĂ©rale, et sans toucher Ă  une matiĂšre rĂ©servĂ©e Ă  celle-ci". Cette arrĂȘt confirme l'analyse livrĂ©e plus haut selon laquelle la sĂ©curitĂ© sociale est une matiĂšre RESERVEE Ă  l'autoritĂ© fĂ©dĂ©rale et, non comme d'aucuns l'ont soutenu, une compĂ©tence rĂ©siduelle de celle-ci. Les consĂ©quences sur le plan de la rĂ©partition des compĂ©tences en dĂ©coulent naturellement. Pour autant que la matiĂšre traitĂ©e par un lĂ©gislateur communautaire n'ait pas pour implication de "modifier une rĂšgle de sĂ©curitĂ© sociale, la remplacer, y dĂ©roger ou l'abroger", elle relĂšve de l'aide sociale, soit une politique communautaire qui, ainsi que la Cour l'avait dĂ©jĂ  relevĂ© dans son arrĂȘt sur le dĂ©cret Suykerbuyk, doit recevoir une interprĂ©tation extensive. Afin de dĂ©terminer quels sont les contours de la matiĂšre rĂ©servĂ©e Ă  l'autoritĂ© fĂ©dĂ©rale, il faut se reporter, ainsi que cela a Ă©tĂ© indiquĂ© plus haut, Ă  l'Ă©tat de la lĂ©gislation sur la sĂ©curitĂ© sociale au moment oĂč celle-ci a Ă©tĂ© Ă©rigĂ©e en borne des compĂ©tences fĂ©dĂ©rales, soit lors de l'entrĂ©e en vigueur de la loi spĂ©ciale du 08 aoĂ»t 1980. Rien n'interdit, cependant, Ă  des mĂȘmes personnes, se trouvant par exemple dans une situation de dĂ©pendance, de bĂ©nĂ©ficier de certains services en application du rĂ©gime de sĂ©curitĂ© sociale et d'autres services trouvant leur fondement dans les compĂ©tences d'aide aux personnes des CommunautĂ©s. La Cour, interprĂ©tant justement la frontiĂšre de compĂ©tences entre la sĂ©curitĂ© sociale et l'aide aux personnes, indique implicitement et certainement qu'eu Ă©gard Ă  la dĂ©finition large des compĂ©tences en matiĂšre d'aide aux personnes, il n'y a pas d'espace entre cette matiĂšre et celle de la sĂ©curitĂ© sociale pour une zone de compĂ©tence rĂ©siduelle de l'autoritĂ© fĂ©dĂ©rale. (p.909 - leçon 28)

(18) CC 8/90, du 07 février 1990 - lois spéciales

La Cour se dĂ©clare aussi compĂ©tente pour contrĂŽler LA CONSTITUTIONNALITÉ DES LOIS SPÉCIALES. Ce contrĂŽle peut ĂȘtre opĂ©rĂ© tant par rapport aux dispositions constitutionnelles qui rĂ©gissent les compĂ©tences de l'autoritĂ© fĂ©dĂ©rale, des RĂ©gions et des CommunautĂ©s que par rapport aux autres dispositions constitutionnelles dont elle assure le contrĂŽle. En adoptant cette position, elle s'est rĂ©solument affirmĂ©e en tant que juridiction constitutionnelle. En effet, elle s'Ă©rige EN JUGE DU PARTAGE DES COMPÉTENCES et NON SIMPLEMENT EN GARDIENNE DE CELUI-CI. Il peut difficilement ĂȘtre niĂ© que la loi spĂ©ciale est, dans la hiĂ©rarchie des normes, situĂ©e Ă  un rang infĂ©rieur par rapport Ă  la Constitution. En consĂ©quence sur un plan strictement juridique, la solution dĂ©gagĂ©e dans l'arrĂȘt du 07 fĂ©vrier 1990 Ă©chappe Ă  la critique. Toutefois, au regard de la problĂ©matique gĂ©nĂ©rale de la rĂ©forme des institutions, il n'est pas certain qu'il faille se fĂ©liciter d'une solution de voir la Cour constitutionnelle, Ă  l'instar de la Cour de cassation, mettre fin, juridiquement, au MYTHE DU BLOC DE CONSTITUTIONNALITÉ. Alors qu'elle doit sa crĂ©ation Ă  la nĂ©cessitĂ© absolue de faire respecter les rĂšgles relatives À la rĂ©partition des compĂ©tences et que, en 1988, l'extension de son pouvoir de contrĂŽle Ă  3 articles nouveaux s'explique comme une mesure d'encadrement de la communautarisation de l'enseignement, LA COUR N'A PAS HÉSITÉ À CONTRÔLER DES NORMES DE CONTRÔLE, soit des normes qui intĂ©ressent L'ÉTAT GLOBAL. Elle estime donc que le principe de la hiĂ©rarchie des normes lui PERMET DE FAIRE PRÉVALOIR LE TEXTE CONSTITUTIONNEL SUR DES DISPOSITIONS LÉGISLATIVES À LA MAJORITÉ SPÉCIALE, et cela bien qu'il apparaisse que, dans la configuration actuelle du pouvoir constituant et du pouvoir lĂ©gislatif, il est plus difficile d'adopter une loi spĂ©ciale que de modifier une disposition constitutionnelle. Ce faisant, elle recourt Ă  une interprĂ©tation rigide de la hiĂ©rarchie des normes et se reconnaĂźt un POUVOIR D'INGÉRENCE DANS LE PROCESSUS NORMATIF COMPLEXE QUI PRÉSIDE À L'ÉLABORATION DES NORMES FONDATRICES DE LA RÉFORME DE L'ÉTAT. En opĂ©rant une dissociation, juridiquement fondĂ©e, entre la Constitution et les lois spĂ©ciales qui la mettent en Ɠuvre, elle Ă©tablit une distinction dans un ensemble normatif qui fait l'objet d'une nĂ©gociation politique globale et prĂ©alable au dĂ©pĂŽt des textes devant les chambres, qu'elles soient constituantes ou lĂ©gislatives. Si l'existence d'une hiĂ©rarchie entre la Constitution et la loi spĂ©ciale repose sur un Ă©vident fondement juridique, elle n'a pas la mĂȘme rĂ©alitĂ© dans le processus concret d'Ă©laboration des normes, du moins pour tout ce qui concerne le processus de fĂ©dĂ©ralisation de l'Etat. (p.560 - leçon 18)

(4) CC 26/91, du 16 octobre 1991 - sur la primauté du droit international

La Cour, dans cette matiĂšre, dĂ©veloppe une conception extensive de ses compĂ©tences, et plus particuliĂšrement en ce qui concerne ses attributions dans le cadre du contentieux prĂ©judiciel. Dans un arrĂȘt du 16 octobre 1991, elle affirme tout d'abord que son contrĂŽle implique l'examen du contenu des dispositions du TraitĂ©, sous rĂ©serve que "la Cour devra exercer son contrĂŽle en tenant compte de ce qu'il s'agit non d'un acte de souverainetĂ© unilatĂ©ral mais d'une norme conventionnelle produisant Ă©galement des effets de droit en dehors de l'ordre juridique interne". De plus, elle estime qu'elle peut connaĂźtre de ces questions non seulement dans le dĂ©lai rĂ©duit fixĂ© par le lĂ©gislateur spĂ©cial (soit 60 jours) pour l'introduction d'un recours en annulation, mais Ă©galement par la voie prĂ©judicielle. Elle relĂšve, en effet que "par elle-mĂȘme une dĂ©cision prĂ©judicielle par laquelle elle constate une violation n'est pas applicable erga omnes, et ne fait pas disparaĂźtre de l'ordre juridique belge la rĂšgle de droit qui en fait l'objet". Autrement dit, la Cour s'autorise Ă  constater l'invaliditĂ© d'un traitĂ© international qui est dĂ©jĂ  directement applicable dans l'ordre juridique interne. Par cette jurisprudence, LA COUR CONSTITUTIONNELLE affirme implicitement la PRIMAUTE, dans l'ordre juridique interne, DE LA CONSTITUTION SUR LE DROIT INTERNATIONAL qui a des effets directs dans celui-ci. (p.138 - leçon 4)

(29) CC 184/2011, du 08 décembre 2011 - budgets bruxellois + CC 67/2012, du 24 mai 2012 - budgets bruxellois

La complexitĂ© de la mise en Ɠuvre des compĂ©tences territoriales sur le territoire bruxellois s'est doublĂ©e de dĂ©faillances dans le chef des autoritĂ©s effectivement compĂ©tentes. Ainsi, l'autoritĂ© fĂ©dĂ©rale avait tendance Ă  dĂ©laisser complĂštement l'exercice de sa compĂ©tence dans les matiĂšres culturelles autres que les grandes institutions biculturelles. Tel Ă©tait le cas, par exemple, en ce qui concerne les infrastructures sportives. De mĂȘme, les deux grandes CommunautĂ©s investissaient insuffisamment dans des secteurs comme l'enseignement ou l'accueil de la petite enfance. La RĂ©gion de Bruxelles-Capitale a entendu pallier ces carences en inscrivant Ă  son budget des moyens lui permettant d'intervenir dans des domaines oĂč elle n'Ă©tait a priori pas compĂ©tente, tels le financement d'infrastructures sportives, la formation professionnelle ou le tourisme. Elle a Ă©galement programmĂ© le financement de crĂšches et d'Ă©coles par le biais de budgets complĂ©mentaires allouĂ©s aux communes. Cette dĂ©marche n'a suscitĂ© aucune protestation de la part des CommunautĂ©s jusqu'Ă  ce que des ASBL flamandes, suivies par le gouvernement flamand, introduisent des recours en annulation devant la Cour constitutionnelle en dĂ©nonçant des excĂšs de compĂ©tence dans le chef de la RĂ©gion de Bruxelles-Capitale. Dans un premier arrĂȘt, la Cour annule une partie du budget 2010 de la RĂ©gion. Elle constate que celui-ci comprend des allocations budgĂ©taires destinĂ©es aux communes afin de crĂ©er des places supplĂ©mentaires dans des crĂšches. Il s'agit de matiĂšres relevant de la politique familiale, soit une matiĂšre personnalisable. Elle estime que la RĂ©gion de Bruxelles-Capitale ne peut intervenir dans le financement de cette politique communautaire au titre de sa compĂ©tence en matiĂšre de financement des missions Ă  remplir par les communes. En effet, le "financement gĂ©nĂ©ral des communes" concerne les "modes de financement gĂ©nĂ©ralement quelconques en vertu desquels les communes (...) sont financĂ©es, suivant les critĂšres qui ne sont pas directement liĂ©s Ă  une mission ou tĂąche spĂ©cifique". Or, prĂ©cisĂ©ment, Ă  son estime, l'accueil de la petite enfance est une mission spĂ©cifique. Elle indique nĂ©anmoins que le lĂ©gislateur rĂ©gional aurait pu atteindre cet objectif en finançant, en vertu de l'article 178 de la Constitution, la Commission communautaire française et la Commission communautaire flamande qui peuvent, quant Ă  elles, intervenir dans le champ des compĂ©tences communautaires. Dans un second arrĂȘt, la Cour annule une partie du budget 2011. Elle reproduit exactement le mĂȘme raisonnement que dans son arrĂȘt antĂ©rieur pour ce qui concerne les crĂšches et dĂ©veloppe une argumentation identique pour annuler des crĂ©dits destinĂ©s Ă  permettre aux communes de financer des infrastructures scolaires. Cette problĂ©matique a Ă©tĂ© Ă©voquĂ©e dans l'accord institutionnel du 11 octobre 2011. Celui-ci consacre un certain nombre de principes nouveaux. Les auteurs de l'accord constatent que, mis Ă  part "la gestion des institutions culturelles d'envergure nationale ou internationale (La Monnaie, Palais des Beaux-Arts, etc.), le niveau fĂ©dĂ©ral n'exerce pas sa compĂ©tence relative aux matiĂšres biculturelles Ă  Bruxelles" et qu'il est donc opportun "de transfĂ©rer la compĂ©tence relative aux matiĂšres biculturelles d'intĂ©rĂȘt rĂ©gional Ă  la RĂ©gion de Bruxelles-Capitale Ă  l'exclusion des institutions culturelles fĂ©dĂ©rales". Pour ce qui concerne les matiĂšres personnalisables, et notamment la communautarisation des allocations familiales, il est dĂ©cidĂ© que dans la "mesure oĂč les compĂ©tences impliquent, pour les personnes, des obligations ou des droits Ă  une intervention ou une allocation, ou lorsqu'il s'agit d'institution bicommunautaires, l'autoritĂ© compĂ©tente en RĂ©gion de Bruxelles-Capitale sera la Commission communautaire commune". Enfin, il est dĂ©cidĂ© de permettre Ă  la RĂ©gion d'intervenir dans le financement et la subsidiation des infrastructures sportives communales et dans la formation professionnelle, matiĂšres demeurant communautaires, et de rĂ©gionaliser le tourisme. (p.940 - leçon 29)

(29) Cass., du 11 juin 1979 - affaire Vandenplas

La dĂ©licate question des CONFLITS DE NORMES SANS EXCÈS DE COMPÉTENCE a Ă©tĂ© soulevĂ©e, pour la premiĂšre fois, dans un arrĂȘt de la Cour de cassation du 11 juin 1979. La Cour est saisie d'un litige Ă  l'occasion duquel elle est apparemment tenue D'APPLIQUER SIMULTANÉMENT les dispositions du dĂ©cret de la CommunautĂ© culturelle nĂ©erlandaise du 19 juillet 1973 (mieux connu sous la dĂ©nomination de DÉCRET DE SEPTEMBRE) et l'article 52, §1, de LA LOI SUR L'EMPLOI DES LANGUES EN MATIÈRE ADMINISTRATIVE. Le dĂ©cret (qui impose l'usage du nĂ©erlandais dans les relations sociales) s'applique Ă  toutes les entreprises dont tous les travailleurs occupĂ©s dans cette rĂ©gion. La loi sur l'emploi des langues en matiĂšre administrative ne retient, quant Ă  elle, que le seul critĂšre du siĂšge de l'exploitation de l'entreprise. Dans l'espĂšce portĂ©e Ă  la connaissance de la Cour de cassation, M. Vandenplas Ă©tait reprĂ©sentant de commerce et l'essentiel de son activitĂ© se dĂ©roulant dans la rĂ©gion de langue nĂ©erlandaise. La sociĂ©tĂ© qui l'employait (Ă©tablie dans la rĂ©gion liĂ©geoise) lui avait envoyĂ© une lettre de licenciement en français. La loi sur l'emploi des langues en matiĂšre administrative Ă©tait donc respectĂ©e, mais les disposition du dĂ©cret de septembre Ă©taient mĂ©connues. La Cour de cassation constate la contradiction et affirme que celle-ci ne rĂ©sulte pas d'un excĂšs de compĂ©tence. La loi et le dĂ©cret, Ă©crit l'avocat gĂ©nĂ©ral Lenaerts, "ont chacun un champ d'application bien prĂ©cis et aucun des deux n'a empiĂ©tĂ© sur le domaine de l'autre. Le conflit est dĂ» au seul fait que le champ d'application du dĂ©cret, contrairement Ă  celui de la loi n'a pas Ă©tĂ© exclusivement dĂ©terminĂ© par le siĂšge de l'exploitation de l'entreprise. Mais, en retenant Ă©galement le lieu de travail comme critĂšre pour dĂ©finir le champ d'application, le Conseil culturel n'a pas outrepassĂ© les limites de sa compĂ©tence". Cette jurisprudence de la Cour de cassation a placĂ© dans l'embarras le lĂ©gislateur appelĂ© Ă  fixer les attributions de la Cour constitutionnelle. Fallait-il admettre l'existence de conflit de normes sans excĂšs de compĂ©tence ? Si cette existence est reconnue, fallait-il autoriser la Cour Ă  connaĂźtre de pareilles contradictions ? Fallait-il, enfin, dans l'affirmative, lui confĂ©rer un pouvoir d'annulation ? Le lĂ©gislateur OPTE POUR UNE VOIE MÉDIANE. La Cour constitutionnelle, prĂ©cise-t-il tout d'abord, ne peut annuler d'autres normes que celles qui sont entachĂ©es d'excĂšs de compĂ©tence. Toutefois, lorsqu'elle doit simplement rĂ©pondre Ă  une question prĂ©judicielle, elle peut non seulement statuer sur des excĂšs de compĂ©tences, mais Ă©galement sur tout conflit entre dĂ©crets communautaires ou entre dĂ©crets rĂ©gionaux Ă©manant de lĂ©gislateurs distincts et pour autant que le conflit rĂ©sulte de leur champ d'application respectif. En d'autres termes, il admet l'existence de conflit de normes Ă©manant de lĂ©gislateurs de mĂȘme nature. La Cour ne peut annuler l'un de ces normes, mais doit indiquer Ă  la juridiction qui l'a saisie la maniĂšre de trancher le contradiction. La rĂšgle selon laquelle le conflit de normes sans excĂšs de compĂ©tences ne peut exister qu'entre normes Ă©manant de lĂ©gislateurs de mĂȘme nature n'Ă©chappe pas Ă  la critique. En effet, le conflit de rĂ©fĂ©rence en la matiĂšre concernait des normes Ă©manant de lĂ©gislateurs de nature diffĂ©rente, Ă  savoir le lĂ©gislateur fĂ©dĂ©ral, d'une part, le lĂ©gislateur communautaire, d'autre part. Par ailleurs, compte tenu de l'atypisme qui caractĂ©rise aujourd'hui notre systĂšme institutionnel, des lĂ©gislateurs de nature diffĂ©rente exercent des compĂ©tences de nature identique. Ainsi, en vertu de l'article 138 de la Constitution, les lĂ©gislateurs de la RĂ©gion wallonne et de la Commission communautaire française exercent des compĂ©tences communautaires. De mĂȘme, en application de l'article 139 de la Constitution, le lĂ©gislateur de la CommunautĂ© germanophone est appelĂ© Ă  exercer certaines compĂ©tences rĂ©gionales. (p.944 - leçon 29)

(21) Cass., du 16 décembre 1965 - droit politique

La jurisprudence de la Cour de cassation relative Ă  la responsabilitĂ© des autoritĂ©s publiques, s'est dĂ©veloppĂ©e dans un sens toujours plus extensif. Dans un arrĂȘt du 16 dĂ©cembre 1965, la Cour admet expressĂ©ment le principe de la compĂ©tence des cours et tribunaux pour connaĂźtre de l'action en responsabilitĂ© sur LA LÉSION FAUTIVE PAR L'AUTORITÉ D'UN DROIT POLITIQUE. Un agent la SociĂ©tĂ© nationale du logement a Ă©tĂ© licenciĂ© Ă  la suite d'une rĂ©organisation du service. Le statut des agents de l'État prĂ©voit en cas de suppression d'un emploi, le licenciement de l'agent de grade Ă©gal ayant le moins d'anciennetĂ© et son inscription en premiĂšre place de la rĂ©serve de recrutement. Au mĂ©pris du statut, la SociĂ©tĂ© recrute un agent licenciĂ© comme le demandeur, mais d'une anciennetĂ© moins importante que la sienne. Il y a donc violation par l'autoritĂ© publique d'un droit de prioritĂ©, droit politique au sens de l'article 145 de la Constitution. La compĂ©tence des cours et tribunaux pour connaĂźtre de la demande en rĂ©paration de la lĂ©sion de ce droit est contestĂ©e car l'annulation de la dĂ©cision illĂ©gale n'a pas Ă©tĂ© demandĂ©e au Conseil d'État. À cet argument, la Cour rĂ©pond qu'une "contestation qui a pour objet la rĂ©paration pĂ©cuniaire d'un droit, fut-il politique, relĂšve de la compĂ©tence exclusive des cours et tribunaux ; que ni l'apprĂ©ciation de la faute ni celle du prĂ©judice causĂ© par celle ci n'Ă©chappent Ă  la compĂ©tence du pouvoir judiciaire au cas ou la lĂ©sion du droit ventĂ© pourrait trouver sa source dans l'excĂšs de pouvoir d'une autoritĂ© administrative et donner lieu Ă  l'annulation de l'acte accompli par cette autoritĂ© si une requĂȘte Ă  cette fin Ă©tait introduite devant le Conseil d'État". Cette dĂ©cision dĂ©montre que c'est LA NATURE DU DROIT QUE L'ON INVOQUE DEVANT LES TRIBUNAUX QUI DETERMINE LA COMPETENCE DES JURIDICTIONS JUDICIAIRES. L'action en rĂ©paration du prĂ©judice causĂ© fautivement Ă  un droit politique est, en rĂ©alitĂ©, de nature civile, parce qu'elle se fonde sur les articles 1382 et suivants du Code civil, aux termes desquels il y a lieu Ă  rĂ©paration lorsqu'il y a un faute, un dommage et un lien de causalitĂ© entre cette faute et ce dommage. Il s'ensuite que, Ă  l'estime de la Cour, le lĂ©gislateur ne peut pas investir une juridiction administrative du pouvoir de trancher les contestations qui ont pour objet la rĂ©paration pĂ©cuniaire d'un droit politique. Cette jurisprudence est aujourd'hui dĂ©passĂ©e Ă  la suite de la rĂ©vision de l'article 144 de la Constitution et Ă  l'adoption de l'article 11bis des lois coordonnĂ©es sur le Conseil d'Etat. (p.687 - leçon 21)

(7 + 8) CC 73/2003, du 26 mai 2003 - seuil d'éligibilité

La loi du 13 dĂ©cembre 2002 a Ă©galement consacrĂ© pour les Ă©lections lĂ©gislatives fĂ©dĂ©rales l'introduction dans le droit constitutionnel belge du SEUIL D'ELIGIBILITE. Pour qu'une liste puisse bĂ©nĂ©ficier d'un Ă©lu, elle doit avoir obtenu au moins 5% des suffrages exprimĂ©s. Cette mesure a Ă©tĂ© critiquĂ©e devant la Cour constitutionnelle. Celle-ci dans son arrĂȘt n°73/2003 a relevĂ© que "pour satisfaire aux exigences de l'article 3 du Premier Protocole additionnel Ă  la Convention europĂ©enne des droits de l'homme, les Ă©lections peuvent ĂȘtre organisĂ©es aussi bien selon le systĂšme de la reprĂ©sentation proportionnelle que selon un systĂšme majoritaire. MĂȘme si les Ă©lections ont lieu suivant un systĂšme de reprĂ©sentation strictement proportionnelle, on ne saurait Ă©viter le phĂ©nomĂšne des 'voix perdues'. De mĂȘme que l'article 3 n'implique pas que la dĂ©volution des siĂšges doive ĂȘtre le reflet exact du nombre des suffrages, il ne fait pas obstacle en principe Ă  ce qu'un seuil Ă©lectoral soit instaurĂ© en vue de limiter la fragmentation de l'organe reprĂ©sentatif". Elle ajoute qu'en vertu "des articles 62 et 68 de la Constitution, les Ă©lections de la Chambre des reprĂ©sentants et du SĂ©nat se font par le systĂšme de reprĂ©sentation proportionnelle que la loi dĂ©termine. Ces dispositions empĂȘchent certes de procĂ©der Ă  des Ă©lections selon un systĂšme majoritaire, mais elles n'interdisent pas au lĂ©gislateur d'apporter au systĂšme de la reprĂ©sentation proportionnelle des limitations raisonnables en vue d'assurer le fonctionnement des institutions dĂ©mocratiques". Enfin, elle rappelle que "l'instauration d'un seuil Ă©lectoral ne peut pas ĂȘtre considĂ©rĂ©e en faisant abstraction d'une autre modification, dĂ©jĂ  mentionnĂ©e, de la lĂ©gislation Ă©lectorale. En Ă©tendant les circonscriptions Ă©lectorales pour l'Ă©lection de la Chambre des reprĂ©sentants de maniĂšre Ă  les faire coĂŻncider en principe avec les provinces, le lĂ©gislateur a pris une mesure qui facilite l'obtention d'un siĂšge par les partis plus petits". En consĂ©quence, elle estime que l'introduction du seuil d'Ă©ligibilitĂ© ne mĂ©connaĂźt pas les articles 10 et 11 de la Constitution. La Cour avait, par contre, successivement suspendu et annulĂ© les rĂšgles spĂ©cifiques applicables aux circonscriptions du Brabant wallon, de Bruxelles-Hal-Vilvorde et de Louvain qui constituaient le complĂ©ment indissociable de dispositions jugĂ©es inconstitutionnelles par ailleurs. En effet, le seuil de 5% Ă©tait calculĂ© pour les listes nĂ©erlandophones en additionnant les voix exprimĂ©es dans la circonscription de Bruxelles-Hal-Vilvorde Ă  celles exprimĂ©es dans celle de Louvain. La dĂ©marche de la Cour Ă©tait logique dĂšs lors qu'elle avait entendu rĂ©tablir sur le territoire de l'ancienne province de Brabant la lĂ©gislation Ă©lectorale telle qu'elle s'appliquait avant la rĂ©forme de dĂ©cembre 2002. Il n'en demeurait pas moins que l'intervention de la Cour constitutionnelle Ă©tait Ă  l'origine d'une diffĂ©rence de traitement puisque le seuil Ă©lectoral s'appliquait dans tout le Royaume, Ă  l'exclusion du territoire de l'ancienne province de Brabant. Un requĂ©rant y a vu une nouvelle discrimination, les petits partis Ă©tant mieux traitĂ©s sur le territoire de l'ancienne province de Brabant qu'ils ne le sont dans le reste du pays. Avant les Ă©lections du 18 mai 2003, il a saisi la Cour constitutionnelle d'une nouvelle demande en suspension dans laquelle il s'est plaint de cette situation. La Cour a sĂšchement rejetĂ© ce recours dans son arrĂȘt n°48/2003 du 10 avril 2003. Elle a estimĂ©, en effet, que "les griefs du requĂ©rant visent en apparence une disposition de la loi attaquĂ©e mais portent, en rĂ©alitĂ©, sur certains effets de l'arrĂȘt n°30/2003 du 26 fĂ©vrier 2003. Ils tendent ainsi Ă  demander Ă  la Cour de revenir sur les effets d'un arrĂȘt statuant sur une demande de suspension, dans l'attente de l'arrĂȘt qui sera prononcĂ© sur le recours en annulation dans la mĂȘme affaire. La loi spĂ©ciale du 06 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle ne prĂ©voit pas une telle possibilitĂ©". Depuis l'adoption de la loi du 19 juillet 2012, cette question ne se pose plus, le seuil de 5% Ă©tant d'application dans les 11 circonscriptions pour les Ă©lections de la Chambre des reprĂ©sentants. (p.222 - leçon 7) + (voir p.241 - leçon 8)

(1) Commission européenne des droits de l'homme, du 20 juillet 1957 - KPD

La loi fondamentale de la RĂ©publique fĂ©dĂ©rale d'Allemagne est exemplaire Ă  cet Ă©gard. En son article 21.2, elle Ă©tablie que "les partis qui, d'aprĂšs leurs buts ou d'aprĂšs l'attitude de leurs adhĂ©rents cherchent Ă  porter atteinte Ă  l'ordre fondamental libre et dĂ©mocratique, Ă  le renverser ou Ă  compromettre l'existence de la RĂ©publique fĂ©dĂ©rale d'Allemagne sont anticonstitutionnels. Le tribunal constitutionnel fĂ©dĂ©ral statue sur la question de l'anticonstitutionnalitĂ©". En application de cette disposition, le Tribunal constitutionnel fĂ©dĂ©ral a interdit, en 1953, le Parti socialiste du Reich (SRP), un parti d'extrĂȘme droite et, en 1956, le Parti communiste allemand (KPD). Saisie de cette derniĂšre affaire, la Commission europĂ©enne des droits de l'homme affirme que lorsque le rĂ©gime prĂŽnĂ© par un parti est incompatible avec la Convention et vise Ă  la destruction de certains droits fondamentaux qu'elle consacre, son interdiction se justifie au regard de L'ARTICLE 17 DE LA CONVENTION, selon lequel "aucune des dispositions de la prĂ©sente Convention ne peut ĂȘtre interprĂ©tĂ©e comme impliquant pour un Etat, un groupement ou un individu, un droit quelconque de se livrer Ă  une activitĂ© ou d'accomplir un acte visant Ă  la destruction des droits ou libertĂ©s reconnus dans la prĂ©sente Convention ou Ă  des limitations plus amples que ces droits et libertĂ©s que celle prĂ©vues Ă  ladite Convention". Ainsi, la Commission indique que "compte tenu du lien trĂšs clair entre la Convention et la dĂ©mocratie, nul ne doit ĂȘtre autorisĂ© Ă  se prĂ©valoir des dispositions de la Convention pour affaiblir les idĂ©aux et valeurs d'une sociĂ©tĂ© dĂ©mocratique". En consĂ©quence, elle estime que les liens qu'entretenait le KPD avec son parti frĂšre d'Allemagne de l'Est et le fait qu'il prĂŽnait la "dictature du prolĂ©tariat", soit une philosophie contraire aux valeurs de la Convention, justifiaient son interdiction. (p.28 - leçon 1)

(17) Cass., du 21 avril 2011 - Gérardrie Immo c. Ville de LiÚge, hiérarchie des normes

La loi spĂ©ciale du 08 aoĂ»t 1980 attribut le pouvoir rĂ©glementaire aux gouvernements des entitĂ©s fĂ©dĂ©rĂ©es, mais, contrairement Ă  la Constitution, les autorise Ă  dĂ©lĂ©guer leur pouvoir Ă  leurs membres. Il en rĂ©sulte que cette dĂ©lĂ©gation doit ĂȘtre dĂ©cidĂ©e par les organes exĂ©cutifs eux-mĂȘmes et que les dĂ©crets ou les ordonnances qui attribuent directement des compĂ©tences Ă  un ministre sont donc contraires Ă  la loi spĂ©ciale. Ce principe est affirmĂ© par la Cour de cassation dans un arrĂȘt du 21 avril 2011 dans l'affaire GĂ©rardrie Immo c. Ville de LiĂšge. A cette occasion, elle pose le principe selon lequel "il ressort des articles 68 et 69 de la loi spĂ©ciale du 08 aoĂ»t 1980 de rĂ©formes institutionnelles qu'il n'appartient pas au lĂ©gislateur dĂ©crĂ©tal d'attribuer directement une dĂ©lĂ©gation de compĂ©tence du gouvernement Ă  l'un de ses membres". Le droit positif ne garantit, cependant, pas le respect de l'interdiction faite au lĂ©gislateur de confier directement des pouvoirs Ă  un ministre. En effet, cette interdiction trouve son fondement dans l'article 33 de la Constitution (lequel figue dans son Titre III) et dans une disposition de la loi spĂ©ciale du 08 aoĂ»t 1980 qui n'opĂšre pas une rĂ©partition des compĂ©tences entre l'autoritĂ© fĂ©dĂ©rale, les RĂ©gions et les CommunautĂ©s. Il s'en dĂ©duit que la Cour constitutionnelle, sous rĂ©serve d'une dĂ©finition extensive de ses compĂ©tences, ce qui est toujours imaginable, n'a pas vocation Ă  annuler une norme lĂ©gislative qui confĂ©rerait directement un pouvoir Ă  un ministre. Il n'est dĂ©rogĂ© Ă  ce principe que pour les ordonnances de la RĂ©gion de Bruxelles capitale et de la Commission communautaire commune. Les juridictions peuvent en Ă©carter l'application si elles mĂ©connaissent la Constitution ou la loi spĂ©ciale du 12 janvier 1989 relative aux institutions bruxelloises. Par consĂ©quent, une juridiction pourrait refuser d'appliquer un rĂšglement pris par un membre du gouvernement bruxellois qui se serait vu confier directement ce pouvoir par le lĂ©gislateur rĂ©gional. L'arrĂȘt prĂ©citĂ© de la Cour de cassation du 21 avril 2011 s'inscrit, cependant, Ă  contre courant de cette maniĂšre d'apprĂ©hender la question. En effet, la Cour de cassation affirme que "en vertu du principe gĂ©nĂ©ral du droit de valeur constitutionnelle de la lĂ©galitĂ© et de la hiĂ©rarchie des normes, dont l'article 159 de la Constitution constitue une expression particuliĂšre, les cours et tribunaux sont tenus d'Ă©carter l'application des articles 471 Ă  474 du code wallon de l'amĂ©nagement du territoire, de l'urbanisme et du patrimoine en tant qu'ils confient, en violation des articles 68 et 69 de la loi spĂ©ciale du 8 aoĂ»t 1980, la compĂ©tence en la matiĂšre de revitalisation urbaine au ministre de la RĂ©gion wallonne qui a l'amĂ©nagement du territoire dans ses attributions". Elle s'autorise donc Ă  Ă©carter l'application d'une norme lĂ©gislative ordinaire parce que contraire Ă  une loi spĂ©ciale. A l'instar de la Cour constitutionnelle, elle fait une application stricte du principe de la hiĂ©rarchie des normes, n'ayant aucun Ă©gard au mythe du bloc de constitutionnalitĂ©. (p.524 - leçon 17)

(30) CC 17/94, du 03 mars 1994 - Ă©tablissement

La pratique institutionnelle, depuis 1988-1990, a relevĂ© que de nombreux accords facultatifs ont Ă©tĂ© conclus (sans crĂ©ation simultanĂ©e de juridictions de coopĂ©ration) et ont touchĂ© des domaines particuliĂšrement variĂ©s. Tel est par exemple le cas de l'accord conclu, en novembre 1990, entre la RĂ©gion wallonne et la CommunautĂ© française permettant l'exercice commun de certaines compĂ©tences, et surtout le financement de celles-ci (Ă  savoir des compĂ©tences communautaires pour l'essentiel) par la RĂ©gion wallonne. On peut se demander si cet accord de coopĂ©ration qui crĂ©ait un ETABLISSEMENT COMMUN AUX DEUX ENTITES n'impliquait pas en rĂ©alitĂ© un TRANSFERT DE COMPETENCE qui ne peut ĂȘtre organisĂ© dans notre systĂšme institutionnel que par ou en vertu de la Constitution. La Cour constitutionnelle en a, cependant, dĂ©cidĂ© autrement. Elle a considĂ©rĂ© que le systĂšme de financement des communes et des C.P.A.S. montre combien ces deux institutions sont solidaires : il a Ă©tĂ© conçu pour permettre aux premiĂšres de faire face Ă  leurs responsabilitĂ©s Ă  l'Ă©gard des seconds. Elle a relevĂ© que les moyens attribuĂ©s aux RĂ©gions doivent leur permettre de disposer des ressources nĂ©cessaires pour assurer le financement des mussions relevant des instituions communales, en ce compris celles relevant des C.P.A.S. Une telle situation a pu justifier, aux yeux de la Cour, que bien que la matiĂšre relĂšve des CommunautĂ©s, la CommunautĂ© française accepte d'associer la RĂ©gion wallonne Ă  la tutelle sur les C.P.A.S. puisque cette tutelle s'exerce sur des actes qui ont une influence sur les finances des communes, soit une matiĂšre relevant des compĂ©tences rĂ©gionales. Vu l'interdĂ©pendance de ces matiĂšres, elle a estimĂ© que l'accord en cause Ă©tait conforme aux exigences de l'article 92bis de la loi spĂ©ciale du 8 aoĂ»t 1980. Autrement dit, c'est en raison de l'imbrication des compĂ©tences qu'il n'y aurait pas eu ici abandon de compĂ©tence dans le chef de la CommunautĂ©. La section lĂ©gislation du Conseil d'État, examinant les accords en amont pas le biais des projets de normes d'assentiment, critique rĂ©guliĂšrement la matiĂšre originale par laquelle les partenaires articulent l'exercice de leurs compĂ©tences respectives. Cette attitude mĂ©ticuleuse offre un contraste frappant avec l'approche plus pragmatique de la Cour constitutionnelle qui, agissant en aval, une fois la procĂ©dure de coopĂ©ration bien en place, fait montre de tolĂ©rance face aux arrangement interfĂ©dĂ©raux. (p.974 - leçon 30)

(4) Avis SLCE - Statut de Rome

La section de législation du Conseil d'Etat a relevé que le projet de loi portant assentiment au STATUT DE ROME DE LA COUR PENALE INTERNATIONALE, fait à Rome le 17 juillet 1998, entrait en contradiction avec nombre de dispositions constitutionnelles, et plus particuliÚrement les articles 88, 58, 59 et 103 de la Constitution qui consacrent l'inviolabilité du Roi, la protection absolue des parlementaires pour leurs opinions et votes, la protection relative dont bénéficient les parlementaires en cas de poursuites pénales et le régime spécifique de responsabilité pénale des ministres. Elle observe, en effet, que "le Statut de Rome de la Cour pénale internationale auquel la loi en projet entend procurer assentiment contient un ensemble de dispositions qui ne se concilient pas avec les prescriptions de la Constitution", qu'il "ne revient ni aux auteurs du Statut, ni à ceux de la loi d'assentiment de procéder à une révision, fût-elle implicite, de la Constitution et de modifier de la sorte le statut des pouvoirs publics que cette derniÚre établit" et que si "la Belgique entend ratifier un tel traité et si le pouvoir législatif entend l'approuver, il convient que des modifications soient apportées, selon la procédure inscrite à l'article 195 de la Constitution, à plusieurs dispositions constitutionnelles". Cependant, à l'inverse de ce qui s'est produit pour le Traité de Maastricht, la loi d'assentiment du 25 mai 2000 a été adoptée sans que par la suite la Constitution ne soit modifiée. La Belgique a donc consciemment adoptée une convention internationale qui méconnaßt plusieurs dispositions de sa Constitution. (p.133 - leçon 4)

(29) CC 9/86, du 30 janvier 1986 - emploi des langues dans les relations sociales + CC 10/86, du 30 janvier 1986 - emploi des langues dans les relations sociales

Le 30 janvier 1986, la Cour rend deux arrĂȘts de principe Ă  l'occasion de recours introduits respectivement contre le dĂ©cret de septembre et un dĂ©cret de la CommunautĂ© française qui avait le mĂȘme objet, mais qui ajoutait en outre un critĂšre de rattachement visant les entreprises occupant ou employant des travailleurs d'expression française. Dans ces arrĂȘts, la Cour se dĂ©marque nettement de la position que le lĂ©gislateur avait reconnue en 1983. En effet, elle affirme, d'emblĂ©e, le principe selon lequel les dispositions constitutionnelles relatives Ă  l'emploi des langues opĂšrent une rĂ©partition exclusive de compĂ©tences territoriales, ce qui a pour consĂ©quence que "toute norme adoptĂ©e par un lĂ©gislateur communautaire puisse ĂȘtre localisĂ©e dans le territoire de sa compĂ©tence". Elle ajoute, ensuite, que cette localisation implique que "toute relations ou situations concrĂštes soient rĂ©glĂ©es par un seul lĂ©gislateur". Enfin, elle prĂ©cise que (dans le respect des rĂšgles constitutionnelles) chaque lĂ©gislateur est libre de choisir les critĂšres qui permettent de rattacher les normes qu'il Ă©dicte Ă  son aire de compĂ©tence. Toutefois, ce choix est soumis Ă  un contrĂŽle de constitutionnalitĂ©, effectuĂ© par la Cour. Celle-ci, en effet, doit veiller Ă  ce qu'aucun lĂ©gislateur n'excĂšde ses compĂ©tences matĂ©rielles ou territoriales. La validitĂ© de ces critĂšres doit ĂȘtre apprĂ©ciĂ©e au regard de la nature de l'objet et Ă©ventuellement du bute de la compĂ©tence matĂ©rielle, sur base de laquelle la norme incriminĂ©e a Ă©tĂ© prise. En application de ces principes, elle annule le dĂ©cret de la CommunautĂ© française en ce qu'il tendait Ă  s'appliquer "aux entreprises occupant ou employant des travailleurs d'expression française", ce critĂšre ne permettant pas de localiser les relations sociales entre travailleurs et employeurs. Elle annule, en outre, dans le dĂ©cret de la CommunautĂ© flamande, et ultĂ©rieurement dans le dĂ©cret de la CommunautĂ© française, les dispositions qui faisaient appel au critĂšre de l'occupation du travailleur dans une rĂ©gion linguistique. Elle estime que ce facteur de rattachement ne situe dans l'aire de compĂ©tence de la CommunautĂ© qu'une "seule des parties aux relations sociales Ă  savoir le personnel, et non comme le prĂ©voit la Constitution, les relations sociales entre employeurs et leur personnel". En consĂ©quence, le seul facteur de rattachement qui a grĂące Ă  ses yeux est celui du SIÈGE D'EXPLOITATION. C'est, en effet, en cet endroit "qu'on eu lieu en principe les relations sociales entre les deux parties" et que "les missions et les instructions sont donnĂ©es aux membres du personnel, que lui sont faites les communications et qu'il s'adresse Ă  son employeur". Cette jurisprudence appelle un certain nombre de commentaires. Tout d'abord, la Cour n'a pas eu Ă©gard Ă  l'argument de la CommunautĂ© française selon lequel une CommunautĂ© est compĂ©tente "pour un ensemble de personnes qui parlent la mĂȘme langue et non pour un territoire dĂ©terminĂ©". A son estime, les normes adoptĂ©es par les diverses entitĂ©s doivent pouvoir ĂȘtre LOCALISÉES sur le territoire qui constitue leur aire de compĂ©tence. Elle affirme donc nettement l'existence d'un TERRITOIRE COMMUNAUTAIRE. Ensuite, en posant nettement le caractĂšre exclusif des compĂ©tences territoriales des CommunautĂ©s et des RĂ©gions, elle Ă©carte toute forme de situation mixte. Le choix discrĂ©tionnaire par chaque lĂ©gislateur des facteurs de rattachement ne peut dĂ©boucher sur des normes Ă©galement valides, mais dont la mise en Ɠuvre s'avĂšre contradictoire. Il ne peut ĂȘtre question, dans son esprit, contrairement Ă  la position dĂ©fendue par la Cour de cassation et par le lĂ©gislateur, de rĂ©gler de telles situations mixtes par application d'un droit interrĂ©gional privĂ©. En effet, Ă  ses yeux, TOUTE CONTRADICTION EXISTANT ENTRE DES NORMES ADOPTÉES PAR DES LÉGISLATEURS DIFFÉRENTS IMPLIQUE FORCÉMENT QUE L'UN D'ENTRE EUX A EXCÉDÉ SES COMPÉTENCES. Enfin, il est permis de s'interroger sur la nature de la libertĂ© que la Cour reconnaĂźt aux diffĂ©rents lĂ©gislateurs dans le choix des facteurs de rattachement Ă  leur aire de compĂ©tence. Cette libertĂ©, en effet, risque de s'avĂ©rer illusoire. Il suffit, pour s'en rendre compte, de se reporter aux dĂ©crets relatifs Ă  l'emploi des langues dans les relations sociales. En choisissant le critĂšre de l'occupation, les lĂ©gislateurs dĂ©crĂ©taux ont interprĂ©tĂ© largement le concept de relations sociales. Ce dernier, Ă  leur sens, comprenait non seulement les relations impliquant a prĂ©sence physique du travailleur et de son employeur, mais Ă©galement l'ensemble de la relation de travail, en ce compris les prestations professionnelles du travailleur. Dans cet esprit, le critĂšre de l'occupation paraissait pertinent. Il permet une localisation territoriale de la compĂ©tence, au sens exigĂ© par la Cour, et il participait pleinement de l'objet, de la nature et du but de la compĂ©tence matĂ©rielle en cause. Si, en l'espĂšce, le siĂšge d'exploitation a Ă©tĂ© retenu comme seul facteur de rattachement valide, c'est, semble-t-il, parce que cette solution, Ă  l'inverse de toutes les autres, offrait une solution pratique, conforme au principe selon lequel tout conflit de normes traduit un excĂšs de compĂ©tence. NĂ©anmoins, on n'aperçoit pas comment, en prenant les dĂ©crets litigieux, les lĂ©gislateurs dĂ©crĂ©taux auraient pu anticiper la dĂ©cision de la Cour et choisir le facteur de rattachement adĂ©quat. Cette jurisprudence est donc de nature Ă  limiter l'autonomie des entitĂ©s fĂ©dĂ©rĂ©es. En effet, les normes qui rĂšglent une mĂȘme matiĂšre dans les aires de compĂ©tences distinctes devront faire appel Ă  des facteurs de rattachement compatibles. De plus, l'utilisation de plusieurs de ces facteurs dans une seule norme (du moins s'ils sont alternatifs) paraĂźt de nature Ă  augmenter le risque de conflits avec les normes adoptĂ©es par d'autres lĂ©gislateurs. Les lĂ©gislateurs sont, dĂšs lors, invitĂ©s par la Cour Ă  faire preuve de prudence dans le choix des facteurs de rattachement et Ă  Ă©viter spontanĂ©ment les situations mixtes. Pour rĂ©aliser cet objectif, plusieurs techniques sont concevables. Tout d'abord, ils peuvent se concerter avant de choisir leurs facteurs de rattachement Ă  leur aire de compĂ©tence respective. Ils peuvent Ă©galement conclure des accords de coopĂ©ration afin de fixer les rĂšgles de conflits permettant de rendre conciliables leurs facteurs de rattachement respectifs. En l'absence d'une telle concertation, le lĂ©gislateur qui intervient en second ou en troisiĂšme lieur n'a d'autre choix que de calquer ses facteurs de rattachement sur ceux qui ont Ă©tĂ© retenus par les lĂ©gislateurs qui ont dĂ©jĂ  prĂ©alablement rĂ©glĂ© la mĂȘme matiĂšre. Enfin, ils peuvent simplement s'abstenir de fixer le moindre facteur de rattachement lĂ©gislative pourrait ĂȘtre Ă  l'origine d'un excĂšs de compĂ©tence. En effet, dans pareille hypothĂšse, la Cour constitutionnelle affirme : "Ă©tant donnĂ© que le dĂ©cret lui-mĂȘme ne formule pas de critĂšres de localisation, sa sphĂšre d'application territoriale est rĂ©gie par l'article 127, §2, de la Constitution lui-mĂȘme et le dĂ©cret ne saurait donc violer cette disposition constitutionnelle". Toute imprudence des lĂ©gislateurs risque donc d'ĂȘtre Ă  l'origine de CONFLITS INCONSCIENTS. Dans une telle hypothĂšse, la Cour, afin de consacrer le principe de l'exclusivitĂ© des compĂ©tences territoriales, est contrainte de trancher des conflits dans lesquels l'excĂšs de compĂ©tence peut ne pas ĂȘtre apparent. Elle peut donc ĂȘtre amenĂ©e Ă  dĂ©couvrir, coĂ»te que coĂ»te, des excĂšs de compĂ©tences lĂ  oĂč ils n'existent peut-ĂȘtre pas. Par consĂ©quent, si, dans le domaine de compĂ©tences matĂ©rielles, la Cour constitutionnelle a remis en cause le mythe des compĂ©tences exclusives, elle est restĂ©e dĂ©libĂ©rĂ©ment attachĂ©e Ă  celui-ci dans celui des compĂ©tences spatiales. Or, l'exclusivitĂ© des compĂ©tences qui constituait, en apparence, une garantie d'autonomie pour les entitĂ©s rĂ©gionales et communautaires semble, in fine, s'analyser comme un facteur de paralysie tant des entitĂ©s elles-mĂȘmes que l'autoritĂ© fĂ©dĂ©rale. (p.946 - leçon 29)

(21) Cass., du 05 novembre 1920 - La Flandria

Le 5 novembre 1920 dans UN ARRÊT LA FLANDRIA, la Cour de cassation opĂšre un revirement fondamental de jurisprudence. L'enjeu du litige est minime. Ses donnĂ©es illustre bien l'absurditĂ© que pouvait parfois revĂȘtir, en pratique, la distinction entre l'autoritĂ© agissant comme personne publique et l'autoritĂ© agissant comme personnes privĂ©e. Un arbre plantĂ© au bord d'une route appartenant Ă  la ville de Bruges avait Ă©tĂ© mal entretenu et s'Ă©tait abattu sur une exploitation horticole riveraine, causant de menus dĂ©gĂąts aux plantations. Les juges du fond fondent le droit de l'intĂ©ressĂ© Ă  obtenir rĂ©paration sur base du dommage causĂ© sur l'article 1382 du Code civil, au motif que l'arbre se trouvait sur le DOMAINE PRIVÉ de la Ville et que, partant, la faute commise par celle-ci l'avait Ă©tĂ© en tant que personne privĂ©e. Suivant les conclusions du Procureur gĂ©nĂ©ral, Paul Leclercq, la Cour de cassation rejette le pourvoi, mais dĂ©veloppe une conception nouvelle de la responsabilitĂ© de l'Etat. Les cours et tribunaux, affirme-t-elle, sont compĂ©tents pour connaĂźtre d'un pareil litige : il y a lieu d'abandonner la distinction entre l'activitĂ© publique et privĂ©e de l'autoritĂ© et de considĂ©rer que l'article 144 de la Constitution attribue une compĂ©tence aux tribunaux judiciaires dĂšs le moment oĂč l'enjeu de la contestation est un DROIT CIVIL. Il en rĂ©sulte que la "Constitution n'a Ă©gard ni Ă  la qualitĂ© des parties, ni Ă  la nature des actes qui aurait causĂ© une lĂ©sion de droit mais uniquement Ă  la nature du droit lĂ©sĂ©". En l'occurrence, le droit lĂ©sĂ© consiste dans le droit de propriĂ©tĂ© de l'horticulteur sur ses plantations. En consĂ©quence, la connaissance du litige relatif Ă  ce droit incombe constitutionnellement aux seuls tribunaux de leur ordre judiciaire. Dans cet arrĂȘt, la Cour de cassation estime utile de donner sa propre dĂ©finition de la SÉPARATION DES POUVOIRS. Elle indique que la Constitution a consacrĂ© une "thĂ©orie de la 'sĂ©paration des pouvoirs' qui voit une condition de la libertĂ© politique dans la rĂ©partition des fonctions publiques en trois groupes distincts et indĂ©pendant les uns des autres" et qu'en vertu "de cette rĂšgle de partage des attributions, il est interdit aux cours et tribunaux de faire des actes d'administration publique et de rĂ©former ou d'annuler les actes des autoritĂ©s administratives, comme il est interdit Ă  l'administration de juger les contestations qui ont pour objet des droits civils". Elle relĂšve, cependant, "que la mĂȘme expression 'sĂ©paration des pouvoirs' sert aussi Ă  dĂ©signer une rĂšgle trĂšs ancienne du droit public français, admise dĂ©jĂ  au temps de l'absolutisme monarchique et qui a trouvĂ© son expression dans l'Ă©dit de Saint-Germain du 06 fĂ©vrier 1641 est plus tard dans les lois du 16 et 24 aoĂ»t 1790 (article 13 du titre II) et du 16 fructidor an III", et qu'au "vƓu de cette rĂšgle il est interdit dit au corps judiciaire de juger les contestation oĂč l'Etat et les autres personnes du droit public sont intĂ©ressĂ©es, la compĂ©tence judiciaire en matiĂšre civile Ă©tant rĂ©duite Ă  la connaissance des litiges entre particuliers". Cette conception de la sĂ©paration des pouvoirs, "nĂ©e d'un sentiment de mĂ©fiance et des dĂ©faveurs Ă  l'Ă©gard des corps judiciaires, et qui permettait Ă  l'administration de disposer souverainement et sans recours de la personne et des biens des citoyens, n'a pas Ă©tĂ© consacrĂ© dans la Constitution belge" et que "tout au contraire, le rĂ©gime que celui-ci a organisĂ© est inspirĂ© d'un sentiment de mĂ©fiance Ă  l'Ă©gard des pratiques administratives des rĂ©gimes antĂ©rieurs et qu'il vise Ă  mettre les droits privĂ©s Ă  l'abris des atteintes de l'administration et sous la sauvegarde du pouvoir judiciaire". Selon la Cour de cassation, dans le systĂšme constitutionnel belge, les "gouvernants ne peuvent rien que ce qui sont chargĂ©s de faire et sont, comme les gouvernĂ©s, soumis Ă  la loi". Ils "sont limitĂ©s dans leurs activitĂ©s par les loi est notamment par celles qui organisent les droits civils" et "s'ils lĂšsent l'un de ses droits, le pouvoir judiciaire peut dĂ©clarer que leurs actes a Ă©tĂ© accompli sans pouvoir, qu'il est donc illĂ©gal et constitutif de fautes et accorder la rĂ©paration du prĂ©judice ainsi causĂ©". L'arrĂȘt La Flandria inaugure une nouvelle conception de l'État de droit dans laquelle le juge constitue pour le citoyen un rempart efficace contre l'arbitraire du pouvoir. Le principe ainsi posĂ© par la Cour de cassation sera dĂ©clinĂ© dans les dĂ©cennies qui suivent afin de toujours renforcer cette protection du citoyen tant contre le pouvoir exĂ©cutif que contre le pouvoir lĂ©gislatif ou judiciaire lui mĂȘme. (p.682 - leçon 21)

(2) CE 117.851, du 01 avril 2003 - Van Cauter, tribune Ă©lectorale BUB

Le Conseil d'Etat a Ă©tĂ© saisi d'un recours mis en oeuvre par le prĂ©sident du parti BUB (Belgische Unie - Union belge) contre la dĂ©cision de la RTBF de ne pas accorder Ă  son parti, pendant la campagne Ă©lectorale, un temps d'antenne Ă©gal ou quasiment Ă©gal Ă  celui consenti aux grands partis. Ce recours se fondait notamment sur le principe d'Ă©gal accĂšs aux mĂ©dias publics. Le Conseil d'Etat rappelle tout d'abord les principes fondateurs en matiĂšre d'Ă©galitĂ© : "les rĂšgles constitutionnelles de l'Ă©galitĂ© et de la non-discrimination N'EXCLUENT PAS QU'UNE DIFFERENCE DE TRAITEMENT SOIT ETABLIE ENTRE DES CATEGORIES DE PERSONNES, POUR AUTANT QU'ELLE REPOSE SUR UN CRITERE OBJECTIF ET QU'ELLE SOIT RAISONNABLEMENT JUSTIFIEE ; que l'existence d'une telle justification doit s'apprĂ©cier en tenant compte du BUT ET DES EFFETS DE LA MESURE CRITIQUEE AINSI QUE DE LA NATURE DES PRINCIPES EN CAUSE ; que le principe d'Ă©galitĂ© est violĂ© lorsqu'il est Ă©tabli qu'il n'existe pas de RAPPORT RAISONNABLE DE PROPORTIONNALITE ENTRE LES MOYENS EMPLOYES ET LE BUT VISE". Appliquant ce principe au cas d'espĂšce, il rejette le recours en relevant que "compte tenu de la raretĂ© du temps d'antenne, des exigences de lisibilitĂ© des dĂ©bats diffusĂ©s Ă  la radio et Ă  la tĂ©lĂ©vision et de la plĂ©thore de listes qui prĂ©sentent des candidats Ă  chaque Ă©lection, la partie adverse a lĂ©gitimement pu Ă©tablir des critĂšres de diffĂ©renciation fondĂ©s sur l'importance relative des diffĂ©rents partis candidats aux Ă©lections, et traiter de maniĂšre diffĂ©rente les partis qui avaient obtenu une reprĂ©sentation parlementaire lors des Ă©lections prĂ©cĂ©dents et les autres parties". Il ajoute que "cette disposition repose sur un critĂšre objectif ; qu'en raison du caractĂšre gĂ©nĂ©ralement modeste des dĂ©placements de voix observĂ©s d'une Ă©lection Ă  l'autre, qui emporte comme consĂ©quence qu'il est vraisemblable que les partis reprĂ©sentĂ©s au parlement continueront Ă  attirer les voix d'un nombre important d'Ă©lecteurs, et donc que les Ă©missions Ă©lectorales oĂč ces partis sont prĂ©sents soient plus suivies que celles oĂč n'apparaĂźtraient que des reprĂ©sentants de partis non encore reprĂ©sentĂ©s, dont il est vraisemblable qu'ils attireront un nombre de voix plus modeste, et dont l'apparition dans les Ă©missions Ă©lectorales suscite un intĂ©rĂȘt moindre, les mesures contenues dans le "dispositif Ă©lectoral" de la partie adverse apparaissent proportionnĂ©es Ă  leur objectif". (p.60 - leçon 2)

(2) CE 93.468, du 21 février 2001 - Taymans, privilÚge du préalable + CE 215.538, du 04 octobre 2011 - XXX, enseignante voilée

Le Conseil d'Etat a, Ă  plusieurs reprises, relevĂ© que LE PRIVILEGE DU PREALABLE IMPOSE A L'ADMINISTRE DE SE SOUMETTRE A UNE DECISION ADMINISTRATIVE, FÛT-ELLE ILLEGALE, et cela tant qu'elle n'a pas Ă©tĂ© suspendue ou annulĂ©e par la haute juridiction administrative. Dans l'affaire Taymans, le requĂ©rant, agent Ă  l'Institut belge des services postaux et des tĂ©lĂ©communications (IBPT), a obtenu un congĂ© pour mission qui lui permet de travailler au sein de la ReprĂ©sentation permanente de la Belgique auprĂšs de l'Union europĂ©enne. Il se voit refuser une prolongation de ce congĂ©. L'intĂ©ressĂ©, considĂ©rant que cette dĂ©cision est illĂ©gale, en poursuite l'annulation devant le Conseil d'Etat et ne rĂ©intĂšgre par ses fonctions au sein de l'IBPT Ă  la date prĂ©vue. Il est alors dĂ©mis d'office, et ce, sans prĂ©avis. Le Conseil d'Etat donne raison Ă  l'IBPT au motif "qu'en vertu du privilĂšge du prĂ©alable, le requĂ©rant avait Ă  s'incliner devant ladite dĂ©cision, fĂ»t-elle illĂ©gale (et) que la seule conviction que celle-ci n'Ă©tait pas justifiĂ©e ne (le) dispensait pas de s'y plier". Une autre affaire mĂ©rite d'ĂȘtre invoquĂ©e. Une enseignante musulmane exerçant ses fonctions dans une Ă©cole de la Ville de Charleroi refuse d'ĂŽter son voile pour dispenser un cours de mathĂ©matiques. Ce faisant, elle mĂ©connait un rĂšglement d'ordre intĂ©rieur de la Ville qui interdit aux enseignants le port de signes religieux dans l'exercice de leurs fonctions. L'intĂ©ressĂ©e, invoquant une violation de la libertĂ© religieuse, attaque ce rĂšglement devant le Conseil d'Etat et justifie ainsi sa dĂ©cision de ne plus dispenser son enseignement. Elle est alors licenciĂ©e par la Ville de Charleroi, en raison de la mĂ©connaissance du privilĂšge du prĂ©alable, rĂ©sumant de son refus de se conformer Ă  l'ordre de dispenser son enseignement non voilĂ©e. Le Conseil d'Etat rejette la demande en suspension introduite par ses soins contre la dĂ©cision de la licencier. Il estime que la "dĂ©cision attaquĂ©e est fondĂ©e sur un motif suffisant Ă  lui seul Ă  fonder son adoption", Ă  savoir la violation du privilĂšge du prĂ©alable. Le Conseil d'Etat prĂ©cise que "selon (ce motif), la partie adverse a entendu sanctionner la requĂ©rante en raison de son refus de respecter l'ordre qui lui Ă©tait adressĂ© d'enseigner sans porter de signes ostentatoires attestant ses convictions religieuses. Ce motif justifie valablement la dĂ©cision entreprise. Un enseignant a en effet l'obligation d'obĂ©ir aux ordres qui lui sont adressĂ©s par l'autoritĂ© hiĂ©rarchique, sauf lorsqu'ils sont manifestement illĂ©gaux. En l'espĂšce, le rĂšglement prescrivant le devoir mĂ©connu par la requĂ©rante n'est pas entachĂ© de maniĂšre manifeste par les illĂ©galitĂ©s qu'elle dĂ©nonce dans les deux moyens. En effet, les violations de normes allĂ©guĂ©es par la requĂ©rante n'apparaissent nullement Ă©videntes". L'enseignante est d'autant moins fondĂ©e Ă  invoquer l'irrĂ©gularitĂ© du rĂšglement lui interdisant le port du voile que le Conseil d'Etat rĂ©uni en assemblĂ©e gĂ©nĂ©rale, a rejetĂ© la demande en suspension qu'elle avait dirigĂ©e contre celui-ci. Autrement dit, le Conseil d'Etat admet qu'il soit dĂ©rogĂ© au privilĂšge du prĂ©alable lorsque l'administrĂ© doit se soumettre Ă  une dĂ©cision MANIFESTEMENT ILLEGALE de l'administration. Cependant, au moment de prendre attitude, celui-ci n'a pas l'assurance que la juridiction qui aura Ă  connaĂźtre du litige considĂ©rera, comme lui, que l'illĂ©galitĂ© en cause est manifeste. C'est donc toujours Ă  ses risques et pĂ©rils qu'il dĂ©cidera de ne pas se soumettre Ă  la dĂ©cision de l'autoritĂ©. (p.62 - leçon 2)

(26) CE 51.585, du 08 février 1995 - Goethals et Vanderstichelen, ordonnances

Le Conseil d'Etat n'a pas hĂ©sitĂ© Ă  opĂ©rer un contrĂŽle par voie d'exception d'une ordonnance bruxelloise. Il considĂšre en effet que le mode de publication du projet de Plan rĂ©gional de dĂ©veloppement imposĂ© par l'ordonnance du 29 aoĂ»t 1991 n'est pas compatible avec l'article 39 de la LOI SPÉCIALE DU 12 JANVIER 1989 qui prĂ©voit que les arrĂȘtĂ©s de l'exĂ©cutif doivent ĂȘtre publiĂ©s au Moniteur belge. En l'espĂšce, les prescriptions littĂ©rales du plan ont Ă©tĂ© publiĂ©es au Moniteur belge, mais tel n'avait pas Ă©tĂ© le cas de ses prescriptions graphique. En consĂ©quence, il a refusĂ© d'avoir Ă©gard Ă  ce projet de plan. (p.852 - leçon 26)

(20) CE 43.717, du 05 juillet 1993 - Bossart

Le Conseil d'Etat statue EN EQUITE, tant pour apprĂ©cier si les conditions constitutives d'un dommage exceptionnel sont remplies que pour fixer le montant de l'indemnitĂ© Ă  accorder. Il en rĂ©sulte que celle-ci ne devrait pas forcĂ©ment Ă©quivaloir Ă  une rĂ©partition intĂ©grale du dommage subi. Telle n'est cependant pas l'option retenue par le Conseil d'Etat selon qui "il s'indique de prendre en considĂ©ration le montant qui serait octroyĂ©, pour un dommage identique, par les juridictions judiciaires". Dans un arrĂȘt Bossart, il accorde une indemnitĂ© de 4 millions d'anciens francs Ă  un agent qui a subi le prĂ©judice de ne pas avoir Ă©tĂ© nommĂ© Ă  titre dĂ©finitif aux fonctions d'inspecteur de l'enseignement spĂ©cial, alors qu'il attendait l'extension du cadre et sa nomination depuis 10 ans. A l'occasion de cette procĂ©dure, le requĂ©rant, qui avait exercĂ© la fonction d'inspecteur des cours d'Ă©ducation musicale pendant plus de 13 ans en vertu de titre prĂ©caires, a pu convaincre le Conseil d'Etat qu'en raison de son profil, il Ă©tait le mieux placĂ© pour exercer cette mission et qu'il eut Ă©tĂ© peu cohĂ©rent de choisir quelqu'un d'autre pour occuper l'emploi dans les conditions statuaires normales. Le Conseil d'Etat indique en outre, que "le dommage allĂ©guĂ© ne rĂ©sulte pas de l'application d'une mesure gĂ©nĂ©rale qui s'applique Ă  un grand nombre de personnes, mais de l'omission de l'adapter un cadre qui Ă©tait reconnu insuffisant pour couvrir les besoins de l'administration" et que "le dossier nous rĂ©vĂšle pas que d'autres agents se retrouveraient dans une situation analogue". Curieusement, dans ces affaires, les parties adverses se sont abstenues de contester le montant du prĂ©judice allĂ©guĂ© par les requĂ©rants qui ont, chaque fois, obtenu l'intĂ©gralitĂ© de ce qu'ils rĂ©clamaient. Alors qu'en principe, le Conseil d'Etat fixe l'indemnitĂ© en Ă©quitĂ© (ce qui laisse supposer qu'elle peut ĂȘtre infĂ©rieure Ă  l'Ă©quation exacte du dommage), l'indemnisation des requĂ©rants peut s'avĂ©rer supĂ©rieure Ă  celle accordĂ©e par les juridictions ordinaires en cas de faute de l'administration. Ceci est d'ailleurs confiĂ© dans un autre arrĂȘt dans lequel le Conseil d'Etat a dĂ©signĂ© un expert pour connaĂźtre la rĂ©alitĂ© du dommage subi, ce qui signifie qu'il ne se contente pas de dĂ©finit ce qu'est l'Ă©quitĂ© ou qu'Ă  tout le moins, il estime indispensable de connaĂźtre la rĂ©alitĂ© prĂ©cise du dommage pour Ă©tablir les limites de ce qu'est une rĂ©paration Ă©quitable. Il prĂ©cise d'ailleurs sa position en affirmant Ă  la fois "qu'il s'indique de prendre en considĂ©ration le montant qui serait octroyĂ©, pour un dommage identique, par les juridictions judiciaires" et que "l'indemnitĂ© accordĂ©e par le Conseil d'Etat ne peut, en principe, ĂȘtre supĂ©rieure Ă  celle rĂ©clamĂ©e dans la requĂȘte prĂ©alable". (p.643 - leçon 20)

(4) CE 62.921, du 05 octobre 1996 - Goosse + CE 62.922, du 05 octobre 1996 - Orfinger

Le Conseil d'Etat, dans ses arrĂȘts Goosse, Orfinger, De Baenst et Gerfa, se prononce explicitement dans le sens ainsi indiquĂ©. Il est saisi d'une recours en annulation dirigĂ© contre une disposition de l'arrĂȘtĂ© royal fixant les principes gĂ©nĂ©raux (ARPG) du 26 septembre 1994 qui ouvre en partie la fonction publique rĂ©gionale et communautaire Ă  des ressortissants de l'Union europĂ©enne. Le requĂ©rant relĂšve que mĂȘme si cette disposition respecte l'article 48 du TraitĂ© de Rome, elle mĂ©connaĂźt l'article 8 ancien de la Constitution qui rĂ©servait l'accĂšs Ă  la fonction publique aux seuls Belges. Le Conseil d'Etat affirme que "lorsqu'un conflit existe ente une norme de droit interne et une norme de droit international qui a des effets directs dans l'ordre juridique interne, la rĂšgle Ă©tablie par le traitĂ© doit prĂ©valoir". Cette interprĂ©tation trouve son fondement dans la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union europĂ©enne aux termes de laquelle "le recours Ă  des dispositions de l'ordre juridique interne afin de limiter la portĂ©e des dispositions du droit communautaire aurait pour consĂ©quence de porter atteinte Ă  l'unitĂ© et Ă  l'efficacitĂ© de ce droit et ne saurait dĂšs lors ĂȘtre admis, mĂȘme si les dispositions de droit interne sont celles de la Constitution". La haute juridiction administrative conclu en relevant que "du point de vue du droit constitutionnel belge, l'autoritĂ© de l'interprĂ©tation donnĂ©e au TraitĂ© de Rome par la Cour de justice repose sur l'article 34 de la Constitution, quand bien mĂȘme cette interprĂ©tation aboutirait Ă  arrĂȘter les effets d'une partie des articles 8 et 10 de la Constitution". Le Conseil d'Etat hiĂ©rarchie ainsi les dispositions constitutionnelles donnant Ă  l'article 34 une valeur supĂ©rieure Ă  celle reconnue Ă  l'ensemble des autres dispositions constitutionnelles. Cette jurisprudence s'inscrit dans la droite ligne des principes posĂ©s par la Cour de cassation dans son arrĂȘt du 27 mai 1971, mais, pour la premiĂšre fois, une haute juridiction belge affirme pĂ©remptoirement que LE PRINCIPE DE LA PRIMAUTE DU DROIT INTERNATIONAL QUI A DES EFFETS DIRECTS DANS L'ORDRE INTERNE SUR LE DROIT INTERNE S'APPLIQUE A TOUS LES ECHELONS DE LA HIERARCHIE DES NORMES. (p.135 - leçon 4)

(14) Avis SLCE - parité en conseil des ministres

Le Conseil d'État, dans ses avis du 24 janvier 1978 et 03 avril 1980, prĂ©cise la portĂ©e exacte de l'article 99 de la Constitution. Il en rĂ©sulte que l'absence fortuite d'un ministre "n'a pas de rĂ©percussions sur la composition paritaire du conseil des ministres et est Ă©trangĂšre Ă  la rĂšgle de droit inscrite Ă  l'article 99 (composition du conseil des ministres)". En cas de dĂ©cĂšs ou de dĂ©mission d'un ministre, "la paritĂ© doit ĂȘtre rĂ©tablie le plus rapidement possible". Tant que celle-ci n'est pas rĂ©tablie, le conseil des ministres peut valablement dĂ©libĂ©rer conformĂ©ment aux principes gĂ©nĂ©raux qui rĂ©gissent le fonctionnement des assemblĂ©es ou des collĂšges administratifs, mais la minoritĂ© du conseil des ministres et le Parlement peuvent juger de "l'admissibilitĂ© des dĂ©cisions prises par le conseil des ministres non paritairement composĂ© en rapport avec des matiĂšres engageant des intĂ©rĂȘts auxquels le groupe minoritaire est spĂ©cialement chargĂ© de veiller". (p. 444 - leçon 14)

(20) Cour d'appel de Bruxelles, du 05 octobre 2006 - nomination des conseillers d'Etat + CC 123/2011, du 07 juillet 2011 - nomination des conseillers d'Etat

Le candidat Ă©vincĂ© lors d'un processus de dĂ©signation d'un conseiller d'Etat est singuliĂšrement dĂ©muni. En effet, le seul recours qui lui permettrait de mettre Ă  nĂ©ant la dĂ©signation qu'il conteste doit ĂȘtre portĂ© devant le Conseil d'Etat, soit la juridiction qui a prĂ©cisĂ©ment dĂ©cidĂ© de ne pas le prĂ©senter. Il peut raisonnablement considĂ©rer que cette juridiction n'adoptera pas une position schizophrĂ©nique et que partant son recours est vouĂ© Ă  l'Ă©chec. Ainsi, un candidat, professeur d'universitĂ© aux qualitĂ©s unanimement reconnues, n'a eu d'autres choix que de saisir les juridictions civiles aprĂšs que le Conseil d'Etat a refusĂ© de prĂ©senter. La Cour d'appel de Bruxelles a condamnĂ© l'Etat belge, sur la base de l'article 1382 du Code civil, parce que l'examen des titres et mĂ©rites des candidats ne pouvait de toute façon pas aboutir Ă  prĂ©fĂ©rer l'autre candidat. La cour ne comprend pas comment l'assemblĂ©e gĂ©nĂ©rale du Conseil d'Etat a pu considĂ©rer que la candidat nommĂ© "avait une meilleure pratique de la collĂ©gialitĂ©" que le candidat Ă©vincĂ©, pourquoi elle a pu affirmer que le candidat nommĂ© "Ă©tait plus qualifiĂ© que la candidat Ă©vincĂ© pour exercer la fonction de conseiller d'Etat Ă  la section de lĂ©gislation" et pourquoi elle a estimĂ© qu'il "n'y avait pas lieu de prendre en considĂ©ration pour apprĂ©cier les titres et mĂ©rites respectifs au regard de la fonction Ă  pourvoir les publications scientifiques" du candidat Ă©vincĂ©. La dĂ©cision judiciaire favorable dont le candidat Ă©vincĂ© a bĂ©nĂ©ficiĂ© lui apporte une satisfaction morale, mais ne lui permet pas d'obtenir l'annulation de la dĂ©cision administrative qui lui a fait grief. Devant porter son recours devant la juridiction qui a jouĂ© un rĂŽle prĂ©dominant dans sa dĂ©cision querellĂ©e, il a Ă©tĂ© privĂ© de l'accĂšs Ă  un tribunal impartial au sens de l'article 6 de la Convention europĂ©enne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertĂ©s fondamentales. Cependant, Ă  notre sens de maniĂšre contestable, dans un arrĂȘt n°123/2011 du 07 juillet 2011, la Cour constitutionnelle constate que cette situation tout Ă  fait particuliĂšre ne mĂ©connait pas le principe d'Ă©galitĂ© combinĂ© au principe d'impartialitĂ© objective des juridictions, dĂšs lors que dans la pratique, "un certain nombre de conseillers d'Etat ne peuvent prendre part Ă  l'assemblĂ©e gĂ©nĂ©rale en cas de dĂ©libĂ©ration ou de vote sur la prĂ©sentation de candidats Ă  une fonction vacante de conseillers d'Etat et que, lorsqu'un recours est introduit contre l'arrĂȘtĂ© de nomination d'un conseiller d'Etat qui fait suite Ă  cette prĂ©sentation, seuls les conseillers d'Etat qui n'ont pas pris part Ă  l'assemblĂ©e gĂ©nĂ©rale peuvent connaĂźtre de ce recours". (p.639 - leçon 20)

(10) CC 81/2012, du 28 juin 2012 - SLCE décret social du 09 décembre 2010, incompatibilité + CC 78/2005, du 27 avril 2005 - taille des circonscriptions électorales

Le dĂ©cret spĂ©cial wallon du 09 dĂ©cembre 2010 limant le cumul des mandats dans le chef des dĂ©putĂ©s du Parlement wallon crĂ©e une INCOMPATIBILITE RELATIVE ENTRE LA FONCTION DE PARLEMENTAIRE WALLON ET DE MEMBRE D'UN EXECUTIF LOCAL. Il participe de l'idĂ©e de prĂ©server l'indĂ©pendance du parlementaire par rapport aux intĂ©rĂȘts du pouvoir local dans lequel il exerce des responsabilitĂ©s et sa disponibilitĂ© dans l'exercice de son mandat rĂ©gional. Un systĂšme original permet Ă  25% DES MEMBRES DE CHAQUE GROUPE POLITIQUE REPRESENTE AU PARLEMENT DE CUMULER UN MANDAT PARLEMENTAIRE ET UN MANDAT EXECUTIF LOCAL. Le critĂšre retenu pour dĂ©terminer quels parlementaires peuvent bĂ©nĂ©ficier de ce cumul est LE TAUX DE PENETRATION, soit le pourcentage de voix de prĂ©fĂ©rence obtenu par un candidat par rapport Ă  l'ensemble des suffrages qui se sont portĂ©s sur sa liste. La section de lĂ©gislation du Conseil d'Etat est critique Ă  l'Ă©gard de ce projet. Elle estime que le lĂ©gislateur wallon ne peut l'instituer car il ne s'agit pas d'une incompatibilitĂ©. A son estime, une incompatibilitĂ© doit concerner l'ensemble des membres du Parlement. Comme tel n'est pas le cas en l'espĂšce, le lĂ©gislateur n'institue pas une incompatibilitĂ©, mais Ă©tablit irrĂ©guliĂšrement une rĂšgle de composition du Parlement. Elle estime aussi que ce dĂ©cret compromet l'effet utile du vote. Elle relĂšve enfin une RUPTURE D'EGALITE entre les candidats selon la circonscription oĂč ils se prĂ©sentent. Il est, en effet, plus aisĂ© d'obtenir un haut taux de pĂ©nĂ©tration dans une petite circonscription oĂč se prĂ©sentent peu de candidats que dans une circonscription oĂč les candidats sont plus nombreux. La Cour constitutionnelle rejette le recours en annulation introduit contre ce dĂ©cret. Elle considĂšre, tout d'abord, que le lĂ©gislateur dĂ©crĂ©tal a bien instituĂ© une INCOMPATIBILITE. Elle affirme que "rien ne permet de considĂ©rer que le lĂ©gislateur spĂ©cial, lorsqu'il a octroyĂ© aux Parlements wallon et flamand une autonomie constitutive leur permettant notamment d'ajouter des incompatibilitĂ©s Ă  celles qui existaient dĂ©jĂ , a entendu limiter cette possibilitĂ© Ă  la crĂ©ation d'incompatibilitĂ©s visant de la mĂȘme maniĂšre tous les membres de l'assemblĂ©e concernĂ©e" et ajoute que la "circonstance que cette incompatibilitĂ© influence la composition globale du Parlement wallon ne la prive pas de sa qualification d'incompatibilitĂ©". Ensuite, elle estime que le dĂ©cret spĂ©cial respecte le principe de L'EFFET UTILE DU VOTE. Elle relĂšve que "l'Ă©lecteur qui souhaite apporter sa voix Ă  un candidat qui est dĂ©jĂ  titulaire d'un mandat au sein d'un collĂšge communal sait Ă  l'avance qu'il y a un risque que ce candidat, s'il est Ă©lu, ne se trouve pas dans les conditions pour pouvoir cumuler les deux mandats, l'Ă©lecteur votant dĂšs lors en connaissance de cause". Il en rĂ©sulte que le lĂ©gislateur dĂ©crĂ©tal n'a pas portĂ© atteinte Ă  l'effet utile du vote. Enfin, en ce qui concerne la VIOLATION DU PRINCIPE D'EGALITE, la Cour ayant examinĂ© concrĂštement les rĂ©sultats d'une simulation de l'application du dĂ©cret, constate que le "comportement des Ă©lecteurs et les stratĂ©gies des partis politiques, notamment la concentration des voix de prĂ©fĂ©rence sur un nombre rĂ©duit de candidats dans toutes les circonscriptions, sont Ă  mĂȘme d'influencer suffisamment les possibilitĂ©s pour tous les candidats Ă©lus de se trouver dans les conditions du cumul, mĂȘme lorsqu'ils se prĂ©sentent dans les plus grandes circonscriptions". Autrement dit, elle constate que mĂȘme lorsqu'il y a un nombre plus important de candidats qui se prĂ©sentent, les voix de prĂ©fĂ©rence se portent systĂ©matiquement sur un nombre plus rĂ©duit d'entre eux de telle maniĂšre que le principe d'Ă©galitĂ© n'es pas violĂ©. Sur ce dernier point, la Cour adopte une attitude prudente. En effet, si elle avait estimĂ© qu'il existait une discrimination entre petites et grandes circonscriptions, elle aurait dĂ» constater que celle-ci trouvait en rĂ©alitĂ© son origine dans la maniĂšre dont est dessinĂ©e la carte Ă©lectorale. Or, en l'Ă©tat actuel de sa jurisprudence, sous rĂ©serve des arrĂȘts dans lesquels elle affirme qu'une circonscription doit compter au moins 4 Ă©lus, elle s'est refusĂ©e Ă  considĂ©rer que les articles 10 et 11 de la Constitution Ă©taient violĂ©s en raison de l'inexistence de circonscriptions Ă©lectorales d'importance inĂ©gale. AntĂ©rieurement, la Cour constitutionnelle avait clairement affirmĂ© la constitutionnalitĂ© de la disparitĂ© pouvait exister entre circonscriptions Ă©lectorales. Elle avait relevĂ© que "la dĂ©termination des circonscriptions Ă©lectorales pour les Ă©lections du Parlement de la RĂ©gion wallonne et du Parlement flamand relĂšve, en vertu de l'article 26 §1 de la loi spĂ©ciale du 08 aoĂ»t 1980 de rĂ©formes institutionnelles, de leur autonomie constitutive". Elle ajoute qu'une "diffĂ©rence de traitement qui rĂ©sulte de l'effet diffĂ©renciĂ© du seuil Ă©lectoral en fonction de la taille des circonscriptions ne trouve pas sa source dans l'instauration par le lĂ©gislateur fĂ©dĂ©ral d'un seuil Ă©lectoral uniforme, mais dans l'exercice pour les rĂ©gions de leur autonomie dans la dĂ©termination des circonstances Ă©lectorales". Une dĂ©cision en sens contraire aurait eu pour effet de remettre en cause la validitĂ© des Ă©lections fĂ©dĂ©rales et rĂ©gionales qui toutes sont organisĂ©es sur la base de circonscriptions aux contours disparates. En l'Ă©tat actuel du droit positif, aucune incompatibilitĂ© n'a Ă©tĂ© jusqu'ici Ă©tablie au niveau fĂ©dĂ©ral, dans la RĂ©gion flamande et dans la RĂ©gion de Bruxelles-Capitale entre la fonction de parlementaire et celle de membre d'un exĂ©cutif local. (p.298 - leçon 10)

(5) CC 18/2012, du 09 février 2012 - article 14ter

Le lĂ©gislateur a introduit, par une loi du 04 aoĂ»t 1996, un article 14ter dans les lois coordonnĂ©es sur le Conseil d'Etat, selon lequel "si la section du contentieux administratif l'estime nĂ©cessaire, elle indique, par voie de disposition gĂ©nĂ©rale, ceux des effets des dispositions d'actes rĂ©glementaires annulĂ©es qui doivent ĂȘtre considĂ©rĂ©s comme dĂ©finitifs ou maintenus provisoirement pour le dĂ©lai qu'elle dĂ©termine". Autrement dit, cette disposition permet au Conseil d'Etat de maintenir la validitĂ© de dĂ©cisions individuelles prises en vertu d'un rĂšglement irrĂ©gulier. Or, ceci entre totalement en contradiction avec l'interprĂ©tation globalisante que la Cour de cassation rĂ©serve Ă  l'article 159 de la Constitution et au contrĂŽle par voie d'exception. Au regard de cette interprĂ©tation, l'article 14ter violerait, de maniĂšre flagrante, l'article 159 de la Constitution. La Cour constitutionnelle, interrogĂ©e sur cette question Ă  titre prĂ©judiciel, Ă  considĂ©rĂ©, tout d'abord que "l'article 160 de la Constitution consacre l'existence du Conseil d'Etat. Il attribue au lĂ©gislateur le pouvoir de dĂ©terminer ses compĂ©tences et son mode de fonctionnement. Dans la mesure oĂč le Constituant a entendu, de la sorte, consacrer le contrĂŽle objectif de la lĂ©galitĂ© des actes administratifs, le contrĂŽle juridictionnel de lĂ©galitĂ©, prĂ©vue Ă  l'article 159 de la Constitution, doit raisonnablement tenir compte de l'effet utile des arrĂȘts d'annulation du Conseil d'Etat et des modalitĂ©s dont ils peuvent ĂȘtre assortis". Ensuite, elle indique que l'article 159 de la Constitution doit ĂȘtre interprĂ©tĂ©e en tenant compte du principe de sĂ©curitĂ© juridique. Il s'ensuit, Ă  son estime, que "si l'article 159 de la Constitution ne prĂ©voit, explicitement, aucune restriction au mode de contrĂŽle de lĂ©galitĂ© qu'il consacre, une telle restriction se justifie nĂ©anmoins si elle est nĂ©cessaire pour assurer le respect d'autres dispositions constitutionnelles ou de droits fondamentaux. Tenu de garantir notamment le principe de sĂ©curitĂ© juridique, le lĂ©gislateur se doit de rĂ©gler le mode de contrĂŽle de l'action administrative, ce qui peut exiger des restrictions au contrĂŽle juridictionnel incident de la lĂ©galitĂ© des actes rĂ©glementaires, pour autant que ces restrictions soient proportionnĂ©es au but lĂ©gitime poursuivi". En se fondant sur l'article 160 de la Constitution, la Cour constitutionnelle fait primer ici les termes de l'article 14ter des lois coordonnĂ©es sur le Conseil d'Etat sur ceux de l'article 159 de la Constitution. Cette thĂšse audacieuse et qui malmĂšne quelque peu la hiĂ©rarchie des normes se justifie, Ă  son sens, par le principe de sĂ©curitĂ© juridique "qui est inhĂ©rent Ă  l'ordre juridique interne, ainsi qu'Ă  l'ordre juridique de l'Union europĂ©enne et Ă  la Convention europĂ©enne des droits de l'homme". (p.171 - leçon 5)

(12) Avis SLCE - article 9 de la loi spéciale de réformes institutionnelles du 08 août 1980

Le lĂ©gislateur ne peut se dĂ©pouiller de ses compĂ©tences dans les MATIERES RESERVEES par la Constitution Ă  la loi, au dĂ©cret ou Ă  l'ordonnance. Des principes identiques s'appliquent aux RĂ©gions et aux CommunautĂ©s. Ainsi, L'ARTICLE 9 DE LA LOI SPÉCIALE DU 8 AOÛT 1980 prĂ©voit que le lĂ©gislateur rĂ©gional ou communautaire rĂšgle "la crĂ©ation, la composition, la compĂ©tence, le fonctionnement et le contrĂŽle" des Ă©tablissements et des organismes qu'il crĂ©e. La section de lĂ©gislation dĂ©nie dĂšs lors au gouvernement rĂ©gional ou communautaire, et a fortiori aux organes de gestion de ces organismes, le soin de fixer le statut des agents qui y exercent leurs activitĂ©s. Force est de constater, cependant, que dans la pratique, cette exigence est loin d'ĂȘtre toujours respectĂ©e. Ainsi par exemple, malgrĂ© la position prise par la section de lĂ©gislation du Conseil d'Etat, l'article 28 du dĂ©cret du 14 juillet 1997 portant sur le statut de la RTBF prĂ©voit que "sur proposition de son administrateur gĂ©nĂ©ral, le conseil d'administration de la RTBF arrĂȘte le statut du personnel, le rĂšglement de travail et le statut syndical". Dans les matiĂšres qui relĂšvent de la compĂ©tence rĂ©siduelle du lĂ©gislateur, des dĂ©lĂ©gations sont concevables, mais elles ne peuvent ĂȘtre illimitĂ©es. La section de lĂ©gislation fixe en ce domaine les bornes de l'admissible : "pour concilier les principes constitutionnels rĂ©gissant la rĂ©partition des compĂ©tences entre le lĂ©gislateur et le Gouvernement, LES ÉLÉMENTS ESSENTIELS DE LA RÉGLEMENTATION DOIVENT FIGURER DANS LE TEXTE MÊME (DE LA NORME LÉGISLATIVE). LES LIMITES DE LA DÉLÉGATION CONSENTIES AU GOUVERNEMENT DOIVENT ÊTRE DÉFINIES PAR (LA NORME LÉGISLATIVE) AUSSI PRÉCISÉMENT QUE POSSIBLE, de prĂ©fĂ©rence en indiquant de maniĂšre concrĂšte, les circonstances dans lesquelles il peut ĂȘtre fait usage de cette dĂ©lĂ©gation et en dĂ©finissant Ă  tout le moins dans leurs grandes lignes, les mesures Ă  prendre". (p.386 - leçon 12)

(9) CE 156.078, du 08 mars 2006 - Brynaert + CE 157.044, du 28 mars 2006 - Van Bergen + CE 161.253, du 11 juillet 2006 - Van Bergen II + CE 214.529, du 11 juillet 2011 - Daerden

Le mĂ©canisme de responsabilitĂ© politique des membres du collĂšge devant le conseil communal (permettant le vote d'une motion de mĂ©fiance constructive, Ă  la majoritĂ© absolue des membres du conseil), Ă  l'inverse du rĂ©gime instaurĂ© au niveau fĂ©dĂ©ral, rĂ©gional et communautaire, a d'emblĂ©e Ă©tĂ© mis en oeuvre. Il a Ă©tĂ© Ă  l'origine de vives controverses juridiques. En effet, deux Ă©chevins, les dĂ©nommĂ©s Jean-Marie Brynaert et Serge Van Bergen, impliquĂ©s dans des affaires pĂ©nales intĂ©ressant la gestion de sociĂ©tĂ©s de logements sociaux, ont fait, Ă  La LouviĂšre et Ă  Charleroi, l'objet de motions de mĂ©fiance constructive. Ils ont saisi le Conseil d'Etat de demandes en suspension, et ce, dans le but d'ĂȘtre rĂ©intĂ©grĂ©s dans leurs fonctions. La problĂ©matique que devait trancher le Conseil d'Etat se prĂ©sentait en ces termes. Dans une PREMIER LOGIQUE, FONDEE sur des principes de DROIT CONSTITUTIONNEL et de droit parlementaire, l'adoption d'une motion de mĂ©fiance s'analyse comme un acte politique qui, sans devoir pour autant avoir recours Ă  la doctrine abhorrĂ©e par le Conseil d'Etat de l'acte de gouvernement, Ă©chappe pour l'essentiel Ă  son contrĂŽle. Celui-ci contrĂŽle donc simplement le respect des conditions formelles de mise en oeuvre de la procĂ©dure (le nombre de signatures au bas de la motion, le nombre de votants de la motion, le respect du dĂ©lai qui doit s'Ă©couler entre son dĂ©pĂŽt et son vote, le caractĂšre public de la sĂ©ance et du vote) mais n'examine pas le contenu de la motion ou la maniĂšre dont celle-ci a Ă©tĂ© dĂ©battue. L'AUTRE LOGIQUE, FONDEE sur des mĂ©canismes classiques de DROIT ADMINISTRATIF et du droit de la fonction publique, consiste Ă  considĂ©rer que la dĂ©libĂ©ration approuvant la motion de mĂ©fiance constructive est une mesure grave pris par une autoritĂ© administrative en raison du comportement de celui qui en fait l'objet. Une telle interprĂ©tation doit conduire la haute juridiction administrative Ă  garantir le respect des droits de la dĂ©fense, principe exprimĂ© par l'adage audi alteram partem et Ă  contrĂŽler si les motifs de la dĂ©libĂ©ration respectent bien le prescrit de la loi du 29 juillet 1991 sur la motivation formelle des actes administratifs. Faut-il s'Ă©tonner que la haute juridiction administrative se soit engagĂ©e, fĂ»t-ce avec prudence, dans la 2Ăšme voie ? Dans ses arrĂȘts Brynaert et Vanbergen I, elle suspend, au bĂ©nĂ©fice de l'extrĂȘme urgence, des dĂ©libĂ©rations qui adoptaient des motions de mĂ©fiance constructive, et ce parce que le principe audi alteram partem a Ă©tĂ© violĂ©. Dans l'arrĂȘt Brynaert, elle estime que L'INTERESSE N'A PAS DISPOSE D'UN TEMPS SUFFISANT POUR PREPARER SA DEFENSE, et cela, alors mĂȘme que le dĂ©lai de 3 jours (remplacĂ© depuis lors par un dĂ©lai de 7 jours francs) entre le dĂ©pĂŽt de la motion et son vote avait Ă©tĂ© respectĂ©. Dans l'arrĂȘt Vanbergen, bien que l'Ă©chevin se soit expliquĂ© devant le conseil communal, elle annule la dĂ©libĂ©ration qui le concernait au motif QUE SON AVOCAT S'ETAIT VU REFUSER LE DROIT D'INTERVENIR DANS LE DEBAT. Afin d'obvier Ă  cette situation, le lĂ©gislateur wallon adopte le 08 juin 2006, une proposition de dĂ©cret qui vise Ă  mettre les points sur les i. Il affirme dans la loi et dans les travaux prĂ©paratoires QUE LE CONSEIL COMMUNAL APPRECIE SOUVERAINEMENT LES MOTIFS DE LA MOTION DE MEFIANCE (ce qui rend impossible le contrĂŽle des motifs de celle-ci) et organise la maniĂšre dont le membre du collĂšge fait valoir sa position EN PERSONNE devant le conseil, ce qui a pour effet de limiter les effets du principe audi alteram partem. Il restait Ă  examiner comment la haute juridiction administrative rĂ©agirait Ă  cette initiative du lĂ©gislateur. La rĂ©ponse vient dans l'arrĂȘt Vanbergen II. Tout d'abord, le Conseil d'Etat maintient avec force que la dĂ©libĂ©ration approuvant une motion de mĂ©fiance constructive peut ĂȘtre querellĂ©e devant lui. Il prĂ©cise "qu'en allĂ©guant que la motion de mĂ©fiance attaquĂ©e serait une dĂ©cision essentiellement politique, la partie adverse n'Ă©tablie pas, prima facie, que le contrĂŽle de sa lĂ©galitĂ© devrait Ă©chapper au Conseil d'Etat ; qu'en effet, le vote d'une telle motion, par un conseil communal, qui n'est ni un organe du pouvoir lĂ©gislatif ni un organe du pouvoir judiciaire, apparaĂźt comme un acte accompli par une autoritĂ© administrative, destinĂ© Ă  produire des effets de droit, faisant grief, acte qui, dĂšs lors, est de nature Ă  faire l'objet d'une requĂȘte en annulation et, partant, d'une demande de suspension, sur la base des articles 14 §1, et 17 §1, des lois sur le Conseil d'Etat, prĂ©citĂ©es ; qu'aucune disposition de nature constitutionnelle ou lĂ©gislative n'exclut pareille dĂ©cision de la compĂ©tence du Conseil d'Etat". Ensuite, il prĂ©cise que la dĂ©cision d'adopter une motion de mĂ©fiance constructive est "un acte juridique unilatĂ©ral de portĂ©e individuelle Ă©manant d'une autoritĂ© administrative et qui a pour but de produire des effets juridiques Ă  l'Ă©gard d'un ou de plusieurs administrĂ©s ou d'une autre autoritĂ©" et qu'il "paraĂźt devoir faire l'objet d'une motivation formelle". Plus prĂ©cisĂ©ment encore, il indique que l'ajout "des mots 'le conseil communal apprĂ©cie souverainement, par son vote, les motifs qui les fondent' porte sur la motivation matĂ©rielle de l'adoption de la motion de mĂ©fiance, soit sur ses motifs, de sorte que cette modification dĂ©crĂ©tale n'exonĂšre pas cette dĂ©cision du conseil communal de l'exigence de motivation formelle". Il reconnaĂźt, cependant, "que la rupture du lien de confiance entre le conseil communal et un membre du collĂšge communal qui se manifeste par l'adoption d'une motion de mĂ©fiance n'est pas nĂ©cessairement fondĂ©e sur des faits prĂ©cis et, par consĂ©quent, peut ĂȘtre impossible Ă  objectiver, ce qui rĂ©duit forcĂ©ment la motivation formelle de l'acte mettant un terme au mandat d'un Ă©chevin Ă  une formule stĂ©rĂ©otypĂ©e". Tirant les consĂ©quences de ce raisonnement, il opĂšre un contrĂŽle de la motivation de la motion de mĂ©fiance et affirme, en l'espĂšce, que les griefs contenus dans la motion de mĂ©fiance dirigĂ©e contre l'Ă©chevin Van Bergen (et notamment son implication dans le scandale dit de La Carolo) constituent une motivation suffisante et adĂ©quate. Enfin, la haute juridiction administrative admet que le principe audi alteram partem ne trouve pas Ă  s'appliquer pleinement en l'espĂšce dĂšs lors que le lĂ©gislateur a dĂ©cidĂ© d'en modaliser l'application. Elle reconnaĂźt donc que le seul droit dont dispose l'intĂ©ressĂ© est d'ĂȘtre entendu personnellement par le conseil et que, par voie de consĂ©quence, il ne peut, Ă  cette occasion, se faire assister d'un conseil. Il en rĂ©sulte que le seul contrĂŽle que peut encore opĂ©rer le Conseil d'Etat est un contrĂŽle des conditions de forme qui s'impose au vote d'une telle motion. Serge Van Bergen ne se dĂ©courage pas. Il saisit la Cour constitutionnelle d'un recours en annulation contre le Code wallon de la dĂ©mocratie locale et de la dĂ©centralisation. Il invoque deux moyens. Le premier est fondĂ© sur le fait que la motion de mĂ©fiance n'Ă©tait pas soumise Ă  une obligation de motivation formelle et le second sur le fait que l'Ă©chevin mis en cause est privĂ© de l'assistance d'un avocat. Dans un arrĂȘt n°157/2007 du 19 dĂ©cembre 2007, la Cour constitutionnelle rejette ce recours. Elle refuse, tout d'abord, de se prononcer sur la compĂ©tence du Conseil d'Etat pour connaĂźtre d'une motion de mĂ©fiance, preuve qu'elle ne considĂšre pas cette compĂ©tence comme incontestable. Elle considĂšre que le premier moyen n'est pas fondĂ© puisque les dispositions attaquĂ©es n'interdissent pas au Conseil d'Etat de contrĂŽler la motivation de la motion, et cela, mĂȘme s'il admet qu'elle peut se limiter Ă  une formule stĂ©rĂ©otypĂ©e. Elle Ă©carte Ă©galement le deuxiĂšme moyen, en rappelant avec force la spĂ©cificitĂ© d'un mĂ©canisme de responsabilitĂ© politique : "la motion de mĂ©fiance constructive rĂ©glĂ©e par le Code de la dĂ©mocratie locale et de la dĂ©centralisation est un instrument qui permet au conseil communal d'exercer SA COMPETENCE DE CONTRÔLE POLITIQUE Ă  l'Ă©gard du collĂšge communal ou Ă  l'Ă©gard d'Ă©chevins Ă  titre individuel. LE DEBAT QUI EST MENE A L'OCCASION D'UNE TELLE MOTION EST, DE PAR SA NATURE, AXE SUR LA QUESTION DE SAVOIR SI L'ORGANE ELU DEMOCRATIQUEMENT ENTEND OU NON MAINTENIR SA CONFIANCE A L'ORGANE EXECUTIF OU A UN MEMBRE DE CET ORGANE et suppose que celui qui porte une responsabilitĂ© politique se justifie en personne devant l'organe Ă©lu dĂ©mocratiquement, mĂȘme lorsque la question de confiance est dictĂ©e par son comportement personnel. Le Conseil d'Etat, cependant, rechigne Ă  se soumettre tant Ă  la volontĂ© claire du lĂ©gislateur wallon qu'Ă  l'enseignement de la Cour constitutionnelle. Ainsi connaĂźt-il d'un recours en annulation dirigĂ© par Michel Daerden contre la motion de mĂ©fiance Ă  la suite de laquelle il a Ă©tĂ© Ă©vincĂ© en tant que bourgmestre faisant fonction de la commune d'Ans. Devant le Conseil d'Etat, il invoque un dĂ©tournement de pouvoir, soit un moyen consistant Ă  affirmer que l'auteur de l'acte a usĂ© de ses compĂ©tences lĂ©gales Ă  d'autres fins que celles pour lesquelles elles lui ont Ă©tĂ© consenties. Plus particuliĂšrement, il soutient "que le lĂ©gislateur wallon a conçu la motion de mĂ©fiance individuelle comme un moyen de sanctionner un bourgmestre ou un Ă©chevin qui fait preuve d'un comportement inadĂ©quat Ă  l'occasion de ses fonctions, et (...) que l'acte attaquĂ© a Ă©tĂ© adoptĂ© aux fins d'Ă©carter le requĂ©rant de ses fonctions de bourgmestre empĂȘchĂ©, fonctions dĂšs lors non exercĂ©es, alors mĂȘme que les institutions communales fonctionnent parfaitement". Il en conclut "que la dĂ©libĂ©ration attaquĂ©e a Ă©tĂ© adoptĂ©e dans l'intention de lui nuire ainsi qu'Ă  son entourage politique ; qu'il relĂšve que ce risque de dĂ©tournement avait Ă©tĂ© Ă©voquĂ© au cours des travaux prĂ©paratoires, et souligne que les institutions communales d'Ans tout comme celles du CPAS ont toujours parfaitement fonctionnĂ©". Le Conseil d'Etat rejette ce moyen au motif "que l'apprĂ©ciation que le requĂ©rant porte sur la qualitĂ© du fonctionnement des institutions locales n'est manifestement pas partagĂ©e par la majoritĂ© des membres du conseil communal, qui ont votĂ© la motion". Il constate que le dossier "contient les procĂšs-verbaux des rĂ©unions du conseil communal des 23 et 30 septembre 2010, oĂč le conseil n'Ă©tait pas en nombre" et "que cela ne tĂ©moigne pas d'un bon fonctionnement". De mĂȘme, le dossier contient "surtout des extraits de prise, nombreux et concordants, qui tĂ©moignent de graves dissensions entre le requĂ©rant et certains membres de son parti". Le Conseil d'Etat en conclut que "s'il apparaĂźt clairement du vote de la motion qu'une large majoritĂ© du conseil communal estimait opportun de remplacer le collĂšge, aucun document n'Ă©tablit que cette majoritĂ© aurait Ă©tĂ© animĂ©e de la volontĂ© de nuire au requĂ©rant ; qu'Ă  plus forte raison, il ne peut ĂȘtre tenu pour Ă©tabli que le conseil communal aurait poursuivi un tel but Ă  l'exclusion de tout but licite". Le Conseil d'Etat contrĂŽle donc de maniĂšre quasi tatillonne la validitĂ© des motifs, fondant la motion de mĂ©fiance. Autrement dit, il porte un jugement de valeur sur les considĂ©rations qui conduisent un organe politique (le conseil communal) Ă  retirer sa confiance Ă  des membres de l'exĂ©cutif communal. Ce faisant, il s'obstine, comme il l'avait dĂ©jĂ  fait dans sa jurisprudence antĂ©rieure, mais sans doute avec encore plus d'amplitude, Ă  se faire juge du jeu politique local. Cet arrĂȘt est profondĂ©ment choquant car il marque une intrusion plus inadmissible encore du Conseil d'Etat dans le champ politique. En effet, Ă  la suite de la jurisprudence Vanbergen et de l'arrĂȘt n°156/2007 de la Cour constitutionnelle, une sorte de compromis implicite s'Ă©tait dĂ©gagĂ©. Il suffisait que le conseil communal motive la motion par une formule lapidaire, une clause de style entĂ©rinant la rupture de confiance pour Ă©viter le contrĂŽle invasive du Conseil d'Etat sur les motifs politiques rĂ©els de sa dĂ©libĂ©ration. Ce compromis Ă©tait Ă©videmment dĂ©jĂ  insatisfaisant puisque les Ă©lecteurs n'Ă©taient, de ce fait, pas informĂ©s de maniĂšre prĂ©cise des raisons pour lesquelles le lien de confiance avait Ă©tĂ© rompu. En acceptant d'examiner un moyen tirĂ© du dĂ©tournement de pouvoir, et partant en s'autorisant Ă  contrĂŽler les motifs intrinsĂšques de la motion de mĂ©fiance, nonobstant le recours Ă  une formule lapidaire pour la fonder, le Conseil d'Etat fait voler en Ă©clats le compromis qui Ă©tait le rĂ©sultat de sa jurisprudence antĂ©rieure. Cette logique est de nature Ă  le conduire Ă  annuler la dĂ©libĂ©ration approuvant une motion de mĂ©fiance Ă  l'Ă©gard d'un membre d'un collĂšge communal au seul motif qu'il estimerait que le conseil communal lui fait des reproches injustes, et cela mĂȘme si les motifs rĂ©els de la rupture ne sont pas exprimĂ©s dans la motion de mĂ©fiance et que celle-ci, par son existence mĂȘme, tĂ©moigne d'une rupture de confiance entre l'assemblĂ©e et l'intĂ©ressĂ©. Cette jurisprudence, qui contredit les intentions univoques du lĂ©gislateur rĂ©gional et la conception de la motion de mĂ©fiance livrĂ©e par la Cour constitutionnelle, conduit Ă  transformer la troisiĂšme juridiction suprĂȘme du pays en acteur politique local. (p.279 - leçon 9)

(9) Motions de méfiance en République Fédérale Allemande, précédents de 1982 et 2005

Le parlementarisme rationalisĂ© vise Ă  pallier les effets nĂ©gatifs de l'instabilitĂ© gouvernementale. Il trouve sa source dans la Loi fondamentale de la RĂ©publique fĂ©dĂ©rale d'Allemagne, et plus particuliĂšrement dans ses articles 67 et 68. La premiĂšre de ces dispositions relative Ă  la motion de mĂ©fiance constructive prĂ©voit que le Bundestag ne peut exprimer sa dĂ©fiance envers le chancelier fĂ©dĂ©ral qu'en Ă©lisant un successeur Ă  la majoritĂ© absolue et en invitant le PrĂ©sident de la RĂ©publique fĂ©dĂ©rale Ă  le relever de ses fonctions. Celui-ci doit faire droit Ă  cette demande et nommer la personnalitĂ© Ă©lue. Il est prĂ©vue, en outre, que le vote sur la motion ne peut intervenir qu'Ă  l'expiration d'un dĂ©lai de 48 heures. Enfin, la stabilitĂ© garantie par la Loi fondamentale s'exprime encore dans le fait qu'une motion de mĂ©fiance non constructive n'est pas recevable. Il est donc impossible au Bundestag d'exprimer gratuitement sa mĂ©fiance Ă  l'Ă©gard du chancelier, sans ĂȘtre capable, simultanĂ©ment, de lui proposer un successeur. Par ailleurs, hormis l'hypothĂšse du rejet d'une question de confiance, il ne peut ĂȘtre question de dissolution que lorsqu'il est impossible au Bundestag de procĂ©der Ă  l'Ă©lection du chancelier. Dans ce cas, le PrĂ©sident doit dissoudre l'assemblĂ©e. Ces dispositions constituent un ensemble cohĂ©rent. Elles Ă©tablissent un lien Ă©troit entre le pouvoir de dissolution et le rejet d'une motion de confiance. La pratique institutionnelle l'a rĂ©vĂ©lĂ©. En effet, la majoritĂ© parlementaire, en refusant artificiellement la confiance au chancelier fĂ©dĂ©ral a permis, en 1982 et en 2005 de provoquer la dissolution du Bundestag que celui-ci appelait de ses voeux et qui, dans la conjoncture politique du moment, semble-t-il, s'imposait. Le systĂšme allemand vise donc Ă  la stabilitĂ© gouvernementale et Ă  favoriser des Parlements de lĂ©gislature. AprĂšs 70 ans d'application de ces mĂ©canismes, il est permis d'en tirer un bilan. En 1972, une motion de mĂ©fiance constructive est soumise au vote du Bundestag, mais il manque 2 voix pour qu'elle soit adoptĂ©e. En 1982, par contre, Ă  la suite d'un revirement des libĂ©raux (FDP), une motion de mĂ©fiance constructive consacre le remplacement du Chancelier social-dĂ©mocrate Helmut Schmidt (SPD) par un Chancelier chrĂ©tien-dĂ©mocrate Helmut Kohl (CDU). Le nouveau chancelier, cependant, estime ne pas pouvoir gouverner sans avoir Ă©tĂ© portĂ© Ă  ces fonctions par un vote du peuple. Il invite donc son groupe politique Ă  s'abstenir lorsqu'il pose la question de confiance. A la suite du rejet de celle-ci, l'assemblĂ©e est dissoute, des Ă©lections sont organisĂ©es, gagnĂ©es par la nouvelle majoritĂ© et Helmut Kohl est Ă©lu Chancelier. En 2005, le Chancelier Gerhard Schröder (SPD), affaibli politiquement, souhaite provoquer des Ă©lections lĂ©gislatives anticipĂ©es. Le systĂšme constitutionnel tel qu'il vient d'ĂȘtre dĂ©crit ne lui permet pas d'obtenir immĂ©diatement la dissolution du Bundestag. En consĂ©quence, il pose la question de confiance et invite les membres de son groupe politique Ă  la lui refuser. Ceci est chose faite le 1er juin 2005. N'est-il pas paradoxal de voir un chef de gouvernement demander Ă  l'assemblĂ©e en gĂ©nĂ©ral, et Ă  son parti en particulier, de le dĂ©savouer ? A l'Ă©vidence, la rĂ©ponse est affirmative, mais cette anomalie trouve son explication exclusive dans la nĂ©cessitĂ© de contourner les mĂ©canismes visant Ă  crĂ©er, fĂ»t-ce artificiellement, une stabilitĂ© gouvernementale. Le 25 aoĂ»t, Ă  la suite du rejet de la question de confiance posĂ©e par le Chancelier Schröder, le Tribunal constitutionnel fĂ©dĂ©ral, statuant Ă  7 voix contre une, rejette un recours contre la dissolution du Bundestag par le PrĂ©sident fĂ©dĂ©ral, introduit par un reprĂ©sentant Ă©cologiste, qui estimait que celle-ci avait Ă©tĂ© dĂ©cidĂ©e en violation de l'esprit de la Constitution. Cette dĂ©cision aboutit en fait Ă  confĂ©rer au PrĂ©sident de la RĂ©publique un pouvoir de dissolution qui ne se distingue pas fondamentalement de celui qui appartient au chef de l'Etat, dans un rĂ©gime parlementaire classique. Bref, le Tribunal constitutionnel fĂ©dĂ©ral avalise le constat d'Ă©chec du parlementarisme rationalisĂ© Ă  l'allemande. La "plus-value" du parlementarisme rationalisĂ© en Allemagne est donc inexistante. Dans un rĂ©gime de parlementarisme classique, la crise de 1982 se serait dĂ©nouĂ©e de maniĂšre identique. La dĂ©fection des libĂ©raux aurait entraĂźnĂ© la chute du gouvernement prĂ©sidĂ© par Helmut Schmidt et de nouvelles Ă©lections se seraient tenues, soit ce qui s'est prĂ©cisĂ©ment produit, aprĂšs que, artificiellement, les parlementaires de la CDU se sont abstenus de manifester leur confiance Ă  leur leader. De mĂȘme, en 2005, dans un rĂ©gime de parlementarisme classique, il eut suffit que le chancelier demande au PrĂ©sident de la RĂ©publique de dissoudre le Bundestag pour provoquer, comme il le souhaitait, des Ă©lections anticipĂ©es. Deux grandes conclusions s'imposent donc. Nonobstant l'instauration de mĂ©canismes de parlementarisme rationalisĂ©, sans doute au prix de jeux de rĂŽle un peu ridicules, le systĂšme fonctionne toujours selon le mode du parlementarisme classique. Ensuite, et le prĂ©cĂ©dent de 1982 est particuliĂšrement significatif Ă  cet Ă©gard, les mĂ©canismes de parlementarisme rationalisĂ© n'offrent pas un surcroĂźt de stabilitĂ©, mais bien au contraire compromettent la lisibilitĂ© du fonctionnement institutionnel. En RĂ©publique fĂ©dĂ©rale d'Allemagne, le parlementarisme rationalisĂ© est donc un leurre. (p.262 + 263 - leçon 9)

(12) CC 5/2005, du 02 février 2005 - lois interprétatives

Le pouvoir confĂ©rĂ© au lĂ©gislateur d'interprĂ©ter authentiquement la norme lĂ©gislative doit Ă©videmment ĂȘtre exercĂ©e avec circonspection. Il ne pourrait adopter une norme interprĂ©tative d'une disposition lĂ©gislative claire pour la seule raison qu'il estime inopportune la jurisprudence des cours et tribunaux relative Ă  celle-ci. Il a, en effet, Ă©tĂ© prĂ©cisĂ© que l'interprĂ©tation authentique n'est pas possible si une norme est claire. En d'autres termes, il N'Y A LIEU D'INTERPRETER la loi par voie d'autoritĂ© que SI LE SENS DE LA NORME EST DOUTEUX, S'IL EST CONTREDIT PAR LES TRAVAUX PREPARATOIRES OU SI CEUX-CI SONT SILENCIEUX. Il a Ă©tĂ© prĂ©cisĂ©, en outre, que dans le doute, en raison du caractĂšre rĂ©troactif qui s'attache Ă  la loi interprĂ©tative, il est prĂ©fĂ©rable de modifier la norme plutĂŽt que de l'interprĂ©ter. La Cour constitutionnelle a fait application de ces principes dans un arrĂȘt relatif Ă  un recours en annulation contre un dĂ©cret modifiant le dĂ©cret flamand sur l'Ă©lectricitĂ© du 17 juillet 2000. Elle s'exprime ainsi : "la disposition attaquĂ©e interprĂšte les termes 'sans prĂ©judice' figurant Ă  l'article 37, §2, du dĂ©cret sur l'Ă©lectricitĂ© dans le sens de 'Ă  l'exclusion du'. Or, la vĂ©ritable signification de 'sans prĂ©judice de', commune aux textes juridiques, est 'sans porter atteinte Ă '. LE SENS D'UNE DISPOSITION LÉGISLATIVE NE PEUT ÊTRE INFLÉCHI EN FAISANT PRÉVALOIR SUR LE TEXTE CLAIR DE CETTE DISPOSITION DES DÉCLARATIONS QUI ONT PRÉCÉDÉ SON ADOPTION. La Cour ne peut que constater que la disposition entreprise donne Ă  la disposition interprĂ©tĂ©e une portĂ©e qui implique le contraire de sa signification originaire, mĂȘme si la nouvelle portĂ©e est conforme Ă  l'intention originaire du lĂ©gislateur dĂ©crĂ©tal, intention qui n'avait toutefois pas Ă©tĂ© restituĂ©e dans le texte de l'article 37, §2, et qui Ă©tait mĂȘme en contradiction avec celui-ci. CETTE DISPOSITION NE PEUT RAISONNABLEMENT ÊTRE CONSIDÉRÉE COMME UNE DISPOSITION INTERPRÉTATIVE. Il serait du reste surprenant que le mĂȘme mot ait une signification diffĂ©rente au § 1 et au §2 du mĂȘme article 37. (p.378 - leçon 12)

(19) Tribunal civil de Bruxelles, du 07 novembre 2000 - Nihoul

Le pouvoir d'injonction du ministre de la Justice Ă  l'Ă©gard du parquet ne se limite pas aux seules poursuites. En 2001, le ministre de la Justice donne une injonction au procureur gĂ©nĂ©ral de faire procĂ©der Ă  l'arrestation de Michel Nihoul au motif que celui-ci n'aurait pas respectĂ© les termes d'une dĂ©cision de la commission de libĂ©ration conditionnelle. Le tribunal de premiĂšre instance de Bruxelles estime qu'aucun reproche ne peut ĂȘtre adressĂ© au ministre de la Justice, notamment sur le plan de la sĂ©paration des pouvoirs, dĂšs lors que ce ministre dispose d'un droit gĂ©nĂ©ral d'impulsion vis-Ă -vis des membres du parquet, lequel peut trouver Ă©galement Ă  s'appliquer dans la mission d'exĂ©cution des dĂ©cisions judiciaires. Cependant, depuis la crĂ©ation des tribunaux d'application des peines, le ministĂšre public doit saisir le tribunal d'application des peines qui seul peut rĂ©voquer, suspendre ou revoir les conditions d'une libertĂ© conditionnelle. C'est donc dans cette exacte limite (Ă  savoir les rĂ©quisitions du ministĂšre public devant le tribunal de l'application des peines) que peut intervenir l'injonction du ministre de la Justice. (p.607 - leçon 19)

(10) CC 74/92, du 18 novembre 1992 - incompatibilités, rÚgle générale

Le systĂšme des incompatibilitĂ©s se fonde en quelque sorte sur le principe de LA DOUBLE PORTE. Chaque lĂ©gislateur peut Ă©tablir des incompatibilitĂ©s applicables aux organes qui relĂšvent de sa compĂ©tence, et cela mĂȘme si, ce faisant, il prend des mesures qui se rĂ©percutent sur des organes Ă©trangers Ă  son ordre juridique. La Cour constitutionnelle a ainsi affirmĂ© que la lĂ©gislateur flamand Ă©tant compĂ©tent pour rendre incompatible la fonction d'inspecteur dans l'enseignement (matiĂšre communautaire) avec un mandat communal ou provincial (matiĂšre qui Ă  l'Ă©poque relevait de l'autoritĂ© fĂ©dĂ©rale). Elle s'est exprimĂ©e comme suit : "les Parlements de CommunautĂ© ont (...) la plĂ©nitude de compĂ©tence pour rĂ©gler l'enseignement dans la plus large acception du terme, sauf les exceptions qui y sont explicitement mentionnĂ©es. La disposition attaquĂ©e est comprise dans la rĂ©glementaire globale Ă©dictĂ©e par la CommunautĂ© flamande pour l'inspection et les services d'encadrement pĂ©dagogique de l'enseignement ; elle fait partie du chapitre (...) ayant pour objet les devoirs, les incompatibilitĂ©s et le recrutement des membres de l'inspection (...). Il appartient au seul lĂ©gislateur dĂ©crĂ©tal de dĂ©terminer les garanties qu'il estime nĂ©cessaires au bon fonctionnement de l'inspection. Il lui est permis d'instaurer des incompatibilitĂ©s qui empĂȘchent l'intĂ©ressĂ© d'assumer la fonction d'inspecteur s'il exerce un autre mandat ou une autre fonction. C'est dans ce sens que doit se lire la disposition attaquĂ©e ; en vertu de cette disposition, la fonction d'inspecteur est incompatible notamment avec un mandat politique ou un mandat auprĂšs d'un pouvoir organisation. En instaurant une telle interdiction de cumul, le lĂ©gislateur dĂ©crĂ©tal rĂšgle la situation juridique des membres de l'inspection (...) ; il ne rĂšgle pas le fonctionnement des institutions provinciales ou communales et ne porte pas atteinte Ă  la compĂ©tence rĂ©servĂ©e au lĂ©gislateur national par l'article 162 de la Constitution". Autrement dit, et lĂ  est la mise en oeuvre du "principe de la double porte", pour que deux fonctions puissent ĂȘtre exercĂ©es simultanĂ©ment, il faut que chacun des lĂ©gislateurs compĂ©tents pour les organiser ait dĂ©cidĂ© de ne pas les rendre incompatibles. Dans le cas d'espĂšce, le lĂ©gislateur wallon a rendu incompatibles un mandat dans un collĂšge communal et une fonction de direction attribuĂ©e par un mandat non Ă©lectif au sein d'une administration publique fĂ©dĂ©rale, rĂ©gionale ou communautaire ou d'un organisme public qui en dĂ©pend. Philippe Mettens, prĂ©sident du Service public fĂ©dĂ©ral de programmation de la Politique scientifique (SPP Politique scientifique) et bourgmestre de Flobecq attaque ce dĂ©cret devant la Cour constitutionnelle. Il invoque notamment qu'en le contraignant Ă  dĂ©missionner de son mandat dans l'administration fĂ©dĂ©rale s'il entend conserver son mandat de bourgmestre, il est portĂ© atteinte aux compĂ©tences de l'autoritĂ© fĂ©dĂ©rale en matiĂšre de recherche scientifique. La Cour constitutionnelle lui donne tort : "il appartient au lĂ©gislateur dĂ©crĂ©tal de dĂ©terminer les garanties qu'il estime nĂ©cessaires pour assurer le bon fonctionnement des institutions communales qui relĂšvent de sa compĂ©tence. Il lui est permis d'instaurer des incompatibilitĂ©s qui empĂȘchent un mandataire communal d'assurer une fonction au sein du collĂšge communal s'il exerce simultanĂ©ment un autre mandat ou une autre fonction. En instaurant une telle interdiction de cumul, le lĂ©gislateur dĂ©crĂ©tal rĂšgle la situation juridique des membres des collĂšges communaux et demeure donc dans la sphĂšre de compĂ©tence et ne porte pas atteinte Ă  l'article 6 §1, VIII, de la loi spĂ©ciale prĂ©citĂ©e. Il ne rĂšgle pas le fonctionnement des institutions fĂ©dĂ©rales, communautaires ou rĂ©gionales qui ne relĂšvent pas de sa compĂ©tence et ne porte pas atteinte Ă  l'article 162 de la Constitution (...) il ne peut ĂȘtre admis que le lĂ©gislateur dĂ©crĂ©tal aurait abandonnĂ© au profit des autres entitĂ©s de l'Etat fĂ©dĂ©ral sa compĂ©tence de fixer une telle incompatibilitĂ©" et que "le lĂ©gislateur dĂ©crĂ©tal ne rend pas exagĂ©rĂ©ment difficile l'exercice des compĂ©tences fĂ©dĂ©rales, et en l'occurence celles que l'Etat fĂ©dĂ©ral dĂ©tient relativement Ă  la politique scientifique (...) la disposition attaquĂ©e n'empĂȘche nullement le requĂ©rant de continuer Ă  exercer sa fonction de prĂ©sident du comitĂ© de direction du SPP Politique scientifique. Elle le contraint seulement, dans ce cas, Ă  renoncer Ă  exercer une fonction au sein du collĂšge d'une commune wallonne". Le Conseil d'Etat a, cependant, estimĂ© que l'incompatibilitĂ© portait exclusivement sur l'exercice de la fonction et que Philippe Mettens ne s'Ă©tait pas rendu coupable de nĂ©gligence grave en conservant son mandat fĂ©dĂ©ral, en prĂȘtant serment comme bourgmestre mais en en dĂ©lĂ©guant les fonctions Ă  d'autres membres du collĂšge (CE 224.021, du 21 juin 2013 - Mettens). Il est loin d'ĂȘtre certain que l'interprĂ©tation ainsi livrĂ©e par le Conseil d'Etat soit conforme Ă  l'intention du lĂ©gislateur, ni mĂȘme Ă  la conception que la Cour constitutionnelle se faisait de cette incompatibilitĂ©. La haute juridiction administrative fait, cependant, application du principe gĂ©nĂ©ral selon lequel toute limitation d'un droit politique est d'interprĂ©tation restrictive. Si le lĂ©gislateur wallon entend privilĂ©gier une conception plus intense de l'incompatibilitĂ©, il lui appartient de le prĂ©voir expressĂ©ment dans le dĂ©cret, fĂ»t-ce par l'adoption d'un dĂ©cret interprĂ©tatif. (p.291 - leçon 10)

(6) CC 86/2012, du 28 juin 2012 - scrutin proportionnel

Le systĂšme proportionnel ne permet cependant pas de donner un poids strictement Ă©gal Ă  chaque voix et connaĂźt Ă©galement (mais sans commune mesure avec le systĂšme majoritaire) le phĂ©nomĂšne des voix perdues. La Cour constitutionnelle relĂšve que "mĂȘme si les Ă©lections ont lieu suivant un systĂšme de reprĂ©sentation strictement proportionnelle, on ne saurait Ă©viter le phĂ©nomĂšne des 'voix perdues'. Il s'ensuit que chaque suffrage n'a pas un poids Ă©gal dans l'attribution des siĂšges et que chaque candidat n'a pas les mĂȘmes chances d'ĂȘtre Ă©lu". En outre, ajoute-t-elle, "aucune disposition de droit international ou de droit interne n'interdit au lĂ©gislateur qui a optĂ© pour un systĂšme de reprĂ©sentation proportionnelle de prĂ©voir des limitations raisonnables afin de garantir le bon fonctionnement des institutions dĂ©mocratiques". Elle ajoute que "la volontĂ© d'instaurer ou de maintenir un systĂšme dĂ©mocratique de reprĂ©sentation proportionnelle n'empĂȘche pas de tenir Ă©galement compte des avantages d'une politique suffisamment stable et claire pendant la lĂ©gislature". Ainsi, dans "le cadre de son pouvoir d'apprĂ©ciation Ă©tendu quant au mode d'organisation de la reprĂ©sentation proportionnelle, le lĂ©gislateur (...) peut prendre des mesures destinĂ©es Ă  Ă©viter un morcellement du paysage politique, en favorisant, au sein des organes reprĂ©sentatifs, la formation de groupes politiques suffisamment cohĂ©rents". Le lĂ©gislateur peut donc organiser le systĂšme Ă©lectoral de telle maniĂšre qu'un parti doive obtenir un seuil minimal de voix pour ĂȘtre reprĂ©sentĂ© au sein de l'assemblĂ©e. Il lui est loisible d'organiser un systĂšme de reprĂ©sentation proportionnelle qui avantage les grands partis au dĂ©triment des petits partis, la Cour observant d'ailleurs Ă  cet Ă©gard que "ce sont les Ă©lections mĂȘmes qui font apparaĂźtre les partis ou les listes qui sont 'plus grands' et que les rapports peuvent ĂȘtre modifiĂ©s Ă  chaque nouvelle Ă©lection". (p.202 - leçon 6)

(13) Affaire Schlicker, enquĂȘtes parlementaires

Le tĂ©moignage de magistrats devant les commissions d'enquĂȘte a Ă©tĂ© Ă  l'origine de vives controverses. Le 08 dĂ©cembre 1988, le juge Schlicker, entendu en sĂ©ance publique de la commission d'enquĂȘte de la Chambre des reprĂ©sentants relative Ă  la rĂ©pression du banditisme et du terrorisme, est interrogĂ© sur les pressions qu'il aurait subies lors de certaines instructions judiciaires. Le magistrat nivellois refuse de rĂ©pondre Ă  ces questions et dĂ©clare que lorsqu'il a reçu la convocation de la commission parlementaire d'enquĂȘte, "il a demandĂ© Ă  son prĂ©sident ce qu'il pouvait dire. Celui-ci a interrogĂ© premier prĂ©sident de la Cour qui lui a fait parvenir une note de quatre pages". Cette note, qui n'est pas confidentielle, est publiĂ©e par le Journal des tribunaux, le 07 janvier 1989. IndĂ©pendamment du principe de sĂ©paration des pouvoirs, un magistrat peut ĂȘtre tenter de se prĂ©valoir du DEVOIR DE RÉSERVE et du secret de l'instruction pour refuser du tĂ©moigner devant une commission d'enquĂȘte parlementaire. Cette question a fait couler beaucoup d'encre avant l'adoption de la loi du 30 juin 1996. Si le juge appelĂ© Ă  tĂ©moigner devant une commission parlementaire ne pouvait valablement invoquer le devoir de rĂ©serve, la situation Ă©tait quelque peu diffĂ©rente s'il fondait sa dĂ©marche sur le SECRET DE L'INSTRUCTION. L'argumentation dĂ©veloppĂ©e par le premier prĂ©sident de la Cour d'appel de Bruxelles pour affirmer qu'un magistrat n'a pas Ă  tĂ©moigner devant une commission d'enquĂȘte se fonde essentiellement sur deux principes ("le tĂ©moignage devant une commission parlementaire d'enquĂȘte ne peut ĂȘtre assimilĂ© au tĂ©moignage en justice" et "la lĂ©gislation sur les enquĂȘtes parlementaires n'est pas une loi qui impose la dĂ©nonciation de secrets") qui constituent autant de postulats erronĂ©s. Si la loi du 03 mai 1880 ne confĂšre pas Ă  la commission d'enquĂȘte la qualitĂ© de juge d'instruction, ses pouvoirs d'investigation n'en sont pas pour autant affectĂ©s. L'exercice du pouvoir judiciaire est rĂ©servĂ© aux cours et tribunaux et l'article 56 de la Constitution ne dĂ©roge pas, Ă  proprement parler, Ă  ce principe. Toutefois, cette disposition constitutionnelle, complĂ©tĂ©e par la loi du 03 mai 1880, vise Ă  donner aux assemblĂ©es, dans l'exercice de leur mission d'enquĂȘte, des moyens identiques Ă  ceux dont disposent les juges d'instruction. Le renvoi opĂ©rĂ© par l'article 4 de la loi du 03 mai 1880 au Code d'instruction criminelle faisait, dĂšs avant la modification de la loi du 03 mai 1880 opĂ©rĂ©e en 1996, que cette diffĂ©rence n'a pas d'incidence sur le tĂ©moin lui-mĂȘme. Celui-ci Ă©tait soumis aux mĂȘmes rĂšgles selon qu'il dĂ©pose devant la commission d'enquĂȘtes ou devant un juge d'instruction. Une commission d'enquĂȘte pouvait donc, dans les mĂȘmes conditions qu'un juge d'instruction, solliciter le tĂ©moignage d'un dĂ©positaire d'un secret professionnel, au sens de l'article 458 du Code pĂ©nal. La situation d'un tĂ©moin qui dĂ©pose devant une commission d'enquĂȘte pouvait donc ĂȘtre totalement assimilĂ©e Ă  celle qui est la sienne lorsqu'il tĂ©moigne en justice. Ce principe rĂ©sultait clairement du renvoi, sans restrictions, opĂ©rĂ© par la loi du 03 mai 1880 au Code d'instruction criminelle. Affirmer le contraire aurait conduit dans nombre de circonstances Ă  priver l'enquĂȘte parlementaire de son effectivitĂ©. (p. 417 - leçon 13)

(7) CC 134/2013, du 10 octobre 2013 - portée du vote obligatoire

Le vote obligatoire autorise Ă©videmment un Ă©lecteur Ă  s'abstenir, soit Ă  un Ă©mettre un vote blanc. Il ne dispose, par contre, pas du droit d'exprimer un vote nul. La Cour constitutionnelle affirme que "mĂȘme s'il constitue un droit politique fondamental de la dĂ©mocratie reprĂ©sentative et est d'une importance cruciale pour l'Ă©tablissement et le maintien des fondements de la dĂ©mocratie, le droit de vote n'est pas absolu" et "n'implique pas le droit de voter nul". Pour qu'il soit question d'Ă©lections libres et dĂ©mocratiques, ajoute-t-elle, "il suffit en effet que l'Ă©lecteur puisse Ă©mettre son vote sans contrainte, de sorte qu'il puisse voter comme il l'entend. L'Ă©lecteur est toutefois tenu de respecter strictement la procĂ©dure Ă©lectorale (CEDH, du 11 janvier 2007 - Parti conservateur russe des entrepreneurs et autres c. Russie). La nullitĂ© d'un bulletin de vote n'est que la sanction applicable Ă  un vote irrĂ©gulier". (p.218 - leçon 7)

(26) CC 35/2003, du 25 mars 2003 - VGC, accord du Lombard

Les ACCORDS DU LOMBARD avaient consacrĂ© une MODIFICATION DES RÈGLES DE COMPOSITION DE SON ASSEMBLÉE. En effet, en vertu de l'article 60, alinĂ©a 5 de la loi spĂ©ciale du 12 janvier 1989, celle-ci comprend les 17 membres du groupe linguistique nĂ©erlandais du Parlement rĂ©gional et 5 membres non Ă©lus au sein de cette assemblĂ©e, dĂ©signĂ©s Ă  la proportionnelle en fonction des rĂ©sultats des Ă©lections du Parlement flamand. L'objectif poursuivi Ă©tait d'Ă©viter qu'un parti non dĂ©mocratique ne puisse, en devenant majoritaire, au sein du groupe linguistique nĂ©erlandais du Parlement rĂ©gional, paralyser irrĂ©mĂ©diablement les institutions bruxelloises. La Cour constitutionnelle admet le bien-fondĂ© de cet objectif. Elle indique, en effet, que s'il "peut ĂȘtre admis (...) que des mesures radicales soient prises pour Ă©viter que les libertĂ©s politiques qui rendent la dĂ©mocratie vulnĂ©rable soient utilisĂ©es afin de la dĂ©truire, encore faut-il que de telles mesures soient limitĂ©es Ă  la protection du caractĂšre dĂ©mocratique du rĂ©gime et ne mĂ©connaissent pas les articles 10 et 11 de la Constitution". Elle rappelle, cependant, le principe qui veux que "les reprĂ©sentants siĂ©geant dans un organe reprĂ©sentatif sont, en rĂšgle, dĂ©signĂ©s par les citoyens qui peuvent ĂȘtre affectĂ©s par les dĂ©cisions de cet organe" et constate que motifs invoquĂ©s pour dĂ©roger Ă  cette rĂšgle "ne sont pas suffisants pour justifier le mode de dĂ©signation de 5 membres supplĂ©mentaires, prĂ©vu par l'article 38, qui ne prĂ©sente aucun lien avec la volontĂ© exprimĂ©e par les Ă©lecteurs bruxellois". La Cour constitutionnelle n'a pas annulĂ© l'article 60, alinĂ©a 5 de la loi spĂ©ciale du 12 janvier 1989 qui prĂ©voit que l'assemblĂ©e de la V.G.C. compte 5 membres de plus que le groupe linguistique nĂ©erlandais du Parlement rĂ©gional. Elle a simplement annulĂ© les dispositions qui fixent la maniĂšre de procĂ©der Ă  la dĂ©signation de ces derniers. Or, le lĂ©gislateur spĂ©cial s'est abstenu de tirer la moindre consĂ©quence de l'arrĂȘt de la Cour. Il en rĂ©sulte que L'ASSEMBLÉE DE LA V.G.C. EST DEPUIS 2003 IRRÉGULIÈREMENT COMPOSÉE. (p.860 - leçon 26)

(15) CE 220.717, du 24 septembre 2012 - Rijmenans, affaires courantes, urgence

Les AFFAIRES URGENTES sont celles, si elles n'Ă©taient pas rĂ©glĂ©es sur le champ, risqueraient de causer un PRÉJUDICE IRRÉPARABLE À LA COLLECTIVITÉ. Ainsi par exemple, a-t-il jugĂ© que, Ă  "la veille de la prĂ©sidence de l'Union europĂ©enne par la Belgique et vu le rĂŽle Ă  jouer de l'ambassadeur belge ne poste Ă  Vienne notamment sur des dossiers aussi sensible que la problĂ©matique de l'armement nuclĂ©aire en Iran, l'autoritĂ© a pu considĂ©rer qu'elle ne pouvait laisser le poste de Vienne dans une situation difficile et sans chef de poste. La dĂ©signation d'un chef de poste dans de telles conditions justifie le recours Ă  l'urgence". (p.480 - leçon 15)

(17) Avis SLCE - décret affaire Arena

Les articles 37, 107, alinĂ©a 2 de la Constitution ainsi que l'article 87 de la loi spĂ©ciale du 8 aoĂ»t 1980 de rĂ©formes institutionnelles crĂ©ent une compĂ©tence rĂ©servĂ©e aux bĂ©nĂ©fices du pouvoir exĂ©cutif. Autrement dit, le lĂ©gislateur ne peut s'immiscer dans son exercice. Le cabinet ministĂ©riel Ă©tant intimement liĂ© au fonctionnement des organes gouvernementaux, il appartient Ă  ceux-ci, Ă  l'exception du lĂ©gislateur, d'en rĂ©gler le fonctionnement. Cette question se pose, en dĂ©cembre 2004, lors de la mise en cause de Maria Arena, Ministre-PrĂ©sidente du gouvernement de la CommunautĂ© française Ă  la suite des dĂ©penses d'amĂ©nagement effectuĂ©es au sein de son cabinet. Des parlementaires de l'opposition proposent l'adoption d'un dĂ©cret visant Ă  opĂ©rer un contrĂŽle plus strict des cabinets ministĂ©riels. Une telle initiative est, cependant, vouĂ©e Ă  l'Ă©chec. ConsultĂ©e sur cette initiative, la section de lĂ©gislation du Conseil d'État relĂšve que les "cabinets ministĂ©riels sont des institutions dont, en vertu de l'article 87 de la loi spĂ©ciale du 8 aoĂ»t 1980 de rĂ©formes institutionnelles, le gouvernement dispose en propre et a ainsi le pouvoir exclusif de rĂ©gler l'organisation, les missions et le fonctionnement. Contrairement Ă  ce que prĂ©voient les dispositions Ă  l'examen, il n'est donc pas au pouvoir du lĂ©gislateur dĂ©crĂ©tal de prendre des rĂšgles en ce domaine". (p.534 - leçon 17)

(21) Cass., du 05 mai 2011 - réparation en nature + Tribunal de premiÚre instance de Bruxelles, du 04 octobre 2013 - réparation en cas de carence réglementaire

Les cours et tribunaux se sont longtemps bornĂ©s Ă  allouer des dommages-intĂ©rĂȘts, s'interdisant, au nom du principe de la sĂ©paration des pouvoirs, Ă  adresser Ă  l'administration des injonctions positivitĂ©s ou nĂ©gatives. Ce principe est partiellement remis en cause par un arrĂȘt de la Cour de cassation du 26 juin 1980, qui, aprĂšs avoir rappelĂ© qu'en matiĂšre de responsabilitĂ©, le principe est celui de la rĂ©paration en nature, prĂ©cise que "les cours et tribunaux ne s'immiscent pas dans l'exercice des pouvoirs lĂ©galement confĂ©rĂ©s Ă  l'autoritĂ© administrative lorsqu'aux fins de rĂ©tablir entiĂšrement dans ses droits la partie lĂ©sĂ©e, ils ordonnent la rĂ©paration en nature du prĂ©judice et prescrivent Ă  l'administration des mesures destinĂ©es Ă  mettre fin Ă  l'illĂ©galitĂ© dommageable". Ce principe n'est plus aujourd'hui remis en cause. Ainsi, par exemple, dans un arrĂȘt du 05 mai 2011, la Cour de cassation estime que la Cour d'appel de LiĂšge a, Ă  bon droit, condamnĂ© la Ville de Namur Ă  rĂ©parer en nature le dommage subi par un sculpteur du fait de la dĂ©tĂ©rioration irrĂ©versible de son oeuvre. Ce dernier obtient, en effet, la condition de la Ville Ă  lui commander une reproduction en bronze de son oeuvre initiale et Ă  la placer Ă  proximitĂ© du casino, soit dans un lieu public Ă©quivalent Ă  celui oĂč elle se situait antĂ©rieurement. A la suite d'un incendie d'une aile du casino de Namur et des travaux qui s'en Ă©taient suivis, l'oeuvre monumentale de l'auteur, rĂ©alisĂ©e en pierre de France et intitulĂ©e Sambre et Meuse, avait Ă©tĂ© fracturĂ©e, rĂ©parĂ©e grossiĂšrement et repeinte. Elle avait Ă©tĂ© retrouvĂ©e par l'auteur dans le jardin du pĂšre de l'entrepreneur chargĂ© des travaux consĂ©cutifs Ă  l'incendie. La cour d'appel avait constatĂ© qu'il Ă©tait gravement portĂ©e atteinte au droit moral du sculpteur, que son oeuvre ne pouvait ĂȘtre restaurĂ©e et que sa reproduction en bronze se justifiait parce que le bronze est Ă  la fois moins couteux et pus aisĂ© Ă  entretenir que le matĂ©riau d'origine. Cependant, en l'Ă©tat actuel de la jurisprudence, la rĂ©paration en nature n'est pas admise lorsque le pouvoir exĂ©cutif engage sa responsabilitĂ© pour carence rĂ©glementaire. Ainsi, par exemple, le Tribunal de premiĂšre instance de Bruxelles refuse de condamner l'Etat, sous peine d'astreinte, Ă  prendre aprĂšs 8 ans d'inertie, des arrĂȘtĂ©s d'exĂ©cution d'une loi, crĂ©ant des instances de recours contre des mesures prises Ă  l'encontre de dĂ©tenus par l'administration pĂ©nitentiaire. Il estime que compte tenu de la marge de manoeuvre laissĂ©e par le lĂ©gislateur au pouvoir exĂ©cutif, la condamnation sous astreinte de l'Etat belge Ă  mettre en vigueur les dispositions litigieuses porterait atteinte au principe de la sĂ©paration des pouvoirs. Cette jurisprudence n'est pas pleinement convaincante. En effet, en condamnant l'Etat Ă  exĂ©cuter une loi aprĂšs 8 ans d'inertie, le juge ordonnerait qu'il soit mis fin Ă  l'illĂ©galitĂ© dommageable et ne dĂ©terminerait en rien la maniĂšre dont cette exĂ©cution doit ĂȘtre opĂ©rĂ©e. Il ne fixerait en rien le contenu des arrĂȘtĂ©s d'exĂ©cution, et ne porterait pas atteinte ainsi Ă  son pouvoir discrĂ©tionnaire, mais imposerait simplement leur existence. Ce faisant, il ne violerait pas la sĂ©paration des pouvoirs. Mieux, il la garantirait en permettant Ă  l'oeuvre lĂ©gislative d'avoir un effet utile, lequel est compromis par l'inertie du pouvoir exĂ©cutif. (p.692 - leçon 21)

(29) CC 33/2001, du 13 mars 2001 - assurance soins, compétence territoriale

Les législateurs communautaires doivent faire preuve d'une grande prudence lorsqu'ils prennent des normes applicables sur le territoire de la région bilingue de Bruxelles-Capitale. Tout d'abord, ils doivent S'ABSTENIR D'IMPOSER DIRECTEMENT DES OBLIGATIONS AUX CITOYENS. Une norme communautaire ne sera admissible que pour autant qu'elle ait POUR DESTINATAIRE UNE INSTITUTION et que les citoyens bruxellois ne soient pas soumis directement à son application. Ce principe a été rappelé avec force par la Cour constitutionnelle concernant le décret flamand relatif à l'assurance soins. La Cour relÚve qu'il "s'ensuit que les disposition du décret s'appliquent obligatoirement aux caisses établies dans la région bilingue de Bruxelles-Capitale qui répondent à la définition donnée à l'article 128, §2, de la Constitution mais que les obligations qui incombent aux personnes domiciliées dans cette région auront pour cause leur décision libre de s'affilier à une telle caisse et qu'elles ne seront tenues de les respecter qu'aussi longtemps qu'elles resteront affiliées". Ensuite, les législateurs communautaires doivent veiller à ne pas confondre les critÚres de l'organisation et de l'activité, applicables respectivement dans le domaine des matiÚres personnalisables et dans le domaine culturel. (p.939 - leçon 29)

(18) CC 3/2001, du 25 janvier 2001 - Conseil Supérieur de la Justice

Les similitudes qui caractĂ©risent la composition de nos trois juridictions suprĂȘmes tĂ©moignent du fait que la paritĂ© linguistique n'est PAS UNE PROCÉDURE INHÉRENTE AU PROCESSUS DE FÉDÉRALISATION, mais bien une technique visant Ă  prendre en compte la division du pays en deux grandes communautĂ©s linguistiques et culturelles. Par rapport Ă  la logique fĂ©dĂ©rale, la paritĂ© linguistique a un effet simplificateur et rĂ©ducteur. Elle ne permet pas une reconnaissance, en tant que telle, de la RĂ©gion wallonne et de la RĂ©gion de Bruxelles-Capitale et, surtout, compromet toute reprĂ©sentation des Germanophones au sein des structures qu'elle rĂ©git. Force est de constater que ceci ne semble pas soulever, aux yeux mĂȘmes de la Cour, d'objection de constitutionnalitĂ©. En effet, elle a Ă©tĂ© appelĂ©e Ă  connaĂźtre d'un recours dirigĂ© contre la composition du Conseil SupĂ©rieur de la Justice, laquelle obĂ©it Ă©galement Ă  la paritĂ© linguistique. Elle considĂšre que ce type de composition ne mĂ©connait pas les articles 10 et 11 de la Constitution. Elle indique qu'en fait, les magistrats germanophones connaissent le français parce qu'ils ont du obtenir leur diplĂŽme en français. Elle se rĂ©fĂšre Ă©galement aux lĂ©gislations relatives Ă  la Cour constitutionnelle, Ă  la Cour de cassation et au Conseil d'Etat qui comprennent des dispositions similaires et estime, en consĂ©quence, que le lĂ©gislateur "a pu raisonnablement considĂ©rer qu'il convenait de prendre, Ă  l'Ă©gard du Conseil supĂ©rieur, une disposition comparable Ă  celles qui s'appliquent aux 3 juridictions supĂ©rieures dont la compĂ©tence territoriale s'Ă©tend Ă  toute la Belgique". (p.549 - leçon 18)

(15) CE 141.188, du 24 février 2005 - Meulemeester et Ville de Charleroi, affaires courantes + CE 166.925, du 18 janvier 2007 - Meulemeester et Ville de Charleroi, affaires courantes

Longtemps, le Conseil d'Etat s'est dĂ©clarĂ© incompĂ©tent pour sanctionner un gouvernement qui a pris un acte administratif qui excĂšde le cadre des affaires courantes. Dans un arrĂȘt du 14 juillet 1975, il modifie sa jurisprudence et annule un arrĂȘtĂ© royal du 18 janvier 1983 qui fixait les cadres linguistiques de la C.G.E.R. Il est remarquable que l'obligation de fixer ceux-ci s'imposait au gouvernement depuis 1966. Le Conseil d'Etat a relevĂ© qu'il n'apparaissait pas "que cette nĂ©cessitĂ© fut devenue, en janvier 1973, impĂ©rieuse et urgente au point de mettre en pĂ©ril la continuitĂ© du service public s'il n'y Ă©tait pas immĂ©diatement pourvu". Progressivement, cette jurisprudence a Ă©tĂ© affinĂ©e au point qu'aujourd'hui, le Conseil d'Etat distingue les AFFAIRES COURANTES et les AFFAIRES DE GOUVERNEMENT. Dans l'arrĂȘt Meulemeester et Ville de Charleroi oĂč il est reprochĂ© au gouvernement wallon, alors dĂ©missionnaire, d'avoir dĂ©livrĂ© un permis d'environnement, le Conseil d'Etat relĂšve que "lorsqu'un gouvernement ne dispose plus de la plĂ©nitude de ses pouvoirs dans la pĂ©riode oĂč il Ă©chappe au contrĂŽle des assemblĂ©es Ă©lues, il peut uniquement expĂ©dier ce qu'on appelle 'les affaires courantes' " et "que CETTE NOTION S'OPPOSE À CELLE 'D'AFFAIRE DE GOUVERNEMENT', QUI CONCERNE DES AFFAIRES IMPLIQUANT DES OPTIONS DONT L'IMPORTANCE SUR LE PLAN DE LA POLITIQUE GÉNÉRALE ES PAR ESSENCE TELLE QUE CES AFFAIRES NE POURRAIENT ÊTRE DÉCIDÉES QUE PAR UN GOUVERNEMENT QUI A L'APPUI DU PARLEMENT ET QUI RISQUE DE PERDRE CET APPUI EN RAISON DE LA DÉCISION QU'IL A PRISE". Il constate cependant "qu'en l'espĂšce, le dossier n'a qu'une dimension locale et ne paraĂźt pas prĂ©senter un enjeu Ă©lectoral rĂ©gional". Le Conseil d'Etat constate "qu'en tout cas, le requĂ©rant ne dĂ©montre pas en quoi la dĂ©cision attaquĂ©e revĂȘtirait un tel enjeu" et "que le fait que le projet ait suscitĂ© de nombreuses oppositions et ait reçu l'avis dĂ©favorable de la commune sur le territoire sur laquelle il est destinĂ© Ă  s'implanter ne le fait pas enter dans la catĂ©gorie des affaires de gouvernement". La jurisprudence du Conseil d'Etat permet de distinguer 3 catĂ©gories d'affaires courantes : les affaires qui relĂšvent de la gestion quotidienne des affaires publiques, les affaires en cours qui constituent l'aboutissement normal de procĂ©dures entamĂ©es avant la dĂ©mission du gouvernement, et les affaires urgentes. (p.478 - leçon 15)

(18) CC 124/2010, du 28 octobre 2010 - loyauté fédérale, inspection + CC 95/2010, du 29 juillet 2010 - loyauté fédérale, inspection + CC 7/2012, du 18 janvier 2012 - loyauté fédérale, écoles flamandes de Bruxelles

Lors de la 6eme rĂ©forme de l'État, le lĂ©gislateur spĂ©cial a incorporĂ© l'article 143 §1 de la Constitution dans les normes de contrĂŽle afin de permettre Ă  la Cour de veiller au respect de la loyautĂ© fĂ©dĂ©rale. Il lui appartient donc de "vĂ©rifier si un lĂ©gislateur a, par son intervention, rendu par l'exercice des compĂ©tences des autres lĂ©gislateurs impossible ou exagĂ©rĂ©ment difficile". Ce faisant, le lĂ©gislateur spĂ©cial confĂšre Ă  la juridiction constitutionnelle une facultĂ© dont elle usait dĂ©jĂ . La loyautĂ© fĂ©dĂ©rale (inspirĂ©e de la notion de BUNDESTREUE bien connue de la jurisprudence constitutionnelle allemande) est un concept proche de la notion D'ABUS DE DROIT. Originellement, le constituant avait entendu interdire toute intervention de la Cour constitutionnelle en la matiĂšre. Il appartenait exclusivement au SĂ©nat de veiller au respect de ce principe. Cependant, dans un premier temps, notamment par rĂ©fĂ©rence au principe de proportionnalitĂ©, la Cour constitutionnelle n'a pas hĂ©sitĂ© Ă  sanctionner les abus de droit se rendrait coupable une assemblĂ©e lĂ©gislatives. Ensuite, en 2010, elle se rĂ©fĂšre expressĂ©ment au PRINCIPE DE LA LOYAUTÉ FÉDÉRALE, Ă  propos d'un dĂ©cret de la CommunautĂ© flamande qui visait Ă  confier aux services d'inspection de la CommunautĂ© flamande bien, et non plus Ă  ceux de la française, le soin de contrĂŽler les Ă©coles francophones situĂ©es dans les communes Ă  statut linguistique spĂ©cial de la pĂ©riphĂ©rie bruxelloise. À cette occasion, elle indique que : "aux termes de l'article 143, §1, de la Constitution, dans l'exercice de leurs compĂ©tences respectives, l'État fĂ©dĂ©ral, les CommunautĂ©s, les RĂ©gions et la commission communautaire commune agissent dans le respect de la loyautĂ© fĂ©dĂ©rale". Elle ajoute que "le principe de loyautĂ© fĂ©dĂ©rale, selon les travaux prĂ©paratoires de cet article de la Constitution, implique, pour l'autoritĂ© fĂ©dĂ©rale et pour les entitĂ©s fĂ©dĂ©rĂ©es, l'obligation de ne pas perturber l'Ă©quilibre de la Constitution fĂ©dĂ©rale dans son ensemble, lorsqu'elles exercent leurs compĂ©tences". Elle en conclut que le principe "concerne plus le simple exercice des compĂ©tences : il indique dans quel esprit cela doit se faire". Appliquant ces principes, elle constate que le nombre d'Ă©lĂšves frĂ©quentant les Ă©coles francophones de la pĂ©riphĂ©rie poursuivent leurs Ă©tudes dans des Ă©coles de la CommunautĂ© française et que leurs pouvoirs organisateur peuvent solliciter de la CommunautĂ© flamande de dĂ©rogations aux rĂšgles relatives au programme d'Ă©tude. DĂšs lors, Ă  son estime, serait "incompatible avec le principe de loyautĂ© fĂ©dĂ©rale (...), la mesure par laquelle le Gouvernement flamand retirerait l'agrĂ©ment, ou mettrait fin au financement ou au subventionnement d'une Ă©cole francophone d'une commune pĂ©riphĂ©rique qui aurait introduit une demande de dĂ©rogation et approuvĂ© le programme d'Ă©tudes et tant que le Parlement flamand n'a pas confirmĂ© la dĂ©cision du Gouvernement flamand relative Ă  la demande de dĂ©rogation". La Cour considĂšre donc que le principe de la loyautĂ© fĂ©dĂ©rale contraint les autoritĂ©s flamandes Ă  permettre une adaptation des programmes d'Ă©tudes pour les Ă©lĂšves qui frĂ©quentent les Ă©coles primaires francophones de la pĂ©riphĂ©rie bruxelloise de telle maniĂšre qu'ils puissent poursuivre, sans dĂ©sagrĂ©ment, leurs Ă©tudes dans l'enseignement secondaire de la CommunautĂ© française. Par contre, dans une autre affaire, la Cour considĂšre que le lĂ©gislateur flamand ne mĂ©connaĂźt pas la loyautĂ© fĂ©dĂ©rale en instituant un droit de prioritĂ© dans les Ă©coles nĂ©erlandophones de la RĂ©gion de Bruxelles-Capitale au bĂ©nĂ©fice des enfants dont les parents sont capables d'apporter la preuve de l'usage du nĂ©erlandais dans le milieu familial. La CommunautĂ© française soutient que ce systĂšme aboutit, "mathĂ©matiquement, Ă  faire peser une charge supplĂ©mentaire sur l'enseignement francophone Ă  Bruxelles, alors que l'offre y est aussi insuffisante et que les Ă©lĂšves allochtones, que la disposition attaquĂ©e empĂȘche d'accĂ©der Ă  l'enseignement nĂ©erlandophone, peuvent conduire Ă  mettre en pĂ©ril l'Ă©quilibre de certaines classes de l'enseignement francophone". La Cour constate que "elle nombre de places disponibles dans l'enseignement est, dans la rĂ©gion bilingue de Bruxelles-Capitale, insuffisant tant en ce qui concerne l'enseignement francophone qu'en ce qui concerne l'enseignement nĂ©erlandophone" et que "le lĂ©gislateur dĂ©crĂ©ta ne manque pas Ă  la loyautĂ© fĂ©dĂ©rale en cherchant Ă  rĂ©soudre, Ă  dĂ©faut de concertation entre les autoritĂ©s concernĂ©es, les difficultĂ©s auxquelles se heurtent les Ă©tablissements qui relĂšvent de sa compĂ©tence". (p.567 - leçon 18)

(13) Référé Bruxelles, du 30 janvier et du 05 février 1997 - DoutrÚwe, mesures de contrainte

Lors des travaux de la commission de la Chambre relative aux disparitions d'enfants, deux tĂ©moins sont invitĂ©s, devant les camĂ©ras de la tĂ©lĂ©vision, Ă  remettre leurs notes personnelles au prĂ©sident de la commission. Une telle dĂ©marche s'apparente Ă  une saisie et nĂ©cessite dĂšs lors l'intervention d'un magistrat. Ceci est confirmĂ© par le prĂ©sident du Tribunal de premiĂšre instance de Bruxelles siĂ©geant en rĂ©fĂ©rĂ©, lequel relĂšve Ă  propos de la saisie des notes personnelles de Martine DoutrĂšwe "que la lecture contenu de ces notes ou tout au moins des notes publiĂ©es dans l'article litigieux fait bien apparaĂźtre que madame Martine DoutrĂšwe n'envisageait pas de remettre celles-ci lorsqu'elle fĂ»t appelĂ©e Ă  tĂ©moigner devant la commission d'enquĂȘte parlementaire (...) ; que la contrainte Ă  les remettre, telle qu'allĂ©guĂ©e par madame DoutrĂšwe, apparaĂźt dĂšs lors vraisemblable ; que les conditions dans lesquelles a eu lieu cette prise de documents est Ă  mettre en relation avec des paroles rappelĂ©es Ă  chaque tĂ©moin, avant son audition (n.d.a : le droit du tĂ©moin de ne pas tĂ©moigner contre lui mĂȘme), concernant sa dĂ©fense ; qu'il y a dĂšs lors comme le soutien madame DoutrĂšwe, apparence d'irrĂ©gularitĂ©s". L'interdiction faite par la mĂȘme commission aux tĂ©moins de quitter l'enceinte du Parlement et mĂȘme d'y circuler librement revĂȘt Ă©galement un caractĂšre irrĂ©gulier, toute privation de libertĂ© supposant l'intervention d'un magistrat". (p.413 - leçon 13)

(3) Problématique de la révision de la Constitution en 1968 sous le gouvernement Vanden Boeynants

Lorsque chacune des chambres a votĂ© la dĂ©claration de rĂ©vision, le Roi fait, Ă  son tour, une dĂ©claration semblable, laquelle est Ă©videmment contresignĂ©e par un ou plusieurs ministres. Une question particuliĂšre se pose cependant. Un gouvernement dĂ©missionnaire peut-il contresigner une dĂ©claration de rĂ©vision de la Constitution ? La question se pose, pour la premiĂšre fois, en 1968. Les chambres Ă©lus en 1965 sont constituantes, mais n'ont pu rĂ©viser que 2 articles d'importance secondaire. ne pouvait s'accorder sur le sort de l'UniversitĂ© francophone de Louvain, le gouvernement dirigĂ© par Paul Vanden Boeynants dĂ©missionne. Si les chambres ont conservĂ© la plĂ©nitude de leurs attributions et peuvent incontestablement entamer le processus de rĂ©vision, en est-il de mĂȘme pour le Roi, dont l'intervention est indispensable ? Le SĂ©nat estime que rien n'empĂȘche le Roi de faire une dĂ©claration de rĂ©vision sous le contreseing d'un ministre dĂ©missionnaire. La Chambre, par contre, considĂšre qu'un ministre dĂ©missionnaire ne peut donner son contreseing Ă  une dĂ©claration de rĂ©vision qui porterait sur des nouvelles dispositions constitutionnelles. La compĂ©tence du Roi agissant sous le contreseing d'un ministre dĂ©missionnaire se limite, Ă  son sens, Ă  procĂ©der Ă  une dĂ©claration reproduisant textuellement celle de 1965. Cette seconde solution est retenue. (p.92 - leçon 3)

(6) Consultation populaire de 1950 sur la question royale

On ne peut évoquer la question du référendum en Belgique sans se référer à la loi du 11 février 1950 qui institue une consultation populaire au sujet de la question royale. Les citoyens sont interrogés sur la question de savoir s'ils sont d'avis "que le Roi Léopold III reprenne l'exercice de ses pouvoirs constitutionnels". 57,68% des votants répondent par oui à cette question. Cependant, si en Flandre, 72,2% d'entre eux souhaitent le retour du Roi, ils ne sont que 48,16% dans l'arrondissement de Bruxelles et 42% en Wallonie. Les chambres constatent alors la fin de l'impossibilité de régner du Roi, mais quelques jours plus tard, celui-ci, tirant les leçons du scrutin et anticipant en quelque sorte les rÚgles de la démocratie fédérale, s'efface. Le référendum de 1950 est une consultation populaire d'option. Le pouvoir législatif demande au corps électoral de porter un jugement sur le chef de l'Etat et sur l'opportunité de le voir reprendre l'exercice de ses fonctions. La constitutionnalité de cette initiative est plus que douteuse. Tout d'abord, elle a, par nature, un caractÚre décisoire. En effet, il est illusoire d'affirmer qu'aprÚs avoir procédé à la consultation, le pouvoir législatif pouvait ignorer la voie tracée par la majorité des citoyens. Ensuite, et plus fondamentalement, elle crée un débat politique sur la personne royale, impliquant que chaque citoyen belge prenne attitude sur sa conduite et porte un jugement de valeur sur les actes et opinions qui ont été les siens pendant la guerre. Or, constitutionnellement, le Roi étant inviolable et irresponsable, sa personne doit demeurer en dehors du débat politique. Il n'est donc pas concevable d'organiser à son égard une forme de plébiscite, ce qu'était à l'évidence la consultation populaire de 1950. (p.192 - leçon 6)

(5) Cour d'appel de Gand, du 19 novembre 2015 - portée de l'article 159 de la Constitution

On notera cependant un intĂ©ressant arrĂȘt de la Cour d'appel de Gand du 19 novembre 2015 qui tempĂšre la position prise par la Cour de cassation. La cour d'appel estime que, "nonobstant la portĂ©e de l'article 159 de la Constitution, lorsqu'une demande portĂ©e devant une juridiction judiciaire et une demande qui avait Ă©tĂ© traitĂ©e par le Conseil d'Etat ont le mĂȘme objet, il doit ĂȘtre admis que constitue un principe gĂ©nĂ©ral de droit le fait qu'un arrĂȘt de rejet du Conseil d'Etat ait autoritĂ© de chose jugĂ©e, cette rĂšgle ne se limitant pas aux effets d'un arrĂȘt d'annulation". L'arrĂȘt ajoute que "la possibilitĂ© pour les justifiables, aprĂšs que le Conseil d'Etat a rejetĂ© leurs moyens visant Ă  l'annulation d'un acte administration individuel, d'encore se diriger vers les cours et tribunaux pour soumettre Ă  nouveau les mĂȘmes moyens Ă  ce juge, afin d'obtenir que ce mĂȘme acte administratif individuel soit dĂ©clarĂ© irrĂ©gulier et ne puisse pas ĂȘtre appliquĂ©, est contraire Ă  la sĂ©curitĂ© juridique, la cohĂ©rence et l'Ă©conomie procĂ©durale, qui peuvent et doivent ĂȘtre attendues d'un appareil judiciaire Ă©tatique fonctionnant correctement". (p.170 - leçon 5)

(17) Cass., du 03 mai 1974 - Le Compte, pouvoirs spéciaux

Par l'arrĂȘt Le Compte, la Cour de cassation met fin Ă  toutes controverses en la matiĂšre. Elle se fonde sur la DISTINCTION entre le pouvoir rĂ©glementaire D'EXÉCUTION et le pouvoir rĂ©glementaire D'ATTRIBUTION qui trouve sa source dans L'ARTICLE 105 DE LA CONSTITUTION, aux termes duquel "le Roi n'a d'autres pouvoirs que ceux que lui attribuent formellement la Constitution et LES LOIS PARTICULIÈRES PORTÉES EN VERTU DE LA CONSTITUTION MÊME". La Cour de cassation considĂšre qu'une loi particuliĂšre, prise ne vertu de la Constitution, peut Ă©tendre le pouvoir rĂ©glementaire du Roi au-delĂ  des limites fixĂ©es par l'article 108. Une loi d'habilitation n'est, toutefois, conforme Ă  la Constitution que si elle n'attribue au Roi des pouvoirs rĂ©siduels, c'est-Ă -dire des pouvoirs que la loi fondamentale n'a pas rĂ©servĂ©s au lĂ©gislateur. Sont, en principe, inconstitutionnelles, les lois des pouvoirs spĂ©ciaux qui autorisent le Roi Ă  modifier ou complĂ©ter la lĂ©gislation relative aux impĂŽts, alors que les articles 170 et 171 rĂ©servent expressĂ©ment cette matiĂšre au pouvoir lĂ©gislatif. La Cour constitutionnelle n'a pas manquĂ© de nuancer fortement cette affirmation. Par ailleurs, un dĂ©cret ou une ordonnance peut, dans le respect des principes applicables au niveau fĂ©dĂ©ral, habiliter le gouvernement rĂ©gional ou communautaire Ă  prendre, dans les limites des compĂ©tences de l'entitĂ© fĂ©dĂ©rĂ©e concernĂ©e, des arrĂȘtĂ©s de pouvoirs spĂ©ciaux, et cela, mĂȘme si cette terminologie semble usitĂ©e exclusivement au niveau fĂ©dĂ©ral. (p.531 - leçon 17)

(8) CC 30/2003, du 26 février 2003 - BHV, suspension

Par son arrĂȘt n°30/2003, la Cour constitutionnelle suspend nombre de dispositions de la loi du 13 dĂ©cembre 2002 qui concernent la circonscription de Bruxelles-Hal-Vilvorde. Elle retient, Ă  ce stade de son examen, le grief des requĂ©rants relatif Ă  la violation des articles 10 et 11 combinĂ©s avec l'article 63 de la Constitution, en vertu duquel "chaque circonscription Ă©lectorale compte autant de siĂšges que le chiffre de sa population contient de fois le diviseur fĂ©dĂ©ral obtenu en divisant le chiffre de la population du Royaume par 150". Elle fait grief au lĂ©gislateur d'opĂ©rer une rĂ©partition des siĂšges par l'Ă©lection de la Chambre des reprĂ©sentants dans les circonscriptions Ă©lectorales de Bruxelles-Hal-Vilvorde et de Louvain non pas en fonction du chiffre de la population, comme le prescrit l'article 63 de la Constitution, mais en fonction du comportement Ă©lectoral, ce qui aurait pour effet que le nombre de 7 siĂšges constitutionnellement fixĂ© pour la circonscription Ă©lectorale de Louvain ne serait pas garanti. Elle n'a donc pas Ă©gard Ă  la position du Gouvernement fĂ©dĂ©ral consistant Ă  faire comme si Bruxelles-Hal-Vilvorde et Louvain constituaient une seule circonscription Ă©lectorale en vue de la rĂ©partition des siĂšges entre les candidats nĂ©erlandophones, dans la mesure oĂč ceci n'est, selon elle, pas conciliable avec la dĂ©cision, prise par le lĂ©gislateur lui-mĂȘme, d'Ă©tablir deux circonscriptions Ă©lectorales distinctes. La crĂ©ation, pour les listes nĂ©erlandophones, d'un territoire Ă©lectoral formĂ© de deux circonscriptions est donc suspendue. Il en est rĂ©sultĂ© que les Ă©lections du 18 mai 2003 ont Ă©tĂ© organisĂ©es sur l'ensemble du territoire nationale sur la base de circonscriptions provinciales, Ă  l'exception de l'ancien territoire de la province de Brabant oĂč elles ont Ă©tĂ© organisĂ©es sur la base des rĂšgles anciennes. (p.241 - leçon 8)

(23) CE 225.602, du 26 novembre 2013 - Berquin, pouvoirs du Roi

Un arrĂȘt du Conseil d'Etat mĂ©rite une attention particuliĂšre. Il est fait reproche au ministre de la DĂ©fense nationale d'avoir refusĂ© d'exonĂ©rer un ancien militaire du remboursement des frais de formation engagĂ©s pour son compte par la DĂ©fense nationale. DĂšs lors que la dĂ©cision d'accorder cette exonĂ©ration appartient, en vertu de la loi, au Roi, le requĂ©rant considĂ©rait que le refus qui lui Ă©tait opposĂ© devait ĂȘtre dĂ©cidĂ© par la mĂȘme autoritĂ©. Le Conseil d'Etat fait droit Ă  sa demande et indique que "le pouvoir d'autoriser a pour corollaire celui de refuser, et inversement ; que l'autoritĂ© Ă  laquelle le pouvoir Ă©tĂ© confiĂ© doit ĂȘtre en mesure de l'exercer pleinement, ce qui ne lui est pas possible si une partie seulement des cas d'application sont portĂ©s Ă  sa connaissance ; que mĂȘme si le Roi agit sur la proposition d'un ministre, il n'en reste pas moins qu'il dispose constitutionnellement d'un pouvoir propre, raisonner autrement reviendrait Ă  modifier l'ordre constitutionnel des compĂ©tences et Ă  ne plus reconnaĂźtre au Roi qu'un rĂŽle purement protocolaire". Cette dĂ©cision laisse perplexe. Il est hors de doute que l'acte attaquĂ© Ă©tait irrĂ©gulier dĂšs lors qu'il devait prendre la forme d'un arrĂȘtĂ© royal. Par contre, affirmer que le Roi dispose d'un POUVOIR PROPRE est inexact en droit. En effet, il dispose simplement de PREROGATIVES. Or, prĂ©cisĂ©ment, ce sont l'existence de celles-ci qui, outre le rĂŽle du Roi dans la formation des gouvernements, distinguent le systĂšme belge des monarchies protocolaires. Le Conseil d'Etat aurait donc mieux fait de motiver sa dĂ©cision en indiquant qu'en s'abstenant de prendre sa dĂ©cision sous la forme d'un arrĂȘtĂ© royal, l'Etat belge a privĂ© le Roi de la facultĂ© d'exercer, dans le cadre du colloque constitutionnel, les prĂ©rogatives qui sont les siennes. (p.778 - leçon 23)

(14) CE 217.984, du 14 février 2012 - Youlal, cabinets ministériels + CE 22.198, du 13 janvier 2013 - Youlal, cabinets ministériels

Une affaire Youlal permet encore de prĂ©ciser les exigences du Conseil d'État dans ce domaine. AsmaĂ© Youlal travaillait au cabinet d'une ministre de la RĂ©gion de Bruxelles-Capitale. Il est mis fin une premiĂšre fois Ă  ses fonctions par une dĂ©cision dĂ©pourvue de motivation. Cette dĂ©cision est annulĂ©e par le Conseil d'État. Celui-ci admet qu'en "ce qui concerne les membres de cabinets ministĂ©riels, la rupture du lien de confiance n'est pas nĂ©cessairement fondĂ©e sur des faits prĂ©cis et, par consĂ©quent, peut ĂȘtre impossible a objectiver, ce qui rĂ©duira forcĂ©ment la motivation formelle de l'acte mettant un terme aux fonctions d'un collaborateur personnel du ministre Ă  une formule stĂ©rĂ©otypĂ©e". Il ajoute cependant que "la dĂ©cision ne comportant aucune motivation formelle, fut-elle succincte ou stĂ©rĂ©otypĂ©e (...), la requĂ©rante a pu effectivement douter des raisons pour lesquels il Ă©tait mis fin Ă  ses fonctions". L'autoritĂ© reprend sa dĂ©cision et consigne dans un courrier circonstanciĂ© tous les manquements qui lui sont reprochĂ©s, soit un manque de maĂźtrise des dossiers et des contrats difficiles avec certains de ses interlocuteurs. À nouveau saisi par l'intĂ©ressĂ©e, le Conseil d'État annule cette deuxiĂšme dĂ©cision. Il rappelle que "lorsque une autoritĂ© administrative se propose de prendre Ă  l'Ă©gard d'un membre de son personnel, en raison de son comportement, une mesure grave, telle un licenciement, elle doit, en vertu du principe audi alteram partem, l'en informer au prĂ©alable, lui indiquer les griefs qui lui sont faits, lui donner connaissance des Ă©lĂ©ments sur lesquels elle se fonde et lui permettre de s'expliquer ; que le respect du principe audi alteram partem implique Ă©galement que l'agent ait accĂšs au dossier rassemblant toutes les piĂšces sur lesquelles l'autoritĂ© administrative entend se fonder". Or, en l'espĂšce, mĂȘme si AsmaĂ© Youlal a Ă©tĂ© reçue par la ministre et son chef de cabinet et qu'Ă  cette occasion elle a pu dĂ©battre des reproches qui lui Ă©taient faits, elle n'Ă©tait pas pleinement informĂ©e de la rĂ©alitĂ© de ceux-ci puisque le lendemain, par courrier Ă©lectronique, elle a encore sollicitĂ© des explications Ă  leur propos. (p. 436 - leçon 14)

(17) CE 227.775, du 20 juin 2014 - Caprasse, circulaires Peeters + CE 227.776, du 20 juin 2014 - Thiéry, circulaires Peeters

VĂ©ronique Caprasse, invoquant l'article 1382 du Code civil, estime avoir subi un dommage consĂ©cutif au refus de la RĂ©gion de la nommer en qualitĂ© de bourgmestre de Crainhem, prĂ©cisĂ©ment parce que qu'elle ne s'Ă©tait pas engagĂ©e Ă  respecter l'interprĂ©tation flamande de la lĂ©gislation linguistique. Le ministre en avait dĂ©duit qu'elle n'avait pas les qualitĂ©s morales nĂ©cessaires pour exercer la fonction. Le Tribunal de premiĂšre instance de Bruxelles, se fondant notamment sur l'arrĂȘt prĂ©citĂ© de la Cour d'appel de Mons, constate que la RĂ©gion flamande n'est pas fondĂ©e Ă  livrer une interprĂ©tation authentique de la lĂ©gislation linguistique fĂ©dĂ©rale et rappelle que les arrĂȘts de rejet du Conseil d'État n'ont pas autoritĂ© absolue de chose jugĂ©e. En consĂ©quence, il condamne la RĂ©gion flamande Ă  payer d'importants dommages et intĂ©rĂȘts Ă  l'intĂ©ressĂ©e. Ce dĂ©bat trouve sans doute son Ă©pilogue dans des arrĂȘts rendus par l'assemblĂ©e gĂ©nĂ©rale de la section contentieux administratif du Conseil d'Etat dans le cadre de la dĂ©licate question de nomination de certains bourgmestres de communes Ă  statut linguistique spĂ©cial de la pĂ©riphĂ©rie bruxelloise. Cette juridiction, paritaire sur le plan linguistique, est appelĂ©e Ă  dĂ©terminer si il peut ĂȘtre reprochĂ© Ă  des bourgmestres d'avoir refusĂ© de faire application de la circulaire Peeters. Elle constate, d'une part, que l'interprĂ©tation de la loi sur l'emploi des langues, selon laquelle il suffirait que dans les communes pĂ©riphĂ©riques, les particuliers qui expriment le souhait que le français soit utilisĂ© dans leur relation avec l'autoritĂ© communale, reçoivent automatiquement Ă  nouveau les documents en français par la suite jusqu'Ă  la fin de leurs jours, n'est pas conciliable avec la primautĂ© du nĂ©erlandais dans la RĂ©gion de langue nĂ©erlandaise. D'autre part, elle observe que l'interprĂ©tation qui consiste Ă  exiger d'un particulier une dĂ©marche spĂ©cifique chaque fois qu'il souhaite bĂ©nĂ©ficier de l'usage du français restreint de maniĂšre disproportionnĂ©e les droits garantis par la loi sur l'emploi des langues en matiĂšre administrative. Afin de respecter Ă  la fois la primautĂ© du nĂ©erlandais dans la RĂ©gion unilingue nĂ©erlandaise et les droits garantis aux particuliers par la loi sur l'emploi des langues, l'assemblĂ©e gĂ©nĂ©rale estime que celui qui souhaite ĂȘtre servi en français doit exprimer son souhait au moyen d'une lettre qu'il envoie ou dĂ©pose Ă  l'administration communale. Ce choix vaut pour une pĂ©riode raisonnable, Ă  savoir 4 ans, et renouvelable. En outre, le particulier peut, lors d'un contact verbal ponctuel ou relativement Ă  un document dĂ©terminĂ©, toujours solliciter l'usage du français. (p.529 - leçon 17)


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